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00:00Rémi Bourgeois, vous êtes donc économiste, ingénieur et chercheur associé à l'IRIS.
00:03Peut-être déjà un commentaire sur ce qui vient d'être dit ?
00:06Je vous ai vu regarder l'intervention de Mathieu Mabin avec attention.
00:09Non, c'est très important effectivement de comprendre cette stratégie de puissance chinoise
00:13dans toutes les directions possibles.
00:16Ensuite, la Chine est confrontée d'importantes difficultés aussi.
00:19Alors, le problème exactement inverse de l'Occident sur le plan économique et industriel,
00:24c'est qu'elle a un régime systématique de surproduction, un problème chronique.
00:30Du coup, elle a de très grandes difficultés à s'ajuster et à faire des concessions
00:36dans le sens d'un équilibrage, notamment avec les États-Unis.
00:40Et c'est aussi pour ça qu'ils tiennent tête à Washington, à Donald Trump, au contraire des Européens.
00:48Mais on voit que les deux sont aussi très dépendants.
00:52On l'a vu sur le dossier très chaud, brûlant des terres rares,
00:57où c'était aussi l'arme nucléaire qui était sortie par Pékin.
01:02Ça a été pris très au sérieux aussi par les Américains.
01:05Ensuite, finalement, on a une forme de début d'accord,
01:08mais avec l'idée d'en reparler tous les ans, ce qui reste quand même extrêmement précaire.
01:14Et l'Europe est prise en étau au milieu, sans stratégie industrielle,
01:18en naviguant à vue et de son côté en faisant des concessions absolument extraordinaires vis-à-vis des États-Unis.
01:26Alors justement, c'est l'une des infos de la semaine.
01:28Pour la première fois, j'ai vu passer ça ce matin,
01:29la Chine dégage un excédent commercial plus important vis-à-vis de l'Europe que des États-Unis.
01:34310 milliards pour l'Europe, 302 pour les États-Unis.
01:38L'avenir de l'industrie européenne, il se joue maintenant, ce n'est pas exagéré de le dire ?
01:42Alors voilà, la situation est extrêmement préoccupante.
01:45Les politiques sont complètement perdues, ils naviguent à vue.
01:48Alors effectivement, la Chine, confrontée à cette politique américaine,
01:54réoriente aussi ses exportations assez directement vers d'autres zones,
01:58en particulier vers l'Union européenne.
02:00Et quand on parle de Chine et autres, je parle de la marque,
02:05c'est effectivement la partie émergée de l'iceberg.
02:07C'est l'un des vecteurs.
02:08C'est bien, cette avalanche de biens qui se déverse sur l'Europe.
02:13Avec notamment 7000 nouvelles références chaque jour.
02:16Voilà, donc c'est d'autant plus problématique pour l'Europe.
02:18Elle a le problème de la Chine qui s'aggrave.
02:21En plus, il ne s'agit pas simplement d'une énorme production,
02:25il s'agit vraiment d'une montée en gamme extraordinaire de la Chine,
02:28d'une course technologique avec des défis que la Chine relève,
02:34avec des difficultés, mais avec une détermination absolument certaine.
02:39En quantité et en qualité, c'est ce que vous nous dites.
02:40Voilà, oui.
02:41Alors, ce n'est pas sur les mêmes biens.
02:42On voit tous ces biens de très faible qualité qui s'abattent sur l'Europe,
02:46mais de l'autre côté, sur tous les fronts technologiques importants,
02:50même dans les semi-conducteurs aujourd'hui.
02:52Bon, ce n'est pas complètement gagné, mais ils font un effort énorme.
02:55Et petit à petit, ils y arrivent, ils forment énormément d'ingénieurs,
02:58et non seulement ils les forment, mais ensuite ils les utilisent,
03:00ce qui paraît presque exotique du point de vue européen aujourd'hui.
03:05Et de l'autre côté, on est les États-Unis qui, petit à petit,
03:08de façon en fait assez bipartisan, se réveillent face aux défis technologiques.
03:13Ils ont une énorme avance dans ce qui relève du numérique,
03:16avec la big tech californienne, et ils imposent ce diktat à l'Europe,
03:22qui n'a plus aucune stratégie, avec ces concessions absolument incroyables
03:26d'Ozola von der Leyen, et cette érosion continue de la puissance industrielle européenne,
03:35avec derrière tout ça, évidemment, le problème énergétique,
03:39qui est absolument crucial et qui précipite les choses.
03:41On le voit notamment en Allemagne, avec ses fermetures d'usines,
03:45cette profonde crise industrielle.
03:47On a justement appris que la Chine est désormais le premier partenaire de l'Allemagne.
03:51L'Allemagne qui s'est finalement détournée de la Russie,
03:53après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en 2022,
03:55se détourner de Moscou pour aller dans les bras de Pékin.
03:58Ça vous surprend ? Ça correspond à quelle logique commerciale, finalement ?
04:01Alors, l'Allemagne a parié sur la Chine de façon très forte depuis les années 2000.
04:06C'était vraiment l'Eldorado, et ça justifiait aussi la compression des coûts salariaux.
04:11En Allemagne, c'était vraiment la terre promise pour les exportations allemandes.
04:17Ce qui s'est passé entre-temps, c'est que la Chine est énormément montée en gamme.
04:20Elle a de moins en moins besoin des biens importés d'Allemagne,
04:24notamment les machines-outils.
04:27Et de l'autre côté, la Chine est une grande puissance économique, industrielle,
04:32montant en gamme.
04:34Et aujourd'hui, la stratégie allemande est largement perdante de ce point de vue-là.
04:38Que la première puissance européenne, comme l'Allemagne, soit d'une certaine manière dépendante de Pékin, c'est problématique ?
04:44Oui, alors l'Allemagne a eu cette stratégie généralisée de dépendre énormément en termes d'exportation,
04:50de destination d'exportation, en termes d'importation énergétique, en termes de production aussi,
04:57en intégrant l'Europe centrale à ses chaînes de valeurs,
05:03et finalement au détriment de l'innovation, du travail vraiment de progrès technologique,
05:09et en ne se positionnant pas sur les nouveaux secteurs.
05:11Donc avec cette dépendance complètement incroyable à l'automobile,
05:15et en plus sur des technologies, disons, qu'on voulait remplacer.
05:18Et ce n'est pas réaliste finalement, en parlant de l'électrique.
05:23Donc on a un vrai problème, un vrai blocage stratégique au niveau de l'Allemagne.
05:29Mais l'Allemagne part de plus haut dans la chute que la France.
05:33C'est ce qui se passe sur le plan industriel.
05:35Mais aujourd'hui, le modèle allemand est à terre.
05:38Et du côté français, en plus, on subit les contre-coûts.
05:41Bon, avec notamment ce système énergétique assez ahurissant,
05:46où on doit payer les prix énergétiques européens, dans l'électricité en particulier.
05:51Il y a cette déclaration d'Emmanuel Macron hier,
05:54qui dit vouloir une préférence européenne dans le domaine de la quête de la tech
05:57pour ne pas être vassal des Etats-Unis, mais également de la Chine.
06:00Ce retard dans le monde de la tech, il est irratrapable pour les Européens vis-à-vis de la Chine ?
06:05En fait, les choses s'aggravent énormément.
06:06On a eu ces concessions incroyables de la Commission européenne.
06:10Et aujourd'hui, les réglementations sont en train d'être détricotées
06:13pour favoriser les groupes américains à la demande express de Donald Trump.
06:18La souveraineté européenne, c'est fini.
06:19Aujourd'hui, ça n'est même plus sur la table.
06:22Ils font exactement l'inverse.
06:24Et ensuite, ils viennent maquiller ça en disant que c'est pour encourager l'innovation.
06:29Alors effectivement, ces réglementations, elles sont problématiques aussi pour les entreprises européennes.
06:33On le voyait avec l'Air Act.
06:34Mais là, c'est vraiment sous le diktat américain qu'on détricote ces réglementations.
06:39et dans le sens qu'il leur est favorable.
06:41Il ne s'agit absolument pas d'aller encourager les entreprises européennes.
06:46Donc là, les gouvernants européens sont très embarrassés par le cas von der Leyen.
06:51On ne peut pas présenter les choses autrement.
06:53Et elle est encore là pour plusieurs années.
06:54Oui, il aurait fallu s'en débarrasser au moment...
06:57Cet été, avec cette sorte de trahison des intérêts européens au vu au sud de tout le monde.
07:04Et aujourd'hui, on essaye de présenter les choses de façon moins défavorable.
07:08Il y a notamment cet exemple d'Airbus.
07:10Les Chinois ont réussi à faire une copie presque parfaite de l'A320.
07:14Et les exemples sont nombreux.
07:15Alors, presque parfaite, comme un crime.
07:17Sauf le mot de la...
07:18Voilà, on a réussi quelque part.
07:21Il y a les contourner sur la question de la motorisation, ce qui est quand même essentiel.
07:25Mais ils ont démontré un savoir-faire aussi quand même très important.
07:29Mais vu l'enjeu, ils ont été extrêmement prudents.
07:34Ils voulaient éviter toute mauvaise publicité.
07:37Donc, ils ont été très loin dans l'idée de faire une copie presque parfaite.
07:42Mais aujourd'hui, l'avion ne rivalise pas encore avec ses concurrents européens et américains.
07:49Le mot est peut-être un peu fort.
07:51Mais cette prédation chinoise, où va-t-elle s'arrêter ?
07:54Alors, la limite, quelque part, c'est cette dépendance aux exportations.
08:00Donc, ils sont limités en termes de chiffres, en termes de volume.
08:04Sur le plan qualitatif, en termes de progrès technologique, maintenant, rien ne peut vraiment les arrêter.
08:10Ils sont extrêmement autonomes.
08:12On souffle sur le plan énergétique.
08:14Mais là, on voit cette proximité avec la Russie et avec d'autres pays.
08:19Donc, la Chine a vraiment bâti cette autonomie stratégique, technologique.
08:24Et elle a la capacité éducative, intellectuelle de poursuivre aujourd'hui.
08:30Et ce n'est pas le cas en Europe, où là, il faudra vraiment tout remettre à plat,
08:35notamment sur le plan éducatif, où la situation est désastreuse.
08:38C'est plutôt de s'inspirer de ces projets industriels, d'une façon différente,
08:46avec une culture industrielle et humaine certainement différente.
08:52Mais la Chine est sur une lancée.
08:53Mais la difficulté principale à laquelle elle s'affronte, c'est vraiment cette question des exportations de son modèle,
09:05qui est aussi en difficulté de ce point de vue-là.
09:08Et avec une population qui est vieillissante.
09:10Donc, la situation chinoise est aussi problématique.
09:13Elle est confrontée à d'importantes failles économiques.
09:17Mais en termes de progrès technologique, de montée en gamme,
09:22elle a réussi à relever des paris de façon impressionnante.
09:26Et c'est à nous aussi, maintenant, d'aller se remettre sur ce chemin-là.
09:31Merci, Rémi Bourgeot, d'avoir accepté aujourd'hui l'invitation de France 24.
09:35Merci.
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