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  • il y a 2 jours
Richard Lévy, spécialiste mondial du cortex frontal, professeur de neurologie à Sorbonne Université. Il dirige l’Institut de la mémoire et d’Alzheimer et l’Unité de neurologie comportementale de la Pitié-Salpêtrière. Auteur de “Cortex. Percez les secrets de l’intelligence” (Albin Michel). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-grand-portrait/le-grand-portrait-du-mercredi-19-novembre-2025-6793921

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00:00France Inter, la grande matinale, Sonia de Villers.
00:06J'ai face à moi un spécialiste mondial du cortex frontal ou préfrontal,
00:12un morceau de cerveau dont vous saurez bientôt qu'il est le siège de notre humanité.
00:17Je ne plaisante pas du tout, pas un être vivant sur cette terre n'est doté de cette machine incroyablement complexe et perfectionnée
00:24qui nous permet de penser, d'imaginer, de créer.
00:27En gros, si les hommes à qui la nature n'a pas donné d'ailes n'avaient pas de cortex frontal,
00:33ils n'auraient jamais songé à voler.
00:36Le professeur Richard Lévy a consacré sa vie au cortex en France et aux Etats-Unis.
00:41Il le compare à un chef d'orchestre, en gros.
00:44Nous avons tous dans la caboche un genre d'Herbert von Kairayan dirigeant la 5ème symphonie de Beethoven.
00:50Alors, à la seconde où je vous parle, la docteur, je me demande qu'est-ce qui teinte en moi le violon.
00:57L'alto, la flûte, la caisse claire, la harpe, le tuba.
01:01Si mon cerveau est un grand philharmonique, alors docteur, qui écrit la musique ?
01:06Richard Lévy, l'homme-orchestre, portrait numéro 49.
01:10Bonjour Richard Lévy.
01:31Bonjour.
01:31Bienvenue professeur.
01:33Vous êtes donc professeur de neurologie à la Sorbonne Université.
01:37Vous dirigez l'Institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer,
01:41l'unité de neurologie comportementale à l'hôpité de la salle pétrière,
01:44ainsi que le laboratoire Frontlab à l'Institut du cerveau.
01:48Mais quel rapport entre Herbert von Kairayan, qu'on entend là diriger la 5ème,
01:54et le cortex frontal ?
01:55Vous l'avez très bien dit dans votre introduction,
01:58le cortex préfrontal, c'est un chef d'orchestre.
02:00C'est-à-dire qu'il ne joue aucun instrument particulier de la pensée,
02:04mais il orchestre l'ensemble des instruments.
02:06Alors, qu'est-ce que sont ces instruments ?
02:08C'est le langage, c'est la vision, l'audition,
02:12c'est la capacité à comprendre l'espace, etc.
02:15Et donc le cortex préfrontal va assembler, finalement, l'ensemble de ces instrumentistes
02:21et va permettre à la partition d'être jouée de la façon la plus harmonieuse possible.
02:26On le situe ?
02:27Alors, le cortex préfrontal est situé à l'avant du cerveau.
02:29Le cortex, c'est l'écorce du cerveau,
02:31qui est situé dans les hémisphères cerveaux,
02:34l'hémisphère gauche et l'hémisphère droit,
02:35et la partie la plus avant de ce cortex est le cortex préfrontal,
02:40c'est-à-dire que c'est l'écorce qui est située derrière le front.
02:43Mais c'est énorme, ça représente un tiers de notre cerveau.
02:47Chez l'homme ?
02:47Chez l'homme, absolument.
02:49Et ça, c'est un point important, parce que de toutes les espèces animales,
02:52c'est chez l'homme qu'il est le plus développé.
02:54C'est-à-dire que d'autres animaux ont un cortex préfrontal,
02:58beaucoup plus petit ?
02:59Exactement.
03:00Donc beaucoup moins puissant ?
03:01Oui, si vous prenez l'ensemble des primates,
03:04nos cousins les plus proches, les chimpanzés,
03:06le cortex préfrontal des chimpanzés,
03:08c'est à peu près la moitié du cortex préfrontal de l'homme.
03:10Et le singe qui est le plus étudié pour essayer de comprendre
03:14les fonctions intellectuelles humaines,
03:16qui est le macaque résus,
03:17a un cortex préfrontal qui fait un tiers de celui de l'homme.
03:20J'aimerais que vous nous parliez de Marc.
03:21Marc, c'est l'un de vos patients.
03:23Il vous accompagne dans le livre que vous venez de publier,
03:26Cortex, chez Albain Michel.
03:27Il vous accompagne auprès des internes en médecine,
03:30il vous accompagne dans les conférences.
03:34Marc, c'est l'histoire d'un patient.
03:35Quand vous êtes face à lui,
03:37il ne peut pas s'empêcher de vous prendre les mains.
03:40Exactement.
03:40J'introduis mon livre par cet homme
03:43et par cette scène dans laquelle je tends mes mains
03:47sans dire un mot au milieu de la consultation.
03:52Et cet homme saisit mes mains.
03:54Il les saisit sans que je lui ai demandé de le faire,
03:57simplement parce que je les ai tendues vers lui.
03:59Ensuite, je lui signale que je ne lui avais pas demandé
04:02de prendre mes mains et je les tends de nouveau.
04:05Il les prend de nouveau.
04:06Il le fait plusieurs fois jusqu'au moment où je lui dis
04:09de ne plus le faire.
04:10Et malgré tout, en tendant mes mains de nouveau,
04:12il les saisit.
04:13Et sa réponse, c'est
04:14je les ai prises parce que vous me les avez tendues.
04:17Qu'est-ce que ça signifie ?
04:18C'est ça.
04:19Ça signifie qu'en réalité, il n'est plus capable
04:21de lui-même de prendre une décision
04:24et que moi...
04:26Il agit de manière mécanique.
04:27Il agit de façon automatique.
04:29Il perçoit, il agit, il perçoit, il agit.
04:32Il voit de l'herbe, il broute.
04:34Pour prendre un autre exemple dans votre livre.
04:36Si c'était un mammifère, non, c'est ce qu'il ferait.
04:39C'est ça.
04:39C'est exactement un type, un registre de comportement
04:43que nous avons tous.
04:44Nous percevons quelque chose et nous agissons.
04:45Si quelqu'un entrait dans ce studio
04:47et faisait un bruit où je le percevais,
04:49je tournerais la tête.
04:50J'ai perçu, j'agis.
04:51C'est un comportement automatique.
04:52Et dans ce moment-là, le cortex préfrontal
04:55n'intervient pas.
04:56Il n'intervient pas.
04:57Nous n'en avons pas besoin du cortex préfrontal.
04:59On a besoin de ce cortex préfrontal,
05:01si j'ai bien appris ma leçon,
05:03pour décider quoi faire.
05:04Exactement.
05:05C'est-à-dire qu'il va ouvrir un espace
05:08entre le « je perçois » et « j'agis ».
05:10Cet espace diffère le temps présent.
05:13Nous ne sommes plus dans le présent
05:15ou complètement dans le présent.
05:17Et à partir de là, nous pouvons charger
05:18dans cet espace de représentation mentale
05:21des connaissances,
05:24des expériences du passé,
05:25mais aussi et surtout,
05:26nous pouvons faire de la prospective.
05:29Qu'allons-nous faire dans le futur ?
05:30Nous pouvons anticiper les conséquences
05:32de nos actions.
05:33Et à partir de là,
05:34nous ne sommes plus dans le comportement automatique.
05:35Nous sommes dans un comportement délibéré,
05:38ce qui crée une petite marge de manœuvre.
05:40Et c'est là où vous comprenez que Marc,
05:42en fait, a une lésion
05:44à ce cortex préfrontal
05:46ou une maladie dégénérative.
05:47Il y a quelque chose qui fait
05:48qu'il ne peut plus prendre de décision.
05:50Il agit automatiquement.
05:52Encore un mot,
05:53et puis ensuite,
05:53on va plonger dans votre histoire à vous,
05:55professeur,
05:56mais encore un mot pour comprendre
05:57la complexité absolument passionnante
05:59de ce cortex préfrontal.
06:01C'est-à-dire que,
06:02si on reparle du chef d'orchestre,
06:04décider de quel instrument
06:06entre en scène à quel moment,
06:07c'est aussi décider
06:09de quel instrument doit se taire.
06:11C'est-à-dire que la caisse claire
06:13ne peut pas tambouriner
06:14à la place de la harpe
06:15et ne peut pas tambouriner
06:17par-dessus la harpe.
06:18J'imagine que Marc,
06:20Martine,
06:20Ginette,
06:21tous ces patients
06:22que vous décrivez
06:23avec beaucoup de soin
06:24dans votre ouvrage,
06:26il y a un moment
06:26où ils ont une forme
06:27de désinhibition.
06:28C'est-à-dire qu'ils agissent
06:29quand il ne faut pas agir.
06:31Oui,
06:31si je reprends la métaphore
06:33du chef d'orchestre,
06:34le chef d'orchestre
06:35va permettre à un instrumentiste
06:37de jouer à un moment donné
06:38et va empêcher
06:39un autre instrumentiste de jouer.
06:41Si vous n'empêchez pas
06:42un instrumentiste de jouer,
06:43il va apparaître sans filtre
06:44dans la partition
06:45et celle-ci n'est plus harmonieuse.
06:47C'est ce qu'on appelle
06:48la désinhibition
06:49et effectivement,
06:50cette partie du cerveau
06:51va empêcher
06:52les comportements
06:53qui sont des pulsions
06:55que nous ne devons pas avoir.
06:56Par exemple,
06:57peut-être avez-vous
06:58une envie de manger,
07:00vous êtes en train
07:01de m'interviewer,
07:02vous n'allez pas le faire,
07:02vous allez bloquer
07:03ce comportement.
07:05Eh bien,
07:05c'est votre chef d'orchestre.
07:06Marc a dévoré
07:08toutes les frites
07:09servies à table
07:10face à ces enfants
07:11qui pleuraient.
07:11Mais c'est ça,
07:12c'est-à-dire
07:13c'est une pulsion,
07:14je vois,
07:14je dévore,
07:15je ne peux plus
07:15m'en empêcher.
07:16Marc a découpé
07:18tous les dossiers
07:18au ciseau,
07:19au bureau
07:20qui était
07:21sur sa table de travail,
07:22il en a été licencié.
07:24C'est quelqu'un
07:24qui ne peut plus
07:24s'empêcher
07:25de faire les choses.
07:26Exactement,
07:26c'est ça,
07:27c'est-à-dire
07:27qu'il n'y a plus
07:28cette capacité
07:29d'inhibition comportementale
07:31qui fait qu'un comportement
07:32est adapté
07:33parce que vous bloquez
07:34un autre
07:35qui ne l'est pas.
07:36Et dire
07:50que vous auriez préféré
07:51être musicien,
07:52professeur.
07:54C'est vrai,
07:55dans mes jeunes années.
07:57Vous n'étiez pas du tout
07:58parti pour être médecin ?
07:59Pas du tout,
07:59je n'avais aucune vocation,
08:01je n'avais jamais pensé
08:01être médecin,
08:03personne dans ma famille
08:04ne l'était.
08:04et je voulais être
08:06musicien de studio,
08:07vous voyez,
08:07je voulais être
08:07sur les disques
08:08derrière les artistes.
08:10Comme là,
08:10comme Larry Carlton ?
08:11Comme Larry Carlton.
08:12Vous étiez guitariste ?
08:13J'étais,
08:14je suis resté guitariste.
08:15Vous êtes resté guitariste ?
08:16Voilà,
08:16mais amateur.
08:18Vous continuez de jouer ?
08:19D'ailleurs,
08:19je salue au passage
08:19le groupe
08:21dans lequel je joue.
08:22Vous avez un groupe ?
08:24Je joue dans un groupe,
08:25je ne l'ai pas,
08:25mais je joue dans un groupe.
08:26C'est-à-dire que vous passez
08:27du laboratoire Front Lab
08:29à la salle Pétrière
08:30en passant par la Sorbonne
08:31et vous continuez
08:32d'avoir un groupe ?
08:33Exactement,
08:33ça permet de maintenir
08:35un équilibre
08:36entre la rationalité
08:38et les émotions.
08:40Et quelles zones
08:40du cortex préfrontal
08:42alors sont les plus utilisées
08:43quand on joue de la musique ?
08:44Alors,
08:45je vais vous répondre
08:46en vous disant
08:46qu'il ne faut pas être
08:47trop localisationniste
08:48quand on parle du cerveau
08:50et que le cerveau
08:51c'est un réseau
08:51de structures cérébrales
08:53un peu comme une toile d'araignée
08:54ou une carte
08:56de station de métro.
08:59Alors,
08:59quand vous jouez de la musique,
09:00vous entendez de la musique.
09:01Donc,
09:01il y a des stations
09:02qui vont décoder
09:03l'onde sonore
09:04qui vous permet
09:06d'entendre cette musique.
09:07puis il y a aussi
09:08des régions
09:11qui sont liées
09:11à l'émotion,
09:12au plaisir
09:12que vous ressentez
09:13en genre de la musique.
09:14Ce sont d'autres stations
09:15qui sont plus
09:16dans le registre émotionnel.
09:18Expliquez-nous ça
09:18parce que précisément,
09:20vous racontez
09:21que dans le cortex,
09:22il y a du chaud,
09:23il y a du froid,
09:24il y a du haut
09:25et il y a du bas.
09:26Oui,
09:26si vous voulez,
09:27pour reprendre
09:28le titre d'un livre
09:30d'un éminent collègue
09:31qui est Antonio Damasio
09:33qui parlait de l'erreur
09:34de Descartes,
09:35c'est-à-dire que l'idée,
09:36c'est que dans le cerveau humain,
09:38la raison est bien sûr incarnée,
09:39mais aussi ce que nous considérions
09:42comme notre âme,
09:43les émotions,
09:43les affects,
09:44tout ceci est incarné
09:45dans le cerveau
09:46et ce sont des réseaux différents
09:48mais qui interagissent
09:49les uns avec les autres,
09:50qui font que nous avons
09:51une intelligence complète
09:52à la fois intellectuelle
09:54Donc les émotions
09:54sont dans le chaud
09:56et dans le bas ?
09:57Voilà,
09:57j'appelais le cerveau chaud
09:59mais ce qui ne correspond
10:00pas à un terme médical
10:01mais qui veut décrire
10:04un certain nombre
10:04de structures cérébrales
10:05qui sont impliquées
10:07dans la façon
10:07dont on ressent
10:08les émotions,
10:10dont on a des humeurs,
10:13la joie,
10:13la tristesse,
10:15les zones du cerveau
10:17qui nous motivent à agir,
10:18qui fixent des objectifs
10:19émotionnels,
10:21les structures
10:21ces structures chaudes
10:23aussi qui sont impliquées
10:24dans la régulation
10:25de nos viscères,
10:26de la faim,
10:28de la soif,
10:30de la régulation du corps.
10:30Et les deux correspondent
10:31en permanence ?
10:31Voilà,
10:32donc cette partie chaude
10:33va interagir
10:34parce qu'elle va contextualiser
10:36le comportement,
10:38elle va lui donner aussi
10:39notre motivation,
10:41sa coloration affective,
10:43elle va interagir
10:43avec les régions
10:44plus rationnelles
10:45que j'ai appelées
10:46les régions froides
10:47qui sont situées
10:47dans d'autres parties
10:48du cerveau
10:49et finalement
10:50notre capacité
10:51de planifier,
10:52de raisonner
10:53est au service
10:54de nos objectifs
10:55qui sont éminemment
10:56des objectifs affectifs.
10:57Et en lisant Cortex,
10:58ce livre qui sort
10:59chez Albin Michel,
11:00je découvre que tout
11:01ne se joue pas
11:02avant six ans
11:03pour reprendre
11:04le célèbre ouvrage
11:05qui avait été
11:05un best-seller mondial
11:06d'un professeur
11:07de psychologie américain,
11:09le professeur Dodson,
11:09je crois,
11:10mais que tout se joue
11:11avant 30 ans
11:12ou en tout cas
11:12qu'on a jusqu'à 30 ans
11:14pour éduquer,
11:15muscler,
11:16travailler
11:17et voir se développer
11:18son cerveau ?
11:19Oui,
11:19alors ça,
11:19c'est plutôt
11:20une bonne nouvelle.
11:20C'est-à-dire qu'une structure
11:22qui est aussi importante
11:22que le cortex préfrontal
11:23qui va être impliquée
11:24dans notre capacité
11:25à développer l'empathie,
11:27la capacité à nous motiver,
11:28la capacité à raisonner,
11:29à planifier,
11:30à prendre des décisions,
11:31vous voyez,
11:31tout un registre
11:33absolument nécessaire
11:34à un être humain,
11:35cette capacité-là
11:36prend du temps
11:37à se développer
11:38et donc est très sensible,
11:39bien sûr,
11:40à l'environnement,
11:41à l'éducation
11:42que l'on reçoit
11:43et sa maturation,
11:44c'est-à-dire le moment
11:45où les connexions
11:46sont relativement figées,
11:48est atteinte très tardivement
11:49dans la vie
11:50entre 25 et 30 ans.
11:52Ce qui ne veut pas dire
11:52qu'après,
11:53il n'y a pas de plasticité
11:54parce qu'en plus,
11:55cette région du cerveau...
11:56Ce qui ne veut pas dire
11:56qu'on dégringole
11:57après 30 ans ?
11:58Non,
11:58pas du tout.
11:58On ne dégringole pas du tout
12:00après 30 ans.
12:01On est plutôt
12:02dans l'âge d'or
12:03du fonctionnement
12:03du cortex préfrontal.
12:04Il a maturé,
12:05il a formé nos capacités
12:07d'inimition,
12:08de raisonnement
12:08et puis ensuite,
12:09on a toute la vie d'adulte
12:11pour utiliser
12:12cette fonction
12:13à son maxima.
12:14Écoutez,
12:15François Lhermitte,
12:16un de vos maîtres,
12:17un de vos mentors,
12:18il était chez Jacques Chancel,
12:19une archive France Inter,
12:20bien entendu.
12:22Mais vous occupant du cerveau,
12:23vous avez l'impression
12:23de tout contrôler ?
12:25J'ai l'impression,
12:26en tout cas écoutez,
12:26de toucher
12:27les raisons fondamentales
12:29de l'existence
12:30d'un organisme vivant
12:32sur la Terre.
12:33N'est-ce pas,
12:34le cerveau,
12:35ce n'est pas seulement
12:36une multitude
12:37d'actions-réflexes
12:38qui nous permettent
12:39de rester assis
12:41comme nous nous sommes,
12:42de faire des exercices,
12:44de jouer avec notre cœur,
12:46c'est aussi de penser
12:47à leur ciel.
12:49Un organisme sans cerveau
12:51n'a plus de sens
12:51dans l'existence.
12:54À l'inverse,
12:54on pourrait presque
12:55imaginer
12:55qu'un cerveau
12:57dépourvu
12:57de tout organisme
12:58est toujours
12:59un organisme vivant.
13:02Qui était François Lhermitte
13:03avec sa gouaille inimitale ?
13:05Un cœur !
13:06C'est un de nos grands maîtres,
13:09un spécialiste
13:10du comportement
13:11et qui s'est particulièrement
13:13intéressé
13:14au lobe frontal
13:15et qui a d'ailleurs
13:16développé des outils
13:17qui nous ont permis
13:18de mieux l'appréhender.
13:19Par exemple,
13:20ce que vous avez dit
13:22au départ
13:22avec ce patient
13:23qui ne peut s'empêcher
13:25de tendre les mains,
13:26eh bien,
13:26c'est François Lhermitte
13:27qui a mis en place
13:29cette façon
13:31de tester les patients
13:32en recherchant
13:33ce que l'on appelle
13:34l'adhérence à l'environnement,
13:35c'est-à-dire l'incapacité
13:36à soi-même
13:38pouvoir délibérer
13:40et décider
13:41de ses actions
13:42et être l'objet,
13:44en quelque sorte,
13:44l'esclave
13:45de la pression
13:46que l'environnement
13:47exerce sur lui.
13:48Donc, par exemple,
13:49celle qu'exerce
13:49un examinateur.
13:50Ça, ça vient de François Lhermitte.
13:51C'est ça.
13:52Justement,
13:52je voudrais qu'on revienne
13:53à Marc, à Ginette,
13:54à Martine.
13:54Je les ai cités,
13:55les patients
13:56qui vous accompagnent.
13:58On apprend
13:59avec les années,
14:00professeurs,
14:01puisque vous avez fait
14:02de la recherche
14:02et en même temps,
14:04vous êtes sur le terrain,
14:05vous êtes auprès des patients,
14:07vous les examinez,
14:09vous les recevez,
14:10vous les évaluez,
14:11vous les diagnostiquez.
14:12On apprend
14:12à faire face
14:13à ces comportements
14:15qui sont extrêmement désarmants,
14:17parfois violents,
14:18parfois très énigmatiques.
14:20Et parfois aussi,
14:22vous êtes face
14:22à des femmes
14:23et des hommes
14:23qui souffrent
14:24d'errances médicales
14:26et d'errances de diagnostic
14:27depuis des décennies.
14:28Exactement.
14:30C'est-à-dire que
14:30les personnes
14:31que nous voyons
14:31en apparence
14:32sont comme vous et moi.
14:34C'est-à-dire que
14:35si vous commencez
14:36une discussion,
14:36vous ne verrez pas
14:37immédiatement
14:38les difficultés.
14:39C'est-à-dire que
14:40leur humanité
14:41est évidente
14:42et en même temps,
14:44elles nous permettent
14:45de dissocier
14:46différents aspects
14:47de notre humanité.
14:48Des aspects
14:48très primaires,
14:51très animaux,
14:52nos pulsions.
14:53Et en même temps,
14:54on voit disparaître
14:55finalement
14:56cette couche
14:56de civilisation
14:57qui s'est bâtie
14:59avec l'évolution
15:01depuis la naissance
15:02du cortex préfrontal
15:03et l'éducation
15:04qui a permis
15:04à ce cortex préfrontal
15:05de se formater
15:06une certaine façon.
15:07C'est incroyable.
15:07Vous dites que
15:08le cerveau humain
15:09c'est une couche
15:10de civilisation ?
15:11Le cortex préfrontal
15:12permet cette couche
15:13de civilisation
15:13qui n'est pas
15:14nécessairement
15:15acquise à la naissance.
15:17Et donc,
15:17c'est par notre capacité
15:19par exemple
15:19à bloquer la frustration
15:21par l'inhibition
15:22que le cortex préfrontal
15:23va nous permettre
15:24de faire.
15:25C'est notre capacité
15:26à prendre des règles
15:27à changer de règles
15:28c'est notre capacité
15:30à tamponner le présent
15:31toutes ces choses-là
15:32ne sont pas là
15:33quand nous naissons.
15:34A résister à la violence.
15:35A résister à la violence.
15:36Toutes ces choses-là
15:36ne sont pas là
15:38quand nous naissons.
15:39Elles vont se développer
15:40avec le développement
15:41du cortex préfrontal.
15:42Je vous pose cette question
15:42parce que
15:43évidemment
15:43c'est des patients
15:44que pendant très longtemps
15:45on a orientés
15:46et encore aujourd'hui
15:47en psychiatrie
15:48et pas dans vos services
15:50de neurologie
15:51pas vers des spécialistes
15:52du cerveau
15:53et en psychiatrie
15:54pendant très longtemps
15:55on a pratiqué
15:56par exemple
15:57la lobotomie.
15:58La lobotomie
15:59ça agissait
16:00sur les zones
16:01du cerveau ?
16:01Oui c'est une technique
16:02qui consistait
16:05à couper
16:06finalement
16:07à déconnecter
16:08l'offre frontal
16:09des autres régions
16:10du cerveau
16:10et on l'utilisait
16:11notamment
16:12chez les patients
16:13psychotiques agités.
16:14Alors c'est une technique
16:15qui remonte
16:16au XXe siècle
16:17dans la première partie
16:18du XXe siècle.
16:19Aux années 30 ?
16:20Voilà aux années 30
16:21qui s'arrêtaient
16:21au milieu
16:23des années 50
16:24et par exemple
16:26il y a un film
16:27qui décrit ça très bien
16:28c'est Vol au-dessus
16:28de Manille de Coucou
16:29de Milos Forman
16:30où le personnage principal
16:32qui est joué
16:33par Jacques Nicholson
16:34subit
16:34une lobotomie
16:36frontale
16:37à la fin du film.
16:39Pourquoi la subit-il ?
16:40Parce qu'il est
16:41ingérable
16:42entre guillemets
16:42et quelles sont
16:43les conséquences ?
16:44Eh bien
16:44il n'initie plus
16:45de comportement.
16:46On le voit
16:47comme une sorte
16:47de légumes
16:48allongés dans un lit.
16:50Pourquoi ?
16:50Parce qu'en réalité
16:52en faisant cette lobotomie
16:54eh bien
16:55on produisait
16:55un syndrome
16:57qui touchait
16:58le lobe frontal
16:58et ce syndrome
16:59c'était une apathie majeure
17:01c'est-à-dire
17:02une incapacité
17:02à prendre une décision
17:03à initier une action.
17:05Donc on produisait
17:06sans le savoir
17:06un syndrome frontal
17:07une maladie finalement
17:09en voulant soigner
17:11des patients
17:12très agités.
17:14Et à propos
17:14de ces maladies
17:15puisque vous travaillez
17:17aussi sur différents
17:18cas de maladies
17:19de dégénérescence
17:21autour d'Alzheimer
17:22mais il n'y a pas
17:22qu'Alzheimer.
17:24On a lu très récemment
17:25qu'il y avait
17:25beaucoup de pistes
17:26médicales
17:27et qu'il s'ouvrait
17:27qu'il y avait
17:27de l'espoir.
17:28Vous me regardez
17:29avec un grand sourire
17:29oui il y a de l'espoir.
17:30Alors il y a de l'espoir
17:31pour l'ensemble
17:32des maladies neurodégénératives
17:33pour une raison simple
17:33c'est-à-dire qu'on commence
17:34à mieux connaître
17:35la cascade biologique
17:37qui conduit
17:38de l'étincelle
17:39qui allume la mèche
17:39du début de la maladie
17:40jusqu'aux symptômes.
17:47La maladie existe
17:48de façon sous-jacente
17:49insidieuse
17:50et sans symptômes.
17:52Donc le fait
17:53de bien connaître
17:53la cascade biologique
17:54de ces maladies
17:55va permettre
17:56non pas de traiter
17:57les symptômes
17:58comme si on traitait
18:00des maux de tête
18:00avec du paracétamol
18:01mais de traiter
18:01la cause des symptômes.
18:03Donc si les maux de tête
18:03sont dus à la grippe
18:04on va essayer
18:05d'agir sur le virus
18:06et bien dans ces maladies
18:07neurodégénatives
18:07au lieu d'agir
18:09sur les symptômes
18:10comme des troubles
18:10de la mémoire
18:11ou des troubles du comportement
18:12comme ceux qui sont
18:13décrits dans le livre
18:13on va essayer d'agir
18:14sur la cascade biologique
18:15qui précède l'apparition
18:16de ces troubles du comportement.
18:18Et c'est ce qui est
18:18en cours par exemple
18:20dans la maladie d'Alzheimer
18:21il y a des nouvelles molécules
18:23dont l'objectif
18:24est d'agir
18:25sur cette cascade biologique
18:26en amont
18:27des symptômes
18:28et ça c'est un espoir
18:29pour les patients.
18:31Richard Lévy
18:32l'homme qui consacre sa vie
18:34au cortex préfrontal
18:36ce livre paraît
18:37chez Albain Michel
18:38il est à la fois
18:39très précis
18:40très documenté
18:41et immensément accessible
18:42et ça on vous en remercie.
18:44Merci professeur.
18:45Je vous remercie.
18:45Merci.
18:46Merci.
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