« Je prendrai soin de ta fille » : comment Sandrine est devenue mère de substitution après le féminicide de sa sœur

ELLE

il y a 2 jours

Chaque féminicide fracasse une enfance et oblige des familles à se réinventer dans l’urgence. Comme Sandrine Bouchait, qui élève depuis 2017 sa nièce Cloé. Huit ans plus tard, la présidente de l’Union nationale des familles de féminicides se bat toujours pour qu’un véritable statut protège enfin ces enfants.

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00:00Je lui ai dit, mais je ne comprends pas, ma soeur dormait quand il y a eu le feu.

00:04Et elle me regarde dans les yeux, elle me dit, ben non, il a mis le feu sur elle.

00:07Le 22 septembre 2017, Guylaine décide de se séparer de son conjoint.

00:14Ça faisait déjà quelques semaines qu'ils étaient en instance de séparation,

00:18mais ils vivaient toujours sous le même toit.

00:20Il est allé la chercher à son travail, et quand ils sont arrivés à l'appartement,

00:25une dispute s'est déclarée, et Guylaine a commencé à faire sa valise pour partir.

00:33Et malheureusement, son conjoint ne l'a pas laissé partir, il l'a frappé très violemment.

00:42Et une fois qu'elle était à terre, il a pris une bouteille d'essence

00:47qui lui a déversée sur le corps et il l'a allumée.

00:50Chloé est la fille de ma petite soeur et de son conjoint.

00:54Elle avait 7 ans au moment des faits.

00:56Ce soir-là, quand il y a eu le feu, elle a réussi à ouvrir la fenêtre de sa chambre

00:59et à appeler les secours.

01:01Sinon, je pense que ce soir-là, elle subissait le même sort que sa maman.

01:04Guylaine n'est pas décédée tout de suite.

01:07J'ai pu la voir le lendemain des faits.

01:09Je lui ai dit de partir en paix, que je prendrais soin de sa petite-fille

01:13et que ce qu'il lui avait fait ne resterait pas impunie.

01:17Une fois que je suis sortie de l'hôpital, je file à l'hôpital où était Chloé,

01:22parce qu'elle n'était pas dans le même hôpital.

01:25Je reste pendant une quinzaine de jours, jour et nuit, à son chevet,

01:32en attendant qu'une décision soit prise par le juge des enfants pour l'ordonnance de placement.

01:37La situation va être très longue, puisque je rencontre un juge des enfants

01:41dans les 15 jours qui suivent le drame.

01:46Ensuite, quand il y a une ordonnance de placement qui m'est favorable,

01:51Chloé est placée chez moi pour un an.

01:53J'obtiens une délégation d'autorité parentale totale sur Chloé,

01:56et Chloé, pendant tout ce temps, me réclame de l'adopter.

01:58Mais c'est très compliqué, puisque je ne peux pas l'adopter tant que son père ne lui a pas retiré son autorité parentale.

02:05Donc en janvier 2020, il est jugé, il est condamné à 20 années de réclusion criminelle.

02:11Et à la suite de ça, j'enclenche la procédure d'adoption.

02:15Et huit mois après, on a la décision et elle devient ma fille administrativement parlant.

02:23Chloé, elle m'a été confiée comme un paquet de linge sale.

02:25C'est horrible à dire, mais c'est comme ça que je l'ai vécu.

02:28C'est-à-dire que bien sûr que je me suis proposée pour l'accueillir,

02:33mais on m'a fait comprendre, vous la voulez, oh, la voilà, bonne chance.

02:37À aucun moment, on m'a expliqué que ce qu'elle avait vécu, c'était une scène de guerre,

02:42qu'il allait falloir mettre un suivi psy en place.

02:46On est vraiment tout seul.

02:47C'est moi qui me suis dit, il va falloir qu'elle laisse son espace à elle

02:50pour pouvoir évacuer ce qu'elle a vu, ce qu'elle va entendre et tout ça.

02:55Il faut bien avoir en tête que sans accompagnement psychologique,

02:59sur 100 enfants, il y aura un tiers qui deviendra bourreau,

03:03un tiers qui deviendra victime et seul un tiers deviendra résilient

03:08parce qu'à un moment donné, il aura rencontré la bonne personne dans sa vie

03:10qui va l'aider à s'en sortir.

03:12Donc non seulement on n'est pas aidé sur un point de vue psychologique,

03:14mais on n'est pas non plus aidé sur un point de vue financier

03:17puisque vous accueillez un enfant soit avec les affaires du jour, soit en pyjama.

03:21Pour Chloé, elle était en pyjama et il a fallu tout acheter,

03:24un lit, une armoire, des vêtements, des jouets.

03:27On n'a pas le carnet de santé, on n'a pas les papiers d'identité, on n'a rien.

03:32Et quand je dis on est seul, on est seul.

03:35Et je ne vais pas non plus déballer les frais d'avocat, mais c'est pareil.

03:40Tout ça, c'est un coût.

03:41L'adoption pour moi, ça n'a rien changé.

03:43Je sais que ça a changé beaucoup pour Chloé parce qu'elle y tenait beaucoup.

03:46Je pense qu'elle avait besoin de se refaire un cocon familial

03:49et d'avoir cette appartenance à une famille.

03:52Dans mon cœur, elle a la même place.

03:55Elle ne m'appelle pas maman.

03:57Elle m'a posé la question plus jeune et je lui ai dit que je ne pouvais pas

04:01parce que c'était effacé ma sœur et que sa maman, ce serait toujours Guylaine.

04:05Mais par contre, que je la remplacerais tout le temps qu'elle aurait besoin de moi, je serais là pour elle.

04:08Aujourd'hui, Chloé, elle a 15 ans.

04:10Elle va super bien, elle travaille très bien à l'école.

04:13Et quand on lui demande ce qu'elle veut faire plus tard, elle dit qu'elle veut faire médecin légiste

04:16parce qu'elle veut participer à la manifestation de la vérité.

04:18Si une famille se retrouve dans cette situation-là, déjà, je leur dirais de nous contacter.

04:22Comme on a traversé les choses, je pense qu'on est en capacité d'aider les familles

04:28qui vont traverser ce parcours du combattant.

04:32C'est parti.

04:33C'est parti.

04:34Sous-titrage Société Radio-Canada

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