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  • il y a 6 heures
Société : Attentats du 13 Novembre 2015 la BRI raconte l’assaut du Bataclan
« Une petite partie de moi est restée sur ce trottoir »  la BRI raconte l’assaut du Bataclan

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Transcription
00:00L'entrée dans le Bataclan, c'est surréaliste, c'est pas surréaliste, vous avez même un peu du mal à imaginer que tous ces gens-là sont morts, vous voyez des gens coucher.
00:14Pour moi, une petite partie de moi-même est restée sur ce trottoir, derrière ce bus, c'est une certitude.
00:30Ce 13 novembre 2015, pour ma part, j'étais en repos, parce qu'on avait une affaire d'enlèvement qui nous avait un petit peu mis à contribution la semaine précédente.
00:54Moi, j'étais chez moi, avec ma compagne, et je somnolais un petit peu devant le match de foot, quand je commence à comprendre, en regardant le match, qu'il se passe quelque chose.
01:08Les premiers échos, ce serait plutôt un accident, et puis très vite, on comprend qu'il y a une attaque terroriste en cours, au moins autour du stade à Saint-Denis.
01:18Et concomitamment à ça, on est prévenu toujours par différents canaux qu'il y aurait peut-être quelque chose qui se passerait en ce moment dans Paris.
01:27On nous parle de fusillades, mais c'était très flou.
01:29Et très peu de temps après, on reçoit un message de notre chef de service qui nous demande de retourner en urgence au 36 cas des Enfèvres,
01:38afin qu'on se réunisse et pour ensuite nous déployer vers l'endroit où se situerait l'attaque.
01:42On arrive au service ici, et là on nous fait part d'une prise d'otages au Bataclan.
01:49On savait très bien que l'État islamique, leur stratégie, c'était la tuerie de masse.
01:58Se retrancher avec des otages et attendre les forces d'intervention, pour nous tuer, c'est leur but.
02:04Donc on ne peut pas non plus rentrer billes en tête dans un or de fourneau.
02:07Jérémy me demande de couvrir la façade.
02:10Alors couvrir la façade, ça veut dire, c'est prendre position devant le bâtiment
02:13et s'assurer que toute la façade, en fait, que personne ne se mettra une fenêtre
02:17et arrosera la colonne ou les gens qui seront en bas.
02:20La position que je vais prendre, en fait, elle va être derrière le bus du groupe de métal
02:24qui est en train de faire son concert.
02:27Et je me retrouve avec une personne assise.
02:29Et moi je lui dis, va-t'en !
02:32Et en fait, cette personne est morte.
02:33Donc là, ça scotche un peu, quoi.
02:38Et là, je vois à côté de lui une personne étendue.
02:41Je vois des chaussures d'une femme.
02:42Donc je comprends que c'est une femme qui est sur le ventre.
02:44Et à ma gauche, j'ai une troisième victime au sol.
02:47Et là, en fait, on est scotché, quoi.
02:51Et même si on est préparé, même si on est entraîné,
02:53même si on va se préparer psychologiquement,
02:54c'est comme une scène déjà qui est saisissante.
03:01Malgré tout, il faut rester professionnel.
03:04Et quand on rentre, on a directement une lumière assez...
03:10qui est avec une lumière un peu résiduelle, comme ça, des panneaux de sortie.
03:14L'obscurité est quand même en dominante à l'intérieur du site.
03:18On a une espèce de fumée due à la concentration de poudre durant l'attaque.
03:30Et plus personne ne bouge avec un silence assourdissant, en fait.
03:35Et là, la première chose qu'on voit, c'est des centaines de corps.
03:40Pas un bruit, à part des plaintes.
03:43Personne ne nous parle, personne ne nous regarde.
03:45Il y a juste des gens qui crient leur douleur.
03:48Et sinon, c'est paradoxalement assez calme.
03:50Très pesant.
03:52Donc notre première réaction, c'est vraiment que tout le monde est mort, en fait.
03:55À partir du moment où vous avez en mémoire des scènes précises, ça vous pollue tout de suite.
04:00Voilà, il y a toujours un lien qui se fait avec la famille ou avec quelque chose qui vous ramène à...
04:08Et donc l'émotion prend souvent le pas.
04:11Donc pour vous préserver de ça, il vaut mieux intégrer le fait que vous avez une espèce de mère de corps dans l'obscurité
04:19plutôt que d'avoir des scènes précises.
04:21Donc là, on commence à essayer de s'organiser.
04:24Il y a une double mission.
04:25Il y a la mission de localiser les terroristes et de secourir la victime.
04:31Mais la localisation de terroristes passe avant le secours des victimes.
04:34Sinon, on prend le risque, en fait, de faire encore plus de victimes si jamais les gens se lèvent
04:38et que les terroristes étaient amenés à de nouveau utiliser leur arme.
04:42Donc ce qu'on essaie vraiment de comprendre, c'est un, s'ils sont toujours là.
04:47Deux, s'ils sont toujours là, où ils se trouvent et combien ils sont.
04:50Donc on a une combinaison, en fait, de tout ce qu'il y a de pire,
04:53c'est-à-dire une prise d'otages massives, la présente terroriste armée et porteur d'explosifs.
04:57Et suite aux indications des premières victimes qui commencent à nous parler, sans toutefois bouger,
05:04on comprend qu'ils se seraient plutôt réfugiés à l'étage.
05:06Et donc on monte au premier étage, on chemine à travers les corps.
05:09Là, c'est assez difficile parce que les gens ne comprennent pas pourquoi on ne les aide pas.
05:13Donc on dit qu'on va revenir, qu'on va faire le nécessaire, mais on doit d'abord circonscrire la menace.
05:17Et finalement, on arrive à une porte au bout d'un couloir, sur le balcon, côté gauche.
05:22Porte en bois, c'est classique.
05:24On va pour ouvrir cette porte et là, on entend une voix qui prend contact avec nous immédiatement
05:28et qui nous donne pour instruction, vous reculez, on veut négocier.
05:32On n'espérait clairement pas une reddition, mais il faut toujours négocier.
05:36Tant qu'on parle, on ne tue pas les gens, donc on négocie.
05:40Moi, à partir du moment où la menace est localisée,
05:43ma mission, c'est de la contenir et de permettre l'évacuation de tous les blessés.
05:48Et dans le même temps, de préparer un assaut, ou d'urgence si jamais ils se mettent à tuer les otages à travers la porte,
05:56ou un assaut élaboré, construit, si c'est nous qui avons la maîtrise du temps.
06:02Donc on décide, à minuit 18, de débuter notre assaut, afin de libérer les otages et de mettre fin à cette situation.
06:10Tout en sachant quand même qu'on est dans la pire des configurations,
06:12à savoir un assaut dans un couloir avec au moins 15 otages et deux preneurs d'otages,
06:19porteurs de fusils d'assaut et de gilets d'explosifs.
06:23On est à peu près sûr qu'on ne va pas tous revenir et que malheureusement,
06:27on pourrait aussi avoir des dégâts collatéraux avec les otages.
06:30Mais il n'y a pas d'autre solution.
06:32On ouvre la porte, immédiatement, on est pris sous le feu d'un des terroristes.
06:36On prend directement la foudre avec un chargeur de Kalachnikov à moins de 5 mètres.
06:41On a un terroriste qui est pratiquement à 3 mètres à peine pour balancer tout son chargeur.
06:47Et le deuxième qui est au bout du couloir.
06:49Le problème, c'est qu'on identifie tout de suite que les otages sont mélangés,
06:53puisqu'ils s'en servaient comme boucliers humains au niveau des fenêtres.
06:55À partir du moment où on commence à pousser, on n'a pas encore bougé,
06:58que je sens au niveau de mes genoux une tête qui pousse.
07:02Et dans ma tête, je veux dire que le terroriste, certainement,
07:05ne profite pas du nuage de fumée pour venir se faire sauter, puisque c'est dans leur doctrine.
07:09Donc là, je pense tout de suite à ça.
07:10Je prends mon arme, je prends les cheveux de la personne, je m'apprête à lui sauter la tête
07:15et je m'aperçois, j'entends un ralement de femme qui, finalement, s'avéra être une otage qui est derrière la porte.
07:23On continue à avancer.
07:24Et là, on a un vrai problème, parce qu'on ne connaissait pas bien le terrain.
07:30On a le port de boulequet qui bascule vers l'avant,
07:31parce qu'il y avait des marches qu'on n'avait pas pu identifier.
07:33Le sarcophage va se coucher.
07:37On a deux otages dessous,
07:38qu'on ne peut pas protéger plus que ça.
07:42On va passer par-dessus le sarcophage.
07:44On arrive au bout de ce couloir.
07:48Et là, il y a les boums de nos grenades.
07:52On sent un boom plus fort et on sent ce qu'on appelle un blast, nous.
07:57C'est-à-dire qu'on sent un souffle.
07:58Et là, on comprend qu'en fait, l'un des terroristes a actionné son gilet explosif.
08:04Par chance, toute la fragmentation est partie vers le mur et pas vers nous.
08:07Donc, on n'est pas blessé par ça.
08:09On est impacté par le souffle,
08:10mais on n'est pas impacté par la fragmentation qui a été destinée à nous blesser.
08:13Donc, le deuxième terroriste va partir dans le mur,
08:16va dégringoler l'escalier,
08:18fortement impacté par le blast,
08:20et va finir en bas de l'escalier.
08:21Là, ce qui va se passer,
08:22c'est que quand les deux copains devant commencent à descendre l'escalier,
08:27ils s'aperçoivent que le deuxième terroriste bouge encore
08:30et que ses plaques n'ont pas sauté.
08:32Donc, on ne peut pas prendre de risque,
08:33on ne peut pas descendre au contact des charges,
08:35puisqu'ils avaient quand même 1,2 kg de TATP chacun.
08:38Donc, on va être dans l'obligation de neutraliser
08:41avec le premier opérateur qui va le neutraliser pour pouvoir descendre.
08:45Donc, on a libéré une dizaine d'otages qui étaient dans le couloir,
08:49et suite à notre action, on a découvert une pièce, une loge,
08:52où se trouvait encore entre 15 et 20 d'otages,
08:55qui, eux, s'étaient retranchés dans cette pièce au début de la fusillade.
08:59Donc, ils n'avaient pas vu toute la scène, en fait.
09:00L'opération n'est absolument pas terminée.
09:02Il y a deux problématiques.
09:04C'est un autre terroriste, ou plusieurs,
09:08ou la présence d'explosifs aussi,
09:10qui aurait mis en danger l'ensemble des gens présents dans le théâtre.
09:14Et on a continué à investiguer ce bâtiment partout.
09:18À la fin de l'assaut,
09:20on est encore resté longtemps dans le Bataclan
09:23pour rechercher tous les otages qui s'étaient cachés.
09:27Enfin, il y a des gens qui se sont cachés,
09:29qui se sont entassés les uns sur les autres
09:30dans des espaces extrêmement réduits et exigus,
09:32et ils étaient très nombreux.
09:34Ils voulaient même, pour certains, ils ne voulaient même pas sortir.
09:43Ils n'étaient même pas sûrs que c'était la police qui était là.
09:45Donc, il a fallu les convaincre.
09:47Enfin, avec certains de mes gars,
09:49nous, on est montés également dans les...
09:51dans les faux plafonds, dans le faux plafond du Bataclan,
09:54où là, il y a énormément de monde qui s'étaient réfugiés aussi.
09:57Et puis, le plus tranquillement possible,
10:00essayer de les sortir.
10:02Mais on savait qu'on allait les faire passer
10:04par une zone de...
10:07une scène de crime abominable, quoi.
10:10Je sais qu'on leur répétait ça à chaque fois.
10:12Voilà, on va vous guider.
10:13Essayez de ne pas trop regarder.
10:14Essayez de fermer les yeux.
10:17L'endroit par lequel on les faisait passer,
10:18enfin, il y avait...
10:19C'est un des endroits...
10:21Enfin, c'est l'escalier dans lequel l'un des terroristes s'est fait exploser.
10:23Enfin, les murs étaient immaculés de sang et de chair, quoi.
10:27Plus, il restait encore des victimes, enfin...
10:31Ensuite, les secours se sont organisés
10:32et ont repris l'évacuation des blessés.
10:35Tout le monde évacue, en fait.
10:36Les pompiers évacuent les blessés.
10:37Les policiers évacuent...
10:38Des policiers deviennent brancardiers.
10:40Et ils prennent des barrières vaubants
10:42pour brancarder des gens, quoi.
10:44Voilà.
10:45Donc là, il y a des images.
10:47Les gens sont évacués.
10:49D'abord, les blessés.
10:50Ensuite, les valides.
10:51Donc, il y a une noria de personnes qui sortent, comme ça.
10:54En fait, je n'avais pas imaginé ce qui s'était passé à l'intérieur.
10:56Donc, après, moi, j'ai voulu rejoindre mes camarades à l'étage.
10:58Donc, je suis rentré dans le Bataclan.
11:00Je rentre un peu naïvement, en fait, avec mon arme.
11:03Et là, ce que je vois à l'intérieur, en fait...
11:06En fait, mon cerveau ne l'imprime pas, quoi.
11:08C'est-à-dire que j'ai une vision.
11:10Et mon cerveau...
11:11Il y a un décalage, en fait, entre ce que je vois et ce que je réalise.
11:13Et je ressors, en fait.
11:15Je ressors et je me dis, mais tain, merde, c'est quoi ce truc ?
11:18Il y a des corps enchevêtrés partout.
11:19Et après, je passe.
11:20Et bon, j'ai deux gamines enlacées, mortes, au pied d'abat.
11:25On est à pratiquement 100 morts.
11:34Enfin, l'entrée dans le Bataclan est...
11:38Ouais, enfin, c'est surréaliste.
11:41C'est pas surréaliste.
11:43Vous avez même un peu du mal à imaginer que tous ces gens-là sont morts.
11:47Vous voyez des gens coucher, ouais, mais...
11:49En fait, vous êtes au pire moment, au pire endroit.
11:52Mais en même temps, vous voudriez être nulle part ailleurs.
11:53C'est assez bizarre comme sentiment.
11:57Nous, on a eu la chance de pouvoir être actifs, en fait, dans cette situation-là.
12:01Et je pense que c'est pour ça que c'est beaucoup plus facile à vivre par la suite,
12:04parce qu'on a agi, en fait.
12:06Le moment dont je me souviens toute ma vie, c'est le retour à la maison vers 5h du matin.
12:10Où on passe du chaos absolu à un retour à la maison.
12:16Et là, il n'y a pas de sas, en fait.
12:18Et là, c'est un peu difficile.
12:19Parce qu'on ne peut pas raconter tout à fait ce qu'on a vu, ce qu'on a vécu.
12:22Et en même temps, il faut rassurer.
12:24Et puis en même temps, votre compagne ou votre compagnon, il ne sait pas trop non plus quoi faire.
12:31Et ça, le retour à la maison, il est compliqué.
12:32Moi, j'ai pris 8 fois la foutre dans ma carrière.
12:38J'ai vu des trucs assez difficiles.
12:40Personnellement, je n'ai pas eu de cauchemar.
12:42Je n'ai pas été en syndrome post-traumatique.
12:43Mais ça aurait pu être le cas, puisque vous ne pouvez pas le savoir avant.
12:47Souvent, j'ai dit toujours que le héros du lundi est parfois le syndrome post-traumatique du mercredi.
12:52Et c'est le garçon sur qui vous ne pouvez pas compter, alors que ça a été un héros deux jours avant.
12:55Donc, on ne peut pas savoir.
12:57Personnellement, je n'ai pas eu de soucis à ce niveau-là.
13:00Mais j'ai su me préserver quand même de toute scène précise.
13:04Pour moi, une petite partie de moi-même est restée sur ce trottoir.
13:06D'ailleurs, ce bus, c'est une certitude.
13:08J'ai appris à vivre avec.
13:10Ça m'a valu une séparation.
13:12J'ai tellement changé que ma compagne m'a dit que je voyais un petit peu, on voit les choses un petit peu noires.
13:24C'est ça, on voit beaucoup la noirceur de l'homme humain pendant quelques temps.
13:28Puis après, on se ressaisit parce qu'on se dit qu'après tout, il n'y a qu'une petite partie infime de gens qui sont mouvés.
13:35Dans la globalité, les gens sont bien intentionnés.
13:38L'humanité est capable de faire plein de choses.
13:40Il suffit juste de regarder les peintures ou la sculpture.
13:44C'est quelque chose que j'aime.
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