Alors que la cérémonie d’hommage aux dix ans des attentats du 13 novembre, dans le jardin mémoriel à Paris, ce jeudi, Lyna Khoudri a récité avec émotion un texte de la poète Charlotte Delbo sur l’obligation de vivre.
00:00Vous qui passez, bien habillé, de tous vos muscles, un vêtement qui vous va bien, qui vous va mal, qui vous va à peu près.
00:12Vous qui passez, animé d'une vie tumultueuse aux artères et bien collé au squelette d'un pas alerte, sportif, lourdeau, rieur, renfrogné.
00:22Vous êtes beau, si quelconque, si quelconquement tout le monde, tellement beau d'être quelconque, diversement.
00:33Avec cette vie qui vous empêche de sentir votre buste qui suit la jambe, votre main au chapeau, votre main sur le cœur, la rotule qui roule doucement aux genoux, comment vous pardonnez d'être vivant ?
00:47Vous qui passez, bien habillé, de tous vos muscles, comment vous pardonnez ? Ils sont morts, tous.
00:56Vous passez et vous buvez aux terrasses, vous êtes heureux, elles vous aiment, mauvaise humeur, souci d'argent, comment ?
01:05Comment vous pardonnez d'être vivant ? Comment ? Comment vous ferez-vous pardonner par ceux-là qui sont morts,
01:13pour que vous passiez bien habillés de tous vos muscles, que vous buviez aux terrasses, que vous soyez plus jeunes chaque printemps ?
01:22Je vous en supplie, faites quelque chose, apprenez un pas, une danse, quelque chose qui vous justifie,
01:31qui vous donne le droit d'être habillé de votre peau, de votre poil.
01:35Apprenez à marcher et à rire, parce que ce serait trop bête, à la fin, que tant soit mort et que vous viviez sans rien faire de votre vie.
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