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  • há 4 semanas
In two parts this documentary tells the painful story of the Spanish Civil War with descendants of Republicans and Francoists. July 1936. A military coup triggers a bloody civil war in Spain. After three years of fighting and 400,000 deaths, the war finally ends in the spring of 1939 with General Franco’s forces victorious. Heavy repression follows with the new dictatorship interning thousands of people in concentration camps.
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00:00A CIDADE NO BRASIL
00:30Ce que l'on sait de la guerre d'Espagne tient souvent en un nom, un slogan, une image.
00:47Ce que l'on sait moins, c'est que cette guerre menée comme une croisade contre la République s'est poursuivie longtemps après la victoire de Franco.
01:00CIDADE NO BRASIL
01:18Été 1936. Barcelone est en effervescence.
01:22La ville accueille les Olympiades populaires, une réponse pacifique aux Jeux Olympiques de Berlin que la République espagnole a boycottée.
01:32Parmi les 6000 athlètes venus défier le drapeau nazi dans un stade, un bon nombre d'entre eux, discriminés par leur race ou leur religion, ont répondu présents.
01:46Face à la montée du fascisme allemand et italien, l'Europe est déjà sous tension.
01:54Mais la grande fête alternative du sport n'aura pas lieu.
02:02Le 18 juillet, veille de la cérémonie d'ouverture, des coups de feu éclatent dans la cité.
02:10Comme dans la plupart des grandes villes du pays, la garnison se soulève.
02:13Madrid, la capitale, n'est pas épargnée par les événements.
02:21En 1936, j'avais 10 ans.
02:27Je vivais chez mes grands-parents, au numéro 2 de la rue Ferraz, juste en face de la caserne de la Montagna.
02:35Et je me souviens parfaitement que j'étais encore au lit, pas tout à fait réveillé, quand on a entendu des explosions, des coups de feu et tout ça.
02:48Au point que dans les chambres qui donnaient sur la caserne, des balles sont entrées.
02:57Conçu dans le secret depuis des mois, le putsch est l'œuvre d'une poignée d'officiers hostiles au gouvernement.
03:05À la tête du complot, le général Molla est bien décidé à le renverser.
03:12À ses yeux, la République est un fléau et ses adeptes de dangereux bolcheviques.
03:18Il faut mettre un terme à leur agitation.
03:21Arrivée au pouvoir 5 ans plus tôt, lors d'élections très disputées, la jeune République espagnole a bouleversé l'ordre établi.
03:35Après des décennies d'immobilisme politique, économique et social, elle a poussé le roi Alphonse XIII vers l'abdication, séparer l'église de l'État et initier un vaste programme de réformes.
03:53Son ambition ? Moderniser un pays aux structures archaïques, encore largement rurales.
03:57Ma mère avait hérité d'un lopin de terre de mes grands-parents qu'elle cultivait.
04:06Mon père, qui était cordonnier, l'y aidait, alternant les deux activités, sans en tirer grand-chose.
04:16C'était donc des gens plutôt favorables au projet de donner la terre à ceux qui la travaillent et de les aider à l'exploiter de façon plus moderne.
04:28Ils étaient républicains.
04:29Mon grand-père était un homme très concerné par l'éducation.
04:37Et il avait compris, comme beaucoup de membres du gouvernement républicain, que c'était l'outil indispensable à la transformation du pays.
04:47Son combat était de parvenir à ce que, via Franca del Bierzo, le village où il avait son magasin, où vivaient ses enfants, dispose d'une école publique et laïque.
04:56Cependant, tous les Espagnols n'adhèrent pas à cet élan progressiste.
05:03A commencer par la classe possédante, soucieuse de préserver ses intérêts.
05:08Pas plus que l'église qui s'est vue retirer le monopole de l'éducation,
05:12ou que la petite et moyenne bourgeoisie, effrayée par la politisation des masses.
05:17Le pluralisme démocratique ayant ouvert la voie à une multitude de partis de gauche,
05:22beaucoup craignent que l'Espagne ne soit au bord d'une révolution.
05:26Côté paternel, certains membres de la famille avaient grandi ou vécu au palais royal de Madrid.
05:36C'étaient des domestiques de la maison royale.
05:40Pour autant, ils avaient des convictions monarchistes, de droite et catholiques.
05:46Quant à l'avènement de la République, l'exil du roi et tout ça, ça leur a déplu et ça les inquiétait.
05:52Pour ses adversaires, comme pour les généraux insurgés,
05:59le régime républicain est synonyme d'instabilité, voire de chaos.
06:05Ces valeurs sont incompatibles avec l'Espagne conservatrice,
06:09catholique et autoritaire qu'ils veulent restaurer.
06:11Pour ajouter au grief, la promesse d'une plus grande autonomie de la Catalogne et du Pays Basque
06:18fait redouter à certains l'éclatement de l'unité nationale.
06:22Les conjurés bénéficient du soutien massif des milieux monarchistes,
06:31des grands propriétaires terriens, du monde industriel et financier,
06:37mais aussi d'une partie de l'armée et d'une organisation fasciste, la phalange.
06:42La phalange était un mouvement nationaliste,
06:49un mouvement qui défendait la justice sociale, le patriotisme, la patrie, l'Espagne
06:54et la religion catholique, des valeurs typiquement espagnoles historiquement.
07:00Mon père est né en 1920 et à l'âge de 17 ans, il a rejoint les volontaires phalangistes.
07:11Issu d'une famille catholique, il n'était pas républicain, il n'était pas de gauche.
07:17Mon père avait une certaine idée de l'Espagne et il voulait la défendre contre le communisme
07:21parce qu'on voyait bien ses méfaits, il la détruisait.
07:25Pour contrer l'insurrection qui se répand, villes et villages s'organisent.
07:31Les dépôts d'armes sont pris d'assaut.
07:35À l'appel de leurs dirigeants, militants socialistes, communistes, syndicalistes et surtout anarchistes
07:40se muent en militien et nombre de femmes avec eux.
07:46Encadrés par la fraction de l'armée restée loyale au gouvernement,
07:49ces soldats improvisés manient souvent les armes pour la première fois.
07:52Pour arrêter l'avance des soldats du général Mola, les partisans du gouvernement
07:58ont fait sauter un pont sur la route de Madrid à Guadalajara.
08:05Ma famille, côté maternel, était anarchiste.
08:10Je n'allais pas dire de père en fille, mais quasiment.
08:13Parce qu'on ne croit pas en Dieu, on ne croit pas en la propriété,
08:18on croit à l'émancipation des hommes mais aussi des femmes.
08:21Ma mère, au tout début, avec trois copines, elles ont décidé de s'engager comme militienne.
08:28En fin de compte, on a envie d'être dans l'histoire.
08:31Et l'être dans l'histoire, c'est y participer.
08:33Après, elles sont allées s'inscrire dans un bureau tenu par des gens qui étaient proches du mouvement Anar.
08:38Donc on leur a dit, le mieux c'est de faire un peu le service sanitaire.
08:42Donc on leur a filé les vêtements blancs, la couverture, enfin bon, la totale.
08:46Ma mère s'engage tout naturellement dans cette défense de la république
08:58qui avait été portée au pouvoir en toute légitimité.
09:02Elle baignait quelque part dans les idées de son frère communiste.
09:05Elle ne pouvait que s'engager dans la guerre en prenant les armes.
09:09Alors mon père socialiste, ma mère communiste, et ils se rencontrent dans les tranchées, les armes à la main.
09:15Et de là naît une très belle histoire d'amour et de lutte pour la liberté.
09:22À Madrid, siège du gouvernement central, les poutchistes se heurtent à une résistance acharnée.
09:28L'aviation républicaine a bombardé la caserne de la Montagna.
09:38Ça a duré toute la matinée, et pour finir, la caserne s'est rendue.
09:43Et le général Fanroul, qui l'a commandé, a été traduit devant un conseil de guerre.
09:51Du coup, Madrid est resté aux mains des milices et des troupes républicaines.
09:58Le coup d'État a échoué.
10:04La République est restée debout.
10:06Mais l'action des poutchistes l'a affaibli.
10:09Diviser son armée et polariser la société.
10:13Dans la guerre fratricide qui s'annonce,
10:16chacun choisit son camp.
10:24La fracture idéologique se lit aussi à l'extérieur des frontières.
10:28Ainsi, quand les autorités espagnoles appellent la France à l'aide,
10:34dans un premier temps, le socialiste Léon Blum est prêt à leur tendre la main.
10:39Les Britanniques, eux, y sont farouchement opposés.
10:43Londres se méfie de cette Espagne trop à gauche à son goût
10:46et préfère donner du crédit à la parole de la famille royale en exil.
10:50La mort dans l'âme, Léon Blum finit par s'aligner sur la position anglaise.
11:09La République espagnole fait la mère expérience de se trouver abandonnée
11:14par les démocraties occidentales.
11:16Côté insurgés, la quête d'alliés bat son plein aussi.
11:28Bloqué au Maroc espagnol,
11:31l'un des généraux sédicieux,
11:32un certain Francisco Franco,
11:34tardivement rallié au coup d'État,
11:37va jouer de ses relations.
11:38Grâce à son contact direct avec l'entourage d'Hitler et Mussolini,
11:43une cinquantaine d'avions est mise à sa disposition
11:45pour traverser le détroit de Gibraltar.
11:49Dans son sillage, l'armée d'Afrique.
11:53Plus de 30 000 soldats aguerris,
11:56dont ceux de la Légion,
11:57une unité d'élite formée de mercenaires
11:59qui ne reculent devant aucune brutalité.
12:05Quelques jours plus tard,
12:06Franco en personne prend pied sur le continent.
12:10Le général Franco,
12:12auquel ont pris place les généraux Cabanellas et Mola,
12:15harangue la foule massée sur la place.
12:17Il proclame la volonté des insurgés
12:20de reconquérir l'Espagne
12:21et de lui redonner son vrai visage.
12:26Avec l'appui militaire de l'Allemagne et de l'Italie,
12:30le conflit espagnol, domestique au départ,
12:32prend un accent international.
12:36Très vite, les nationalistes s'imposent
12:40dans les régions traditionnellement conservatrices
12:42de la Vieille-Castille, du Léon et de la Galice,
12:46ainsi qu'en Navarre et une partie des Asturies.
12:48A l'ombre de sa cathédrale,
12:55Burgos devient le quartier général de l'insurrection.
12:58Un embryon de gouvernement militaire collégial
13:01se met en place,
13:02destiné à prendre le contrôle du pays.
13:06Pour y parvenir,
13:08le chef de l'insurrection,
13:09le général Mola,
13:11énonce la méthode.
13:11Il faut semer la terreur.
13:16Il faut laisser la sensation de domination
13:18en éliminant sans scrupule
13:19tous ceux qui ne pensent pas comme nous.
13:23La chasse est ouverte.
13:29Les représentants de l'ordre républicain
13:31sont les premières victimes.
13:33Gouverneurs de province,
13:35maires, conseillers municipaux,
13:37mais aussi militants et simples sympathisants
13:39de gauche sont éliminés.
13:43Chaque ville,
13:44chaque village conquis
13:45est systématiquement nettoyé
13:47au prix de dizaines
13:49ou de centaines d'assassinats.
13:53Quand les phalangistes arrivaient,
13:55ce n'étaient pas forcément des gens du coin,
13:56ils venaient parfois du village d'à côté,
13:58ils apportaient des listes.
14:01Et s'ils trouvaient quelqu'un
14:02qui y figurait,
14:03ils l'embarquaient et le tuaient.
14:06Et s'ils ne le trouvaient pas,
14:07ils pillaient tout ce qui leur tombait sous la main,
14:09les jambons, tout ça.
14:14Dans mon village,
14:15ils ont exécuté le capitaine
14:16de la gendarmerie
14:17qui était la plus haute autorité républicaine.
14:20La toute première chose
14:21qu'ils ont faite,
14:22c'est d'attraper le capitaine
14:24et de le tuer.
14:28Mon grand-père est arrêté
14:29le 16 octobre 1936.
14:32Cette nuit-là,
14:32un camion est arrivé
14:33à la mairie de Villafranca
14:34et il a emmené
14:36avec 14 autres personnes
14:37détenues comme lui.
14:38Et derrière,
14:39il y avait une voiture
14:40avec 4 hommes de main
14:41de la phalange
14:42chargés de les assassiner.
14:44C'est ce qu'on appelait
14:45à l'époque
14:46les promenades.
14:47La phalange
14:48emmenait quelqu'un
14:49se promener.
14:50Elle lui collait
14:51deux balles
14:51et le promeneur
14:52ne réapparaissait jamais.
14:53Le plus terrible pour nous
15:00qui étions enfants,
15:01c'était de voir
15:03ces groupes de phalangistes
15:04qui assassinaient
15:05et tuaient nos voisins
15:06alors que la veille
15:08tout était paisible.
15:11Je n'ai plus eu d'enfance
15:12après ça,
15:13comme à tous ceux
15:14de ma génération
15:15me l'a volé
15:16parce qu'ils ont tué
15:18l'instituteur
15:19qui nous faisait classe.
15:20Juste parce qu'il était
15:23enseignant et républicain.
15:25Aucun de ceux
15:26qui furent massacrés
15:27les premiers jours
15:28du soulèvement
15:29n'avait commis de délit.
15:30Aucun.
15:33La traque se poursuit
15:35même à l'étranger.
15:37Au Portugal,
15:38l'ambassadeur d'Espagne
15:39est menacé.
15:41Mon père m'a raconté
15:46ce qu'il avait reçu
15:47dans son bureau
15:47à l'ambassade
15:49un homme
15:51qui lui avait demandé
15:51un entretien
15:52et curieusement
15:54cet homme lui a dit
15:56écoutez,
16:00le gouvernement de Burgos
16:01m'envoie pour vous tuer
16:02mais si dans les 48 heures
16:05vous quittez le Portugal
16:07vous aurez la vie sauve.
16:08Les femmes jugées trop libres
16:18n'échappent pas aux exactions.
16:20Battues,
16:21insultées,
16:22elles sont victimes
16:23de multiples outrages.
16:24Comme la société
16:28était patriarcale,
16:30les femmes n'étaient pas
16:31censées faire de la politique.
16:35Alors on les traitait
16:36de prostituées,
16:38de ci,
16:38de ça.
16:42Les enseignantes surtout.
16:45Parmi toutes celles
16:45qui s'étaient impliquées
16:46pendant la période républicaine
16:48qui avaient créé
16:49des associations
16:50de femmes libres,
16:52ils en ont tué
16:52quelques-unes
16:53et d'autres ont été
16:56jetées en prison.
17:02Il y a des femmes
17:03que l'on a tendu.
17:05On leur a fait avaler
17:06de l'huile de ricin
17:07pour qu'elles se vident
17:08de leurs excréments
17:09dans la rue.
17:10On les faisait suivre
17:11par un tambour
17:12pour que les gens
17:13sortent de chez eux
17:13et les humilient.
17:20Le général Keipo
17:21de Yano
17:21va même jusqu'à multiplier
17:23les appels au viol
17:24à la radio.
17:26Maintenant,
17:26elles viennent de connaître
17:27ce que sont
17:28de véritables hommes.
17:29Elles peuvent se débattre
17:30et couiner autant
17:31qu'elles veulent,
17:32cela ne les sauvera pas.
17:34Dès le mois de juillet 1936,
17:39les morts ont commencé
17:40à apparaître
17:41dans les rues
17:42et sur les routes.
17:43Très vite,
17:59l'Espagne
17:59se couvre
18:00de fausses communes.
18:10Quand on découvre
18:13un corps criblé
18:14de blessures
18:15par balles
18:15à la tête,
18:18avec les mains attachées,
18:20on peut se faire
18:22une idée
18:22des derniers instants
18:23de cette personne.
18:29Et si,
18:30en plus,
18:31on trouve 50 autres corps
18:32de la même fosse
18:33et qu'on imagine
18:35qu'ils ont tiré
18:35sur l'un,
18:37puis sur l'autre,
18:37et l'autre,
18:39et l'autre,
18:39celui qui se trouvait
18:41en 40e position
18:42a donc vu
18:43ce qu'il a devenu
18:44de ses camarades,
18:45comment ils sont tombés,
18:46tout en sachant
18:47que bientôt,
18:47ce serait son tour.
18:53Aujourd'hui encore,
18:55des dizaines
18:56de milliers
18:56de victimes
18:57assassinées
18:57par les nationalistes
18:59attendent
18:59d'être exhumées.
19:00Parmi elles,
19:04le grand poète andalou,
19:06Federico Garcia Lorca.
19:13Le clergé
19:14assiste imperturbable
19:15à cette sauvagerie.
19:18Dès le début
19:18de l'insurrection,
19:20la plupart
19:20de ses représentants
19:21se sont rangés
19:22dans le camp
19:23des conjurés.
19:27Ils ont une revanche
19:28à prendre
19:29sur cette république
19:30laïque
19:30qui les a privés
19:31des subsides
19:32de l'État.
19:36L'Église a pleinement
19:38soutenu
19:39le camp nationaliste,
19:40oui,
19:40parce que c'était
19:41une croisade
19:42contre l'athéisme
19:43et le communisme
19:44et contre les crimes
19:45du communisme.
19:50De même
19:50que Dieu
19:51s'oppose à Satan
19:52et Satan
19:53à Dieu,
19:54l'Église catholique
19:55s'opposait
19:56à ceux
19:56qui la percevaient
19:57comme une ennemie
19:58et qui voulaient
19:58l'éliminer,
19:59l'exterminer.
20:03Il faut bien comprendre
20:04que les gens
20:05de gauche
20:05sont des gens
20:06violents,
20:07extrémistes,
20:08qui s'imposent
20:09par la force.
20:10C'est dans
20:11leur idéologie.
20:16Dans les paroisses
20:17acquises à la cause,
20:19le soulèvement militaire
20:20est célébré
20:20comme une libération.
20:21Au nom de Dieu
20:23et de la patrie,
20:25les prêtres
20:25appellent à rejoindre
20:26la croisade
20:27contre les impies.
20:29L'évêque de Burgos
20:30déclare
20:30les graines du diable
20:32doivent être éliminées.
20:34Mon grand-père habitait
20:42ici,
20:43à Tahawerthé.
20:45Et dans les environs
20:46à 5 kilomètres,
20:47ils ont emmené
20:48des jeunes
20:48simplement parce
20:50qu'ils n'allaient pas
20:50à la messe.
20:52Ils ont été dénoncés
20:54par le curé du village
20:55parce qu'ils n'étaient pas
20:56assez pieux
20:57ou qu'ils ne partageaient
20:58pas les mêmes idées
20:59que lui.
20:59Alors le curé
21:03a contacté
21:03des gens
21:04qui sont venus
21:05chercher ces jeunes,
21:06ces hommes
21:06et ils les ont tués.
21:14Certains prélats
21:14bénissent les canons.
21:18Des prêtres
21:19abandonnent la soutane
21:20pour rejoindre
21:21les rangs des combattants.
21:24En Navarre,
21:25les volontaires
21:26sont si nombreux
21:26que les églises
21:28se retrouvent
21:28sans curé
21:29pour célébrer
21:29la messe
21:30ou recueillir
21:31les confessions.
21:35Deux mois plus tard,
21:37alors qu'aucun
21:38des deux camps
21:38n'entend cédé
21:39à l'autre,
21:40le rapport de force
21:41reste à l'avantage
21:42des républicains.
21:44Ils contrôlent
21:45les deux tiers
21:46du territoire,
21:47ses ressources
21:48et disposent
21:49des gigantesques
21:49réserves d'or
21:50de la Banque Nationale.
21:53Toutefois,
21:54l'autorité
21:54du gouvernement central
21:55est contestée.
21:59Dans le tumulte
22:03des événements,
22:04l'ordre public
22:05s'est effondré,
22:06les centains
22:07vident du pouvoir.
22:13À Barcelone
22:15et en Aragon,
22:16les anarchistes
22:17s'engouffrent
22:17dans la brèche.
22:19L'heure
22:19est à la révolution.
22:20Dès le départ,
22:24avec le comité
22:24des milices,
22:25ils avaient réparti
22:26un peu les centres
22:26névralgiques
22:27à diriger.
22:28C'était des responsables
22:29qui étaient chargés
22:30de l'ordre public,
22:31l'autre était chargé
22:32de l'abastecimiento
22:34pour les vivres,
22:35tout ce qui est
22:36les denrées,
22:37enfin,
22:37toutes ces choses-là.
22:38Et puis ensuite,
22:39vous en avez d'autres,
22:40c'était pour l'école,
22:41pour la santé.
22:42Ils ont commencé
22:43à collectiviser
22:44toutes les entreprises
22:45qui étaient collectivisables,
22:47les métros,
22:47les bus,
22:48les tramways.
22:48Les fermes ont été
22:49collectivisées,
22:50c'est-à-dire,
22:51ils mettaient en commun
22:51les machines,
22:53les bras.
22:56Toutes ces histoires,
22:57je ne les ai pas lues,
22:58évidemment,
22:58dans des livres
22:58parce que c'est
22:59de l'histoire personnelle
23:00et familiale.
23:04Censé prévenir
23:05une révolution,
23:06le coup d'État
23:07l'a paradoxalement
23:08engendré.
23:12Dans la capitale catalane,
23:13devenu l'épicentre
23:14d'un bouleversement
23:15sans précédent,
23:17les hôtels de luxe
23:18sont réquisitionnés.
23:22Symbole de l'ennemi
23:24de classe,
23:25ils sont transformés
23:26en cantines populaires.
23:28Présents sur les lieux,
23:30l'écrivain britannique
23:31George Orwell
23:32se laisse gagner
23:33par l'euphorie du moment.
23:35Il écrit
23:35« Les bâtiments étaient
23:37ornés de drapeaux
23:38rouges et noirs,
23:39les églises honies,
23:40les magasins
23:41et les cafés
23:41collectivisés.
23:43La classe possédante
23:44avait cessé d'exister. »
23:48Le rêve de ma mère,
23:53c'était une société
23:54déjà égalitaire.
23:56Égalitaire,
23:56ça veut dire
23:57qu'il n'y a pas
23:58de riches et de pauvres,
24:00il n'y a pas
24:00de patrons
24:01et d'ouvriers,
24:02il y a des gens
24:03qui travaillent ensemble
24:04dans une usine.
24:05C'est le laboratoire
24:06de l'utopie.
24:19Mais bon,
24:21l'insouciance des débuts
24:22et l'idée révolutionnaire
24:24étaient vite supplantées
24:26par les horrores
24:26de la guerre.
24:28Tandis que Barcelone
24:29vit l'été
24:30le plus enivrant
24:30de son histoire,
24:32les nationalistes
24:33se préparent
24:33à marcher sur Madrid.
24:36L'urgence commande.
24:41Mais contrairement
24:42aux généraux occupés
24:43à assurer la victoire
24:44de leur troupe,
24:45Franco, lui,
24:47suit son propre agenda.
24:49Délaissant la capitale,
24:50il choisit de voler
24:51au secours
24:52de la garnison de Tolède,
24:54retranchée dans l'Alcazar,
24:56avec femmes et enfants.
25:04Présenté comme un exploit
25:05par son service de presse,
25:07la libération de la forteresse
25:08fait connaître son nom
25:10dans le monde entier.
25:11Enfin, c'est la délivrance.
25:15Les assiégés ayant lutté
25:15jusqu'à l'extrême limite
25:16des forces humaines
25:17quittent les sous-terrains
25:18où ils vivaient
25:18depuis plus de deux mois et demi.
25:20Les visages démaciés
25:21portent les marques
25:22des souffrances endurées.
25:23Le général Franco
25:24harangue et félicite
25:25les cadets dont aucune prédation
25:26ne put affaiblir le courage.
25:30Une semaine plus tard,
25:32Franco récolte ses lauriers.
25:35Nommé par ses pères
25:36à la tête de l'armée insurgée,
25:38le généralissime
25:39que l'on appelle déjà
25:40le caudio, le chef,
25:42entame une ascension fulgurante.
25:56Au même moment,
25:58les républicains reçoivent
25:59enfin le soutien international
26:00tant attendu.
26:01A l'automne 1936,
26:09les premiers contingents
26:10des brigades internationales
26:12débarquent en Espagne.
26:16A l'initiative du Comintern,
26:18près de 35 000 volontaires
26:20viennent prêter main forte
26:21à la République en danger.
26:22La ville d'Albacete
26:26devient leur quartier général.
26:29Dépassés par le nombre,
26:31les autorités mettent
26:32tout en œuvre pour les héberger.
26:34Ils se sont posé la question
26:35lors d'une réunion
26:36et ils ont dit
26:37« Ah ben,
26:38au canard,
26:38mon père,
26:39Jean-Luc Canard,
26:40qui est officier volontaire
26:41dans l'armée républicaine,
26:43compte tenu qu'il travaille
26:45chez un volontaire,
26:46il doit connaître
26:47le cadastre
26:48et l'environnement
26:49de la région,
26:51dont ils le nomment
26:52officier d'intendance.
26:55Ça consistait
26:55à réquisitionner
26:57les biens
26:59et surtout
27:00les immeubles appartenant
27:01à tous ceux
27:02qui ont aidé
27:03et encouragé
27:04le coup d'État.
27:07Parmi les brigadistes
27:08qui affluent dans le pays,
27:10près de 50 nationalités
27:11sont représentées.
27:13Militants antifascistes
27:14de la première heure,
27:16ils sont prolétaires,
27:17intellectuels,
27:18chômeurs
27:19ou aventuriers.
27:28Un Britannique
27:29écrit à sa fille
27:30« Des ouvriers comme moi
27:32sont venus
27:33des quatre coins du monde
27:34en Espagne
27:35pour arrêter le fascisme.
27:37Alors même si je suis
27:38à des centaines de kilomètres
27:39de chez toi,
27:41je lutte pour te protéger,
27:42toi et tous les enfants
27:43d'Angleterre
27:44ainsi que les gens
27:45du monde entier. »
27:48Trois semaines plus tard,
27:53le Komsomol,
27:55un navire soviétique,
27:56accoste à Cartagène.
28:00À son bord,
28:00des vêtements,
28:01des vivres
28:02et surtout des armes
28:03qui font tant défaut
28:04aux républicains.
28:07Après maintes hésitations,
28:09Staline s'est enfin décidé
28:10à faire un geste.
28:22Épaulés par les brigades,
28:24équipés par Moscou
28:25et exhortés à la résistance
28:27par Dolores Ibaruri,
28:29surnommé la passionaria,
28:30les madrilènes
28:32s'apprêtent à défendre
28:33leur capitale
28:34avec ardeur.
28:34« Tous contre la réaction,
28:37tous contre le fascisme,
28:39un seul front,
28:41une seule union,
28:43hombro con hombro unidos
28:44tous
28:45jusqu'à finir
28:46avec l'ennemi.
28:47Abajo los generales
28:48faciosos,
28:49abajo los elementos
28:51contra los revolucionarios. »
28:52Pilonné sans relâche
29:04pour briser le moral
29:05de la population,
29:06Madrid subit nuit après nuit
29:08le bombardement meurtrier
29:10de l'aviation allemande.
29:11Dans le quartier de l'université,
29:33où les combats sont
29:34particulièrement violents,
29:36les étudiants dévalisent
29:37la bibliothèque
29:38pour ériger des barricades.
29:41Beaucoup d'enfants
29:53sont évacués à la campagne.
29:55D'autres sont envoyés
29:56en France,
29:57en Grande-Bretagne
29:58et même en Union soviétique
29:59pour les mettre à l'abri.
30:03« Mes grands-parents paternels
30:05étaient à Madrid
30:06durant la guerre,
30:08traumatisés à l'idée
30:09qu'on prenne leurs enfants
30:10pour les envoyer en Russie
30:11au cours d'une de ces opérations
30:14qui expédiaient
30:15les enfants à l'étranger.
30:18Ils ont eu faim,
30:20connu des privations
30:21et aussi les bombardements.
30:24Ils ont vu des morts
30:25joncher les rues.
30:28Un obus est entré
30:29dans leur maison.
30:30Il l'a traversé
30:31de part en part
30:32d'un balcon
30:32jusqu'au patio du fond.
30:34et ma grand-mère
30:35a été blessée.
30:37Elle a eu un trou
30:37dans la cuisse.
30:52Cette fois encore,
30:54la capitale repousse
30:55vaillamment
30:55ses assaillants.
30:56La résistance des madrilènes
31:07et le slogan
31:08« no pas saran »
31:09deviendront les icônes
31:10de la guerre
31:11pour la postérité.
31:17Pourtant,
31:19cette imagerie héroïque
31:20fait oublier
31:21une réalité
31:22plus complexe.
31:22Dans les zones
31:24restées aux mains
31:25des républicains,
31:26une violence aveugle
31:27se déchaîne.
31:29La cible principale
31:30de la fureur,
31:31l'église catholique.
31:34Associée à l'oppression,
31:35elle cristallise
31:36la haine des faibles
31:37contre les puissants.
31:40Partout où
31:40les nationalistes
31:41sont tenus en échec,
31:43on pille les églises
31:44et on assassine
31:45les prêtres.
31:46Le journal
31:52Solidarité Ouvrière,
31:54l'organe des anarchistes,
31:55justifie.
31:58Ils sont responsables,
32:00non seulement
32:00de l'insurrection fasciste,
32:02mais aussi
32:03d'avoir maintenu
32:04le peuple
32:04dans un état
32:05de misère permanent
32:06et dans une ignorance
32:07plus durable encore.
32:10Ce qui arrive
32:10au clergé obscurantiste
32:12n'est autre
32:13que le fruit
32:13de ce qu'il a semé.
32:16Les lieux de culte
32:18qui échappent aux flammes
32:19sont convertis
32:20en étables,
32:21en entrepôts
32:22ou en hôpitaux.
32:25Le blasphème
32:26devient un signe
32:27de ralliement,
32:28au point que
32:29ceux qui s'y refusent
32:30sont suspectés
32:31de collusion
32:31avec l'ennemi.
32:33Mes grands-parents paternels
32:36ont pris soin
32:37de rester bouche cousue
32:38parce qu'ils pouvaient
32:40être dénoncés
32:40par des voisins.
32:43Évidemment,
32:44sans pratiquer
32:45leur religion.
32:46ni signes extérieurs
32:47de leur foi.
32:53Sur les portes,
32:55mettre un cœur sacré
32:55de Jésus,
32:56c'était interdit.
32:59Si vous étiez connus
33:00pour aller à la messe,
33:02on vous tuait.
33:04Si vous étiez membre
33:05de l'action catholique,
33:07on vous tuait.
33:09Si on trouvait sur vous
33:10un chapelet,
33:11on vous tuait.
33:11On estime que 7000 religieux
33:16ont été victimes
33:18de ce qu'on appelle
33:18la terreur rouge.
33:21Rien qu'au cours
33:22du siège de Madrid,
33:24plus de 2000 hommes
33:25d'église,
33:25mais aussi des représentants
33:27de la droite espagnole,
33:28sont sauvagement assassinés.
33:32Enterrés au cimetière
33:33de Paraguayos,
33:34une immense croix blanche
33:35visible à des kilomètres
33:37rappelle le lieu
33:38de ces massacres.
33:46Pour l'heure,
33:47défait devant Madrid,
33:49Franco dirige
33:50ses troupes vers le nord
33:51avec une nouvelle stratégie,
33:53une guerre d'usure,
33:55lente,
33:56qui détruit tout
33:56sur son passage.
34:00Au Pays basque,
34:01les aviateurs allemands
34:02de la Légion Condor
34:03sont mobilisés.
34:06Des dizaines de tonnes
34:07de bombes sont lâchées.
34:09D'abord sur Durango,
34:11puis sur Guernica.
34:14Le 26 avril 1937,
34:17jour de marché,
34:18la ville est réduite
34:19en cendres.
34:23Un quart de ses habitants
34:24y trouve la mort.
34:25Pour la première fois
34:39de l'histoire,
34:40une population civile
34:41est volontairement ciblée.
34:43Le choc est immense.
34:46L'indignation internationale
34:48est telle
34:49que les nationalistes
34:50vont tenter
34:51d'imputer le crime
34:51au camp adverse.
34:52Forcément,
34:56à Barcelone,
34:57tout ça,
34:57ça se savait.
34:59On ne pouvait pas
34:59passer sous silence
35:00Guernica
35:01ou quoi que ce soit.
35:03C'est impossible.
35:04Donc, oui,
35:05les gens étaient
35:05parfaitement au courant
35:06de la situation.
35:07Submergés par ses adversaires,
35:13toujours massivement équipés
35:15par l'Allemagne
35:15et l'Italie,
35:17la République espagnole
35:18vacille.
35:20Les armes livrées
35:21par les soviétiques
35:22se révèlent insuffisantes,
35:24obsolètes
35:25et en mauvais état.
35:26Pire,
35:29pour les obtenir,
35:31Madrid a dû céder
35:32les deux tiers
35:32de sa réserve d'or
35:33à Moscou,
35:35le cours de la monnaie
35:35a chuté
35:36et la présence
35:37des brigades internationales
35:39doublées du soutien
35:40du Kremlin
35:40ont renforcé
35:41la position
35:42des communistes.
35:47Miné par les dissensions,
35:49le gouvernement
35:49est au bord
35:50de l'explosion.
35:51Petit à petit,
35:54l'oeuvre révolutionnaire
35:55des anarchistes
35:56a été combattue
35:57par les communistes
35:58qui, eux,
36:00préféraient
36:01un ordre
36:02surtout maîtrisé
36:03par eux
36:03tant qu'à faire.
36:05Et puis,
36:05ils avaient plus d'influence
36:06aussi au sein
36:07du gouvernement
36:07à Madrid.
36:17Alors que l'Espagne républicaine
36:19a plus que jamais
36:20les besoins
36:20de tous ses partisans,
36:23Staline va les diviser
36:24davantage.
36:27Son objectif,
36:29mettre à bas
36:30un gouvernement
36:30qui compte
36:31quatre ministres anarchistes
36:32dont une femme
36:33dans ses rangs.
36:37En mai 1937,
36:40de violents affrontements
36:41entre communistes
36:42et anarchistes
36:43éclatent à Barcelone.
36:46Des journées sanglantes,
36:48plus de 400 personnes
36:49y perdent la vie,
36:51tenues pour responsables,
36:52le gouvernement
36:53est contraint
36:54à la démission.
36:57Staline rafle la mise.
36:58Il ne lui reste qu'un dernier
37:03adversaire à abattre,
37:05le POUM,
37:06un parti anti-stalinien
37:08qui avait dénoncé
37:09les grandes purges
37:10de Moscou.
37:10Les agents du NKVD,
37:13la police politique du Kremlin,
37:15se chargent de réduire
37:16au silence son leader,
37:18Andres Nin.
37:21Les autorités espagnoles
37:23ne demanderont jamais
37:24de compte soviétique.
37:26Leurs livraisons d'armes
37:27sont indispensables.
37:28la survie de la République
37:31en dépend.
37:40D'autant que les troupes franquistes
37:42gagnent du terrain.
37:43Pendant que les combats
37:55font rage,
37:56les nationalistes
37:57consolident leur assise
37:58et développent
37:59leur appareil d'État.
38:01Dans les villes
38:02et villages
38:02débarrassés
38:03de leurs opposants,
38:05de nouvelles instances
38:05ont remplacé les maires
38:07et fonctionnaient républicains.
38:08Délateurs,
38:11opportunistes
38:11et partisans
38:12de la reprise en main
38:13du pays
38:13imposent leurs lois.
38:17Les meurtriers
38:18de mon grand-père,
38:20ce sont le maire
38:21et les conseillers
38:22du village
38:22où ma grand-mère
38:23et mes parents
38:23ont vécu
38:24pendant 40 ans.
38:28Et sous le joug
38:29de ce pouvoir local,
38:31il leur fallait
38:32continuer de vivre.
38:34Parfois,
38:35un des assassins
38:36de mon grand-père,
38:37en partant chasser,
38:37passaient devant
38:39leur porte
38:39avec son fusil
38:40sur l'épaule.
38:43Une manière
38:45de maintenir
38:46la terreur vivante,
38:47de la faire perdurer.
38:52Eh bien,
38:53c'était un système
38:53autoritaire
38:54et en étaient exclus
38:55tous ceux
38:56qui voulaient détruire
38:57l'Espagne.
38:59Aussi bien
38:59les communistes
39:00que les francs-maçons
39:01étaient exclus
39:02de la vie politique
39:03parce qu'ils étaient
39:04néfastes pour l'Espagne.
39:07Dans ces territoires,
39:10le drapeau tricolore
39:11républicain disparaît.
39:13Il est remplacé
39:14par l'étendard monarchiste
39:15sang et or
39:16qui devient
39:16l'emblème officiel.
39:19Rue et place
39:20sont rebaptisées,
39:22le salut fasciste
39:23devient la règle
39:23et les haut-parleurs
39:25crachent des chants
39:25militaires
39:26à longueur de journée.
39:27Alors que la guerre civile
39:46s'éternise,
39:47chaque nouveau fief
39:48devient un réservoir
39:49de soldats
39:50enrôlés de gré
39:51ou de force.
39:52Du coup,
39:56quand mon grand-père
39:57fut appelé
39:58en 1937,
39:59la guerre
40:00était déjà
40:00bien entamée.
40:02Vous étiez
40:03incorporés
40:03d'office,
40:04vous étiez appelés
40:05à vous battre,
40:06que vous le vouliez
40:06ou non.
40:10Et comme la région
40:11de Soria
40:12où nous sommes
40:13s'était rangée
40:14dans le camp nationaliste,
40:15mon grand-père
40:16a dû se battre
40:16dans ses rangs.
40:17Sous l'influence
40:22de Ramon Serrano
40:22Sounière,
40:23le beau-frère
40:24de Franco,
40:25un premier gouvernement
40:26formel voit le jour
40:27et c'est le caudillo
40:29qui en prend la tête.
40:31Rien n'est laissé
40:32au hasard.
40:34Comme en Allemagne
40:35nazie
40:35et en Italie fasciste,
40:37la phalange
40:37et les monarchistes
40:38sont réunis
40:39dans un parti unique
40:40qui prendra bientôt
40:41le nom
40:42de mouvement national.
40:45Nommé chef suprême
40:46du parti unique,
40:47Déjà chef d'État
40:48et chef des armées,
40:50le caudillo
40:51réunit désormais
40:51tous les pouvoirs.
40:54Son seul concurrent
40:55possible,
40:56le général Mola,
40:57l'instigateur
40:58du coup d'État,
40:59décède opportunément
41:00dans un accident
41:01d'avion
41:01quelques mois plus tard.
41:05C'était un monarque.
41:07Une monarchie,
41:07c'est le gouvernement
41:08d'un individu
41:09et Franco
41:09gouvernait seul.
41:11De fait,
41:11il a constitué
41:12l'Espagne
41:12en royaume.
41:14Au début,
41:14oui,
41:15c'était une dictature.
41:17L'Église contribue
41:42activement
41:43à l'édification
41:44du nouvel État.
41:46Sous son égide,
41:48l'éducation
41:48est reprise en main.
41:50Les crucifix
41:50retournent dans les écoles.
41:52Les rites liturgiques
41:53et les fêtes religieuses
41:55sont rétablis.
41:56L'armée,
41:57le parti unique
41:58et l'Église
41:59et l'Église
41:59deviennent
42:00les trois piliers
42:01du national-catholicisme,
42:03une idéologie
42:04dont se réclament
42:04toujours certains.
42:07Moi,
42:08je défends
42:08la politique
42:09du régime
42:09de Franco
42:10et le catholicisme
42:11institué à l'époque
42:12parce que les principes
42:14que nous défendons
42:15sont intemporels,
42:16éternels,
42:18applicables
42:18en tout temps
42:19et à toutes les époques.
42:20Le 3 février 1938,
42:25le gouvernement franquiste
42:26se réunit
42:27pour la première fois.
42:29À l'ordre du jour,
42:31l'abrogation
42:32de la législation républicaine.
42:35Sans attendre,
42:36les terres collectivisées
42:37sont rendues
42:38à leurs anciens propriétaires.
42:40Le mariage civil,
42:41le droit au divorce,
42:43l'avortement
42:43et l'accès à l'emploi
42:44des femmes mariées
42:45sont supprimés.
42:47Une nouvelle charte
42:48du travail
42:49prive les ouvriers
42:50de toute négociation
42:51collective
42:52et les soumet
42:53au bon vouloir
42:54de leurs employeurs.
42:57Un Estado totalitaire
42:59harmonisera en Espagne
43:01le fonctionnement
43:03de toutes les capacités
43:05et énergies
43:06du pays
43:06dans laquelle,
43:08dans la unité nationale,
43:10le travail,
43:12estimé comme
43:13le plus inéluble
43:14des devoirs,
43:15sera l'unique
43:16exponente
43:17de la volonté populaire.
43:18En une parole,
43:20la semilla
43:21de notre patriotisme
43:22regala
43:23con la sangre
43:23de tantas martyres
43:25à la fecunda
43:26la cosecha,
43:27de la cual
43:28las mejores espigas
43:29las hemos de depositar
43:31en el altar augusto
43:32de la patria.
43:33Tout est dit.
43:37Les fondements
43:38d'une dictature
43:39faite pour durer
43:40sont en place.
43:42La récupération
43:43des archives
43:44des partis politiques,
43:46des syndicats,
43:47des loges maçonniques
43:48et de toute association
43:49d'obédience républicaine
43:50va contribuer
43:51à la pérenniser.
43:52Systématiquement saisies
43:58dans les territoires
43:58conquis,
44:00ces documents
44:00vont constituer
44:01la base
44:02d'un fichage
44:02en règle
44:03de la population.
44:06Le projet de Franco
44:09était basé
44:10sur la souffrance
44:11de ma grand-mère,
44:13sur celle
44:13de mon père,
44:15sur la souffrance
44:16de tous ceux
44:17qui ont construit
44:17la première période
44:18démocratique
44:19de l'histoire
44:20de l'Espagne.
44:25L'année 1938
44:27se poursuit
44:28sous de funestes
44:29auspices
44:29pour les républicains.
44:31Au printemps,
44:32les troupes nationalistes
44:34enfoncent
44:34le front d'Arago.
44:37La guerre
44:37prend une tour
44:38dans le front d'Arago.
44:39Avec l'aide
44:40de nouveaux planos
44:40et de l'équipement,
44:42les troupes
44:42passent
44:43au nord de Teruel
44:44vers le barcelona.
44:45Les chambres
44:45se poussent
44:46dans le pays
44:46précédemment
44:47pas touchés
44:47par le conflit.
44:49En tout cas,
44:49Franco
44:49accueille
44:502 000 m2
44:51et 10 000
44:52prisonniers
44:53capturés.
44:55Une fois,
44:56la guerre civile
44:57se trouve
44:57atteint
44:57un stage décisive.
45:03La bataille
45:04à laquelle nous savons
45:06que grand-père
45:07a participé
45:07est celle d'Aragon,
45:09dans un village
45:10du nom d'Almoudévar.
45:13Une balle
45:14l'a atteint
45:15à la tête.
45:18Une demi-heure
45:19plus tard,
45:19sa mort
45:20a été certifiée
45:21et on l'a transférée
45:22au cimetière
45:22de Saragosse.
45:24Quand ma grand-mère,
45:25qui était alors
45:26enceinte,
45:26l'a appris,
45:27elle a dû rester
45:28aliter quasiment
45:29tout le reste
45:29de sa grossesse.
45:31Ça l'a beaucoup
45:31affectée
45:32et elle est retournée
45:33vivre chez ses parents
45:34avec ses deux enfants.
45:35engluée dans un conflit
45:49inextricable,
45:51la République mobilise
45:52ses forces
45:53dans une dernière offensive.
45:54La bataille de l'Ebre
45:58reste dans les annales
45:59comme la plus longue
46:00et la plus sanglante
46:01de la guerre.
46:06Pour l'occasion,
46:08des adolescents
46:08d'à peine 14 ans
46:09sont appelés
46:10à combattre.
46:12Baptisés
46:13le bataillon
46:13du biberon,
46:15beaucoup vont
46:15sacrifier leur jeunesse
46:17sur le champ
46:17de bataille.
46:21Acculés,
46:22le gouvernement
46:22tente le tout
46:23pour le tout.
46:25Le 21 septembre 1938,
46:27à Genève,
46:28Juan Negrin,
46:30le premier ministre espagnol,
46:32annonce le retrait
46:32des brigades internationales.
46:35Une manœuvre
46:35destinée
46:36à ce que la Société
46:37des Nations
46:38oblige l'Italie
46:39et l'Allemagne
46:39au retrait
46:40de leurs troupes.
46:41En vain.
46:44L'essentiel
46:44des forces italiennes
46:46et allemandes
46:46reste sur place
46:47tandis que
46:48la plupart
46:49des brigadistes
46:50apprennent
46:50leur démobilisation
46:51sur le front.
46:53Alors que les combats
46:54tournent en faveur
46:55des nationalistes,
46:56ils laissent
46:57leurs camarades
46:57espagnols
46:58seuls face
46:59à leurs adversaires.
47:01De ce fait,
47:02mon père n'avait
47:03plus de travail
47:03d'intendance
47:04en tant qu'officier
47:06Albacete
47:06et avec son régiment
47:08il rejoint
47:08les batailles
47:09de l'Ebro.
47:10Et c'est à
47:11Villarosse
47:12en 1939
47:13que
47:14les républicains
47:15se rendent
47:16et donc là
47:17mon père
47:17son souci
47:18c'est de rejoindre
47:20Albacete
47:21pour retrouver
47:22ma mère.
47:28Dès lors,
47:30tout s'accélère.
47:31Après avoir atteint
47:32la Méditerranée,
47:34les nationalistes
47:34ont coupé
47:35le territoire républicain
47:36en deux.
47:44Bientôt,
47:46la Catalogne,
47:47hier bastion
47:48des anarchistes,
47:49tombe.
47:50Il n'en faut pas
47:51plus à la France
47:51et à la Grande-Bretagne
47:52pour reconnaître
47:53officiellement
47:54le gouvernement
47:55de Franco.
47:55Le 21 février
47:591939,
48:01ces troupes
48:01défilent
48:02dans les rues
48:02de Barcelone.
48:05Je n'ai jamais
48:06posé la question
48:07de savoir
48:07où était
48:08exactement
48:08ma mère
48:08quand Franco
48:09est arrivée.
48:10J'imagine
48:10qu'elle ne devait
48:11pas traîner
48:11dans les rues.
48:12Quand on regarde
48:13les images
48:13de l'époque,
48:14une quantité
48:15incroyable
48:16de gens
48:16au moment
48:17du défilé
48:18des forces
48:18de Franco,
48:20le bras levé
48:20comme on salue
48:21fasciste,
48:22comme ça.
48:22J'imagine
48:26que ça devait
48:27être un désastre
48:27d'assister à ça.
48:33Craignant
48:33pour leur vie,
48:35près d'un
48:35demi-million
48:36de personnes,
48:37hommes,
48:38femmes,
48:38enfants,
48:39vieillards,
48:40prennent le chemin
48:41de l'exil.
48:44Par un hiver
48:45particulièrement
48:46rigoureux,
48:48une foule immense
48:48franchit les Pyrénées
48:49dans l'espoir
48:50de trouver asile
48:51en France.
48:52Beaucoup y feront
49:05souche.
49:06De Tarbes
49:07à Perpignan
49:07et de Toulouse
49:08à Albi
49:09ou Montpellier,
49:10leurs héritiers
49:11se chargent
49:11d'entretenir
49:12leur mémoire.
49:14Mon père,
49:14forcément,
49:15commandant
49:15de l'armée républicaine,
49:17s'il était arrêté,
49:19il allait être
49:19immédiatement fusillé.
49:21de par ses responsabilités
49:22et maman,
49:24en tant qu'ancienne
49:25communiste
49:27qui a pris
49:28les armes
49:29et qui est
49:30l'épouse
49:30d'un officier,
49:32forcément,
49:33ils savaient très bien
49:33tous les deux
49:34qu'ils allaient avoir
49:34des représailles
49:35très très importantes.
49:36Il n'avait pas
49:37d'autre solution
49:37que de fuir.
49:38Mon père,
49:43il avait l'habitude
49:44d'aller prendre
49:45le matin
49:45un petit café
49:46dans une place
49:47d'Albacete.
49:48Il s'arrête au kiosque
49:49et le vendeur
49:50de journaux
49:50lui dit
49:51« José,
49:52la police t'attend
49:53dans le bistron. »
49:54Il se pose la question
49:55« Je reste,
49:57je suis condamné à mort.
49:59Le salut,
50:00c'est de partir. »
50:01Mon oncle
50:02travaillait
50:03dans le chemin
50:04de fer.
50:05Il lui remet
50:07un habit
50:08de cheminot
50:09et un cube
50:11de peinture.
50:12Mon père
50:13part d'Albacete
50:13à pied
50:14le long
50:15de la voie ferrée.
50:17Il fait 200 km
50:18à pied
50:18jusqu'à Valence.
50:20En faisant semblant,
50:22il peignait
50:22les petits plots
50:23qu'il y a
50:24le long
50:24des voies ferrées
50:25en ciment.
50:29Le 28 mars 1939,
50:32éreinté
50:32par deux années
50:33et demi de siège,
50:34Madrid
50:35à son tour
50:36se soumet.
50:37La République
50:38a vécu.
50:44Grand-mère
50:45n'a jamais considéré
50:46que le camp
50:47dans lequel son mari
50:48avait combattu
50:48était celui
50:49des vainqueurs.
50:50Je n'ai jamais
50:51entendu ça
50:51à la maison.
50:52Elle a vécu
50:53la guerre
50:53comme un malheur,
50:54un désastre familial.
51:00Auréolé
51:01de sa victoire,
51:03le nouvel
51:03homme fort
51:03de l'Espagne
51:04affirme
51:05que ceux
51:05qui n'ont
51:05pas de sang
51:06sur les mains
51:06n'ont rien
51:07à craindre
51:07des vainqueurs.
51:13Mais les promesses
51:13n'engagent
51:14que ceux
51:14qui les croient
51:15et la guerre
51:16continue
51:16sous d'autres formes
51:18quotidiennes
51:20et impitoyables.
51:22de l'Espagne
51:23et la guerre
51:23de l'Espagne
51:25Amém.
51:55Amém.
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