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Sandrine Larremendy, invitée de ICI Pays Basque ce jeudi, était aux côtés du négociateur de la police devant le Bataclan, le 13 novembre 2015. Psychologue au sein de la police judiciaire pendant cinq ans, spécialiste des situations de crise, elle continue à suivre des victimes des attentats.

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Transcription
00:00Sandrine Laramendi, bonjour.
00:01Bonjour.
00:02Alors, il y a 10 ans, le 13 novembre 2015, vous êtes présente devant le Bataclan lors de la prise d'otages.
00:09Racontez-nous pourquoi et qui vous fait venir à ce moment-là ?
00:13En fait, le 13 novembre 2015, je travaille pour la direction de la police judiciaire depuis déjà 8 ans, depuis 2007.
00:21Et je travaille à la fois pour la prise en charge des victimes de crimes,
00:26mais également, au sein de la BRI, je suis associée au groupe négociation,
00:33donc sur des prises d'otages, des forcenés retranchés chez eux, des personnes suicidaires, en crise suicidaire.
00:40Et donc, on intervient avec eux, auprès d'eux, pour essayer de résoudre au mieux les crises.
00:45Et alors, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi vous êtes ensuite devant le Bataclan en plein cœur de la crise ?
00:52En fait, ce soir-là, du coup, vers 21h30, je suis appelée par l'état-major de la police judiciaire.
00:58Et on m'appelle pour me dire qu'il y a des attentats multiples et que je dois partir intervenir avec le négociateur en charge de la négociation ce soir-là,
01:08que je rejoins, du coup, devant le Bataclan.
01:10Qu'est-ce qui se passe ensuite ? On est tellement curieux de savoir comment ça s'est passé pour vous, là, dans les coulisses.
01:17L'idée, en fait, dans ces moments-là, c'est d'essayer de travailler avec le ou les négociateurs sur place.
01:23Qui sont des policiers ?
01:24Qui sont des policiers. Qui sont des policiers de la BRI, qui ont été d'abord en colonne d'intervention,
01:29et puis qui, par la suite, sont devenus négociateurs, ou sont encore à la fois négociateurs et à la fois dans les colonnes.
01:37Et rappelez-nous, ils communiquent comment avec les preneurs d'otages ?
01:40Par téléphone. Comme ça, ça permet d'avoir de la distance par rapport à la crise, pour prendre un peu de hauteur.
01:47Et du coup, il y a plusieurs appels qui vont se dérouler dans la soirée.
01:53Et donc, entre chaque appel, on échange, en fait, ensemble, pour essayer de trouver une stratégie de négociation,
02:00dans l'espoir, bien sûr, de faire sortir des otages.
02:03Et en tout cas, aussi, d'essayer de les apaiser et de détourner leur attention.
02:09Ça se passe comment, pour vous, à ce moment-là ?
02:13C'est le professionnel qui prend le dessus, c'est ensuite que ça retombe ? Comment ça se passe ?
02:19Oui, généralement, à chaque crise, en fait, on est vraiment...
02:22On se crée une bulle, en fait, entre nous.
02:24Et on est totalement happé par la situation.
02:29On se crée vraiment cet espace-là pour essayer de gérer au mieux nos émotions.
02:36Et puis, pour vraiment travailler à cette stratégie qui doit fonctionner le mieux possible.
02:42Quand avez-vous pris conscience de l'énormité et du drame ?
02:46Je pense tout de suite, dès le début, parce que quand on est arrivé et qu'on voit des morts qui sont devant la salle,
02:53on se rend très vite compte de ce qui se passe.
02:57Et puis, après l'assaut, je suis restée, moi aussi, sur place, du coup, pour gérer ce qu'on appelle le tri des victimes.
03:03Ce n'est pas très beau comme mot, mais pour amener les personnes qui avaient un témoignage crucial pour l'enquête
03:10le plus rapidement possible à la police et puis prendre les coordonnées des autres pour pouvoir les reconvoquer plus tard.
03:17Donc, on assiste aussi les policiers à cette mission-là.
03:21Cette prise d'ostage a fait 130 morts et des dizaines et des dizaines de blessés.
03:26Il y a eu aussi des victimes à des terrasses de café parisiens et au Stade de France.
03:30Dix ans après, comment vivez-vous cet événement ?
03:32Moi, personnellement, j'ai quand même pris du recul, même si c'est vrai que pour nous,
03:39les psychologues, il s'est étendu dans le temps, puisqu'on a continué de suivre des personnes
03:45et je continue encore d'en suivre aujourd'hui.
03:48Donc, il n'a jamais vraiment fait partie du passé.
03:50Là, aujourd'hui, c'est les dix ans.
03:52Je vais être là le jour des commémorations, comme je l'ai été tous les ans,
03:56auprès de mes collègues de la BRI et puis aussi auprès des personnes qui ont été victimes et des familles endeuillées.
04:01Alors, comment vont les rescapés, justement, dix ans après ?
04:04Ou que vous suivez encore ?
04:06Pour certains, je pense que le travail a été fait, les choses ont bien avancé.
04:12Ils ont réussi aussi à revivre tout autre chose, à avoir d'autres problématiques, finalement,
04:17un peu comme monsieur et madame tout le monde.
04:19Après, c'est évidemment un événement qui fait partie de leur vie,
04:23qui fait partie de leur ossature aujourd'hui, comme tout événement difficile.
04:26Et voilà, certains pour qui c'est plus difficile parce qu'on n'a pas tous les mêmes armes,
04:31on n'est pas tous accompagnés de la même manière non plus.
04:35D'autres, certains ont aussi déjà vécu des événements traumatiques avant.
04:39Donc, cet événement est venu aussi raviver des blessures déjà en place.
04:43Donc, voilà, il y a des vitesses différentes.
04:45Mais en tout cas, ça avance et je pense qu'à un moment, ça ira mieux.
04:51Vous avez suivi des familles aussi de rescapés.
04:54C'est dur pour elles ?
04:55Oui, c'est très dur.
04:56C'est très dur.
04:58Elles, elles sont dans l'impuissance totale.
05:00Les faits sont ce qu'ils sont.
05:01Ils ne peuvent pas être changés.
05:03Donc, c'est très difficile de se relever après la perte d'un être cher.
05:07Alors que quand on est victime directe, on peut réussir à avoir de la maîtrise un peu sur les choses.
05:12Et qu'est-ce que vous avez comme conseil à leur donner, par exemple, en ce jour de 13 novembre ?
05:19Est-ce qu'il faut qu'elles s'abreuvent d'images de passé d'il y a 10 ans, regarder les commémorations ou bien aller se promener dans la campagne ?
05:28Je pense que chacun en soi sait ce qui est bon.
05:32Mais évidemment que non.
05:35Mais ça, depuis le début, j'ai toujours conseillé à mes patients de s'éloigner un peu justement de la surmédiatisation.
05:41Et de revenir un peu à leur mouvement interne, de se retrouver eux face à eux-mêmes.
05:47Après les commémorations, bien évidemment, je pense que c'est important pour chacun de se retrouver.
05:53Et ce collectif-là, il est soutenant aussi.
05:56Est-ce que vous continuez à intervenir sur des crises ? Et lesquelles, par exemple ?
06:00J'ai quitté la police il y a un an, mais je continue à faire de la gestion de crise dans le privé, du coup pour des entreprises qui finalement se retrouvent aussi face à des difficultés.
06:10Ça peut être des suicides, ça peut être des restructurations, ça peut être des agressions, des conflits d'équipe.
06:18Donc oui, je continue, c'est ma formation.
06:21Finalement, je continue à travailler autour de ça.
06:23Vous exercez au Pays Basque, mais votre nom parle, bien sûr.
06:27Vous exercez à Paris, pardon, mais votre nom parle à tout le Pays Basque, la Remendi.
06:32Le Pays Basque, c'est une ressource pour vous ?
06:34Oui, énormément. J'ai ma famille des deux côtés qui est ici, donc j'ai toujours passé toutes mes vacances ici, c'est chez moi, je me sens chez moi quand je viens ici.
06:46Donc ça me fait beaucoup de bien, oui.
06:47Merci beaucoup Madame Larimendi d'être venue à IC Pays Basque.
06:51Merci à vous de m'avoir invitée, merci.
06:52Merci à vous.
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