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François-Xavier Ménage : «Ma religion, c’est le terrain», à propos de son livre “Les oubliés” dans #HDPros

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Transcription
00:00Mais les oubliés, je vais vous dire deux choses, et j'en parlais avec une certaine passion en tant que reporter.
00:05Moi, ma religion, c'est le terrain.
00:07Quatre ans, non-stop, pour aller voir ce pays compliqué, qu'on ne peut pas rentrer dans des cases,
00:13qu'on ne peut pas mettre dans des boîtes à chaussures.
00:14Je suis désolé, je ne sais pas si le pays est fragmenté, archipédisé.
00:17Ce que je vois, en revanche, c'est qu'il y a énormément de débrouillardistes dans tous les sens,
00:20qu'il y a beaucoup d'optimisme dans ce livre, mais il y a des Français qui n'ont pas la parole,
00:24à qui on ne dit pas de la prendre, et matin, midi et soir, c'est le luxe de bosser pour TF1,
00:30je vais voir ceux, parce qu'il faut un peu de temps, qui ne lèvent pas la main.
00:34Et quand je parle politique avec eux, dans 98% des cas, c'est parce que c'est moi qui ai posé la question.
00:42Donc non, ce n'est pas un livre sur l'extrême droite, c'est un livre sur la colère des Français,
00:47qui est une colère qu'on n'entend pas, qui est souvent très silencieuse, à bas bruit.
00:52Et si on ne la comprend pas, si on ne la décrit pas, et je le dis à tous ceux qui nous écoutent,
00:56après on se dira, merde, mais qu'est-ce qui se passe en France ?
00:59Et je pense que le boulot du reportage, c'est fondamental.
01:04On ne peut pas seulement avoir des politologues, des sociologues,
01:07y compris aussi des hommes et des femmes politiques qui nous racontent la France,
01:10il faut aussi la raconter avec ceux qui la voient tous les jours.
01:12Je ne suis pas le seul, je n'ai pas inventé le journalisme,
01:14mais c'est, je pense, pour ça que je le dis avec conviction, fondamental.
01:18Sinon, on va toujours raconter les mêmes choses, et on ne comprendra pas notre pays.
01:21– Vous avez compris que ma question était ironique,
01:24parce qu'au contraire, j'ai beaucoup, oui, d'admiration pour le travail que vous faites,
01:28et aussi d'envie, pour tout vous dire, parce que j'ai envie d'être sur le terrain,
01:31parce que moi, j'adorerais être plus souvent sur le terrain.
01:34– Vous savez ce qu'on va faire ? Vous allez me suivre une journée.
01:37Vous êtes OK pour le faire ?
01:38– Je veux bien, mais il faut que mon patron…
01:40– Un samedi, moi aussi je bosse parfois le week-end, vous avez eu le week-end encore ?
01:43– Il me libère.
01:44– J'ai deux patrons dans ma vie, M. Nedjar et ma fiancée.
01:47Le samedi, c'est ma fiancée.
01:49Donc vous allez lui dire, vous allez lui dire,
01:51quand il a bossé, au vendredi, mais là, bonne chance,
01:56pour avoir une permission de sortir le samedi.
01:59Bonne chance à vous.
01:59– Non mais sérieusement, votre travail, il est formidable.
02:04Mais il y a un mépris pour ces gens-là, et vous le savez bien.
02:07Quand Laurence Bloch, l'autre jour, a parlé des CSP moins,
02:10et je pense au journal de Jean-Pierre Pernault,
02:13qui donnait la parole en reportage,
02:15et je pense aux 13 heures de TF1.
02:17Vous avez vu comment il est, dans l'espace médiatique,
02:20comment il était traité.
02:22C'est-à-dire que nous, C-News, on est traité aujourd'hui
02:24comme Jean-Pierre Pernault l'était dans les guignols, il y a 25 ans.
02:27On se foutait de sa gueule,
02:29et on le traitait d'extrême droite, et vous le savez comme moi.
02:32Pourquoi ? Parce qu'il donnait précisément la parole
02:36à cette France silencieuse.
02:39Et aujourd'hui, effectivement, on est décalé,
02:41on n'attaque plus le journal de TF1, on attaque C-News.
02:43Mais c'était la même chose, on s'est foutu de sa gueule
02:46d'une manière inadmissible, et moi j'ai travaillé avec Pernault.
02:48Et Pernault, il donnait la parole aux gens, comme vous le faites d'ailleurs.
02:52Pernault, et il faut lui rendre hommage,
02:54interdisait bien souvent que dans le 13 heures,
02:56pour que tout le monde sache, il y ait des paroles de ministres,
02:58voire même d'experts considérants,
03:01qu'il fallait aller sur le terrain pour décrire,
03:03parce qu'il faut arrêter de penser que c'était juste du café de comptoir,
03:06pour décrire les phénomènes qui sont en train de traverser la France.
03:09Ça s'appelle du reportage.
03:11Et j'insiste, le boulot numéro un d'un journaliste,
03:15c'est d'aller voir celui qui n'a pas la parole.
03:17Et quiconque considère que ça, c'est du militantisme,
03:20je peux vous dire que ça me fait très mal à la tête.
03:22On est payé pour aller voir ceux qui n'ont pas la parole.
03:26Et nos opinions, on les garde où on veut,
03:28mais d'abord, la parole des Français.
03:30Et dans ce bouquin, je dois le dire,
03:32il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de débrouillardistes,
03:34juste pour qu'on comprenne quand même d'un mot cette matière première.
03:36Je donne toujours cet exemple d'une infirmière
03:39qui, dans les déserts médicaux,
03:41est obligée de travailler de manière bénévole
03:44pour aider des patients qui, parce qu'ils n'ont pas de médecin,
03:46n'ont donc pas d'ordonnance,
03:48et donc ne peuvent pas faire venir d'infirmières.
03:50Eh bien, ces soldats qui sont invisibles,
03:53qui au quotidien font marcher notre pays,
03:55ça s'appelle le vivre ensemble, ça s'appelle faire société,
03:58il faut les applaudir, mais il faut aussi comprendre,
04:00c'est le principe du livre,
04:02pourquoi ils sont beaucoup à dire
04:02« j'ai plus envie de continuer parce que je n'en peux plus »,
04:05du mépris, et le mépris peut être partout,
04:07quand on est oublié, c'est qu'on est oublié de quelqu'un.
04:09– Sous-titrage Société Radio-Canada
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