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  • il y a 10 heures
L'un est astronaute, l'autre physicien. Dans "Eloges du dépassement" (ed. Flammarion), Thomas Pesquet et Etienne Klein croisent leurs regards sur le ciel. Ils sont les invités du Grand entretien.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00Et un grand entretien exceptionnel ce matin avec Marion Lourdes, nous recevons deux hommes
00:12passionnés par le ciel et pas forcément par le même ciel d'ailleurs.
00:16L'un a voyagé dans l'espace, il fait partie de ces très très rares personnes qui ont
00:23eu cette chance à bord de la station spatiale internationale, l'ISS, dixième français
00:30à avoir décollé le 10 novembre 2016, c'est bientôt une date anniversaire, le deuxième
00:36est physicien et alpiniste, il arbore toujours un scarabée en broche à sa veste, le ciel
00:44lui, il l'observe depuis la terre.
00:46Tous les deux ont croisé leurs regards dans un livre passionnant, ils y font les éloges
00:51du dépassement, c'est le titre de ce livre d'entretien mené par Ulysse Manet et qui
00:58vient tout juste d'être publié par Flammarion, Thomas Pesquet, Etienne Klein.
01:03Bonjour messieurs et bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation, nos auditeurs pourront
01:09dialoguer avec vous au 01 45 24 7000 dans quelques minutes ou sur l'application Radio France,
01:16c'est beaucoup de questions à n'en pas douter à vous poser.
01:19Thomas Pesquet, Etienne Klein, vous ne vous étiez jamais rencontré avant de faire ce
01:24livre et on s'est dit que c'était une excellente idée de vous réunir, vous partager une même
01:31pas pulsion mais passion de l'altitude, vous croisez les regards sur la conquête spatiale,
01:38la géopolitique de l'espace.
01:39L'un comme l'autre, vous avez les pieds sur Terre, mais la tête ailleurs. Etienne,
01:44vous dites qu'un bon physicien, c'est d'ailleurs celui qui va se faire voir ailleurs. Qu'est-ce
01:48que ça veut dire ?
01:49C'est simplement qu'on vit dans un monde, notre monde, la Terre avec l'atmosphère, on
01:55n'est pas dans le vide, il y a un champ de gravitation qui est ce qu'il est. Et ce monde,
02:00en fait, il masque les lois physiques, les lois universelles, les lois d'univers, les lois
02:05qui valent en dehors du monde. Autrement dit, les lois physiques, elles sont masquées par
02:09des phénomènes qui les détournent et qui les rendent invisibles. Par exemple, dans
02:14notre monde, les corps lourds tombent plus vite que les corps légers.
02:17Oui, ce qui n'est pas le cas, forcément.
02:19Alors qu'en fait, tous les corps tombent à la vitesse, ce qui n'est pas ce que nous
02:21voyons. Parce qu'il y a d'autres phénomènes dans notre monde liés à la présence de
02:25l'atmosphère qui masquent la vraie loi de la chute des corps. Et donc, il faut aller
02:29se faire voir ailleurs par l'esprit pour comprendre ces lois universelles. C'est ce
02:34qu'a fait Galilée. Et ça, c'est le démarrage de la physique moderne.
02:36Et c'est ce qu'a fait Thomas Pesquet, pour le coup, alors non pas par l'esprit, mais
02:40en corps, en chair et en os. Il faut avoir les échelles à l'esprit et vous les
02:45donner parce que c'est assez fascinant. 5 km d'altitude pour une montagne, aller
02:49dans un bon trek, vous y arrivez. 10 km, c'est l'altitude d'un avion. 400 km pour
02:58atteindre l'ISS. Vous ne parlez pas l'un et l'autre du même ciel. À quoi ressemble
03:03le vôtre, Thomas Pesquet ?
03:05Le mien, c'est un ciel qui est très vaste. On a essayé de parler beaucoup d'échelles
03:11dans ce livre-là pour se rendre compte de l'infini aussi des distances.
03:15spatiales. Moi, c'est ça qui me fascine dans l'exploration. C'est qu'on n'en
03:18viendra jamais à bout de cette histoire. On en fait des petits morceaux petit à
03:20petit, mais on va s'occuper à ça pour un bon moment. Et on n'en verra jamais
03:24la fin. C'est ça qui est bien. Il y aura toujours quelque chose à faire. Moi, mon ciel,
03:28c'est celui qui, pour l'instant, est au voisinage de la Terre. Vous le disiez, l'orbite
03:33basse, 400 km, ce n'est pas grand-chose. Alors si c'est quand même haut, mais si on compare
03:37la Lune, c'est encore 400 000. Mars, c'est entre 40 millions et 400 millions. Donc, on voit bien
03:42qu'on a encore beaucoup de travail à faire. Et ça tombe bien parce que c'est ce qui est
03:46prévu pour les années qui viennent.
03:47Et le paradoxe, c'est que vous, vous avez regardé la Terre. Quand on est dans le ciel,
03:51ce qu'on fait, c'est regarder justement le bon vieux plancher des vaches, ce qui est
03:56à l'inverse de la démarche du physicien d'Étienne Klein.
03:59C'est vrai, c'est vrai. Et c'est pour ça que c'est intéressant aussi de croiser
04:01nos regards. Ce n'est pas parce qu'on parle d'infiniment petit et d'infiniment grand.
04:04Ça déjà, c'est bien. Mais c'est qu'aussi, on a des regards qui s'opposent et qui
04:08se complètent. Aller dans l'espace, c'est vraiment prendre du recul sur la Terre.
04:12Et ça, c'est important de le comprendre.
04:14Prendre du recul pour s'en soucier.
04:15Bien sûr.
04:16Pour s'en soucier plus que jamais. La conscience écologique, par exemple, elle est née pour
04:21vous ou en tout cas, elle s'est renforcée en vous à 400 kilomètres au-dessus de la
04:26Terre.
04:27Absolument. Mais non seulement ça, moi, à ma petite échelle individuelle, mais c'est
04:30vraiment les agents spatiales. Je pense que c'est les flottes de satellites qui nous
04:32permettent vraiment de comprendre ces phénomènes qui dépassent notre échelle, encore
04:36une fois, des échelles de temps, des échelles de distance, le changement climatique.
04:40Tout ça, on le comprend. Pourquoi ? Parce qu'on est capable de générer ces données
04:43depuis l'espace, de mesurer la hauteur des vagues partout dans le Pacifique. Ça, c'est
04:47évidemment, ce n'est pas fait par une flotte de bateaux tous les 50 mètres. C'est
04:50fait par des satellites qui repassent tous les jours systématiquement au-dessus du même
04:53point qui permettent de donner ces données.
04:55D'ailleurs, Étienne Klein, puisqu'on parle d'écologie, Thomas Pesquet raconte dans le livre
05:00qu'une des questions qui est énormément posée, c'est toujours celle de l'aspect écologique
05:04de la conquête spatiale, les débris qui sont laissés en orbite et puis le bilan
05:08carbone, évidemment. Étienne Klein, vous vous êtes opposé au présentisme. Vous le
05:12dites dans le livre. En fait, il faut voir plus loin que ça.
05:15Je pense que les urgences qui sont multiples, liées à notre environnement, nous empêchent
05:19de tracer un axe du futur. On est tellement pris par le sentiment qu'il faut régler ces
05:24problèmes que ça nous empêche de dessiner des perspectives à très long terme. Je vous
05:29donne un exemple. Au CERN, laboratoire de physique des particules, on a un projet qui s'appelle
05:34le FCC, c'est un grand collisionneur de 92 kilomètres de circonférence qui, s'il
05:39était décidé, serait... 92 kilomètres de circonférence, un gigantesque cercle !
05:45Oui, dans lequel on ferait entrer en collision des particules, des protons ou des électrons.
05:49Et l'idée, c'est de pouvoir comprendre ce qui s'est passé dans l'univers plémorial
05:54plus loin que ce qu'on sait déjà. Mais on voit que parler de 2050 ou 2070 pour un projet
05:59scientifique, ça lui donne un aspect complètement virtuel, fictif, qui a du mal à accrocher
06:04notre attention parce que le présent nous sollicite trop.
06:07Mais Thomas Pesquet, sur cet aspect écologique et cette question qu'on vous pose, en fait,
06:10ce que vous répondez, c'est quoi ? Finalement, ce bilan carbone, il vaut le coup, il va être
06:13compensé dans un sens ?
06:14Oui, alors déjà, moi je rejoins complètement Étienne dans le sens où il ne faut pas hypothéquer
06:18le futur, évidemment qu'il faut mettre l'essentiel des ressources, ça on ne conteste pas,
06:22sur les problèmes du présent, ce qui est vraiment à court terme et qui concerne tout le monde.
06:26mais on peut avoir des regrets dans 10, dans 15 ans, dans 20 ans, dans 25 ans, si on ne lance
06:31pas aussi des projets d'avenir. Donc il ne faut pas hypothéquer le futur juste parce
06:34qu'on a des problèmes dans le présent, c'est important de garder un peu cet axe à
06:37l'esprit. Le bilan carbone du secteur spatial, il est assez minime en fait au global parce
06:42qu'on ne lance pas tellement de satellites par rapport aux voitures ou plein d'autres choses,
06:46mais loin de là, très loin de là, c'est infime, ça se calcule même en pourcentage
06:53de pourcentage, mais on a l'impression que ça sert en fait, que ça sert dans même
06:58la lutte pour préserver la planète. Donc c'est une question de société. Dans tous ces
07:03débats de bilan carbone, à un moment, il va quand même falloir se poser la question
07:05de, il y a des choses qu'on va garder, il y a des choses qu'on n'a pas envie d'arrêter
07:10même si c'est des choses qui dépensent du carbone. Ça peut être, moi je prends le exemple
07:13d'une machine ILM, des choses comme ça, on ne va pas les abandonner. Donc il va y avoir
07:19un exercice difficile à faire, mais qui sera sociétal, le choix, qu'est-ce qu'on
07:24maintient, qu'est-ce qu'on arrête, qu'est-ce qu'on régule. Et ça évidemment, ce n'est
07:28pas moi qui vais le faire, ce sera la société.
07:30Alors il y a des choses fascinantes, et notamment sur les traces qu'on peut laisser. Les traces,
07:35vous le racontez très bien, c'est notamment quelque chose qui va frapper nos auditeurs.
07:43Le seul endroit où l'homme peut laisser une trace de son passage dans la vie, si d'aventure
07:47il y avait une apocalypse, je ne sais pas si vous y croyez l'un ou l'autre, c'est
07:50sur la Lune. Il n'y a pas de vent, il n'y a pas d'érosion, les pas restent, et pour
07:56l'éternité.
07:57Oui, pour l'éternité. Alors il y a une érosion dans le sens qu'il peut y avoir des impacts
08:00de météorites, donc si un impact de météorites tombe sur un pas, sur la trace, pas de bol,
08:05elle disparaît. Mais globalement, c'est quand même par rapport à la Terre très très
08:08rare. Et oui, effectivement, nous à l'échelle géologique, on n'est quand même rien du tout,
08:12c'est important de le rappeler.
08:13Vous êtes d'accord l'un avec l'autre ?
08:16Ah bah oui, tout le monde est d'accord, l'humanité, elle n'est pas vouée à durer
08:19éternellement.
08:19Mais pourtant, on a des égos absolument surdimensionnés, et la fin du monde, elle est au bout d'un...
08:25Non mais les continents vont se rapprocher, enfin...
08:27D'un stick de selfie, d'un bâton de selfie.
08:31C'est vrai qu'on a du mal à imaginer que le monde a existé avant nous, qu'il existera
08:34sans doute après nous, même si on ne veut pas se faire non plus annonciasteur d'apocalypse,
08:38comme vous le disiez. Mais c'est vrai, si le monde s'efface à une échelle géologique,
08:42dans quelques centaines de millions d'années, il n'y aura plus vraiment de traces visibles
08:45de la civilisation si elle venait à s'arrêter. Tout ça va disparaître, nos porte-avions,
08:49nos mégapoles, tout ça sera complètement effacé. Et le seul endroit, ce sera effectivement
08:56là où il n'y a pas d'érosion, il restera des petites traces du passage sur la Lune,
08:59et c'est comme ça que les extraterrestres du futur pourront conclure qu'on a existé.
09:03Il faut aller sur la Lune pour prouver qu'on a été sur Terre.
09:05C'est ça qui est fascinant, avec Buzz Aldrin, lui, qui a prouvé le mal de Terre.
09:08Est-ce que vous l'avez ressenti, Thomas Pesquet ?
09:10Un peu, un peu. C'est vrai qu'il faut s'adapter.
09:12Moi, 400 jours, c'est plus d'un an au total dans l'espace.
09:15C'est quand même un temps assez conséquent.
09:19Il faut s'adapter. Vraiment, on change de perspective.
09:21Et c'est ça qui est bien, parce que je pense qu'une mission, c'est une mission du passé,
09:24que ça dirait quelques jours, 12 jours.
09:25C'est un peu un sprint. On est tellement occupé.
09:27On bosse toute la journée. On en revient.
09:28Mais finalement, il n'en reste peut-être pas grand-chose.
09:30Alors que nous, on a eu le temps de...
09:31Quand je dis nous, c'est ceux qui ont la chance de passer quelques centaines de jours
09:34dans l'ISS, dans la station, on a le temps de laisser infuser ça,
09:37de regarder la Terre, de l'apprendre par cœur,
09:39de repérer immédiatement où on est.
09:41Ce n'est pas si évident au début.
09:43Il n'y a rien qui ressemble plus à une forêt qu'une autre forêt.
09:44Il n'y a rien qui ressemble plus à un désert qu'un autre désert.
09:46On se souvient de vos photos et de très nombreuses photos que vous postiez
09:49et qu'on suivait passionnément.
09:51Oui, et puis on arrive vraiment à se repérer
09:53et à s'approprier la planète.
09:55C'est un sentiment agréable.
09:56Ce qui est étonnant, ce qui est amusant, c'est que vous racontez,
09:58notamment sur le mal de Terre, ne serait-ce que physique,
10:00l'expérience d'une douche au retour de la mission ISS
10:04qui a l'air assez particulière.
10:06Vous avez dit, Thomas Pesquet, que vous étiez prêt à retourner sur la Lune,
10:08pas sur Mars.
10:09Etienne Clien, vous vous êtes tenté par ce voyage ?
10:11Etienne y va, on s'est arrangé avec Etienne.
10:13Vous êtes répartis les rôles ?
10:14Je n'irai pas sur Mars, donc je me porte candidat à sa place.
10:17Non, moi j'aurais rêvé d'aller dans l'espace.
10:20D'ailleurs, dans le livre, j'ai réussi à masquer la jalousie
10:23que j'éprouve à l'égard de...
10:24Oh non, on l'a lié, on l'a lié, entre les lignes.
10:28Entre les lignes, non.
10:29Non, mais j'ai tenté d'être astronaute quand j'étais plus jeune,
10:31mais j'ai été assez vite recalé pour des raisons physiques.
10:35Mais j'ai fait quand même un vol zéro G, un vol en apesanteur.
10:39Et le fait d'éprouver l'apesanteur,
10:41ne serait-ce que pendant quelques dizaines de secondes à chaque fois,
10:44c'est une expérience incroyable.
10:45Parce que si Aristote avait fait un vol zéro G,
10:48la physique aurait gagné 2000 ans.
10:50C'est-à-dire que tous les principes physiques
10:52qui sont masqués dans notre monde
10:53apparaissent là de façon directe.
10:55Vous l'avez d'ailleurs raconté dans un livre,
10:57votre expérience en apesanteur.
10:59Thomas Pesquet, pas Mars donc.
11:01Parce que vous dites, on serait pendant 300 jours
11:03dans l'espace d'une Fiat 500, grosso modo.
11:05Et c'est l'ennui ultime
11:07couplé au risque ultime.
11:09C'est vrai que ça ne fait pas rêver.
11:10Pourtant, ça nous a fait rêver Mars.
11:12Oui, mais quand on dit pas Mars,
11:14ce n'est pas qu'il y a une démarche officielle
11:16de candidature ou de non-candidature.
11:17On n'a pas encore de mission.
11:19C'est surtout pour essayer de décrire ça.
11:22Parce que les gens ont du mal à se représenter.
11:23Encore une fois, ces effets d'échelle,
11:2540 millions, 400 millions de kilomètres, 400 000.
11:27Bon, c'est des chiffres, tout ça, ça ne parle pas forcément.
11:29Donc, j'essaie de le transcrire en des choses
11:31qui peuvent parler à des gens.
11:31Et oui, effectivement, ces 300 jours de voyage
11:33dans un espace, ce sera peut-être un peu plus grand
11:35qu'une Fiat 500, c'est juste pour l'image,
11:37mais pas beaucoup plus grand que ce studio-là.
11:38Et il faut quand même avoir envie.
11:40Il va falloir quand même être solide psychologiquement.
11:42Il va falloir quand même essayer de faire en sorte
11:44que tout ça se passe bien.
11:45Tout ça pour ?
11:46Tout ça pour, comme le disait Étienne,
11:48c'est revenir un petit peu à des questions fondamentales.
11:51Comment la vie est apparue sur Terre ?
11:53Au final, on ne le sait pas vraiment.
11:54Est-ce qu'elle pourrait disparaître demain ?
11:56C'est ça qu'on va chercher vers Mars.
11:57Quand on va dans l'espace et qu'on étudie l'espace
11:59ou les planètes, ce n'est pas tellement
12:00pour la connaissance ex nihilo qu'elle nous apporte.
12:03C'est vraiment pour ce que ça peut nous apprendre
12:05sur nous-mêmes, sur notre planète.
12:06Au final, on est assez égocentrique,
12:08ce qui nous intéresse le plus,
12:10c'est ce qui nous concerne le plus.
12:11Et c'est aussi une question d'argent que vous abordez.
12:13La conquête spatiale, elle est inséparable
12:14de sa dimension financière
12:16et de la coopération internationale.
12:18Alors, vous imaginez que l'on puisse,
12:21comme les Chinois, développer une démarche nationale.
12:24Mais il faut des ressources absolument considérables.
12:27L'Europe, dans son ensemble, Thomas,
12:29elle dispose de 600 millions d'euros
12:31pour l'exploration spatiale.
12:33Et vous comparez ça avec le budget du PSG,
12:36qui est de 860,
12:40du RERD.
12:42C'est-à-dire que le budget de l'Agence Spatiale Européenne,
12:45aujourd'hui, c'est 8% du budget mondial.
12:49L'Europe, elle manque d'ambition
12:50et elle est d'ores et déjà sortie de la course ?
12:53Non, je ne pense pas.
12:54Alors, c'est vrai qu'on fait de belles choses.
12:55Moi, je parle de l'exploration spatiale.
12:56Donc, vraiment, l'exploration, c'est les sondes,
12:58les rovers qui vont sur Mars,
13:00les astronautes dans la station spatiale.
13:01Donc, c'est une partie de l'espace.
13:05On a à côté les lanceurs,
13:06la fusée Ariane,
13:07qui a encore eu un succès hier ou avant-hier.
13:09On a les satellites d'observation.
13:10Donc, on ne fait pas que ça.
13:11On est très bons dans le reste,
13:12mais dans l'exploration spatiale,
13:13un petit peu moins.
13:14Pourquoi ?
13:14Parce qu'on a, je trouve, du mal à s'unir.
13:16Il y a quand même une dimension,
13:18une espèce de fierté nationale.
13:19On l'a connue,
13:20l'émission Apollo.
13:21On ne va pas refaire l'histoire,
13:22mais l'opposition idéologique
13:24entre le bloc de l'Est,
13:25le bloc de l'Ouest,
13:25les astronautes sont un peu les champions de tout ça.
13:28On voit bien qu'il y a une dimension
13:30de fierté nationale.
13:32Et nous, on a du mal à s'organiser
13:34au niveau européen.
13:35Parce que quand un Allemand va dans l'espace,
13:36les Français s'en foutent un peu.
13:38Quand un Français va dans l'espace,
13:39les Italiens, ça ne les intéresse pas vraiment.
13:41Et donc, malheureusement,
13:41on manque un petit peu de ça.
13:43C'est dommage,
13:43mais c'est vrai dans d'autres sujets.
13:44Il y a des sujets européens
13:45qui marchent très, très bien.
13:46Il y en a d'autres
13:46où il faut encore bosser un petit peu.
13:48En fait, aujourd'hui,
13:49un double anniversaire
13:50ou quasiment,
13:50c'était il y a 25 ans,
13:52le 2 novembre 2000,
13:53les premiers astronautes
13:54s'installaient à bord de l'ISS,
13:56la Station Spatiale Internationale.
13:58Il y a 9 ans,
13:59le 17 novembre,
14:00je le disais, 2016,
14:01vous partiez pour votre premier vol.
14:02De quoi est-ce que l'ISS est le nom ?
14:04De quoi est-elle le symbole ?
14:05Pour moi,
14:06c'est le symbole
14:07de cette époque
14:09d'après-guerre froide
14:12où, en fait,
14:12le mur de Berlin s'écroule.
14:14On est dans un nouveau monde.
14:15Il n'y a plus tellement
14:15cette opposition
14:16qui a été quand même
14:17la structure du monde
14:18pendant des décennies.
14:19Et puis, on se demande
14:20un peu ce qu'on va en faire.
14:21Est-ce que tout ça
14:23va nous emmener vers du mieux
14:24ou du moins bien ?
14:25Et il y a cette espèce
14:26d'idée géniale,
14:26moi, je trouve,
14:27qui est que les Américains
14:28et les Russes
14:29et nous, les Européens,
14:30les Canadiens,
14:31les Japonais,
14:31quelques autres,
14:32en gros, tous les gens
14:32qui se sont entretués
14:33pendant la Seconde Guerre mondiale,
14:35il faut quand même le dire,
14:36les Allemands,
14:36les Italiens,
14:37les Français,
14:38tous ces gens-là
14:39se disent,
14:39tiens, si on faisait
14:40ce grand projet tous ensemble
14:41pour la science
14:42et la connaissance
14:42des raisons pacifiques,
14:44et on y croit.
14:45Et les gens y croient.
14:46Et c'est hyper positif.
14:48Et c'est un optimisme dingue
14:50qu'on a du mal
14:51à retrouver aujourd'hui.
14:52La compétition !
14:53Oui, mais aujourd'hui,
14:54on voit bien
14:54qu'on est un peu stressé
14:57par l'avenir,
14:57on a du mal
14:58à croire ce genre de choses
14:58et c'est dommage.
14:59Et c'est pour ça aussi
15:00qu'avec Étienne,
15:00on veut parler de science
15:01et de recherche
15:02parce qu'on pense
15:02que ça peut structurer
15:04quand même les relations
15:05et puis un peu l'avenir du monde.
15:06Mais justement,
15:07c'est beau les symboles
15:07comme ça, Étienne Klein,
15:08mais il y a aussi
15:09la basse réalité matérielle
15:10dont on parlait déjà
15:11un peu tout à l'heure.
15:12Par exemple,
15:12le budget en France,
15:18il est augmenté
15:18mais par rapport à l'inflation,
15:19il est en baisse.
15:20Qu'est-ce que ça vous inspire ?
15:22À un moment,
15:23dans le livre,
15:23vous vous attaquez,
15:24je le disais tout à l'heure,
15:25au présentisme,
15:25cette façon de vivre
15:26sans avoir de perspective.
15:29Moins d'argent pour la recherche,
15:30moins pour l'éducation.
15:31Moi, je ne suis pas un spécialiste
15:31des budgets
15:31mais je pense qu'on a raté
15:34quelque chose,
15:34c'est-à-dire qu'on a mal fait
15:36la vulgarisation de tout ça.
15:38C'est-à-dire qu'on a du mal
15:40à entraîner l'opinion,
15:41le public,
15:42dans des aventures
15:43dont les enjeux
15:44sont difficiles à comprendre.
15:45avec le FCC,
15:47ce collisionneur du futur.
15:47Pourtant,
15:48c'était la nouvelle frontière.
15:49Il y a eu des millions de personnes
15:51qui ont eu cru
15:52regarder l'adulation
15:54dont a été l'objet Thomas Pesquet
15:56pendant son épopée spatiale.
15:59La conquête spatiale,
15:59elle est incarnée
16:00par des personnages,
16:01par des héros.
16:02La physique des particules,
16:03on ne peut pas dire
16:04qu'elle est à mettre
16:04en avant beaucoup de héros.
16:06C'est un peu plus dur.
16:07Un cliché recueilli
16:09par des détecteurs de particules
16:11ne suscite pas
16:11la même fascination
16:12que des images prises
16:14dans l'espace.
16:15Mais je pense qu'on doit
16:17davantage expliquer
16:18ce qu'on sait
16:19et ce qu'on sait ne pas faire.
16:20Il faudrait l'atome
16:21à Hollywood.
16:22C'est ça.
16:23Qu'est-ce que ça veut dire ?
16:24C'est ça.
16:25C'est peut-être trop tard.
16:26Mais en tout cas,
16:26je pense qu'on a...
16:27Vous en parlez dans le livre,
16:28on doit bien une explication.
16:30On doit expliquer
16:31pourquoi ces questions
16:32sont fascinantes
16:33et dès lors que les réponses
16:34sont apportées de nous,
16:36pourquoi ne pas tenter
16:37d'aller les trouver ?
16:39Mais Thomas Pesquet,
16:39quand on voit par exemple
16:40le décollage d'Ariane 6
16:42cette semaine,
16:43on se dit quand même
16:43que c'est bon signe
16:44que finalement l'Europe
16:45retrouve son autonomie,
16:46qu'il y a quand même
16:47une envie d'espace.
16:48Oui, bien sûr.
16:48Je pense qu'il y a
16:48une envie d'espace
16:49et puis il y a
16:50une compréhension générale.
16:52Je vois bien
16:52que c'est quand même stratégique
16:54tout ce qui se passe
16:55dans l'espace.
16:55On voit bien
16:55que les communications
16:56dont on est tellement
16:57abreuvés aujourd'hui,
16:58dont on est complètement
16:59dépendants...
17:00Les constellations
17:00d'Elon Musk...
17:01Les constellations
17:01de communication sécurisée
17:03Il suffit de voir
17:04les téléphones portables.
17:05Vous n'en avez pas d'ailleurs,
17:06Thomas Pesquet,
17:07alors que vous êtes
17:07l'homme le plus avancé
17:09Non, il ne marche plus
17:09depuis ce matin.
17:10Je suis complètement perdu.
17:11Je suis comme tout le monde.
17:12Les cordonniers.
17:14Mais donc on voit bien
17:15que tout ça,
17:16la navigation
17:16est incapable aujourd'hui
17:17de se déplacer
17:18sans utiliser son smartphone
17:19et son GPS.
17:21Une carte,
17:21ça n'existe plus.
17:23Mais donc on voit bien
17:25que tout ça est stratégique
17:26et on ne veut pas
17:27être dépendant d'autres.
17:29On a compris
17:30que la coopération internationale,
17:31même avec des gens
17:31qui étaient nos amis,
17:32ça peut changer
17:33du jour au lendemain.
17:33On a vraiment compris ?
17:34Ah oui, je pense
17:34qu'on l'a compris.
17:35Maintenant, le problème,
17:36c'est que ça se traduit
17:37ensuite en espèces
17:38sonantes et trébuchantes,
17:39en projets.
17:40C'est projets qui prennent longtemps,
17:41qui demandent que les pays
17:42s'accordent.
17:43Ça demande des compétences
17:44qui ne sont pas forcément immédiates.
17:46Ça demande plein de choses
17:47et voilà,
17:48on en est là
17:49à travailler là-dessus.
17:50Et que les Américains
17:50arrêtent de squatter la télévision
17:52dans l'ISS
17:52pour regarder CNN
17:53alors qu'il y a aussi
17:55les Français
17:56et les Russes
17:58qui sont à bord.
17:59Il y a de nombreux auditeurs
18:00qui vous disent
18:01à la fois leur admiration,
18:02leur respect
18:03pour ce dépassement de soi
18:05et ce dépassement même
18:06de ce que l'homme
18:07est capable de faire
18:09comme si on était constamment
18:10en train de repousser
18:12les limites.
18:12Et pourtant,
18:13Étienne,
18:14vous,
18:14vous citez
18:14un auteur génial,
18:16Stephen Zweig
18:17et sa nouvelle,
18:18Les Pêcheurs des Bords de Seine.
18:20Qu'est-ce que les Pêcheurs
18:21de Bords de Seine
18:21ont à voir
18:22avec l'ISS ?
18:24Il raconte que
18:26quand il est adolescent,
18:27il a lu un livre
18:27racontant la Révolution française,
18:29notamment l'exécution
18:30du roi Louis XVI
18:31à la place de la Concorde
18:32et il y avait des pêcheurs
18:33du Bord de Seine
18:35qui,
18:35lorsque la clameur de la foule
18:37a signalé
18:38que la tête du roi
18:38était tombée,
18:39ont continué
18:39à regarder leur bouchon.
18:41Il raconte que
18:41quand il a lu ça,
18:43il n'y a pas cru
18:43parce que quand l'histoire
18:44se déroule
18:45à portée de regard,
18:47on détourne
18:48son regard
18:49vers ce qui se passe.
18:50Et il raconte
18:51qu'en 1943,
18:52il comprend
18:52les pêcheurs du Bord de Seine
18:53parce que l'actualité
18:54est trop riche
18:55pour qu'on puisse la suivre
18:56et de temps en temps,
18:57il faut se mettre à côté
18:58et réfléchir dans son coin.
19:00Thomas Pasquet,
19:01votre aventure,
19:02elle vous a appris
19:02à regarder différemment ?
19:04Je pense,
19:05on parlait des questions
19:06de perspective,
19:07c'est un peu bête
19:07mais c'est difficile
19:09dans le monde qu'on a,
19:11on a toujours un peu
19:12le nez dans le guidon,
19:13la tête sur la feuille,
19:14de changer cette perspective.
19:15Alors ça se fait
19:15par des exercices intellectuels,
19:17des exercices de pensée
19:18comme le disait Étienne,
19:19ça se fait par la rencontre
19:20d'autres gens,
19:21d'autres cultures,
19:22ça se fait par une perspective
19:24géographique on va dire
19:25presque dans mon cas
19:26mais c'est super important
19:28et je pense que
19:29d'entraîner son regard à ça,
19:31tout le monde peut le faire
19:32et il ne faut pas forcément
19:33aller dans l'espace
19:33pour arriver à changer
19:34de perspective,
19:35heureusement.
19:35Et c'est ce qui est passionnant
19:36dans ces éloges du dépassement,
19:38c'est que ça parle à la fois
19:39de la conquête spatiale
19:40mais ça parle aussi de nous,
19:42de la manière dont on peut
19:43chacun se dépasser
19:45pour apprendre
19:46ou pour vivre mieux
19:49tout simplement.
19:49C'est assez intéressant justement
19:51de voir vos regards croisés
19:54dans ce livre
19:55Thomas Pesquet et Étienne Klein
19:56qui vient de paraître
19:58chez Flammarion.
19:59Bonne journée à tous les deux.
20:01Bonne journée, merci.
20:02Merci.
20:02On ne verra pas beaucoup
20:03le ciel aujourd'hui
20:04mais ce n'est pas si grave.
20:05vous nous faites rêver.
20:07À quoi rêve-t-on
20:08quand on est en apesanteur ?
20:10C'est une question
20:10que vous posez dans le livre
20:11Étienne Klein
20:11à laquelle vous répondez
20:12Thomas Pesquet.
20:13est-ce que vous faites ?
20:14Oui, c'est une question
20:14qui est en train de faire ?
20:15Oui, c'est une question
20:16qui est en train de faire ?
20:17Oui, c'est une question
20:17qui est en train de faire ?
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