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  • il y a 2 jours
En 2020, Benjamin Brière parcourait l'Iran, "à la rencontre d'une jeunesse bouillonnante". Tout a basculé lorsqu'il a été arrêté par le régime après des accusations d'espionnage. Détenu pendant trois ans dans les geôles de la République islamique, il a fait face aux mauvais traitements et à l'humiliation. Une captivité qu'il raconte dans le livre "Azadi", qui signifie "liberté" en persan. Un exemplaire de son récit a été envoyé à l'ambassade iranienne, avec une dédicace aux autorités qu'il a tenu à nous partager. Ecoutez son témoignage.

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00:00Misérable petite république islamique d'Iran,
00:02tu m'as pris trois ans de ma vie ainsi que celle de mes proches.
00:05Pourtant, ce que j'ai ramené dans le cœur,
00:07c'est la beauté d'un peuple, les 85 millions d'otages
00:10que tu tyrannises et qui te méprisent.
00:19L'Iran était un pays de passage,
00:21puisque après j'allais vers le Pakistan et ensuite jusqu'en Inde.
00:24Je voyage dans un pays qui est absolument sublime,
00:27qui fait trois fois la France,
00:28et je rencontre surtout une jeunesse bouillonnante,
00:31pleine de vie, absolument magnifique.
00:33Six mois après avoir posé le premier pied en Iran,
00:36je découvrirai l'envers du décor.
00:38La nuit de l'arrestation, ça cogne contre la tôle du van dans lequel je dors.
00:42Juste le temps d'enfiler un t-shirt et un short
00:43et d'ouvrir la porte latérale.
00:45Des kalachnikov braquaient sur moi pour sortir du véhicule.
00:47Et là, c'est le début de la fin.
00:49Au fur et à mesure des mois, il y aura des accusations d'espionnage
00:52pour le compte d'un état ennemi
00:53et propagande contre le régime en place.
00:56Pour essayer de vous broyer comme ça,
00:58il y a clairement des menaces à peine dissimulées
01:00où, tu sais, un accident s'est vite arrivé.
01:02Où on vous montre, par exemple, la photo d'une amie
01:05que certains gardiens viennent reluquer.
01:08Et moi, au moment où je veux m'emparer du téléphone
01:10pour jeter le téléphone et le broyer,
01:12c'était l'occasion qu'ils attendaient justement
01:14pour me mettre à terre et s'acharner sur moi.
01:17Ils essayent de trouver
01:18« Qu'est-ce qui peut être votre gros, gros point faible ?
01:22Qu'est-ce qui va vous faire péter un plomb ? »
01:24Ils ont essayé par des méthodes un peu fortes physiquement.
01:27Ça n'a pas fonctionné.
01:29Et en fait, ils se sont vite rendus compte
01:30que mon point faible, moi, c'était mes proches
01:32et ma petite sœur.
01:35Et il y a des choses où on est en absurdi complet.
01:38Ils sont tellement détachés de la réalité
01:40ou complètement lavés du cerveau au choix.
01:42Ils n'arrivent pas à comprendre pourquoi on est stressé,
01:44pourquoi il y a des angoisses,
01:45pourquoi il y a de l'eczéma,
01:46pourquoi on se ronge les ongles,
01:47pourquoi tout ça.
01:48Un des managers me dira un jour
01:49« Mais ce n'est pas grave, si tu es là,
01:51tu n'as personne dehors,
01:51tu n'es pas marié, tu n'as pas d'enfant. »
01:53Un jour, un manager m'annoncera
01:54« Mais le juge va probablement se prononcer d'ici un mois
01:58et te condamnera probablement à un an ou deux. »
02:01Comme s'il m'avait dit une semaine ou deux, finalement.
02:02Mais pour eux, c'est tellement normal
02:04parce qu'ils baignent là-dedans.
02:06Sauf que se projeter deux ans devant,
02:09c'est vertigineux.
02:10Et la projection, elle est de part et autre.
02:12Elle est de mes proches envers ce que je vis.
02:15Et elle est de mon côté aussi envers ce qu'eux peuvent vivre.
02:18Les fois où j'ai du téléphone avec ma petite sœur,
02:20Blordine, qui a mené un combat héroïque pour moi,
02:23on passe son temps à se rassurer.
02:25Peu importe le nombre de temps
02:26qu'on passe dans ce que j'appelle
02:27une cage d'isolement solitaire,
02:29on a deux solutions.
02:30La première, c'est qu'on devient complètement fou
02:33à se cogner la tête contre les murs
02:35parce qu'en fait, on est dans la colère,
02:37on est dans l'injustice,
02:38on ne comprend pas ce qui se passe.
02:39Et la deuxième solution, c'est de rentrer en soi,
02:43le fameux lâcher prise.
02:44Ce livre azadi, j'en ai envoyé un exemplaire
02:47à l'ambassade de la République islamique à Paris
02:49avec une dédicace que je vais vous lire.
02:53Misérable petite République islamique d'Iran,
02:55tu trouveras dans ce livre
02:56une infime partie de ce que tu m'as fait subir.
02:58Quelques documents aussi
02:59que j'ai clandestinement fait sortir de tes murs.
03:01Tu trouveras surtout tout l'amour que je porte
03:04au peuple que tu te plais à exécuter.
03:07Misérable petite République islamique d'Iran,
03:09tu m'as pris trois ans de ma vie
03:10ainsi que celle de mes proches.
03:12Pourtant, ce que j'ai ramené dans le cœur,
03:14c'est la beauté d'un peuple,
03:15les 85 millions d'otages
03:18que tu tyrannises et qui te méprisent.
03:24Après une libération avortée en février 2023,
03:27je serai finalement libéré le 12 mai 2023
03:29avec la plus belle image qu'il y aura,
03:31c'est Blordine qui m'accueille
03:33en bas des marches de l'avion.
03:34Et ensuite, le retour,
03:36le retour, c'est une double peine.
03:37Il n'y a aucun suivi, aucun accompagnement, aucune aide.
03:40Il y a quelques moments recombolesques
03:41où, par exemple, les impôts me tombent dessus.
03:43Je n'ai rien déclaré depuis quatre ans.
03:44Mais pourquoi, monsieur ?
03:45J'étais en prison.
03:46Oui, mais même en prison, on peut le faire.
03:47Pas en Iran.
03:48Oui, mais votre famille aurait pu le faire.
03:50Désolé.
03:50En fait, ma famille, si on met tout bout à bout,
03:53je les avais un quart d'heure
03:54tous les quatre à six semaines.
03:56Les impôts, ça m'a échappé.
03:57On me reprochera évidemment,
03:58mais ça, c'est ce que je vois
04:00même sur les commentaires sur Internet.
04:01Mais ça m'atteint un peu
04:02que finalement, je l'ai bien cherché,
04:04que finalement,
04:07c'est pas vraiment un espion, finalement.
04:08La seule chose que me dira
04:10madame Catherine Colonna,
04:12ministre des Affaires étrangères de l'époque,
04:14c'est que son ministère
04:15a quand même pris en charge l'hospitalisation.
04:18Merci.
04:19Mais en fait, il n'y a rien qui est mis en place.
04:22Il n'y a rien qui est là pour accompagner
04:24les familles pendant la détention,
04:26mais il n'y a rien qui est là pour accompagner
04:27le retour des otages au niveau administratif.
04:31Ce n'est pas qu'une question de moyens financiers, finalement.
04:34C'est aussi de la facilitation administrative,
04:35voire une prise en charge psychologique.
04:37C'est une bataille qui est maintenant en cours
04:39avec un projet de loi
04:40que j'essaye de porter avec d'autres.
04:43La première étape,
04:43ça a été de se lancer dans la bataille
04:45pour accompagner les familles
04:46des otages qui y sont encore.
04:48Au final, pendant un an,
04:49à vouloir aider,
04:51je me suis épuisé.
04:52Et maintenant, je pense avoir trouvé
04:54le bon équilibre d'épanouissement
04:56et en même temps,
04:57de bataille pour les autres continuels
04:59jusqu'à temps que le statut d'otage d'État
05:02soit reconnu et soit gravé dans le marbre
05:05au niveau des institutions françaises.
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