00:00Europe 1 matin. 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko vous recevez ce matin l'ancien directeur de la police judiciaire de la profecture de Paris, Christian Flèche.
00:10Le 36 qui est des orfèves, c'est le plus simple. Bonjour Christian Flèche.
00:14Monsieur Pavlenko.
00:15Bienvenue à vous sur Europe 1. Alors vous avez aussi dirigé, Christian Flèche, la police judiciaire de Bobigny, la BRI également.
00:21Alors question avec vous ce matin, sur les suites du cambriolage du Louvre, on est toujours sans nouvelles des bijoux historiques qui ont été dérobés il y a deux semaines.
00:29En revanche, voilà, nous avons quatre suspects pour l'heure mis en examen et en détention provisoire.
00:34Qu'est-ce que l'on sait d'eux exactement, Christian Flèche, à l'heure où l'on se parle ?
00:38Écoutez, on sait qu'au bout de 15 jours d'enquête, la police et la justice ont réussi quand même des avancées considérables.
00:44Vous notez, 7 personnes ont été placées en garde à vue, 4 ont été écrouées, 3 principalement mises en examen sur le vol en lui-même et sur l'association de malfaiteurs et une femme pour complicité.
00:56Donc on a affaire à des gens qui sont manifestement issus de la banlieue parisienne, spécialement de la Seine-Saint-Denis, qui sont relativement âgés par rapport à la clientèle habituelle du secteur.
01:09Ils ont une trentaine d'années et pour certains d'entre eux, déjà connus des services de police.
01:16Alors, si on affine un peu le profil de ces personnes, la procureure de la République de Paris, Laure BQO, les a décrits ce matin, en fait, hier matin, elle disait,
01:28voilà, ils sont une délinquance polymorphe que l'on associe au haut du spectre de la criminalité organisée.
01:35Qu'est-ce que vous comprenez de cette phrase, Christian Fouche ?
01:38Ce que je comprends, c'est qu'elle peut avoir des doutes, et elle a raison, sur le fait que le profil n'est pas celui d'organisateur d'un cas assez bien organisé, avec des gens assez motivés.
01:53C'est quand même plutôt pas mal fait.
01:55Ils ont surtout bénéficié d'une grande complicité, c'est l'absence d'un système de sécurité fiable au Louvre.
02:01Enfin, ça, c'est le vrai complice.
02:03Donc, derrière, il y a sans doute des gens qui ont réfléchi, organisé, peut-être repéré.
02:13Et le profil des gens qui sont pour l'instant interpellés ne correspond pas, à notre expérience, à ceux des organisateurs.
02:22Donc, il y a forcément un besoin d'aller chercher au-delà des quatre personnes qui ont commis le vol, dont on a manifestement de bonne chance d'avoir trouvé au moins trois d'entre eux.
02:33Et il y a l'association de malfaiteurs, qui est un concept juridique qui permet de retrouver tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à cette équipée.
02:42Mais vous, en tant qu'ancien patron de la PJ, face à une affaire comme celle-là, Christian Flech, qu'est-ce que votre flair vous dit ?
02:48Ce sont des amateurs qui ont dramatiquement bien réussi leur coup ?
02:53Ou bien, on est face à quelque chose d'un petit peu nouveau, avec des gens qui ne sont pas forcément des cambrioleurs de haut vol,
02:59mais qui réussissent quelque chose, peut-être parce que bien informés ?
03:03Précisons aussi que la procureure de Paris dit, a priori, qu'il n'y a pas de complicité en interne du musée.
03:07Complicité humaine, vous avez parlé de complicité du fait qu'il n'y avait pas un très bon système de sécurité.
03:11C'est plutôt une faute, finalement, de sécurité.
03:13Oui, ça c'est clair.
03:15Après, la complicité a dit aussi que pour l'heure, il n'y avait pas de complicité en interne.
03:19Maintenant, bien sûr, il y a quand même, je veux dire, avoir l'idée de déployer un plan incliné sur la façade,
03:27en sachant qu'il n'y avait pas de caméra, par exemple.
03:29Ça peut être la chance, mais ça peut être aussi aidé par un renseignement intérieur.
03:35Alors, concernant les bijoux maintenant, puisqu'on les recherche toujours,
03:38semble-t-il qu'on explore tous les marchés parallèles, pas seulement en France.
03:43Qu'est-ce que c'est que ces marchés parallèles de bijoux, Christian Flèche ?
03:47Alors, il y a beaucoup de possibilités depuis le début de cette affaire.
03:50Chacun y va un peu de son idée.
03:53Ce que le ministre de l'Intérieur, semble-t-il, a exclu, c'est l'ingérence étrangère,
03:57qui aurait pu être une piste aussi.
03:59Donc, les services de renseignement français, intérieur et extérieur, ont sans doute examiné cette piste
04:04et lui ont dit que ça n'était pas une certitude.
04:09Donc, derrière, il y a la possibilité d'un collectionneur qui va commanditer un coup pour son propre besoin.
04:16Il va garder des pièces dans un endroit où il sera le seul à pouvoir les voir.
04:21C'est toujours possible.
04:23Après, il y a des gens qui mettent sur le dark web les pièces, les bijoux,
04:29pour les proposer à la meilleure offre.
04:33Et puis, ensuite, il y a ceux qui veulent dessertir les objets pour les vendre pierre par pierre, retaillés.
04:41Et évidemment, perdre énormément du butin.
04:46La police judiciaire fait tout ce travail-là que vous nous décrivez, Christian Flech, cette veille numérique très intense.
04:52Bien sûr. Il y a le service d'enquête de la préfecture de police, la police judiciaire que j'ai dirigée,
04:58fait le travail sur le terrain.
05:00Et ensuite, au niveau du ministère de l'Intérieur, il y a eu le vice-central des biens culturels
05:04qui, elle, est à même de faire une veille, d'avoir ses contacts avec l'étranger aussi,
05:08qui permet d'avoir une veille...
05:11Bon, maintenant, l'affaire est mondiale.
05:12Mais, disons que dans tous les pays du monde, maintenant, il y a une capacité,
05:16pour les gens honnêtes, d'avoir cette veille sur ce qui peut circuler.
05:21Alors, Christian Flech, un de vos anciens confrères, Yves Jobic, dans Paris Match, cette semaine,
05:26disait qu'il y avait peut-être une possibilité de tendre une perche, finalement, aux voleurs,
05:31négocier avec eux, le message étant le suivant,
05:34rendez les bijoux en échange d'une certaine clémence au niveau de la peine à laquelle vous serez condamné.
05:40Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
05:41Alors, c'est ce que la Procurrence de la République a dit aussi, elle-même.
05:44C'est-à-dire qu'elle a dit que si les bijoux étaient rendus, il n'y avait plus de préjudice.
05:48Et que, donc, la sanction qui s'appliquera sera modérée par rapport au fait que le préjudice aura disparu.
05:56Oui. Mais, alors, quand même, ça paraît surprenant.
06:00Est-ce que c'est coutumier, dans la police, de procéder à ce genre de deal, de négocier,
06:05et, en plus, de le rendre public ? Puisque là, c'est ça, la nouveauté, finalement.
06:08Non, les messages de la Procurrence, c'est quand même de dire,
06:14vous n'aurez pas assez d'argent si vous piquez les bijoux et que vous les dessertissez,
06:20et que vous les retaillez, ça n'aura plus du tout d'intérêt.
06:23On parle de 10% à peu près.
06:2410% de la valeur, ça ferait quand même 9 à 10 millions d'euros, c'est pas anecdotique non plus.
06:30Oui, bien sûr, mais il faut quand même les vendre derrière.
06:32C'est une prise de risque aussi très importante dans un milieu qui est quand même en ébullition,
06:36et qui n'a pas envie de mettre la main dedans.
06:38Elle a dit aussi que tous ceux qui toucheront à ces bijoux tomberont pour Rossell.
06:42Donc, c'est le deuxième élément.
06:44Et le troisième élément, elle a effectivement dit qu'en absence de préjudice,
06:48la sanction judiciaire sera adaptée.
06:50Et ça, c'est normal.
06:52Bon, après, sur les négociations, il peut y avoir des tendances
06:57à ce que les voleurs, par exemple, se manifestent pour eux-mêmes
07:01essayer de négocier une quiétude.
07:04Mais tout ça est possible, et la police est prête à tout gérer.
07:09Merci beaucoup de vos lumières.
07:11Christian Flèche, l'ancien directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris,
07:16était l'invité d'Europe 1 Matin.
07:17Bonne journée à vous, Christian Flèche. Merci.
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