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00:00Et notre invité c'est Anthony Bélanger. Bonjour. Vous êtes secrétaire général de la Fédération Internationale des Journalistes.
00:10Vous enseignez aussi le journalisme à l'école de journalisme de Louvain en Belgique.
00:16Comment est-ce que vous, vous allez vivre ce 2 novembre, l'année ayant été extrêmement létale pour notre profession ?
00:25Merci pour votre invitation. Alors effectivement, j'enseigne à l'université de Mons, pas à Louvain.
00:32Nous, c'est une date essentielle puisque chaque année, on rappelle qu'informer ne doit jamais être un crime
00:38et que ceux qui tuent ou font taire des journalistes doivent rendre des comptes.
00:43J'ai encore eu un exemple hier avec un confrère du Pakistan, Rana Hadzim, qui est le président de notre affilié,
00:48qui a reçu des menaces de mort directes et il a fallu qu'on le mette en sécurité.
00:52Donc, c'est aussi le 12e anniversaire de vos confrères et vos consoeurs Gislaine Dupont et Claude Verlon
00:59qui ont été assassinés à Tidal, au Mali, il y a 12 ans maintenant.
01:03Donc, c'est une responsabilité universelle.
01:05Ce n'est pas forcément que les journalistes, que notre organisation professionnelle mondiale.
01:09C'est celle de tout le monde, celle où il faut briser cette sorte de cycle de silence et d'indifférence.
01:16Et merci encore de placer le projecteur aujourd'hui sur 2 novembre, malheureusement.
01:21On pense évidemment à Gislaine Dupont et à Claude Verlon et à leur famille.
01:26On pense aussi à tous ces journalistes qui ont été tués par centaines à Gaza.
01:31Par exemple, Anthony Bélanger, on peut sans doute parler d'une année funeste pour les journalistes.
01:39Oui, vous avez raison.
01:40C'est encore une année funeste.
01:42C'est la troisième de suite.
01:45On arrive à 99 journalistes qui ont été tués aujourd'hui, 50 à Gaza, et 225 à Gaza depuis le 7 octobre 2023.
01:53Donc, c'est encore une année funeste.
01:56Il y en avait 122 en 2024, 129 en 2023.
02:00À chaque fois, il y avait 75, 78% des journalistes qui avaient été tués seulement sur la bande de Gaza.
02:07Mais je n'oublie pas aussi les autres pays, parce qu'il y a beaucoup de...
02:09Vous avez parlé de l'Ukraine dans votre journal juste avant.
02:12On en a encore eu huit cette année, 13 au Yémen, 6 au Soudan, qui est aussi un conflit dont on parle assez peu,
02:20à part évidemment des chaînes comme la vôtre.
02:23Et donc, oui, le problème, c'est qu'il y a toujours autant de morts, mais c'est qu'il y a aussi peu d'enquêtes réalisées
02:31pour essayer de connaître les auteurs ou les commanditaires de ces meurtres.
02:35Il y a à peu près un meurtre sur dix, selon l'UNESCO.
02:38On va parler des enquêtes dans quelques instants.
02:41Un mot aussi peut-être de nos camarades, de nos confrères et consoeurs qui ont été victimes d'attaques létales,
02:48mais également d'attaques de dénigrement, etc.
02:52On parle des pressions, des lobbies qui s'intensifient à coups de menaces, de pressions économiques.
02:57Comment, Anthony Bélanger, est-ce qu'on en est arrivé là en 2025 ?
03:03On est arrivé là parce que le journalisme dit d'investigation fait un travail qui devient de plus en plus gênant.
03:10Et là, on ne parle plus des pays d'Asie du Sud, du Moyen-Orient, d'Afrique.
03:14On parle aussi de certains pays européens, y compris la France, y compris la Belgique,
03:20ou bien sûr aux États-Unis aujourd'hui,
03:23et où les grandes fortunes se permettent de vouloir poser un baillon sur les journalistes.
03:31C'est les fameuses lois baillon qu'on connaît un peu partout,
03:36pour les faire taire, pour les empêcher de faire leurs enquêtes sur la possible corruption,
03:41ou tout simplement pour montrer que des grands patrons font leurs petites affaires.
03:48Évidemment, ils n'ont pas envie que ça se sache.
03:50Donc le meilleur moyen, c'est de faire pression sur les journalistes,
03:53de leur mettre des procès sur le dos,
03:56ce qui freine évidemment leur travail,
03:58ce qui freine d'un point de vue psychologique leur façon et leurs moyens de travailler.
04:03Et certaines rédactions soutiennent, fort heureusement, leurs journalistes,
04:13d'autres non.
04:15Et c'est vraiment un échec pour le journalisme,
04:18et c'est un échec aussi pour les citoyens qui ne sont plus informés.
04:21Anthony Bélanger, le diagnostic étant posé,
04:24comment lutter contre ceux qui asphyxient financièrement la rédaction,
04:29ceux qui instrumentalisent la loi aussi pour enfermer et censurer
04:32ceux qui attisent la haine envers la presse ?
04:35Quels sont les moyens ?
04:37Alors, la Fédération internationale des journalistes que j'ai l'honneur de diriger
04:41ne fait pas que de dénoncer, ne se contente pas que de dénoncer.
04:45Évidemment, on a des constats, on vient de les rappeler,
04:48mais on demande des mesures concrètes,
04:49et notamment que chaque État ouvre des enquêtes indépendantes,
04:54protège les témoins, ce qu'on a fait hier encore au Pakistan,
04:56sanctionne les auteurs, bien entendu, et sur le plan judiciaire,
05:01en premier lieu, même lorsqu'ils appartiennent à ses propres forces.
05:05C'est-à-dire qu'il faut surtout appeler les Nations unies
05:08à adopter une convention internationale contraignante
05:11pour la sécurité et l'indépendance des journalistes.
05:14On a un texte qui est prêt, qui est codu de tous,
05:16on est en train de travailler auprès des États,
05:20parce qu'aujourd'hui, il n'existe aucune loi mondiale
05:22qui oblige les États à protéger les journalistes.
05:25Et la convention que la Fédération internationale propose,
05:29elle créerait enfin une obligation juridique claire.
05:33Alors, on est très conscient du fait que ça ne réglerait pas
05:36tous les problèmes du monde,
05:38mais ça préviendrait certaines violences,
05:40ça permettrait aussi d'enquêter sur toutes les attaques.
05:43Vous avez parlé des attaques, il n'y a pas que des crimes
05:45ou des emprisonnements, il y a des attaques en ligne,
05:48il y a des menaces directes, indirectes sur les familles,
05:51sur les journalistes, et puis surtout, ça permettrait
05:53de poursuivre les coupables, de garantir la protection
05:57des journalistes, qu'ils soient salariés, indépendants,
06:00ou aussi des fixeurs, parce qu'il ne faut jamais oublier
06:02que les fixeurs ou les travailleurs des médias
06:03sont aussi les victimes de cette impunité.
06:08Donc, c'est une manière de mettre réellement fin
06:10à l'impunité, et on y travaille très sérieusement
06:14à New York et au sein de nos organisations syndicales.
06:19Les fixeurs, ce sont ceux qui aident les journalistes
06:22sur le terrain à faire leur travail.
06:26Anthony Bélanger, ce 2 novembre, on l'a dit,
06:29c'est une journée funeste pour notre profession.
06:34Comment expliquer aussi que, quelque part,
06:37les sociétés civiles ne semblent pas être tant choquées
06:41que cela par ces meurtres, ces attaques sur la presse ?
06:45C'est malheureux, oui, c'est vrai.
06:48Alors, concernant la guerre de Gaza, il y a eu des mouvements,
06:52il y a encore des grandes manifestations
06:53qui demandent notamment à mettre fin à ce conflit,
06:59à ce massacre qui touche essentiellement des civils
07:03et des journalistes, parce que je rappelle
07:04que les journalistes sont des civils, comme les autres,
07:07et qu'attaquer un civil, c'est aussi...
07:09Éviter un civil, c'est un crime de guerre.
07:12Malheureusement, l'être humain est fait d'une telle façon
07:16qu'il s'habitue aux horreurs, qu'il s'habitue aux images
07:19et qu'il, parfois, préfère zapper, tout simplement,
07:24pour se protéger lui-même.
07:26Mais on a eu des grandes manifestations.
07:34Il y a des grands mouvements de participation
07:39dans des interventions, dans des débats publics, etc.,
07:42où les citoyens prennent la parole, se déplacent.
07:45Mais la vraie responsabilité, elle est au niveau des États.
07:47C'est qu'à un moment donné, les grands États de ce monde
07:49doivent dire, maintenant, il faut s'arrêter.
07:51Et c'est à eux qu'est la responsabilité
07:53de travailler au niveau des Nations Unies,
07:56mais aussi de dire directement, si on parle d'Israël
07:58et de Gaza, de dire à Israël, maintenant, il faut que ça cesse.
08:01On ne peut pas continuer de façon impunément
08:04d'assassiner et de viser les journalistes
08:07comme ils le font depuis octobre 2023,
08:10même si, depuis fin octobre,
08:12il y a une accalmie dans la bande de l'Iaza.
08:16Et les journalistes internationaux
08:18n'ont toujours pas le doigt d'entrer dans Gaza.
08:20On le rappelle aussi, Anthony Bélanger.
08:21Je m'adresse maintenant aux professeurs de journalisme
08:23que vous êtes.
08:24À Mont, ce n'est pas à Louvain, comme on l'a dit par erreur.
08:27Qu'est-ce que vous dites à vos étudiants en journalisme
08:30?
08:31Eh bien, je suis déjà très surpris.
08:35À chaque fois, j'ai des jeunes futurs confrères
08:37et consœurs devant moi, qui ont une vingtaine d'années,
08:40et ils sont très engagés.
08:42Ils ont envie de faire cette profession,
08:44même si c'est dangereux,
08:45pour ceux qui veulent travailler, évidemment,
08:47comme grands reporters à l'étranger,
08:49même si c'est précaire,
08:50pour ceux qui veulent continuer à travailler dans leur pays,
08:52dans des quotidiens régionaux, quotidiens locaux.
08:55Ils sont absolument engagés, très au courant.
08:58Et moi, je leur dis, ne lâchez rien.
09:00Vous êtes la génération qui allait probablement modifier
09:05la gouvernance de notre planète.
09:08Et les débats que j'ai sont des débats
09:12beaucoup plus politiques que ceux que je connaissais moi-même
09:14quand j'étais étudiant ou jeune journaliste.
09:18Ils ont des débats réellement politiques
09:19où ils s'attèquent aux vrais problèmes,
09:21sur le racisme, par exemple.
09:22C'est des débats qu'on n'avait pas il y a 15 ans, ça,
09:26dans les écoles.
09:27Et ils reviennent avec des fondamentaux
09:30qui me font à la fois chaud au cœur
09:32et qui me rassurent,
09:33parce que ça signifie que derrière nous,
09:36derrière nous, en tant que journaliste,
09:37en tant que défenseur de la profession,
09:39on a des jeunes consoeurs et des jeunes confrères
09:42qui vont prendre la relève
09:44et qui seront armés.
09:46Et notamment avec les nouvelles technologies
09:49et avec l'intelligence artificielle notamment,
09:51ils connaissent tout, ils savent l'utiliser.
09:53Et ça, ça me rassure.
09:54Et en gros, on leur dit,
09:57embarquez dans cette galère
09:58et surtout ne lâchez rien.
10:01Absolument.
10:02Je leur dis, je leur dis,
10:03mais pourquoi vous venez ?
10:04C'est mal payé,
10:06c'est un métier qui est déconsidéré,
10:08qui est parfois dangereux.
10:09Et pourtant, vous êtes de plus en plus
10:10à vouloir faire ce boulot.
10:12Et je leur dis, finalement, vous avez raison,
10:13c'est un des métiers les plus passionnants
10:15qu'on puisse faire.
10:17Ça ouvre la curiosité.
10:19Et c'est surtout,
10:19c'est un des piliers de la démocratie.
10:21Il ne faut jamais l'oublier.
10:22Et c'est quelque chose
10:25qu'on a dans les tripes.
10:26C'est ce que je leur dis.
10:27Si vous l'avez dans les tripes,
10:29foncez, vous trouverez du travail.
10:31Merci beaucoup, Anthony Bélanger,
10:33secrétaire général
10:34de la Fédération internationale des journalistes.
10:37Voilà ce qu'on pouvait dire avec vous
10:39de cette journée internationale
10:41de la fin de l'impunité
10:42pour les crimes commis
10:43contre les journalistes.
10:44C'est le 2 novembre.
10:47Pensez à tous nos confrères et consoeurs.
10:49Pensez pour les familles
10:51de Gisseline Dupont et Claude Verlon.
10:52C'est ainsi que se referme ce journal.
10:55Merci beaucoup de votre fidélité à nos chaînes.
10:57On se retrouve tout à l'heure
10:58pour la suite.
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