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  • il y a 9 heures

Les patients ne viennent pas chez le médecin "pour le plaisir", souligne la médecin généraliste Mady Denantes, alors que le gouvernement veut responsabiliser les Français en les faisant payer davantage leurs soins.

Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00France Inter
00:01Mathilde Munoz
00:05Le 5-7
00:08Il est 6h21, c'est le sujet au cœur du débat actuel sur le budget de la sécurité sociale.
00:13Faire payer davantage les patients, les responsabiliser, pour reprendre les mots de la ministre de la Santé, Stéphanie Riste,
00:20pour qui je cite « le tout gratuit dans la santé est une illusion ».
00:24Un propos qui vous horripile, Madine Nantes. Bonjour.
00:27Bonjour.
00:27Vous êtes médecin généraliste, vous travaillez dans une maison de santé pluriprofessionnelle, dans un quartier populaire de Paris.
00:33Et depuis toujours, vous défendez un accès aux soins pour tous.
00:37Et donc, quand vous avez entendu la ministre, ça vous a fait bondir.
00:40Vous signez une tribune avec trois autres médecins dans le journal Le Monde, parce que pour vous, c'est une idée reçue.
00:45Non, le système de santé ne déresponsabilise pas les patients. Pourquoi ?
00:51Parce que qui est responsable d'une ordonnance ?
00:54Quand je suis médecin, quand je fais une ordonnance, c'est moi qui suis responsable de l'ordonnance.
00:58Si je demande des examens biologiques, c'est moi qui suis responsable.
01:02Ce n'est pas mon patient.
01:03Et tout particulièrement sur la prescription médicamenteuse,
01:06on travaille beaucoup avec nos patients sur ce qu'on appelle l'observance.
01:10C'est difficile de prendre un cachet tous les jours quand vous êtes diabétique.
01:12Donc, on travaille sur l'observance.
01:14Et là, tout d'un coup, arrive l'idée, pour vous responsabiliser, vous diabétiques,
01:19on va vous faire payer chaque boîte de médicaments.
01:21Non, la responsabilité, elle est aux professionnels de santé.
01:24Et on en est fiers.
01:26On bosse beaucoup pour assumer cette responsabilité.
01:29Mais c'est nous les responsables de nos prescriptions, pas nos patients.
01:32Pour ce qui est de la prescription, mais pour le fait d'aller chez le médecin,
01:35est-ce qu'il n'y a pas des gens qui vont chez le médecin alors qu'ils ont juste un petit bobo et ils n'auraient pas besoin ?
01:40Vous le constatez, vous, par exemple, ça vous arrive ou pas, dans votre cabinet ?
01:43Non, non, parce que d'abord, aujourd'hui, l'accès au médecin est compliqué.
01:47Donc, je n'ai jamais vu de gens qui viennent chez le médecin pour le plaisir.
01:51On a des gens qui ont des pathologies complexes,
01:53qui ont peut-être certains besoins de plus de rencontres que d'autres.
01:57Nous, on travaille en pluriprofessionnel.
01:59Donc, ça peut être des rencontres avec nos associés infirmiers,
02:02plutôt qu'avec le médecin, quand on pense que c'est bon comme ça.
02:07Mais il y a des gens qui ont besoin de plus de contact avec les soignants.
02:11Ça fait partie du soin.
02:12Non, les gens ne viennent pas consulter pour le plaisir,
02:15ne viennent pas attendre dans une salle d'attente pour le plaisir.
02:17Et donc, quand Emmanuel Macron dit qu'on consomme trop de médecine,
02:20qu'il y a trop de médicaments, trop de soins,
02:22donc s'il y en a trop, c'est la faute des médecins,
02:24ce n'est pas la faute des patients, c'est ça ce que vous nous dites ?
02:26Mais on a des prescriptions, on bosse beaucoup pour bien prescrire.
02:30C'est un gros travail de nos étudiants pendant leurs études.
02:34Quand même, 12 années des études, c'est important.
02:37Nous, après, pendant notre vie professionnelle, on travaille.
02:41Moi, je lis la revue prescrire tous les mois pour rester au niveau de mes prescriptions.
02:45Oui, j'assume totalement mes prescriptions, je ne prescris pas trop.
02:48J'essaye de prescrire au mieux et je dois m'améliorer, bien sûr, toujours, et nous tous.
02:52Mais non, je ne prescris pas trop.
02:54Et sur l'illusion du tout gratuit, pour reprendre la formule de la ministre de la Santé,
02:58ce que propose désormais la Sécur, c'est assez récent, c'est d'envoyer un détail des différentes consultations
03:03pour afficher finalement ce que coûte la prise en charge de l'assurance maladie.
03:07Ça, c'est plutôt une bonne mesure, parce que je sais que vous, vous le rappelez régulièrement à vos patients, ça.
03:10Tout à fait, parce que ce n'est pas gratuit du tout, la santé.
03:13La santé, c'est la sécurité sociale, donc on la finance tous par nos cotisations.
03:23Donc, c'est bien de se rappeler, quand on est en consultation,
03:26que la consultation chez le médecin généraliste, elle coûte 30 euros.
03:31Mais souvent, nos patients ne payent pas parce qu'ils sont à 100%.
03:34Donc, on est payé directement par la Sécurité sociale, c'est ce qu'on appelle le tiers payant.
03:38Mais c'est vrai que je rappelle toujours à nos patients que la Sécurité sociale va me verser 30 euros.
03:43Et ce qui est terrible avec le système des franchises,
03:46c'est qu'on va contre le système des principes fondateurs de la Sécurité sociale.
03:51Les principes fondateurs, c'est deux jambes.
03:54Je cotise en fonction de mes moyens et je reçois en fonction de mes besoins.
03:58Là, tout d'un coup, on va demander 4 euros par consultation à tout le monde.
04:03Donc, ce n'est plus en fonction de mes moyens.
04:04On va l'expliquer. Ce que propose le gouvernement, effectivement, c'est de doubler les franchises.
04:08Donc, par exemple, je vais chez vous, je suis malade.
04:10Vous me prescrivez une boîte de...
04:13On ne va pas citer la marque, mais une petite boîte de comprimés dans les besoins.
04:17Paracétamol.
04:17Paracétamol, voilà.
04:19Je vais être obligée de payer 2 euros par boîte de paracétamol.
04:224 euros pour la consultation chez vous.
04:24Donc, ça me fait 6 euros, c'est ça ?
04:25Aujourd'hui, c'est 1 et 2.
04:27Oui, c'est ça. Si ça passe.
04:28Si ça passe, parce que ça a été retoqué hier en commission.
04:31Mais voilà, le gouvernement peut encore y revenir.
04:33Et puis, ça va aller dans l'hémicycle après.
04:35Et donc, ça va contre le principe fondateur de la Sécurité sociale.
04:38Là, je vais payer 4 euros plus 2 euros, quels que soient mes revenus.
04:44Or, 4 euros, ce n'est pas pareil si vous avez un gros salaire ou si vous avez un petit salaire.
04:48Donc, ça va contre le je cotise en fonction de mes moyens.
04:52Et en plus, ça va contre le je reçois en fonction de mes besoins.
04:56Puisque si vous venez me voir, vous avez des maux de tête.
04:58Et après un examen sérieux, j'élimine une cause grave à vos céphalées.
05:04Et je vous prescris une boîte de Doliprane.
05:06Vous n'allez pas être pris en charge.
05:07La Sécu ne va pas prendre en charge cette boîte de Doliprane.
05:10Parce qu'elle coûte moins de 2 euros.
05:11Parce qu'elle coûte moins de 2 euros.
05:13Or, cette boîte de Doliprane, c'est vos besoins.
05:17Et ce qui est important, c'est que même si vous n'êtes pas malade,
05:21vous soyez dans cette communauté de la Sécurité sociale où tout le monde bénéficie.
05:26Même si ce n'est que 2 euros, c'est important.
05:28Alors, qu'est-ce que vous suggérez, vous, pour combler le trou de la Sécurité sociale ?
05:31Là, en l'occurrence, l'objectif pour le gouvernement pour l'an prochain,
05:34c'est de faire plus de 5 milliards d'euros d'économie.
05:36Alors, ça tombe bien, puisque le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie
05:40a produit un rapport en proposant la Sécu à 100%.
05:44C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on est dans un système complètement bizarre.
05:48C'est que chacun de vos dossiers, quand vous venez voir le médecin,
05:50est traité d'abord par la Sécu et après par votre assurance complémentaire.
05:54Donc, double frais de gestion.
05:56Et ça coûte très cher.
05:57Et le HCCAM nous dit plus de 5 milliards d'économies en fusionnant.
06:03Donc, une couverture santé universelle pour tout le monde et il n'y a plus les deux jambes.
06:07Tout à fait. Et ça fait des économies. On reste dans la solidarité.
06:10Parce que je vous rappelle que les assurances complémentaires, mutuelles comprises,
06:13ne sont pas solidaires.
06:14Si vous êtes vieille, vous payez plus cher que si vous êtes jeune.
06:18Et donc, on garde la solidarité.
06:20On fait plus de 5 milliards d'économies d'après le HCCAM.
06:24Et on est bien pris en charge.
06:25Dans les principes fondateurs de la Sécu, je...
06:27Côtise en fonction, qui fête ses 80 ans.
06:30Enfin, cette année.
06:30Ça serait un bon cadeau d'anniversaire pour la Sécu.
06:33Merci Madi Denant.
06:34Merci d'être venue en studio ce matin dans le 5-7.
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