- il y a 6 semaines
Invitée sur le plateau de TV5 Monde le 7 mai 2024, la journaliste Anne-Sophie Jahn revient sur son livre et livre des révélations inédites sur Johnny Hallyday, Læticia, David et Laura. Entre confidences, tensions familiales et héritage artistique, elle évoque sans détour les vérités longtemps tues autour de la légende du rock français.
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00:00...
00:00Bonjour Anne-Sophie Yann.
00:07Bonjour.
00:07Vous avez publié des livres enquêtes exceptionnels sur Bob Marley ou sur Encore Noir Désir.
00:11Bertrand Cantat, voici Les Derniers Jours de Johnny, publié chez Grasset.
00:15C'est un livre exceptionnel.
00:17On va entendre la voix de Johnny parce que cette voix-là, c'est une voix absolument incroyable.
00:22Mon pays, c'est l'amour.
00:23C'est le 51e et dernier album de Johnny.
00:25Vous nous racontez ces instants-là où chacun se dit qu'il va mourir.
00:30Il est à quelques semaines de mourir et il chante encore.
00:34C'est exceptionnel au fond.
00:36C'est-à-dire que ce qui est exceptionnel, c'est que cette voix, c'est celle d'un homme qui devrait déjà être dans la tombe.
00:43Et pourtant, elle est d'une force qu'on n'a pas connue depuis très longtemps, en tout cas que ses collaborateurs n'ont pas connue en studio
00:49parce qu'il a arrêté de fumer à cause de son cancer notamment.
00:52Mais surtout, la force, elle ne vient pas que de ça.
00:54Elle vient aussi de cette rage de vivre que Johnny a gardée jusqu'aux derniers instants de sa vie.
01:02Et là, c'est un homme à qui on a dit il y a plusieurs mois, il ne vous reste que quelques semaines, trois mois à vivre.
01:08Et malgré tout, non seulement il est toujours là, mais il est en studio, en train d'enregistrer un album.
01:12Il revient tourner.
01:13Enfin, c'est complètement dingue.
01:15C'est-à-dire que normalement, quand on a un cancer, on se repose.
01:18Alors, ce n'est pas forcément ce qui est recommandé d'ailleurs aujourd'hui.
01:20Mais pourtant, lui, non seulement il vit comme avant, mais en plus, il vit même plus fort qu'avant.
01:26Il produit un album qui est exactement l'album qu'il voulait faire.
01:29Un retour à ses racines, au rock'n'roll, au blues.
01:32Donc, c'est un peu, on a l'impression que la boucle est bouclée.
01:35Même si pour lui, ce n'est pas la fin, ce n'est pas son dernier album.
01:38Il ne le croit pas un instant.
01:39Écoutez cette voix, écoutez.
01:40Mais il faut dire, Anne-Sophie, que là, cette voix qu'on entend, il est délabré quand il enregistre.
01:55Le jour où il enregistre ça, il est délabré.
01:57Exactement.
01:58Le jour où il va en studio pour enregistrer cette chanson, qui donnera d'ailleurs le titre de l'album,
02:04il a subi quand même des traitements qui sont très, très lourds.
02:07Il a mal partout.
02:09Tout son corps n'est que douleur.
02:12Il prend de la morphine pour essayer vraiment d'aligner un pas après l'autre.
02:16Il a même du mal à marcher.
02:19Il doit pour la première fois d'ailleurs s'asseoir en studio, ce qu'il n'a jamais fait.
02:22Normalement, il sait, Johnny, depuis qu'il ne faut pas oublier que c'était un petit ras de l'opéra,
02:25donc il sait utiliser son corps vraiment pour faire circuler l'air.
02:29Le coffre de Johnny, son secret, c'est ça, comme Elvis.
02:32Il chante toujours debout, les pieds écartés, avec une posture parfaite.
02:35Or là, ils sont obligés de lui apporter un tabouret, ce qui pour lui déjà est un signe terrible,
02:41pour qu'il puisse chanter.
02:42Et pourtant, ça ne s'entend pas.
02:44C'est-à-dire que la voix reste belle, pure.
02:47Et quand il va au studio, tout le chemin, il souffre, vraiment tout était fort.
02:54Et pendant les quelques minutes que dure l'enregistrement de la chanson, le temps est suspendu.
03:00Il redevient le Johnny qu'il était et il met tout le monde au tapis, quoi.
03:05C'est incroyable, parce que, rétrospectivement, vous repartez en arrière, Anne-Sophie,
03:09ce jour où il va rencontrer Patrick Bruel, et il lui dit, tiens, on m'a trouvé un truc, on m'a trouvé un cancer.
03:16Oui.
03:17Et il en parle, et puis il passe à autre chose, il a sa Lamborghini, il veut partir, il a des projets de concert, etc.
03:24Il en parle comme si c'était quelque chose d'anodin, il veut dompter la maladie.
03:27Je pense que, vous savez, on peut comprendre la force du personnage de Johnny Hallyday que dans son attitude face à la mort.
03:35Et ces scènes où il annonce à un de ses meilleurs amis, Patrick Bruel, sa maladie,
03:41elles sont très révélatrices de son état d'esprit et de sa psychologie.
03:45C'est-à-dire que c'est un homme à qui on vient de diagnostiquer une maladie terrible, un cancer stade 4,
03:50qui va nécessiter des traitements durs, longs, difficiles, et malgré tout, il déjeune avec un copain.
03:56Et puis, on dirait que ma voiture est à la fourrière ou je ne sais pas quoi, je dois refaire ma serrure.
04:02Enfin, on a l'impression que c'est une banalité, une question qui est à balayer comme ça.
04:08Et puis, hop, il passe à autre chose et il revient aux conversations, aux copains, à la musique, etc.
04:12Par exemple, un soir, dans un restaurant, c'est un restaurant à Pissus, près des Champs-Élysées, un de ses restaurants favoris,
04:16il dit, à la fin du repas, tout le monde est là, tout le monde s'amuse.
04:20Je crois qu'il y a Jean Reno, il y a d'autres invités.
04:21Il dit, je ne veux pas mourir, je suis trop jeune, je ne veux pas partir tout de suite.
04:26Et Bruel, les larmes aux yeux, qui lui dit, mais non, tu ne vas pas mourir.
04:29Oui, alors c'est des mois plus tard.
04:31Donc, à ce moment-là, il est vraiment…
04:33On s'approche déjà de la mort, c'est à l'automne.
04:36Quand il a annoncé sa maladie, c'était au printemps.
04:38Mais il a quand même des moments de lucidité.
04:40Mais malgré tout, c'est ça qui est très beau avec cette histoire et ces derniers jours.
04:44Et l'intensité de ces derniers jours, c'est ces allers-retours aussi de cet homme qui s'accroche,
04:49qui fait tout pour vivre, quelques heures de plus, quelques jours de plus, quelques mois de plus, quelques années de plus.
04:55Mais qui se dit, moi, ce n'est pas mon premier cancer, ce n'est pas mon premier pépin de santé.
05:00J'ai toujours survécu.
05:01J'ai survécu aux accidents de voiture.
05:03On lui a tiré dessus, il a survécu.
05:04Il a survécu au cancer, il a survécu au coma.
05:06Et il se dit, la mort, je la tiens dans ma main, je mourrai quand je voudrais.
05:10Et donc, comme il n'a pas envie de mourir, il pense qu'il tiendra.
05:14Et puis, avec de temps en temps, évidemment, des moments d'abattement où, après, il se ressaisit.
05:20Mais il passe de lucidité à déni, à espoir.
05:23Enfin, être dans sa tête à ce moment-là, c'est un peu un rollercoaster émotionnel.
05:26Oui, c'est une tragédie.
05:27Le 10 juin 2017, à Lille, stade de Lille, on va entendre là, c'est les vieilles canailles,
05:32cette tournée qu'il veut faire avec ses potes Eddy Mitchell et Jacques Dutronc.
05:35Là, c'est la chanson Les Cactus.
05:38Et pendant que le public entend ça, il se passe un drame sur scène.
05:44Et Johnny s'accroche soudain au micro, hyper pied.
05:49Hyper pied.
05:50Ce qu'on n'entend pas, ce qu'on ne sait pas quand on est dans le public des vieilles canailles,
05:55c'est que Johnny qui fait cette tournée en province, il faut le signaler,
05:58parce que c'est quand même une tournée en province, c'est difficile.
06:00Et il passe d'une ville à l'autre, c'est une logistique qui est compliquée.
06:07Or là, il se déplace avec quasiment un hôpital, il subit des traitements juste avant de rentrer sur scène,
06:13jusqu'à la dernière minute, vraiment parfois, il reçoit de l'oxygène, des transfusions, etc.
06:18Et puis ensuite, il monte sur scène et son corps, qui devrait être abattu,
06:25prend le dessus de manière assez miraculeuse.
06:27Parce que tout le monde s'attend à ce qu'il meure sur scène quasiment.
06:30Les gens se disent qu'il va mourir sur scène.
06:32Exactement.
06:33Tout le monde a peur et tremble en se disant,
06:35mais ce type qui est mourant, qui tout d'un coup chante, transpire, a le cœur qui bat, il va claquer.
06:42Et donc, il y a une intensité très, très forte.
06:45Et à part, en effet, il y a eu quelques épisodes où le corps lâche.
06:49Le corps lâche.
06:49Et là, vous dites, Eddie Mitchell, à la fin du concert, qui dit stop, on ne peut pas continuer.
06:53Exactement.
06:54On a l'impression d'entourer un mort vivant.
06:56On ne peut pas continuer.
06:57Et pourtant, c'est-à-dire que c'est pourtant précisément cela qu'il fait qu'il va tenir.
07:04Et d'ailleurs, les médecins lui disent à Eddie Mitchell, qui à un moment exactement est angoissé,
07:08il se dit, mais on est en train de le tuer, notre ami, à lui faire faire une tournée,
07:12je ne sais combien de dates, en France, en Belgique, etc.
07:15On pousse trop.
07:16Et non, les médecins lui disent non.
07:18Au contraire, au contraire, vous lui redonnez de la vie.
07:20Et Johnny lui-même dit, cette tournée, si je ne la fais pas, je vais crever.
07:24Donc, quelque part, ce public qui lui a toujours donné cet amour, la scène, être entouré de ses copains,
07:30c'est ça la vie pour Johnny.
07:31Il n'est jamais aussi heureux que quand il est sur scène.
07:34Oui, et puis alors, il y a des moments d'intimité.
07:36Évidemment, Laetitia qui poste des photos sur Insta et qui dit, fuck le cancer.
07:42À un certain moment, Johnny se retourne contre elle et lui dit, marre, marre.
07:46Mère Thérésa, ferme-la, ferme ta gueule, parce qu'il lui parle comme ça.
07:49Il est dur.
07:50Johnny, il est très dur avec les gens qu'il aime.
07:53Et tous, en tout cas, peuvent en témoigner.
07:57C'est-à-dire que ce n'est pas un être tendre.
07:59C'est un être généreux, qui a beaucoup de qualités, qui, je pense, a été un ami parfois exceptionnel, etc.
08:07Mais qui, notamment avec les femmes, et ça, ça vient des blessures de son enfance, peut être très, très dur.
08:13Et Laetitia, elle en a bavé.
08:14Elle n'est pas parfaite, mais il n'est pas parfait non plus.
08:18Oui.
08:19Vous dites, il a eu 4000 femmes dans sa vie.
08:22Oui.
08:22Vous avancez ce chiffre.
08:23Sur les derniers jours, en tout cas, il n'en a qu'une, a priori.
08:28Mais en tout cas, dès les débuts de sa carrière, donc dans les années 60, c'était, sachant que tous les soirs, il allait de spectacle en spectacle.
08:36Les filles se jetaient sur lui.
08:38Alors, ça va vite, quand on dort presque jamais.
08:41Il est, donc, le soir en spectacle, puis il va en boîte de nuit, puis les restaurants, puis les vachins, etc.
08:45Tous les pères voulaient donner leurs filles à Johnny.
08:47Ah oui.
08:48Vous dites ça.
08:48Mais Johnny, c'est pas un homme, c'est un dieu, quelque part, pour les Français.
08:54C'est le toucher, c'est approcher à une forme de divinité.
08:58Et puis, regardez, regardez ces images, regardez la beauté de cet homme.
09:01Surtout, jeune, ce regard, bleu piscine, cette sensualité, cette bouche, etc.
09:06Il était absolument irrésistible.
09:08Toutes les femmes voulaient l'approcher.
09:09Et comme Elvis, d'ailleurs, il a fait un petit peu, il a créé sa carrière sur la sexualité.
09:14Elvis sur scène.
09:16Pourquoi Elvis a le succès d'Elvis aussi ?
09:18Alors, évidemment, c'est sa musique, etc.
09:20Mais c'est le roulement de hanches qui l'a rendu absolument mythique, où on passe de la rock star à la mythologie.
09:27Johnny, c'est ça.
09:28Oui, mais pourtant, oui.
09:29C'est cet homme qui jouait sur le sexe, sur scène, qui bougeait de manière très sensuelle, qui se roulait par terre et qui rendait les filles hystériques.
09:36Oui, oui, mais pourtant, le 25 mars 1995, il va rencontrer Laetitia Boudou.
09:42Et vous dites, il est paumé.
09:44Et elle aussi, ces deux paumés qui se rencontrent.
09:47Le père, d'ailleurs, de Laetitia n'est pas tellement favorable à cette rencontre.
09:50Oui, même si c'est lui l'instrument.
09:52C'est le père qui présente Laetitia à Johnny, à Miami, dans les années 90.
09:58Johnny, elle a eu évidemment des hauts et des bas, même s'il a une carrière absolument exceptionnelle par sa longévité.
10:03Et puis quand même, ses fans sont restés jusqu'au bout.
10:06Il a eu des échecs commerciaux, il a tenté beaucoup de choses, etc.
10:09Et il est toujours dans la remise en question.
10:12C'est un éternel insatisfait.
10:13C'est un homme qui, et c'est pour ça qu'il a duré, qui va toujours se dire, mais qu'est-ce que je vais faire après ?
10:17C'est quoi le prochain spectacle ? C'est quoi le prochain truc ?
10:19Il a peur d'être un gars.
10:20Et donc, là, dans les années 90, il est dans un moment de creux, de remise en question.
10:26Et puis c'est quelqu'un qui a une personnalité aussi, dans le fond, assez dépressive.
10:30Ce n'est pas quelqu'un qui est joyeux constamment.
10:33Non, il est recueilli, il est dur et cassé aussi.
10:39Et elle, cette petite fille, parce que même si elle est majeure, c'est une enfant physiquement, au niveau de sa voix, de son expérience.
10:47Elle n'a pas été au lycée, etc.
10:48Elle n'a pas eu une vie complètement normale non plus.
10:51Elle a lâché l'école pour s'occuper de son père, etc.
10:53Elle aussi est une enfant un peu brisée.
10:57Et donc, malgré tout, ces deux âmes, qu'on ne penserait pas forcément à rapprocher, se trouvent au début…
11:05Oui, pas facile.
11:06Attendez, vous dites, quand il arrive à Jean-Roch, le patron de Deux Nuits,
11:09il dit à Jean-Roch, quand il voit arriver Laetitia la première fois avec d'autres femmes,
11:12il dit « je ne savais pas que tu m'avais amené des putes ».
11:15Ça résume assez bien aussi une partie de la relation de couple et de sa manière d'être avec les femmes.
11:21Ce n'était pas encore une fois, pas un temps.
11:23Un peu plus tard, il dit, pardon, je vous cite, c'est Johnny qui dit « tu vois cette connasse, je vais l'épouser,
11:29elle est gentille, tu sais que je n'aime pas être seule, elle est jeune, sympa ».
11:32L'ami lui répond « mais ce n'est pas de l'amour, c'est minable ».
11:35Et Johnny lui répond « mais tu sais, ma vie est minable ».
11:38Ça, c'est toute Johnny.
11:39C'est toute Johnny, c'est-à-dire quelqu'un capable d'une brutalité extrême,
11:44mais qui en même temps va rester, qui croit en l'amour,
11:47qui est un romantique désespéré, c'est-à-dire qu'il s'est marié cinq fois,
11:51on ne se marie pas cinq fois quand on ne croit pas au mariage ni en l'amour.
11:54C'est un solitaire qui ne peut pas rester seul.
11:55Exactement, c'est l'ombre, la lumière constamment,
11:58et il est constamment en train de lutter entre deux parties de lui.
12:01Et ce que j'ai voulu raconter aussi dans cette histoire d'amour,
12:06qui est complexe, qui n'est pas simple, il n'y a pas de gentil, il n'y a pas de méchant ici.
12:09Il y a des humains.
12:10Regardez le livre en quête, c'est formidable.
12:12C'est des êtres humains fragiles, et c'est un amour qui, comme tout amour,
12:15l'amour, c'est quand même l'émotion humaine la plus complexe.
12:18Oui, d'accord, il la trompe tout de suite, il n'y a pas eu de la rencontrer.
12:21Il est au dieu, il est au dieu.
12:22Il la trompe, c'est être à la une de Voici, il fait un détour avec le yacht
12:25pour ne pas que Laetitia puisse voir la une de Voici en piosque.
12:28Pendant leur lune de miel, ce qui est quand même charmant.
12:30Il dit à ses amis, une femme, il faut la tromper pour lui prouver qu'on l'aime.
12:33C'est ça, sa philosophie ?
12:34C'est sa philosophie.
12:35Je crois qu'il a trompé, en effet, toutes les femmes avec qui il a été.
12:39Et malgré tout, elle va s'accrocher.
12:42La petite blonde dont tous les amis disaient,
12:44mais elle ne tiendra pas 15 jours, on ne la verra pas la semaine prochaine,
12:49même quand il se marie, personne n'y croit.
12:52Et puis, elle reste jusqu'au bout.
12:54Et parce qu'à un moment, elle va aussi reprendre le pouvoir.
12:57Oui, mais alors, attendez, vous racontez, elle va un jour, il n'est pas là, Johnny, il est loin.
13:01Et il apprend qu'il y a une soirée d'anniversaire chez Lenny Karavitz,
13:04où elle se rend, et où elle ne revient pas chez elle le soir.
13:08Et il apprend donc à la découcher.
13:11Et il est très mal, Johnny.
13:12Il est très mal.
13:13Lui-même, qui n'a pas forcément de leçons à donner à qui que ce soit,
13:16en termes de fidélité, tout d'un coup, quand sa femme,
13:19qui, ne l'oublions pas, a quand même, est de 30 ans sa cadette,
13:22donc lui, à bout d'un moment, fatalement, il vieillit aussi.
13:26C'est-à-dire, quand elle le rencontre, il est encore beau mec, il est athlétique, etc.
13:30Mais elle, à 40 ans, elle est splendide, elle est au top de sa féminité,
13:35elle a trouvé, quelque part, sa place, un pouvoir dans sa famille.
13:38Donc, elle le trompe, vous dites clairement qu'elle le trompe.
13:41Et à un moment, elle le trompe, elle se venge, elle se venge.
13:43Et lui, qui pourtant, donc l'a trompé sans cesse, depuis les débuts de leur histoire,
13:49en est malade, il en est malade.
13:51– Oui, il est complètement perdu, et en fait, à un moment donné,
13:57la maladie arrive là-dessus, à un moment donné, elle lui sauve la vie.
14:02Il est quasiment dans le coma, elle l'amène à l'hôpital, elle lui sauve la vie.
14:06Et là, il y a un avant, un après dans la relation des deux couples.
14:08– Oui, il y a plusieurs points de bascule, et en effet, cet épisode médical,
14:14où lui, tombe dans le coma, et elle, toute petite, toute frêle,
14:18enfin, elle n'est pas petite d'ailleurs, mais plutôt frêle, va traîner le corps de Johnny
14:22dans la voiture pour l'emmener à l'hôpital elle-même,
14:26parce qu'elle n'a pas le temps d'attendre l'ambulance.
14:28À ce moment-là, elle va lui sauver la vie.
14:31Et donc, le pouvoir se retourne dans le couple,
14:34et tout d'un coup, lui, qui l'a traité si mal,
14:37alors il continuera, d'ailleurs, il ne sera pas toujours tendre avec elle,
14:41mais deviendra plutôt dépendant de cette femme
14:45qui se transforme un peu en infirmière, en assistante, en tout, quoi.
14:50Elle prend la place et elle devient tout pour lui.
14:52– Et alors, il dit toujours, j'ai un album à enregistrer, il est malade.
14:56On va entendre Made in Rock'n'Roll, extrait de son 51e et dernier album.
14:59C'est toujours très émouvant, évidemment, d'entendre ce disque,
15:01qui a eu un énorme succès.
15:04Et il dit, j'ai des projets, j'ai encore des trucs et tout ça.
15:07Il ne supporte pas qu'on lui renvoie l'image de la maladie,
15:09et il ne supporte plus du tout cette situation.
15:13– Il ne supporte pas l'idée de la faiblesse, en effet.
15:18Lui qui a toujours trompé la mort en jouant la robotrice,
15:22en roulant à 100 à l'heure, dans des bolides, etc.
15:25L'idée de pouvoir mourir dans son lit, c'est tragique.
15:29Ce n'est pas comme ça qu'il pensait partir.
15:31Je pense qu'il pensait partir comme il a vécu toute sa vie,
15:35de manière grandiose, éclatante, rapide, fulgurante.
15:38Pas malade avec un masque à oxygène.
15:42Il est parti finalement comme un homme normal.
15:46Et là, c'est aussi dans ces derniers jours
15:50qu'on rencontre Jean-Philippe Smet derrière Johnny Hallyday.
15:55C'est-à-dire que l'homme qu'il était, qu'il est né, etc.,
15:59comme ces derniers jours, mais c'est aussi presque les premiers
16:02qui sont en train de ressortir dans ces premiers jours.
16:05Et c'est toutes ces fragilités, ces peurs, ces angoisses,
16:08donc celles de la mort, celles de la solitude, etc.,
16:10qui se ressortent à ce moment-là.
16:12– Oui, et alors à un moment donné, dans un couloir d'hôpital,
16:15les médecins prennent Laetitia par seul.
16:17Ils lui disent « Laetitia, la guerre est finie ».
16:19C'est ça l'expression, c'est ce qu'ils lui disent.
16:21– La guerre est finie, alors c'est terrible,
16:24parce que d'ailleurs cette expression, elle est injuste,
16:27parce qu'on a l'impression qu'une guerre,
16:29que le cancer, ce serait une guerre qu'on pourrait gagner.
16:31Mais c'est beaucoup trop inégal, je veux dire,
16:34on ne peut pas se battre,
16:36ce n'est pas parce qu'on s'est bien battu ou moins bien battu.
16:39Alors ils se sont bien battus,
16:40ce qui fait qu'il a vécu 15 mois et pas 3.
16:42Mais le destin n'était pas entre leurs mains.
16:46Ils ne pouvaient pas lutter contre ce cancer.
16:47Le cancer était partout.
16:48Il était dans les os, il était dans la chair, etc.
16:50– Mais il se mentait, comme il a toujours menti au fond,
16:52il se mentait à lui-même.
16:53– C'était un menteur compulsif.
16:55Il l'a dit lui-même, il me l'a dit d'ailleurs,
16:57quand je l'ai rencontré, il m'a dit « Moi, je mens tout le temps ».
16:59Et il mentait en effet probablement à lui-même,
17:02ainsi qu'à son entourage, en se disant
17:03« Mais non, je vais survivre, je vais survivre ».
17:05Quand il rencontre son manager dans son bureau
17:0810 jours avant sa mort, en disant
17:09« Bon, qu'est-ce qu'on fait pour la prochaine tournée,
17:11le prochain album, etc. »,
17:12il se ment aussi quelque part à lui-même.
17:14Même si, lui, il croit, tout le monde y croit.
17:17Et puis pourquoi après, après tout, c'est Johnny Hallyday.
17:19Tout a toujours été hors norme chez Johnny Hallyday.
17:22Donc pourquoi cette fois-ci, il n'arriverait pas à tromper la mort ?
17:24Oui, oui, à un moment donné, il se réveille dans sa chambre.
17:27Il voit autour de lui David, Laura et leurs mères respectives.
17:31Et là, il s'en prend à Laetitia.
17:33Il dit « C'est quoi ce cirque que tout le monde se barre ?
17:37Je ne veux plus voir personne. »
17:39Oui, il est à l'hôpital à ce moment-là.
17:40Donc il vient d'avoir encore un autre épisode
17:42assez douloureux de détresse respiratoire.
17:45Il est à la clinique Bizet.
17:46Et pour lui, d'avoir tout d'un coup ses ex-femmes,
17:52ses amis, ses enfants rassemblés autour de son lit d'hôpital,
17:57en effet, ça veut dire la mort, évidemment.
17:59Et donc il a une réaction assez violente à ce moment-là.
18:05Mais qui résume bien aussi son rapport très ambivalent
18:09à la vieillesse, à la mort, etc.
18:11Et à ses enfants, parce que là, David, on va entendre 100%,
18:15David Hallyday vient de reprendre avec la voix de son père
18:17ce titre qu'il avait écrit pour lui
18:19et qui racontait au fond un peu leur propre histoire.
18:23Quand il laisse un message à son fils,
18:25vous dites sur le répondeur, il dit
18:27« David, est-ce que tu peux appeler ton père ? »
18:29C'est Johnny, Johnny Hallyday.
18:31C'est comme ça qu'il parle à son fils.
18:33C'est dingue.
18:34C'est dingue, oui, mais ça montre bien
18:35à quel point les relations, à un moment,
18:37ont été à la fois très proches, faites d'admiration,
18:40mais aussi distendues.
18:41C'est-à-dire que David, il a été très bien élevé par sa mère.
18:45Il a eu un deuxième père, Tony Scotti,
18:48mais Johnny, ce n'était pas le père de l'année.
18:50Je ne suis pas sûre qu'il l'ait déjà emmené à l'école.
18:52Vous vous dites qu'ils n'ont déjeuné en tête à tête
18:55qu'une fois dans sa vie ?
18:56Oui.
18:57Dans la vie, une seule fois ?
18:58Je pense qu'il était très peu présent.
19:01Il ne l'a pas vraiment élevé.
19:03Et il venait, alors il était là pour taper à la porte
19:05à 3h du matin avec des musiciens bourrés
19:07en disant alors, montre tes progrès à la batterie,
19:12alors que c'était un soir d'école,
19:14mais ce n'était pas un super père.
19:16Alors on a beaucoup raconté, évidemment,
19:18quand on apprend que c'est fini,
19:20Laetitia, tout de suite,
19:22elle informe Sylvie Vartan
19:23qui va arriver des Etats-Unis directement,
19:26qui va rencontrer Johnny pendant un temps important.
19:30On ne sait pas ce qu'ils se sont dit.
19:32On a le sentiment, en sortant,
19:34que Sylvie pense que Johnny est sous emprise.
19:36C'est ce que vous dites.
19:37Oui, alors ce qui s'est dit ce jour-là
19:40restera un secret.
19:42Ce qui est leur seul secret,
19:43parce que Johnny et Sylvie,
19:45quel couple a été plus médiatisé que ce couple ?
19:47Ils ont commencé leur histoire d'amour
19:49sous les flashs des photographes,
19:51ils l'ont continué,
19:51tout leur mariage a été comme ça,
19:53documenté presque seconde après seconde.
19:57Elle le raconte,
19:58qu'ils n'étaient jamais seuls,
19:59jamais seuls, jamais seuls.
20:01Mais il reste quelques moments
20:02de mystère privé,
20:04notamment ces derniers instants avec lui,
20:07où ça reste un des mystères secrets
20:09qu'ils ont réussi à préserver.
20:12Et elle, en effet,
20:14se souviendra d'un homme sous emprise,
20:16n'étant pas lui-même,
20:18sous la coupe d'eux.
20:19Oui, oui.
20:20Et lorsque David va vouloir voir son père
20:24dans les derniers moments,
20:25et là, chacun le sait maintenant,
20:27aujourd'hui,
20:27la porte va rester close.
20:29Et en fait,
20:31on apprend,
20:32vous racontez dans le détail,
20:33ça n'est pas Laetitia directement
20:35qui dit à David,
20:36non, Johnny,
20:38ton père ne peut pas te recevoir.
20:39C'est le personnel qui vient lui dire.
20:42Et en fait,
20:43c'est la décision de Johnny.
20:43C'est la décision de Johnny.
20:46Alors,
20:46quelle est la part aussi ?
20:48C'est sûr que
20:49les relations
20:50entre Laetitia,
20:53Johnny,
20:53Laura,
20:54David
20:54n'ont jamais été simples.
20:56Peut-être qu'elles l'ont été
20:56un petit peu à un moment.
20:57Mais aussi,
20:58quelle est la part de Johnny
20:59disant,
21:00moi, je veux qu'on me foute la paix,
21:01je ne veux plus d'ennuis,
21:03je n'ai pas envie
21:03d'avoir à me justifier,
21:05etc.
21:05C'est quelqu'un de ce qui est très lâche.
21:06Donc,
21:07ce qui est sûr,
21:08c'est qu'on n'imposait pas
21:09des choses à Johnny.
21:10Il était quand même
21:12maître de ses décisions.
21:13Ce n'est pas un type stupide.
21:14C'est lui,
21:15à un moment donné,
21:16c'est la dame de compagnie
21:19en fin de la maison
21:19qui dit,
21:20non,
21:21auprès de Jean-Claude Camus
21:22qui lui dit,
21:23c'est terrible.
21:24Johnny a fait une crise
21:26en interdisant l'entrée
21:28de Laura et Nathalie Baye
21:31à sa chambre.
21:32Oui,
21:33et parce qu'aussi,
21:35ces derniers mois,
21:37ces dernières années plutôt,
21:38il ne les avait pas vues
21:39tous les jours.
21:39Et tout d'un coup,
21:40d'avoir ses enfants
21:40qui tapent tous les jours
21:41à la porte,
21:41pour lui,
21:42il se dit,
21:42ce n'est pas normal.
21:42Moi,
21:42je veux continuer à vivre
21:43comme j'ai vécu avant.
21:45Et d'ailleurs,
21:45on voit que les derniers jours,
21:47il les fait,
21:47il les passe comme il a passé sa vie
21:49avec ses copains,
21:50avec son dernier repas,
21:52c'est une langouste
21:53cuisinée par Jean-François Piège.
21:55C'est-à-dire,
21:55c'est la bonne chair,
21:56le bon vin,
21:57les copains,
21:58penser à la musique.
21:59Ce n'est pas voir ses enfants
22:00tous les jours.
22:01Il laisse,
22:01il laisse.
22:01Et donc,
22:02il veut garder jusqu'à la fin aussi
22:04une vie normale,
22:05quitte à blesser ses enfants.
22:08Mais c'est,
22:09dans ses derniers instants,
22:10il est aussi dans un état
22:11d'égoïsme absolu.
22:12C'est-à-dire,
22:13ce qui compte,
22:14c'est lui qui lutte
22:15contre sa maladie
22:16et quels sont ses besoins.
22:17Ses besoins,
22:18c'est,
22:18je veux vivre comme avant.
22:19Et donc,
22:21après moi,
22:21le déluge.
22:21Oui,
22:21mais quand même,
22:22David revient.
22:23Il revient deux jours après.
22:25Il essaye d'entrer presque
22:26de force à l'intérieur.
22:27Il voit Johnny dans son lit
22:29qui fait semblant de dormir
22:30pour ne pas le voir.
22:32Oui,
22:33c'est d'une dureté absolue.
22:35Et on comprend,
22:37il y a les clés,
22:38en tout cas,
22:39dans ces derniers jours,
22:40de ce qui va se passer ensuite.
22:44Justement,
22:44de la guerre des clans,
22:46des questions,
22:46l'héritage qui va sortir,
22:48etc.
22:49Tout,
22:49finalement,
22:50est là.
22:51Parce que,
22:52dans les non-dits,
22:54les actes manqués,
22:55les lâchetés,
22:57les soumissions
22:58aux uns aux autres,
22:59etc.,
23:00c'est là que vont se créer
23:02les blessures
23:03qui vont expliquer
23:04ce qui va se passer après.
23:05Oui,
23:06mais pourtant,
23:07il aime Laura.
23:08Il lui dit,
23:09la dernière fois où il la voit,
23:10il lui dit,
23:10tu reviens la semaine prochaine.
23:12Or,
23:12la porte sera close,
23:13elle ne reverra plus jamais son père.
23:15Il ne la verra pas.
23:16Elle ne comprend pas.
23:17Elle fait une lettre ouverte.
23:19Elle écrit à son père,
23:20en quelque sorte.
23:21Et elle ne comprend pas.
23:22Oui.
23:23Pourquoi ?
23:24Il part,
23:26quelque part,
23:26avec ce secret dans sa tombe.
23:28Mais Johnny Hallyday,
23:29ce n'est pas quelqu'un,
23:30encore une fois,
23:31à qui on dictait des choses.
23:32Donc,
23:32je pense que
23:33quand il garde la porte close,
23:35c'est aussi une manière
23:36de se préserver,
23:37de préserver l'homme
23:38malade,
23:40décrépit,
23:40à ce moment-là,
23:41et fragile qu'il est,
23:43pour peut-être,
23:44a-t-il voulu rester
23:45dans les yeux de ses enfants
23:46la rock star,
23:49le père exceptionnel,
23:51qui certes n'est pas très présent,
23:53mais qui brille dans les concerts,
23:54etc.
23:54C'est peut-être là,
23:56le nœud de l'affaire.
23:57Mais David va en être réduit
23:59à écrire une lettre
24:00à son père.
24:01Il va aller la remettre.
24:03Elle ne lui sera pas remise,
24:05cette lettre.
24:05Il ne la lira jamais.
24:06C'est terrible.
24:07C'est terrible.
24:08Tout à fait,
24:08c'est terrible.
24:09C'est...
24:11Et en même temps,
24:13je pense que
24:14chacun de nous
24:15qui a été confronté
24:18à la fin de vie,
24:19surtout avec,
24:20voilà,
24:21aussi des hommes
24:22d'une certaine génération,
24:23etc.,
24:24qui ont toujours été habitués
24:25à ne pas faire de compromis
24:26et à vivre comme ils l'entendaient,
24:27ont été confrontés.
24:29Cette histoire,
24:29elle est tellement universelle.
24:31C'est l'histoire de l'humanité.
24:32C'est l'histoire
24:33de notre relation
24:34par enfant complexe
24:36qui fait mal,
24:37qui...
24:38Où il y a, en effet,
24:39des non-dits,
24:40des malentendus,
24:41des blessures,
24:41de la jalousie,
24:42etc.
24:42Oui, il y a du fric aussi,
24:43pardon.
24:43Évidemment.
24:44Mais il y a de l'argent.
24:45Vous dites, vous,
24:46non,
24:46quand il a épousé Laetitia,
24:48elle n'a pas épousé un viagé.
24:51C'était sincère.
24:52Mais derrière,
24:53il y a beaucoup d'argent.
24:53Vous racontez
24:54qu'elle dépense avec Johnny
24:55jusqu'à 500 000 euros par mois
24:57dans leur train de vie.
24:59Oui, bien sûr.
25:00Il y a de l'argent.
25:01Mais même...
25:03Alors évidemment,
25:04l'argent accentue
25:05les questions de succession.
25:08Mais là,
25:08ce n'est pas une question d'argent.
25:10C'est une question
25:10d'enfants
25:12qui perdent leur père.
25:14Et d'un père
25:15qui part sans dire au revoir
25:16à ses enfants,
25:17c'est autre chose aussi.
25:18Ce n'est pas que du matériel.
25:20C'est justement,
25:21c'est tout ce qui est indicible,
25:23qui fait partie
25:24de tous les mythes fondateurs
25:26quelque part de l'humanité.
25:27Ils viennent de là.
25:29C'est comment se construire
25:31quand on n'a pas pu dire
25:32au revoir à son père.
25:33Et ça,
25:34il y a beaucoup de gens
25:34qui ont été confrontés à ça.
25:36Et c'est là où Johnny,
25:37malgré le fait
25:37que ce soit un personnage
25:39absolument hors norme,
25:40oui,
25:40il dépense 400 000 euros par mois,
25:42etc.
25:42Mais à la fin,
25:44ça reste un homme.
25:45Un homme avec,
25:46justement,
25:46ses faiblesses,
25:47ses lâchetés,
25:48ses problèmes non résolus.
25:52Mais notamment
25:53avec ses propres parents.
25:55On peut reconnaître à Laetitia,
25:57elle a tout fait
25:58pour le réconcilier
25:58avec sa mère.
25:59Il ne voulait plus voir sa mère.
26:00Il disait que sa mère
26:01l'avait abandonnée.
26:02Et Laetitia va faire venir sa mère
26:03au point que Johnny,
26:04à un moment,
26:05se plaint,
26:05dit,
26:05j'ai l'impression
26:06de vivre dans une maison
26:06médicalisée.
26:08Parce qu'il y a sa mère,
26:09il y a les grands-mères,
26:10Mami Rock,
26:10et tout ça,
26:11qui sont au domicile.
26:12C'est ça aussi, Laetitia ?
26:14– Oui, c'est clairement,
26:17elle a essayé de l'aider
26:20à recoudre les plaies béantes
26:22qui striaient son cœur.
26:25Je pense que,
26:26sans vouloir faire
26:27des mauvaises chansons,
26:29le cœur de Johnny,
26:29il a été déchiré, ravagé.
26:32C'est-à-dire qu'il a été abandonné
26:33quand même bébé
26:34par son père
26:36et qui part avec l'argent
26:37et tous les meubles
26:39de l'appartement.
26:39sa mère, finalement,
26:41travaille comme mannequin,
26:43etc.,
26:44le confie à la sœur
26:45de son père
26:46et puis il ne la voit plus.
26:48Il a été baladé
26:49comme ça
26:49d'un pays à l'autre,
26:50etc.
26:50Alors heureusement,
26:51il y a eu sa tante
26:51et ses cousines
26:52qui ont été une forme de pilier.
26:53Mais cette blessure originelle
26:54qui est quand même
26:54l'abandon par ses parents,
26:56il ne s'en est jamais remis.
26:57Et puis quelque part,
26:58en lui-même partant,
27:00sans dire au revoir
27:01à ses parents,
27:02il reproduit aussi
27:03un schéma,
27:04à ses enfants,
27:04pardon,
27:05il reproduit
27:05ce schéma familial.
27:07– Oui,
27:07c'est vrai qu'aujourd'hui,
27:11on peut se dire
27:11les conditions de sa mort,
27:13il est mort avec
27:14Karl et Dada
27:15auprès de lui.
27:17Qui sont Karl et Dada ?
27:19– Alors il y a
27:19son coach sportif
27:21et le chauffeur de Lysicia
27:23qui est aussi
27:23son chauffeur à lui
27:25qui sont là
27:27aux derniers instants
27:28parce qu'il avait besoin
27:29d'être constante,
27:30il ne pouvait même plus
27:31aller aux toilettes
27:32tout seul,
27:32etc.
27:33et il a abandonné
27:36son corps
27:37à ces deux hommes
27:38et ces derniers instants,
27:41étonnamment,
27:42Dada
27:42n'est pas là
27:42dans la pièce
27:43avec lui,
27:44il est avec eux
27:45et enfin,
27:47il y a plusieurs moments,
27:48il tombe
27:49et c'est apparemment
27:50ce qui a été très étonnant.
27:51– Il dit,
27:51je veux aller aux toilettes
27:52parce qu'il faut
27:53raconter la vérité,
27:54il dit,
27:54je veux aller pisser,
27:56il se lève
27:56et là,
27:57il s'écroule,
27:58il regarde le ciel.
28:01– Oui,
28:02il regarde le ciel
28:03et ça,
28:03c'est quelque chose
28:04qui m'a beaucoup
28:05intriguée.
28:06Qu'a-t-il vu
28:07dans le ciel ?
28:08Alors,
28:08j'offre des possibilités
28:10mais il y a quelque chose
28:13de divin
28:14dans ce moment
28:15un peu suspendu
28:17où enfin,
28:19il comprend
28:20que ça y est.
28:21C'est vraiment son dernier moment,
28:23c'est maintenant.
28:24– Oui,
28:24mais il le dit d'ailleurs
28:25parce qu'il a encore
28:25l'instant de dire
28:26je sens que c'est la fin
28:28et il saisit la croix
28:30qu'il a autour du cou.
28:31– Et malgré tout,
28:31jusqu'à cette seconde,
28:33il n'y croyait pas.
28:35Ce qui est quand même fou,
28:36c'est que quelques minutes avant,
28:38il ne pensait pas
28:39que c'était son dernier jour
28:40et malgré tout,
28:42là,
28:42à un moment,
28:44ça y est,
28:45la mort l'appelle
28:46et il lâche.
28:47– Oui,
28:48et il dit
28:49je veux remettre
28:50cette croix
28:51à ma femme,
28:52à Laetitia
28:53et je vous demande
28:55de prendre soin
28:55de mes filles.
28:56c'est ça qu'il dit,
28:57il pense à ses filles.
28:58– Il pense à ses filles.
28:59– Ses derniers mots,
29:00c'est pour ses filles.
29:00– Oui,
29:01et ce qui est,
29:04moi pour l'avoir rencontré
29:05et je me souviens déjà
29:07à l'époque,
29:07c'était quelques années
29:08avant sa mort,
29:09mais il avait très peur
29:10pour ses filles cadettes
29:12notamment parce qu'elles
29:14étaient mineures,
29:15parce que leur mère
29:17n'avait pas forcément
29:18les mêmes moyens financiers,
29:19n'avait pas de profession,
29:21donc ce n'était pas évident.
29:22il avait peur,
29:23il voulait les mettre
29:24à l'abri,
29:24c'était une obsession,
29:25il en parlait déjà,
29:26je crois qu'il en parlait
29:27à beaucoup de gens
29:27autour de lui
29:28et lui qui a été
29:30abandonné lui-même
29:31sans rien,
29:32avait une peur panique
29:33de faire la même chose
29:35à ses deux petites filles
29:36et donc jusqu'à la fin,
29:38il a essayé de les protéger,
29:38c'était son obsession.
29:39– Oui,
29:40il avait dit,
29:41je sais que quand je ne serai plus là,
29:42Laetitia,
29:43je le cite,
29:43prendra des sauts de merde
29:45sur la gueule.
29:46– Oui,
29:46parce que quand on apprendra
29:48quelques mois plus tard
29:49la teneur de la succession,
29:52etc.,
29:52qui est d'une violence absolue,
29:55alors je pense que lui
29:55ne pensait pas forcément
29:58avoir déshérité ses enfants,
30:00etc.,
30:00je pense que c'est
30:00beaucoup plus compliqué.
30:02Lui, dans sa tête,
30:02il s'est dit,
30:03bon,
30:04mes enfants aînés financièrement,
30:07ils sont grands,
30:08ils sont adultes,
30:08ils ont une carrière,
30:09ils vont s'en sortir,
30:10c'est réglé.
30:11– Mais Laetitia,
30:12l'entourage la surnomme
30:14Madame Fourrien.
30:14– Oui,
30:15l'entourage est très dur pour elle,
30:17depuis le début d'ailleurs,
30:19depuis les premiers jours
30:21de leur relation,
30:22les copains se moquent d'elle,
30:23etc.,
30:24elle s'en est pris
30:24plein la figure,
30:25mais complètement,
30:26pendant des années.
30:27Et à la fin,
30:28la façon,
30:29la manière aussi
30:30dont il n'a pas parlé
30:30à ses enfants,
30:32même de disposition
30:33après sa mort,
30:34c'est une façon
30:35de ne pas la jeter
30:36sous le bus aussi,
30:37de dire,
30:37bon,
30:38après moi,
30:38le déluge,
30:39dans une attitude
30:39d'égoïsme
30:40et de lâcheté totale,
30:42parce qu'à la fin,
30:43c'est lui
30:43qui a signé ses documents,
30:45c'est lui
30:45qui a pris ses décisions,
30:46et pourtant,
30:47quand il meurt,
30:48on a l'impression
30:49que la France se divise
30:51en deux camps,
30:52de manière d'ailleurs
30:52complètement irrationnelle,
30:54la France se passionne
30:55pour cette affaire,
30:57qu'elle vomit aussi,
30:59son envie,
30:59sa jalousie,
31:00ses opinions,
31:01etc.,
31:02partout,
31:02quoi,
31:02c'est-à-dire,
31:03c'est un déluge
31:04d'opinions
31:05et on a l'impression
31:06qu'il y a un monstre bicéphale
31:08qui est Laura Laetitia
31:09et que tout s'est joué
31:10entre les deux.
31:11La réalité est beaucoup plus
31:11qu'en complexe,
31:12la réalité,
31:13c'est que le fautif,
31:13c'est quand même aussi lui,
31:14alors chacun doit avoir
31:15ses parts de responsabilité.
31:15Vous dites,
31:16pourquoi on n'imposait pas
31:17à Johnny,
31:18on ne disait pas à Johnny
31:19ce qu'il avait à faire ?
31:21Ce n'était pas possible.
31:22Ça,
31:22tous les gens
31:23de son entourage,
31:25notamment professionnels,
31:26le disent,
31:26que par exemple,
31:28lors de la tournée
31:29des Vieilles Canailles,
31:30il a voulu que,
31:32malgré les conseils
31:32de son manager,
31:34il a voulu séparer
31:35les revenus
31:36en trois parts égales.
31:37Et bien voilà,
31:38le manager a dit,
31:40Sébastien Farrand,
31:40ok,
31:41on sépare en trois parts égales
31:42parce qu'on ne discute pas
31:43quelque part
31:44les ordres de Johnny.
31:45Ce n'était pas
31:46quelqu'un
31:47qu'on pouvait manipuler,
31:48je pense,
31:49facilement,
31:49mais c'était aussi
31:50quelqu'un d'une grande lâcheté
31:51qui voulait avoir la paix,
31:52qui ne voulait pas
31:53fuir,
31:55disons,
31:55les ennuis,
31:56les disputes,
31:57les machins.
31:58Et a-t-il voulu
32:00faire plaisir
32:01aux uns aux autres
32:02pour se dire,
32:02moi,
32:03les histoires d'argent ?
32:04Parce que ça aussi,
32:05on le sait,
32:06les histoires d'argent
32:06et Johnny,
32:07ça fait deux,
32:07ils s'en foutaient complètement
32:08et pas parce qu'il était bête,
32:10parce que ce qui l'intéressait,
32:11c'était la musique,
32:12les copains,
32:13le bon temps,
32:14ce n'était pas le business.
32:15Et donc,
32:16qu'il ait pu signer des papiers
32:17sans prendre vraiment attention,
32:20c'est possible.
32:21Je ne dis pas
32:21que c'est ce qui s'est passé,
32:22mais c'est une possibilité.
32:24Oui.
32:24On va entendre,
32:25pour ce qui était,
32:26une chanson écrite
32:27avec Michel Berger,
32:28album mythique.
32:30La chanson,
32:30c'est
32:30« Les chanteurs abandonnés ».
32:32Ça raconte bien,
32:33d'ailleurs,
32:33tout ce qu'on vient de dire.
32:34Vous citez
32:35sur la dernière,
32:36peut-être,
32:37chanson écrite
32:38et enregistrée
32:39par Johnny Hallyday.
32:40Il dit
32:40« Ce que je suis,
32:41je l'ai arraché à la vie,
32:42ce que je suis,
32:44je ne suis qu'un cri ».
32:46Et ce sont presque
32:47les derniers mots
32:48chantés de Johnny.
32:48Et ça dit tout,
32:49en fait.
32:51Ça dit tout.
32:52Johnny Hallyday,
32:53sur scène,
32:54c'était ça,
32:54c'était ce cri
32:55qui partait
32:56des viscères.
32:59Et c'est pour ça
33:00qu'il nous touchait autant.
33:01Parce qu'il puisait
33:02dans ses propres
33:03faiblesses,
33:05dans ses propres démons,
33:07pour interpréter
33:09des chansons
33:09comme s'il s'ouvrait
33:12les veines sur scène.
33:13Quelque part,
33:13on a l'impression
33:14que chaque douleur
33:14qu'il chantait,
33:15il les revivait encore
33:16à nouveau.
33:17Ça se voyait sur son visage,
33:18sur son corps,
33:19etc.
33:20Et donc,
33:21quelque part,
33:21pour nous,
33:22publics,
33:22c'était d'une vertu
33:23cathartique exceptionnelle.
33:25Et c'est pour ça
33:26que chaque Français,
33:27je pense,
33:28a des chansons de Johnny
33:29qui ont ponctué leur vie,
33:31qui ont l'amour,
33:32les ruptures,
33:33la perte des êtres aimés,
33:35l'envie de vivre,
33:36l'envie d'avoir envie,
33:37enfin tout ça,
33:38ça nous a accompagnés
33:39parce qu'il les chantait.
33:40C'est comme s'il nous accompagnait.
33:41Oui.
33:42Il y avait le titre
33:42d'un film s'appelait
33:43« Qui es-tu, Johnny ? »
33:44On se pose encore la question.
33:46Qui était-il ?
33:47Les derniers jours de Johnny
33:48est publié chez Grasset.
33:49C'est un livre en quête
33:50absolument exceptionnel.
33:52Et vous nous le faites vivre,
33:53Johnny,
33:53comme s'il était là,
33:54comme si on allait le voir.
33:55Vous racontez ça
33:56vraiment dans le détail.
33:57Et c'est romanesque
33:58et c'est incroyable,
33:59un portrait incroyable.
34:01Anne-Sophie Yann,
34:01merci d'avoir été avec nous.
34:02Merci à vous.
34:03Sous-titrage Société Radio-Canada
34:10Sous-titrage Société Radio-Canada
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