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00:00Vous êtes sur France 24, c'est l'heure du journal de l'Afrique, heureux de vous retrouver, soyez les bienvenus.
00:06Ce soir, nous consacrons cette édition spéciale au Cameroun à deux jours du scrutin présidentiel.
00:12Près de 8 millions d'électeurs sont appelés aux urnes.
00:14Ce dimanche, ils pourront choisir entre 12 candidats, dont le président sortant Paul Biya, 92 ans, qui brigue un huitième mandat de suite.
00:22Face à lui, une opposition divisée à qui il ne reste plus que quelques heures pour convaincre les Camerounais.
00:27Mais nous irons à Yaoundé faire un point sur cette fin de campagne avec notre correspondant Marcel Amoukou.
00:32Alors faut-il s'attendre à une surprise le soir du 12 octobre ou bien l'opposition va-t-elle payer l'absence d'un accord ?
00:39Nous poserons ces questions à Brice Mollot, historien, sociologue. Il est notre invité pour cette édition spéciale.
00:48Je le disais en titre, dernière ligne droite, dernier meeting pour les 12 candidats à l'élection présidentielle camerounaise.
00:55Un vote prévu ce dimanche. Près de 8 millions d'électeurs sont appelés aux urnes.
00:59Le point sur ces dernières heures de campagne avec notre correspondant Yaoundé, Marcel Amoukou.
01:05Les candidats à l'élection présidentielle le dimanche prochain ici au Cameroun mettent les bouchées doubles pour convaincre les électeurs.
01:12C'est le cas de Cabral Liby du PCRN qui tenait un meeting ce vendredi ici à Yaoundé.
01:18Bélo Bouba Maïgari de l'UNDP était à Marois dans l'extrême nord, puis à Garois dans le nord du pays.
01:25Quant à Joshua aussi du SIF, il a sillonné les départements de la Sanaga maritime, d'Union Ekele et de l'Océan.
01:32Madame Tomaino Ndamduya, la seule femme en lice dans cette élection, était dans son fief de Foumban dans l'ouest du Cameroun.
01:41Pendant ce temps, le ministre camerounais de l'administration territoriale a tenu une conférence de presse pour faire le bilan du déroulement du processus électoral en cours.
01:51Il s'est globalement réjoui du bon déroulement de la campagne électorale, mais a surtout mis en garde contre une publication hâtive des résultats.
02:00Ceux qui tenteront de proclamer les résultats du scrutin présidentiel ou de s'auto-proclamer vainqueur en violation des lois de la République auront franchi la ligne rouge
02:15et devront s'attendre à des mesures de retorsion à la hauteur d'une forfaiture aussi grave.
02:26Les 12 candidats en lice ont encore 24 heures pour battre campagne.
02:30Il reviendra ensuite aux 8 millions d'électeurs camerounais de choisir leur président pour les 7 prochaines années ce dimanche.
02:39Brice Mollo, bonsoir.
02:41Bonsoir.
02:41Merci d'avoir accepté notre invitation dans le journal de l'Afrique de France 24.
02:44Je rappelle que vous êtes historien, sociologue, maître de conférences à l'Institut catholique de Paris et co-directeur du programme Afrique Noria.
02:51On l'a vu, on l'a entendu surtout, notre correspondant Marcel Amoco.
02:56Dans quel climat s'est déroulée cette campagne, si on peut en faire un bilan ?
03:00Si on peut en faire un bilan, c'est un climat particulièrement ambiancé, mouvementé à l'africaine, avec des candidats qui arrivent à faire foule.
03:09Mais c'est aussi un climat d'une grosse absence d'un candidat qui se présente à sa réélection et qui n'aura participé jusqu'à date, qui n'aura fait qu'un meeting dans la ville de Marois.
03:25Donc, il y a des choses qui sont de l'ordre de la routine et d'autres qui sont particulièrement surprenantes avec l'arrivée d'un candidat ou deux candidats que personne n'attendait, les ministres et démissionnaires de Paul Biya.
03:40Donc, ça a été assez particulier.
03:42Si on regarde par rapport à 2018, il y a quelque chose de nouveau et de changé.
03:48Et c'est aussi cela qui aura suscité un très, très gros engouement cette année.
03:53Et je le disais, l'opposition camerounaise a échoué à s'unir derrière un candidat.
03:59Face à Paul Biya, il y aura deux anciens ministres, Ilsa Thiroma Bakari et Bello Bouba Maïgari, deux barons du Nord, une région électorale clé.
04:08Peuvent-ils créer la surprise ce dimanche ?
04:10D'abord, je ne dirais pas qu'il y a eu échec de l'opposition à s'unir.
04:14J'ai toujours pensé qu'il y avait des oppositions au Cameroun et que la facture entre elles reposait aussi sur les assises épistémologiques même qui rendaient en réalité une coalition quasiment impossible.
04:28On a affaire à premièrement une catégorie qui considère qu'à défaut de prendre le pouvoir, de pouvoir prendre le pouvoir, il faut le modifier, l'influencer,
04:39qui est donc porté par Cabralibi et qui estime sur la continuité historique de l'histoire politique du Cameroun du XXe siècle,
04:47qu'il n'est pas possible de faire alliance avec des gens qui appartiennent au régime qui est combattu.
04:53Ça aussi, c'était la position de l'UPC pendant la période de décolonisation qui estimait qu'il faut décoloniser et liquider tout le personnel politique.
05:02Voilà une rupture totale.
05:04Et donc, sachant qu'ils ne peuvent pas prendre le pouvoir, Cabralibi mise sur un travail de fond,
05:10qui est un travail de fond qui peut être récompensé ou pas, mais il sait très bien que ça prendra du temps.
05:14Et vous avez un candidat, Issa Thiroma, qui est porté aussi par une dynamique,
05:20celle de personnes qui estiment que la contradiction principale, c'est Paul Biya, Paul Biya Mosgo.
05:25Peu importe par qui est-ce que Paul Biya devra partir, pourvu qu'il parte et après on verra la suite.
05:31Et cette partie de l'opposition a donc été nourrie aussi par une sortie d'un évêque qui avait dit
05:36« même si c'est le diable, on l'accepte » et cette partie de l'opposition pense avoir trouvé son diable en Issa Thiroma.
05:42Donc, ces deux factions de l'opposition sont en réalité dans des situations quasi inconciliables
05:50qui rendaient la coalition difficile à obtenir.
05:54Et Hiram Yodi, qui est un autre jeune candidat, l'a encore dit à une télévision hier ou avant-hier
05:59qui expliquait qu'il n'y avait pas de coalition possible avec Issa Thiroma.
06:03Mais parmi ces deux factions, est-ce qu'il y en a une qui a pris plus de poids, qui a pris le dessus sur l'autre ?
06:07Celle qui semble avoir pris plus de poids parce qu'elle a réussi à s'aligner aussi,
06:15il y a eu comme un alignement de la base de Maurice Camteau derrière cette opposition, c'est Issa Thiroma.
06:23Pourquoi ? Parce qu'en lui, en réalité, ces personnes ont trouvé à la fois quelqu'un qui donnait,
06:30qui essayait de donner dans son discours des gages de contestation d'une victoire de Paul Biya,
06:34si jamais Paul Biya est déclaré vainqueur, mais aussi de quelqu'un qui avait le charisme
06:39construit depuis la période coloniale tardive du personnel politique ou de l'homme d'État,
06:44c'est-à-dire quelqu'un qui aura été dans l'administration publique, dans la plus haute administration,
06:47qui aura été ministre et donc qui a eu une expérience de la gestion des affaires publiques.
06:51Un mot sur Maurice Camteau, un grand absent de cette élection.
06:56Il a été exclu de la liste des candidats retenus par ELECAM,
06:59l'organe chargé d'organiser le scrutin. Est-ce que son absence peut rebattre les cartes ?
07:05Son absence pourrait rebattre les cartes, mais il faudrait voir,
07:10je pense qu'il faut regarder les dispositifs biographiques des acteurs, leurs dispositions.
07:16Maurice Camteau n'est pas candidat et il a refusé de soutenir un candidat particulier
07:22en laissant la possibilité à ses électeurs ou en tout cas à ses partisans de choisir
07:27qui soutiendrait une bonne partie de son État-major à rejoindre celui d'Issa Thiroma.
07:34Donc il est difficile en réalité de voir un Maurice Camteau qui impacterait une élection
07:43à laquelle il ne participe pas et sur laquelle il aura refusé de donner une consigne de vote.
07:48Maintenant, est-ce qu'après l'élection, c'est surtout là le gros enjeu,
07:53est-ce qu'après l'élection, il y aura une contestation de part et d'autre
07:56et est-ce qu'à cette contestation participera Maurice Camteau ?
08:00C'est une question qui me semble importante.
08:02Et justement, l'un des enjeux du vote, c'est la transparence.
08:06Des soupçons de fraude du parti au pouvoir sont craints par certains opposants
08:11et une frange de la jeunesse camerounaise refuse d'être spectatrice du destin du pays
08:15qui se joue sous ses yeux. Ils sont rappeurs, ingénieurs, étudiants
08:19et sont des milliers à se lever pour vous dire protège ton vote
08:21à travers différentes plateformes.
08:23On regarde le reportage de nos correspondants Yaoundé.
08:27Pourquoi tu n'es pas venu chez Charles Thiroma ?
08:28Parce que je disais qu'il n'allait pas voter.
08:30Pourquoi tu as désiré de voter ?
08:31Oui, mais là, il va voter.
08:32Oui.
08:34Il est chargé d'Aladène.
08:35Campagne de sensibilisation dans les rues de Yaoundé pour ces volontaires du mouvement
08:40protège ton vote.
08:41À leur tête, l'artiste Exafran.
08:44Au milieu de ces retardataires venus retirer leurs cartes d'électeur,
08:48le rappeur de 36 ans martèle son message.
08:50Le mouvement pour l'objectif de faire de chaque personne qui est inscrite sur les listes électorales
08:54un observateur de proximité, une sorte de sentinelle de la République pour la surveillance électorale.
09:00Parce que chez nous, nous disons qu'aller voter, c'est bien, mais suivre son vote, c'est mieux.
09:07Plus de 16 000 volontaires se sont déjà inscrits sur la plateforme du mouvement.
09:11Autre initiative visant à s'assurer que les résultats du scrutin reflètent le choix des électeurs,
09:16le site internet et l'application des forces alternatives pour le changement.
09:21Et suivre l'application, ça c'est la première interface.
09:23Conçue par Eric Foyette, elle devrait permettre aux Camerounais, où qu'ils se trouvent,
09:28de poster les résultats de leur bureau de vote et accélérer ainsi la compilation des suffrages exprimés.
09:33Nous avons mis en place un système et une plateforme digitale
09:36qui permettent avec un logiciel extrêmement solide d'avoir les résultats en maximum 24 heures.
09:43Au pire, avec tous les tracassés dont nous entendons à 48 heures.
09:46Des initiatives citoyennes qui ont fait bondir le ministre Camerounais de l'administration territoriale.
09:51Cette tentative de vouloir proclamer des résultats tronqués à travers cette plateforme que nous venons de découvrir,
09:59c'est la ligne rouge à n'est pas franchie.
10:01Et je dis à ceux-là de bien se rappeler qu'au Cameroun, c'est le seul pays où, je dis bien la terre, glisse en saison sèche.
10:09Plus de 8 millions d'électeurs Camerounais sont attendus aux urnes ce 12 octobre pour élire leur président.
10:15Ils devront choisir parmi les 12 candidats en lice celui qui va diriger le pays durant les 7 prochaines années.
10:23Brice Mollot, on se souvient qu'en 2018 a éclaté l'affaire des faux observateurs internationaux.
10:28Deux observateurs s'étaient présentés comme travaillants pour Transparency International.
10:33Seulement le démenti de l'ONG n'a pas tardé.
10:35Comment faire confiance au résultat d'un vote sachant que l'appareil électoral est au moins du pouvoir ?
10:41Oui, il y a ce problème de confiance ou de pas confiance en un appareil au moins du pouvoir.
10:48Mais la question revient à est-ce qu'on peut faire confiance à l'État du Cameroun ?
10:52Parce que c'est l'État du Cameroun, c'est la bureaucratie, c'est l'administration qui organise cette élection.
10:57Et on voit très bien qu'il y a une défiance.
10:59Mais pour plusieurs acteurs, la question ne se pose pas sur faire confiance ou ne pas faire confiance.
11:04La question c'est sur l'après, parce qu'ils voulaient, ces acteurs-là, ils voulaient quelqu'un qui aurait la capacité justement à dire après l'élection,
11:13en cas de déclaration de sa défaite, que l'élection a été truquée.
11:19Donc ces acteurs-là ne s'attendent pas à ce que le système soit transparent,
11:23parce qu'ils savent de toute manière qu'il y a un problème dans le système, parce que celui qui l'organise est le système.
11:28Donc pour eux, l'enjeu c'est que fera le deuxième, dont ils espèrent que ce sera Issa Thiroma.
11:36Et celui qui l'organise, le président sortant, Paul Biya, 92 ans, dont 43 au pouvoir, il est en liste pour un huitième mandat consécutif.
11:44Ses capacités physiques et intellectuelles sont visiblement diminuées.
11:48Retour sur son parcours politique avec Clémence Valère.
11:531962, Paul Biya a fait ses débuts sur la scène politique camerounaise,
11:57sous le premier président du pays, Amadou Haïdjo.
12:00Ambitieux, il gravit rapidement les échelons et est nommé Premier ministre 13 ans plus tard.
12:06Il le restera jusqu'en 1982, lorsque la démission surprise d'Haïdjo le propulse au poste de président.
12:13Paul Biya consolide rapidement son pouvoir et écarte de nombreux opposants
12:17après une tentative de coup d'État manquée en 1984.
12:21Seul candidat, il est réélu en 1988.
12:24En 1992, il est mis en difficulté par son opposant historique, John Froundy,
12:31lors de la première élection présidentielle, après le retour multipartisme au Cameroun, deux ans plus tôt.
12:36Les résultats officiels avaient donné Paul Biya gagnant avec 39,98% des voix,
12:41contre 35,97% pour John Froundy, décédé en 2023.
12:46Cet épisode lancera les premières accusations de fraude à l'encontre de Biya lors des élections qui suivront.
12:52Des accusations qui ne l'empêcheront pas de se représenter et de l'emporter à nouveau en 2011,
12:57puis en 2018 pour un septième mandat.
12:59Au fil de son règne, Paul Biya n'hésite pas à écarter tous les ambitieux politiques de son entourage.
13:04Ses apparitions publiques se font également de plus en plus rares,
13:07suscitant de nombreuses interrogations sur son état de santé.
13:10Ce qui n'empêche pas celui que l'on surnomme le Sphinx de briguer cette année un huitième mandat à 92 ans.
13:18On ne cesse de le répéter, Paul Biya, 43 ans au pouvoir.
13:22Pour finir, ma dernière question, et malgré tout ce qu'on vient de dire, c'est
13:25est-ce que l'élection de dimanche est pliée d'avance ?
13:28Pliée d'avance, il ne faut jamais douter de la capacité des Camerounais,
13:36de la capacité de sursaut des Camerounais,
13:41même si le véritable enjeu dépend moins des résultats que de ce qui va se passer après ces résultats.
13:50C'est-à-dire que si Paul Biya est déclaré vainqueur,
13:54que fait le deuxième ou que font les autres ?
13:58Est-ce qu'ils contestent et donc ils ouvrent un espace des possibles ?
14:01J'ai bien compris, l'enjeu c'est plus, quelle va être la position du deuxième à l'élection ?
14:07Va-t-il se poser comme l'opposant qui peut potentiellement contester l'élection ?
14:13C'est ce qu'une grande partie de l'opposition cherchait et croit avoir trouvé Issa Chirouma,
14:18même si Cabralibi peut très bien être deuxième.
14:21Mais c'est vraiment l'après-élection, après la déclaration des résultats,
14:25que se passe-t-il ? Est-ce qu'il y a un espace des possibles qui est ouvert par la contestation ?
14:31Ou alors est-ce qu'ils acceptent que c'est plié et qu'ils se disent que c'est probablement le dernier mandat de Paul Biya,
14:38même si on se le dit à chaque fois ?
14:40Ce sera votre mot de la fin. Merci beaucoup, Brice Monod.
14:42Je vous rappelle que vous êtes historien, sociologue et on continuera de suivre,
14:46bien sûr dimanche l'élection camerounaise, dimanche 12 octobre, on suivra ça sur France 24.
14:51Je vous remercie de votre passage sur France 24 et de votre décryptage.
14:56Merci à vous, chers téléspectateurs. Restez sur France 24 car l'information continue.
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