Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 2 mois
Georges Vigarello, historien, philosophe, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et Michel Pastoureau, historien et ancien directeur d’études à l’École pratique des hautes études, pour leur livre "Sports, une histoire en images de 1860 à nos jours" (Seuil). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/le-grand-entretien-du-dimanche-19-octobre-2025-9953131

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Un grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur de recevoir deux de nos plus grands historiens.
00:07L'un est spécialiste du corps, de ses représentations, de la santé.
00:11L'autre est historien des couleurs, des images, des animaux et des emblèmes.
00:16Et il publie tous les deux « Sport » au pluriel, une histoire en images de 1860 à nos jours, aux éditions du Seuil.
00:26Ensemble, ils ont croisé leur savoir pour un livre absolument passionnant.
00:31Une réflexion sur l'évolution de la performance, mais pas seulement, de la gestuelle du corps également, du choix des couleurs, de la balle de tennis aux vêtements des athlètes.
00:42Un monde, celui du sport, où tout fait sens. Le sport comme fait culturel total.
00:48Vos questions, chers auditeurs sportifs ou amateurs de sport ou d'histoire, au 01 45 24 7000 ou sur l'application de Radio France.
00:58C'est donc la joie d'accueillir dans notre studio deux athlètes de l'histoire, deux éternels jeunes hommes, 78 et 84 ans,
01:09Georges Vigarello et Michel Pastoureau. Bonjour à tous les deux.
01:12Bonjour.
01:13Et bienvenue, avant de plonger dans cette réflexion et cette histoire du sport, vous êtes deux très grands chercheurs.
01:21C'est un livre de passionnés, de pratiquants également, Georges Vigarello.
01:26Qu'est-ce que vous avez fait comme sport jeune ?
01:28Alors moi j'ai fait beaucoup, mais je faisais en particulier du choix à la perche, qui m'a totalement passionné.
01:33Et c'est une des raisons pour lesquelles l'image de la vie de nid m'a particulièrement marqué dans le livre.
01:38Et on va y revenir dans un instant parce que c'est un livre qui est chargé en images, en représentations.
01:45Michel Pastoureau, vous, quel sportif étiez-vous plus jeune ?
01:49J'étais le gardien de but de mon équipe de football quand j'étais collégien et lycéen, puis du handball quand j'étais en classe préparatoire.
01:57Pourquoi être parti de 1860 pour raconter cette histoire en images, l'histoire des sports au pluriel ?
02:05Ah c'est une grande question. En fait c'est parce que le sport moderne c'est une véritable invention.
02:10Mais parce qu'on aurait pu s'attendre à ce que vous remontiez à l'anxiété, vous l'avez déjà fait.
02:14Oui on l'a fait quand...
02:15Vous, le Moyen-Âge, vous êtes très familier, Michel Pastoureau. 1860 ?
02:20Alors nous l'avons fait quand nous faisions une histoire de l'art effectivement.
02:23Mais 1860 parce que le sport moderne c'est une véritable invention.
02:28Ce qu'on a tendance à oublier pour trois raisons rapidement expliquées.
02:31L'espace, l'espace des jeux anciens, c'est un espace complètement émietté.
02:35Il n'y a pas de communication d'une vallée à l'autre.
02:38D'où les règlements de ces jeux sont totalement différents d'un lieu à l'autre.
02:42L'espace n'est pas du tout l'espace moderne.
02:45L'espace moderne c'est un espace qui est fait de communication, de liaisons.
02:49Le chemin de fer change tout.
02:51On passe d'une vallée à l'autre.
02:52Les clubs peuvent du coup rentrer en contact les uns par rapport aux autres,
02:56ce qui n'existait pas auparavant.
02:57Ça c'est un premier point, l'espace.
02:59Deuxième point c'est le temps.
03:01Autrement dit, le temps ancien n'est pas le temps de la société industrielle
03:05qui répartit, pour dire les choses vite et évidemment un peu mal,
03:09le loisir et le travail.
03:11Si le loisir commence à exister de façon forte,
03:14le temps pour pratiquer existe également de façon forte.
03:18Deuxième remarque, le temps.
03:19Troisième remarque, lorsque vous vous intéressez aux jeux anciens,
03:24avec les repères d'aujourd'hui, vous êtes totalement surpris.
03:27Parce que, ben oui, un avocat ne joue pas avec un prolétaire
03:30et un avocat ne joue pas avec un nôtre.
03:32C'est complètement séparé.
03:34Or ce qu'invente la société moderne, c'est quand même la démocratie.
03:38C'est-à-dire le fait que dans un club, les gens peuvent parfaitement se croiser
03:41en étant d'origine sociale différente.
03:43Continuons un instant.
03:45À partir du moment où vous avez ce dispositif,
03:47on peut très bien imaginer à cause de...
03:49Là, on est quasiment au théâtre.
03:50C'est de la tragédie.
03:51Unité de temps, de...
03:52Oui, vous avez raison.
03:53Et d'action.
03:54Je suis d'accord avec vous.
03:55Je suis d'accord.
03:56Mais continuons un instant.
03:57Du coup, vous avez la possibilité, à cause des communications,
04:00de partir d'une base et de monter progressivement,
04:03par sélection progressive, au sommet.
04:05Ce qui est impensable dans le jeu ancien.
04:08Et ça, ça explique le sport moderne.
04:11Michel Pastoureau, le sport, ça peut sembler comme ça de prime abord un sujet peut-être
04:15un petit peu trivial à côté d'autres sujets qui seraient plus grands, plus structurants.
04:20Comment est-ce qu'on vous regarde dans le milieu universitaire
04:22quand vous travaillez avec Georges Vigarello à un livre sur le sport, sur l'histoire du sport ?
04:28Aujourd'hui, on nous regarde d'un œil favorable.
04:30Oui, avec respect, déférence.
04:33Mais vous avez lutté.
04:34Il y a eu du sport.
04:36Ah, ça, c'est sûr.
04:37J'ai lutté parce que ça ne semblait pas sérieux quand j'étais étudiant.
04:41Oui.
04:41Et avec quelques autres, nous avons milité pour que se créent des chaires d'histoire du sport,
04:47que se soutiennent des thèses, des mémoires.
04:50Aujourd'hui, c'est un combat gagné.
04:51Et c'est tout à fait naturel, puisque le sport est sans doute le fait de société le plus documenté.
04:58Au point de vue archive, visuel, textuel, tradition orale, fait de langue et de lexique,
05:06les historiens du sport à venir auront une documentation foisonnante.
05:11J'espère qu'ils en font quelque chose.
05:13Il dit beaucoup de notre histoire, de la « grande histoire », entre guillemets.
05:16C'est-à-dire qu'il dit beaucoup de nos civilisations.
05:18Il dit beaucoup de choses de notre époque, des époques qui nous ont précédés,
05:23non seulement comme faits, mais comme système de valeurs aussi.
05:26Par exemple, par rapport à ce que venait de dire Georges, par rapport au sport de l'Antiquité,
05:31une des grandes nouveautés dans le sport moderne, c'est dans la compétition « gagner ».
05:36« Gagner » devient une valeur, ce qui n'est pas tout à fait le cas dans les sociétés anciennes.
05:40Ça n'a pas toujours été le cas ?
05:41Non, pas du tout.
05:42Ce qui compte au Moyen-Âge, par exemple, quand on fait un tournoi,
05:46c'est de participer et de faire des beaux coups.
05:49Mais gagner, c'est presque ridicule.
05:51C'est de l'esthétique presque.
05:52Oui.
05:52Alors, il y a quatre périodes, quatre grandes périodes qu'on va suivre,
05:56puisqu'elles retracent l'évolution de la pratique sportive, ses révisions majeures.
06:01Ce sont vos mots, Georges Vigarello.
06:03Il y a aussi une révolution des couleurs, Michel Pastoureau,
06:06puisque vous dites que sans couleur, il n'y a pas de sport.
06:09Expliquez-nous ça.
06:10La couleur, ça aide à classer.
06:13C'est même sa première fonction sociale.
06:16Et sur les terrains de sport, elle remplit pleinement cette fonction.
06:19Distinguer les participants, distinguer les clubs, distinguer parfois les performances.
06:25Les pays, bien sûr.
06:26On dit les bleus.
06:27On dit les bleus.
06:28Il y a d'ailleurs des glissements.
06:30En rugby, pour l'équipe de France, longtemps, on a dit les coques.
06:33Et pour les footballeurs, les bleus.
06:34Et puis le rugby, devenant un sport urbain et non plus rural,
06:38on est passé des coques aux bleus.
06:40Et on dit toujours, allez les verts, comme la veste de Georges Vigarello.
06:45Maître du show, c'est la une de l'équipe aujourd'hui.
06:48Parce que vous faites une histoire du sport,
06:50mais il y a évidemment l'actualité du sport qui prend de plus en plus de place.
06:53A partir de quel moment, Georges Vigarello,
06:57le sport est-il devenu le spectacle le plus suivi sur la planète ?
07:01Puisque si l'on considère les Jeux Olympiques,
07:04si l'on considère la Coupe du Monde de foot,
07:06c'est de loin, de très loin, le premier spectacle visuel mondial.
07:12Absolument.
07:13Alors c'est difficile de répondre de manière très précise,
07:15mais je pense à une enquête qui a été faite par l'INA,
07:18l'Institut national du audiovisuel, au début des années 2000.
07:21Et cette enquête montre que lorsqu'on compare le temps pris dans les informations,
07:27par diverses catégories de thèmes, la culture, l'économie, etc.
07:34Donc, année 2000, on se rend compte que le phénomène sportif domine
07:37sur l'ensemble des autres communications.
07:40Toutes les autres formes d'informations.
07:42Absolument.
07:42C'est très étonnant.
07:43Cette enquête est absolument passionnante,
07:45parce qu'elle montre à quel point le sport est devenu aujourd'hui
07:47quelque chose à la fois de visible et d'important.
07:49Et j'ajouterais quelque chose qui, moi, me passionne très fort,
07:52c'est que cette pratique qui semble un petit peu comme ça,
07:55pas centrale, un peu marginale,
07:57en fait, elle explique totalement nos sociétés.
07:59Elle explique totalement.
08:00Dans la manière dont on privilégie les réussites,
08:02dans la manière dont on pense, finalement,
08:05comment se sélectionne le mérite, le travail, le talent.
08:08Vous voyez, c'est l'idéal de nos sociétés
08:10qui est présenté de façon totalement épurée dans la pratique sportive.
08:14Et ça, je trouve que c'est beaucoup plus important qu'on ne le croit.
08:17Et il y a forcément une évolution au fil du livre,
08:20notamment dans les couleurs,
08:21vous qui êtes un grand spécialiste des couleurs,
08:23Michel Pastoureau.
08:24Vous dites quand même que s'il fallait faire un bilan,
08:26la couleur dominante au fil des années encore,
08:29jusqu'à aujourd'hui, même si ça a beaucoup évolué,
08:31c'était le blanc.
08:32Oui, c'est le blanc.
08:33Si on fait une statistique par couleur,
08:35ça reste encore le blanc aujourd'hui,
08:37même si la palette s'est énormément diversifiée.
08:40On a eu besoin de plus de couleurs
08:43que les six couleurs de base
08:44pour distinguer les équipes et les clubs.
08:47On en est venu au rayure qui permet la bichromie,
08:50rayures verticales au football,
08:53horizontales au rugby.
08:54Et puis, on a convoqué des nuances
08:57et des nuances de nuances.
08:59Bref, on a décliné tout cela
09:00pour, une fois encore,
09:02classer, hiérarchiser,
09:04distinguer, associer, opposer.
09:06C'est la grande fonction de la couleur.
09:09Mais le blanc reste dominant.
09:11Il est aristocratique, le blanc ?
09:12A l'origine, il est aristocratique.
09:15Il est hygiénique aussi.
09:16Tout ce qui touche le corps
09:17doit être soit non-teint, soit blanc.
09:20Il ne faut pas trop voir la transpiration aussi.
09:21Il y a quand même cette...
09:22Alors ça, c'est le sport féminin.
09:23En effet, les femmes sont restées sportives en blanc
09:26jusqu'à des dates très avancées
09:28parce que, pour une femme,
09:30être vue en train de transpirer,
09:32c'est particulièrement infamant.
09:34Et on a l'idée que sur les tissus blancs,
09:36ça se voit un peu moins.
09:38D'où, alors que les hommes sont passés
09:41à des couleurs, parfois très vives,
09:43les femmes qui continuent de jouer en blanc
09:45dans la plupart des sports,
09:47au moins jusqu'aux années 30,
09:49parfois jusqu'aux années 50.
09:50Et il y a de la résistance, par exemple,
09:52au tournoi de Wimbledon de tennis.
09:54On continue de jouer en blanc
09:56et c'est une obligation
09:57qui n'est pas prête de disparaître.
10:00Il y a des couleurs qu'on ne verra jamais
10:01sur les terrains de sport.
10:03Vous vous amusez à citer Le Brun, par exemple.
10:06Mais j'aimerais savoir, Georges Vigarello,
10:09si on considère qu'il y a plusieurs phases,
10:131860-1914.
10:15Vous dites qu'il y a d'abord l'ère des tâtonnements,
10:19les années ensuite d'une effervescence débridée
10:22et ensuite celle des premières régulations.
10:25Est-ce que vous pouvez très rapidement
10:27nous décrire cette frise historique,
10:30chronologique du sport,
10:31des sports dans nos sociétés ?
10:34Oui, parce qu'on oublie que les formes
10:35et les formes des gestes et des techniques
10:37ont en fait une histoire.
10:39C'est le fond, en quelque sorte,
10:40de la pratique sportive.
10:42Alors, quand on prend le début
10:44du sport moderne
10:45et quand on regarde
10:46quelles sont les techniques qui dominent,
10:48on se rend compte que c'est vraiment la force.
10:49C'est le muscle qui domine.
10:52Et puis, dans le temps, progressivement,
10:55de nouvelles qualités s'instaurent,
10:57lentement mais inexorablement,
10:59la vitesse, la détente.
11:01Et ça diversifie considérablement.
11:03La souplesse.
11:03Ça, c'est l'ancien perchiste qui parle.
11:07Si vous voulez.
11:08Quand on voit l'évolution du saut en hauteur,
11:11c'est extraordinaire.
11:12Magnifique.
11:12Avec la révolution Fusberry.
11:14Bien entendu.
11:14Donc, vous voyez,
11:16on voit une évolution des qualités
11:18et en particulier dans les périodes récentes,
11:20ce qui m'intéresse le plus, personnellement,
11:22et je renvoie à l'image de la vie de Nice,
11:25c'est l'acrobatie.
11:26Oui.
11:26Donc, autrement dit,
11:27le corps, de plus en plus,
11:29s'éloigne d'une situation de force brute
11:31à quelque chose qui fait jouer l'aérien,
11:36la souplesse
11:37et, véritablement,
11:38le décollement par rapport au sol.
11:41Mais j'ajouterais une autre chose encore
11:42qui me paraît très importante.
11:43C'est que, évidemment,
11:46le regard dit des choses,
11:47mais au-delà du regard,
11:48il se passe autre chose.
11:50Et en particulier,
11:50c'est le problème de la sensation.
11:52Et de plus en plus...
11:53De la sensation.
11:54De la sensation.
11:55Pourquoi ça ?
11:55Et de plus en plus,
11:56le sportif est attentif à ces sensations.
11:59Et de plus en plus,
12:00à la limite,
12:01c'est quelqu'un qui doit les maîtriser.
12:03C'est quelqu'un qui doit se concentrer.
12:04Et je pense que ça,
12:05c'est au cœur, vraiment,
12:07de la pratique moderne.
12:08Autrement dit,
12:08en un mot,
12:10les corps sportifs sont de plus en plus différents.
12:12Ce qu'ils rassemblent aujourd'hui,
12:13c'est la manière de se concentrer
12:15et de se ressentir.
12:16Michel Passoureau,
12:17vous avez travaillé sur d'autres pratiques
12:19qui étaient quasiment du sport.
12:20Au Moyen-Âge,
12:21la chasse, par exemple,
12:22était un sport.
12:23C'était une pratique,
12:25parfois,
12:25où l'on risquait sa vie.
12:27Des rois sont morts
12:28en chassant le sanglier.
12:30Qu'est-ce qui fait que le sport moderne
12:33devient quasiment gratuit ?
12:34Quelque chose qui tourne autour de lui-même
12:36et qui ne sert que de divertissement ?
12:39Oui,
12:39du moins,
12:40à l'origine,
12:41ça n'est plus tout à fait le cas.
12:42Il y a quand même trop d'enjeux politiques
12:45ou idéologiques
12:46qui accompagnent le sport aujourd'hui.
12:47Le financier,
12:48on pourrait rajouter ça.
12:49Mais,
12:50au départ,
12:51évidemment,
12:52se rencontrer entre nations
12:53sur un terrain de sport,
12:55c'est un moyen d'éviter
12:56de se faire la guerre.
12:57Ah oui ?
12:59Oui,
12:59il y a cette idée-là
13:00qui est même assez forte.
13:02C'est l'idée de Coubertin
13:03et des autres
13:04qui mettent en scène
13:05les Jeux Olympiques.
13:06Ils y croyaient vraiment ?
13:08Ils font semblant d'y croire,
13:09en tout cas,
13:10mais c'est dans l'air du temps,
13:12quand même.
13:13Il y a l'idée
13:14que le sport va pacifier
13:15et il l'a fait
13:16pendant assez longtemps.
13:18Ça n'est plus tout à fait
13:19le cas aujourd'hui,
13:20au moins dans les grandes
13:21compétitions internationales.
13:23Ou dans les années 30,
13:25quand on voit la photo
13:26que vous avez vu des Jeux Olympiques
13:27dans les années 30
13:28avec les drapeaux nazis.
13:29Oui, la politique
13:30s'est emparée du sport
13:31relativement tôt.
13:33L'Allemagne hitlérienne
13:35l'a fait à grande échelle.
13:36Après, ça retombe
13:38et je crois que ça revient
13:39à partir des Jeux Olympiques
13:41de Mexico en 1968.
13:43Georges-Yen Garrello,
13:44c'était par rapport
13:45à ce que vous disiez
13:45sur l'évolution du geste
13:47tout à l'heure.
13:47On est passé de la force virile
13:48à quelque chose
13:49de plus souple,
13:50de plus acrobatique peut-être.
13:52Il y a cette photo
13:53qui est intéressante
13:53de la footballeuse
13:55en gymnaste,
13:56une footballeuse
13:57qui est quasiment suspendue
13:58en l'air,
13:58qui est en train de donner
13:59un coup de pied dans le ballon.
14:01Et on se dit
14:02que ces qualités
14:02du sport aujourd'hui
14:03sont peut-être plus féminines,
14:05moins viriles,
14:06moins la force virile,
14:06plus la souplesse.
14:07C'est indiscutable.
14:07Ce que nous avons essayé de montrer aussi,
14:10c'est que l'évolution de la pratique
14:13intègre de plus en plus
14:15évidemment la pratique féminine.
14:17Et la pratique féminine,
14:19très importante,
14:20intègre la force,
14:22par exemple,
14:22intègre la résistance,
14:24intègre l'endurance.
14:26Mais en même temps,
14:26la pratique féminine
14:27apporte des qualités
14:28qui sont traditionnellement
14:29celles données aux féminins,
14:31c'est-à-dire la légèreté,
14:32l'élégance.
14:33Et cet exemple
14:35d'une footballeuse
14:37qui se retourne complètement
14:38et qui intègre
14:39l'acrobatie précisément
14:41dans la pratique du football
14:42me paraît extraordinairement parlant.
14:44Et pourtant,
14:45c'est écrit juste à côté
14:46dans la légende
14:46la différence de salaire,
14:48elle est de 1 à 27 encore
14:49avec leur congénère masculin.
14:50Ça, c'est précisément
14:51le grand combat à mon avis.
14:53C'est le fait
14:54que la pratique féminine
14:55doit insensiblement
14:57être considérée comme égale.
14:59Pour l'instant,
14:59elle ne l'est pas.
15:00Alors, deux questions
15:01liées à la couleur
15:01Michel Pastoureau.
15:02D'abord,
15:03pourquoi est-ce que
15:04les piscines
15:04dans lesquelles
15:05on organise
15:06les compétitions
15:06sont bleues ?
15:08Parce que l'eau
15:09traditionnellement
15:10est bleue
15:11dans les systèmes
15:12de valeurs occidentaux.
15:14Mais c'est une pure convention.
15:16C'est une pure convention,
15:17bien sûr.
15:17On a fait des essais
15:19avec des eaux
15:20d'autres couleurs.
15:21Les nageurs
15:22se sont pleins
15:23de la même façon
15:24que les athlètes
15:25se sont pleins
15:25que les pistes
15:26d'athlétisme
15:27prenaient des teintes
15:28qui paraît-il
15:29les gênaient,
15:29notamment du viol assez
15:31ou du bleu
15:32assez métallique.
15:34Et d'ailleurs,
15:35vous dites que
15:35dans l'Antiquité
15:36ou au Moyen-Âge,
15:37l'eau dans ses bassins
15:39est plus souvent verte
15:40que bleue
15:41et que le changement
15:42s'est fait progressivement.
15:43Au cours de plusieurs siècles,
15:45il y a la couleur
15:46de l'eau
15:46et il y a une autre couleur
15:48pour le coup
15:49qui est assez étonnante
15:50mais qui est liée
15:51au progrès technique,
15:54c'est la balle de tennis.
15:56La balle de tennis,
15:57elle était blanche ?
15:58Elle est devenue jaune
15:59pour des raisons
16:00essentiellement télévisuelles
16:02au milieu des années 70.
16:05Les joueurs étaient contre.
16:08Ah oui ?
16:08Oui, ils prétendaient
16:10que ça allait les gêner.
16:11Le grand champion Borg
16:13qui ne disait jamais rien
16:14s'est mis à parler
16:15pour la première fois
16:16et a dit qu'il préférait
16:17les balles blanches
16:18aux balles jaunes.
16:19Et les joueurs ont gagné
16:20parce qu'on ne le sait pas assez
16:22mais aujourd'hui,
16:22dans un tournoi officiel,
16:23les balles blanches
16:25sont encore des balles acceptées
16:27même si majoritairement
16:29elles sont devenues jaunes.
16:31Mais c'est passionnant
16:31parce que c'est vrai
16:32que vous explorez absolument
16:33tous les espaces de jeu
16:34et chacun a sa signification.
16:36Par exemple,
16:37comment on est passé
16:37du verreau bleu
16:38sur les tables de ping-pong.
16:40Mais Georges Vigarello,
16:41j'ai une question
16:42pour le coup
16:43qui est assez...
16:45Comment dire ?
16:47Une question qui est très paradoxale
16:50dans ce sens-là.
16:52Elle est paradoxale
16:52parce que d'un côté
16:54le sport se développe.
16:57Il y a aujourd'hui par exemple
16:58et on l'a vu
16:58l'engouement autour
16:59des Jeux paralympiques
17:00aux derniers Jeux paralympiques
17:02de Paris.
17:04Un engouement spectaculaire
17:05pour que le public
17:07s'intéresse à des disciplines
17:08qui étaient avant
17:09largement ignorées.
17:11Et de l'autre côté,
17:12on court toujours plus vite,
17:14on saute toujours plus haut
17:16et on a un culte aujourd'hui
17:18de la performance
17:19au point que certains imaginent
17:20des Jeux de l'extrême
17:22où on aurait le droit
17:22d'être dopé
17:23pour participer
17:25à la compétition.
17:26C'est évident
17:26qu'il y a une fascination
17:28très forte
17:28pour l'amélioration
17:30de la performance.
17:31C'est une sorte
17:32d'intégration
17:33du défi,
17:34un défi qui n'en finit pas.
17:35C'est intéressant aussi
17:36comme question.
17:37Nul ne sait jusqu'où
17:38l'homme peut sauter.
17:40Je trouve que ça fait partie
17:41en quelque sorte
17:42de la pratique sportive.
17:43Moi, quand j'étais adolescent,
17:44Sergei Boubka était
17:45l'horizon indépassable.
17:46Et puis voilà.
17:48Du plantier,
17:48c'est arrivé.
17:49Du plantier,
17:50c'est arrivé.
17:50Absolument,
17:51je suis d'accord.
17:52Ça fait partie en quelque sorte
17:53du défi,
17:54je trouve cela.
17:55Et au fond,
17:56pour dire les choses vite
17:56et évidemment les dire mal,
17:58ça fait partie de l'humain.
17:59Vous voyez ?
17:59Mais c'est vrai
18:00que c'est assez contradictoire
18:01parce que ça renvoie
18:02à une société
18:03qui n'en finirait pas
18:04d'accumuler
18:05en question de la performance
18:06alors que le cumul
18:07de la performance,
18:08on le voit bien
18:09au niveau écologique,
18:10est un vrai problème.
18:11Mais jusqu'à quel point
18:12le sport peut intégrer
18:13la technologie,
18:14les applications,
18:15les combinaisons ?
18:16On se rappelle
18:16de la polémique
18:16qui avait eu
18:17sur les combinaisons
18:17en natation
18:18qui permettait
18:19de réduire le frottement,
18:20de nager beaucoup plus vite.
18:21Jusqu'à quel point
18:21on peut introduire
18:22la technologie comme ça
18:23et ne pas perdre
18:25tout intérêt dans le sport finalement ?
18:26C'est un problème
18:27absolument sans fin.
18:28Je pense que le règlement
18:29est là
18:29pour essayer d'interdire
18:31ce qui sort
18:32en quelque sorte
18:32de ce qu'on attend
18:33de la pratique
18:33et les combinaisons
18:34sont un exemple.
18:35Il y a mille autres exemples
18:36qui passent
18:39par un règlement
18:39interdisant
18:40certains objets
18:41ou certaines pratiques.
18:42Certaines baskets,
18:42on se souvient
18:42des baskets remondissantes.
18:43Oui c'est ça
18:44ou les semelles,
18:45enfin vous voyez
18:45ça n'en finit pas.
18:46Ce qu'il faut trouver
18:47c'est une sorte d'équilibre
18:48entre le fait
18:49que la pratique
18:50demeure excitante
18:51à la fois
18:52pour le pratiquant
18:53mais aussi
18:54pour le spectateur
18:55continue de faire
18:56exister
18:57ce qu'on pourrait appeler
18:57l'esprit de la pratique
18:59et en même temps
19:00le fait qu'elle puisse progresser.
19:01Il y a les questions
19:02des auditeurs
19:03et notamment
19:04des auditeurs
19:04qui vous demandent
19:06messieurs les historiens
19:07de lire
19:08dans une boule de cristal
19:09et c'est d'ailleurs
19:10un exercice
19:11auquel vous vous livrez
19:12Michel Pastoureau.
19:14À quoi ressembleront
19:15les couleurs sportives
19:16de demain ?
19:17C'est un exercice
19:18d'anticipation
19:19que vous acceptez
19:23de jouer à la fin ?
19:24Les nuances chromatiques
19:25à quoi est-ce qu'on peut
19:26s'attendre ?
19:27Oui, il n'y aura pas
19:28de nouvelles couleurs
19:29en Occident
19:31il y a 11 couleurs
19:32blanc, rouge, noir, vert, jaune, bleu
19:35puis après gris, orangé, violet et brun
19:38après il n'y a plus que des nuances
19:40et des nuances de nuances
19:41et c'est là où on va puiser
19:43pour créer de nouveaux codes
19:46et de nouvelles colorations
19:48Et vendre
19:49et vendre des maillots
19:50et vendre des baskets
19:51Et puis de nouveaux tissus
19:54de nouvelles matières
19:55de nouveaux éclairages
19:56vont faire varier ces couleurs
19:57de manière différente
19:59Oui, ça va être
20:01de plus en plus spectacle
20:02de plus en plus paillettes
20:03probablement au détriment
20:05de la compétition elle-même
20:07On a quand même des pratiques
20:09qui sont effrayantes
20:10C'est devenu courant
20:12MMA par exemple ?
20:14Non, je pense simplement
20:15au fait de dire
20:16que tel joueur a été vendu
20:17et acheté
20:18sans des êtres humains
20:19Oui, ou le nom des stades
20:20qui est estampillé
20:21On les traite comme des esclaves
20:22on les vend et on les achète
20:24Dès le plus jeune âge
20:26C'est effrayant
20:27quand on réfléchit
20:27D'ailleurs à propos de gamins
20:28il y a Marion
20:29qui vous demande sur l'application
20:31le sport à l'école
20:31a-t-il toujours été
20:32une variable d'ajustement
20:34dans les programmes
20:35ou est-ce que le sport
20:37à une certaine époque
20:38a pu être traité
20:39comme une matière sérieuse
20:41à prendre au sérieux
20:42et à part entière
20:43Réponse
20:44Michel Pastoureau
20:46Georges Vigarello
20:46qui veut répondre
20:47Oui, ça va, ça vient
20:49Il y a des périodes
20:50où par exemple
20:52au baccalauréat
20:52le sport est une discipline
20:55à part entière
20:56avec une note
20:57et parfois des notes éliminatoires
20:58puis d'autres
20:59où on n'en tient pas compte
21:00c'est facultatif
21:01ça peut ajouter des points
21:03c'est à peu près tout
21:04Mais pourquoi cette exception française
21:05quand on va dans le nord de l'Europe
21:07quand on va aux Etats-Unis
21:08c'est beaucoup plus important
21:09dans la scolarité
21:10qu'ici sous nos latitudes
21:12Mais dans la scolarité
21:13ce qui s'est passé aussi
21:14c'est qu'il y a eu un idéal
21:16passant par la gymnastique
21:17c'est pas du sport ça
21:18C'est au fond
21:19C'est pas du sport ?
21:20Non, c'est au fond
21:21la culture donnée aux gestes
21:23qui n'est pas faite
21:24nécessairement pour la performance
21:25mais qui est faite
21:26pour une amélioration
21:28disons de la morphologie
21:29de la santé
21:30etc.
21:30ce qui n'est pas la même chose
21:31Donc quand on est au pré-lège
21:32et qu'on dit en agime
21:33Mais oui
21:33pendant très longtemps
21:34la gymnastique a dominé
21:36l'enseignement
21:37de ce que j'appellerais
21:38éducation physique
21:38et puis c'est plus tard
21:39que ça s'est appelé
21:40éducation physique et sport
21:42et insensiblement
21:43effectivement
21:44le sport s'est installé
21:45Michel Pastoreau ?
21:46Oui, moi j'ai un souvenir
21:47de lycéens
21:48ou de collégiens
21:48même
21:49pendant les heures
21:50d'éducation physique
21:51quelquefois
21:52on n'avait pas gymnastique
21:54mais jeu de ballon
21:55et nous étions tous euphoriques
21:57de remplacer
21:58le gymnastique
21:59par le ballon
22:00C'est une liberté
22:00C'est une vraie liberté
22:03en tout cas
22:03et c'est quelque chose
22:04d'absolument enthousiasmant
22:06de vous lire
22:07Non, non, non
22:08j'avais une question
22:09de Valérie
22:09sur l'application
22:10qui demandait
22:10si l'histoire et le patrimoine
22:11mais on n'a plus le temps
22:12vraiment de répondre
22:13du sport
22:13sont assez mis en valeur
22:14dans le cadre
22:15des politiques culturelles
22:16publiques
22:16Jean-Geriot
22:17Écoutez, je pense
22:18c'est fondamental
22:19je pense que le sport
22:20répond à nos sociétés
22:22et dans une certaine mesure
22:23l'analyse du sport
22:24permet de mieux comprendre
22:26le fonctionnement
22:26de nos sociétés
22:27ça envoie à ce que je disais
22:28tout à l'heure
22:29sur des formes
22:30sur l'idéal
22:31sur la façon
22:32dont on sélectionne
22:33sur la façon
22:33dont existent
22:34des compétences
22:35des mérites
22:35du travail
22:36c'est absolument exemplaire
22:38par rapport
22:38aux valeurs de nos sociétés
22:40En tout cas
22:40vous nous avez rendu
22:41plus intelligents
22:42qu'un vachis
22:43sur un canapé
22:44en train de regarder
22:44un match de foot
22:45Merci Michel Pastoureau
22:47Merci à vous
22:48Merci à vous
22:48Sport au pluriel
22:50c'est absolument passionnant
22:51une histoire en images
22:53de 1860
22:54à nos jours
22:55et cette histoire
22:56c'est notre histoire
22:58c'est publié aux éditions
23:00du Seuil
23:00Excellente journée messieurs
23:02Bonne journée
23:02Merci à vous
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations