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  • il y a 7 semaines
Le procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de sa femme Delphine est un "tapis rouge" déroulé à une "erreur judiciaire", a plaidé jeudi après-midi Me Alexandre Martin, à la suite de son associée de la défense qui, face aux assises du Tarn, a fustigé la "chronique d'un désastre". Me Alexandre Martin et Me Emmanuelle Franck, avocats de Cédric Jubillar, ont répondu à BFMTV.

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Transcription
00:00Il y a plusieurs éléments qui font résonance avec cette notion de cirque judiciaire.
00:04Il y a notamment le fait qu'on a beaucoup de témoins dans ce dossier qui en fait sont complètement informés du dossier,
00:11qui ont pu parfois faire des témoignages d'abord dans la presse avant d'aller dans une gendarmerie.
00:16Des témoins qui après avoir été cités à la barre vont aller sur les journaux, les 20 heures des émissions,
00:23vont faire des émissions radio pour dire des choses un peu similaires et parfois complètement différentes de ce qu'ils ont dit à la barre.
00:29Donc on arrive à un cirque judiciaire qui est extrêmement dérangeant pour la sérénité de la justice, pour l'oralité des débats.
00:37Il faut que quand des témoins arrivent pour témoigner, il faut qu'ils ne soient pas informés de ce qu'il y a dans le dossier,
00:41de ce qui a été dit avant et c'est vrai que ça a été très compliqué.
00:44Vous avez même dénoncé un procès à charge. J'ai retenu cette phrase, on ne condamne pas les sales types, on condamne les coupables.
00:52Qu'avez-vous voulu dire précisément ?
00:54C'est-à-dire qu'on l'a vu pendant les 4 semaines de procès, les 10 premiers jours étaient consacrés à ce qui nous intéresse,
01:03c'est-à-dire à cette nuit du 15 au 16 décembre, étaient consacrés aux faits.
01:07Et là on a vu au fur et à mesure une accusation s'effilocher, avec des experts venant nous dire qu'ils n'avaient rien trouvé,
01:13avec un directeur d'enquête un peu penaud quand on lui expliquait que le travail n'avait pas été fait quand même comme il aurait dû être fait.
01:19Et puis on a eu les 10 jours suivants qui ont consisté à faire de Cédric Jubilard, non pas un coupable, mais quelqu'un qui a le profil.
01:27C'est-à-dire qu'à un moment donné, vous savez, quand l'accusation est un peu faible au niveau des preuves,
01:32eh bien elle se détourne et essaye de faire de la personne dans le boxe un meurtrier pour ne plus avoir trop à chercher les preuves d'un crime.
01:39– Mais Maître Franck et Maître Martin, vous avez aussi mis dans la ligne de mire de votre plaidoirie le travail des gendarmes.
01:47Et j'ai noté, vous avez certains aspects, vous avez dit, c'est un travail honteux et même dégoûtant qu'ils ont effectué.
01:55Vous avez tapé fort, pardon pour l'expression.
01:57– Oui, effectivement, mais c'est quelque chose que nous avons constaté depuis le début de cette instruction et de cette enquête.
02:09Nous l'avons relevé à maintes reprises, notamment quand le directeur d'enquête est venu à l'audience.
02:14Il y a des choses qui sont scandaleuses.
02:16Tout ça parce que les enquêteurs, je ne dis pas de mauvaise foi au départ,
02:20sont partis d'une conviction, d'une certitude que Cédric Jubilard était coupable.
02:26Et à partir de là, leur travail n'a consisté que de venir, de tenter, de conforter la certitude qu'ils avaient au préalable.
02:33Et ce n'est pas ça le raisonnement qui doit être mis en place.
02:36On part d'un fait et on essaie de voir toutes les hypothèses possibles et de manière sérieuse, ce qui n'a pas été le cas.
02:43– Mais Maître Martin et Maître Franck, la question qu'on a envie de vous poser ce soir, c'est
02:47« Pensez-vous vraiment que votre client va être acquitté demain ? »
02:54– Je n'ai pas entendu.
02:57– Est-ce que votre client va être acquitté demain ?
02:59– Écoutez, si je savais lire dans la boule de cristal, je pourrais vous répondre.
03:05Je ne sais pas.
03:07La Défense a fait tout ce qu'elle pouvait, a fait son travail,
03:11avec honnêteté, authenticité et sincérité.
03:16Maintenant, ce sont les jurés qui auront le dernier mot, c'est eux qui jugent.
03:20Voilà, on leur a rappelé aussi le rôle qui était le leur,
03:24les obligations qu'ils devaient s'imposer au niveau de la réflexion, du doute,
03:28de confronter à leur réflexion tous les éléments qui ont été débattus devant eux.
03:33Après, la décision ne nous appartient pas.
03:35– Maître Franck, même question, dans quel état d'esprit êtes-vous ?
03:40Après, on parlera de Cédric Jubilard, dans quel état d'esprit il est à la veille de ce verdict,
03:44tant attendu.
03:45Mais vous-même, Maître Franck, après avoir plaidé pendant trois heures,
03:48vous êtes optimiste ?
03:50– Je suis d'abord épuisée, j'ai ensuite le sentiment d'avoir fait tout ce que je pouvais faire,
03:59alors il y a toujours mieux, mais ce sentiment-là,
04:02le sentiment d'avoir plaidé jusqu'à la dernière seconde,
04:05d'avoir défendu cet homme jusqu'à la dernière seconde,
04:08et après le reste ne nous appartient pas,
04:10nous sommes très attachés évidemment à la souveraineté des jurés,
04:13à leur intelligence, à leur bon sens,
04:15et donc ils font bien ce qu'ils veulent, évidemment,
04:18avec ce que nous, nous avons pu leur apporter.
04:21On est là pour les aiguiller vers un cheminement,
04:23et leur rappeler également les règles avec lesquelles ils doivent juger quelqu'un
04:26et le condamner à rien moins qu'une peine énorme,
04:29puisque c'est une peine de 30 ans de réclusion criminelle qui a été demandée.
04:32– Vous l'avez dit, il n'y a pas d'aveu, pas de corps, pas de scène de crime,
04:36pas de preuves irréfutables, c'est ce que vous avez dit, Maître Franck,
04:39donc s'il est condamné, ce sera une erreur judiciaire historique ?
04:42– S'il est condamné, ce sera problématique sur l'idée qu'on se fait de la justice,
04:49parce que condamner un homme sur un dossier pareil, ça n'est pas possible.
04:52Je dirais même, quel que soit ce qu'on en pense, ça n'est pas possible.
04:55Se contenter de dire, il a le profil, donc c'est certainement lui,
04:58ça ne peut être que lui et ce ne peut être qu'un crime, c'est un précédent.
05:02– C'est votre intime conviction ? Il est innocent ?
05:06– Oui, j'en ai l'intime conviction, mais ce n'est pas tellement ça le problème de toute façon,
05:11c'est savoir si on peut condamner un homme sur la base d'un dossier pareil,
05:15et nous estimons que la réponse est non, mais encore une fois,
05:17ce n'est pas nous qui prendrons bien évidemment la décision.
05:20– Dominique Rizet, question.
05:21– On imagine que s'il est condamné, Maître vous fera appel, enfin tous les deux,
05:24et vous avez échangé avec lui après votre plaidoirie, qu'est-ce qu'il vous a dit ?
05:29– Maître Martin.
05:29– Qu'est-ce que vous vous êtes dit avec Cédric Jubilard ?
05:32– Écoutez, il nous a dit un seul mot, il nous a dit merci, c'est tout.
05:38Je crois qu'il est conscient du travail accompli.
05:42Après, pour répondre à votre première partie de question,
05:45de toute façon, il aura un procès à l'appel,
05:47s'il était condamné, c'est nous qui ferions appel,
05:51et s'il est acquitté, c'est l'accusation qui fera appel,
05:53donc ce procès se rejouera dans un an à la cour d'appel de Toulouse.
05:57– Mais dans quel état d'esprit est-il à la veille de passer cette dernière nuit
06:02avant le verdict ?
06:06– Dans un état d'esprit, évidemment, il est terrorisé à l'idée
06:11d'être éventuellement condamné, alors qu'il clame son innocence,
06:16alors que nous sommes convaincus de son innocence, bien entendu,
06:20c'est un homme qui va mal dormir, parce que la justice est une chose humaine,
06:25ce n'est pas une science exacte, donc demain, tout est possible.
06:31– Oui, on dit qu'un procès donne une vérité judiciaire,
06:34mais qu'il ne donne pas toujours la vérité.
06:36– Oui, le problème, c'est que la vérité judiciaire,
06:42c'est souvent la petite sœur de l'erreur judiciaire.
06:44Moi, tout ça, ce sont des mots qui n'ont pas de sens,
06:47la vérité judiciaire, oui, mais ça peut aussi permettre
06:50de condamner un individu sur la base d'une absence de vérité.
06:55Voilà, il faut des preuves, et c'est ce que nous avons rappelé
06:58toute la journée aux jurés.
07:00Ce n'est pas une intime conviction, ce n'est pas un ressenti,
07:03c'est « a-t-on les preuves ? »
07:04et « pouvons-nous forger notre conviction avec les preuves
07:07qui ont été présentées devant nous ? »
07:09Et nous, notre réponse, c'est non.
07:11– Vous avez…
07:12– Pardon Alain, c'est ce qu'on s'était dit plusieurs fois,
07:14ici sur le plateau de BFMTV, quand vous êtes venu nous voir,
07:17à Story, dans Affaires suivantes, et dans toutes les émissions de BFMTV.
07:21Finalement, c'est son pire ennemi, Cédric Jubilard,
07:24parce que, c'est ce qu'on disait, c'est d'ailleurs la plaidoirie
07:27d'Emmanuel Franck, on ne condamne pas les sales types,
07:30donc on parle bien de lui, mais on condamne les coupables.
07:33En fait, il est son pire ennemi.
07:35Il a été à l'audience, il a très peu parlé,
07:38il s'est défendu, il a dit, mais il n'a pas montré
07:43d'émotions particulières, donc là encore, ça risque de le desservir.
07:50Vous l'avez plus défendu qu'il ne s'est défendu lui-même.
07:52– Oui, mais c'est un peu le propre des innocents,
07:56vous connaissez la formule, les innocents se défendent toujours mal,
07:59et puis de toute façon, on n'a pas envie qu'ils se défendent bien,
08:02c'est-à-dire que chaque phrase qu'il a pu prononcer,
08:04chaque geste qu'il a pu faire, chaque parole qu'il a pu prononcer
08:08était toujours analysée par le prisme du « c'est un mauvais type ».
08:11Moi, je ne pense pas que ce soit un mauvais type,
08:13et j'ai l'avantage sur beaucoup de le côtoyer depuis 4 ans,
08:15donc moi, ce n'est pas mon opinion.
08:16Mais c'était une façon de dire, si c'est votre opinion,
08:19très bien, vous ne partirez pas en vacances avec lui,
08:21mais pour autant, ce n'est pas ce qui vous autorise à le condamner.
08:24– Son fils, le témoignage de son fils via son avocat
08:28a été un des moments forts quand même de ce procès.
08:31Son fils qui l'accuse, qui pense que son père a tué sa mère,
08:35c'est quand même quelque chose qui a été entendu par les membres du jury,
08:41et on a parlé aussi de maltraitance vis-à-vis de ce fils,
08:44de la part de son père, de Cyril Jubilar.
08:46C'est des choses qui sont restées aussi pendant ces longues semaines de procès.
08:51– Alors, on ne va pas refaire toute l'audience ni la plaidoirie.
08:55Son fils n'a jamais déclaré que papa avait tué maman.
08:59C'est un peu scandaleux ce qui est fait de la parole de cet enfant.
09:03C'est un garçon qui avait 6 ans au moment des faits,
09:06qui a dit un certain nombre de choses, pas toujours les mêmes,
09:08et qui aujourd'hui se retrouve au centre des débats,
09:11parce que l'accusation a besoin de son témoignage
09:13pour faire démarrer le début d'une dispute ou le début d'une discussion.
09:17Et donc, ça en devient extrêmement malaisant.
09:19Moi, je n'ai rien à dire sur ce gamin de 6 ans.
09:21On ne devrait même pas faire porter la responsabilité
09:23ou la culpabilité de quelqu'un sur les propos d'un gamin de cet âge-là.
09:26Et en tout cas, je le confirme,
09:29il n'a absolument jamais dit que son père avait tué sa mère.
09:31– Mais vous l'avez dit dans la plaidoirie,
09:34on ne peut pas dire papa a tué maman aux enfants,
09:36mais est-ce qu'il vous a parlé de ses enfants, justement, Cédric Jubilard ?
09:40– Oui, bien sûr, après, vous rentrez dans le secret
09:45de la relation entre un avocat et son client,
09:48mais ça a fini par être admis, y compris par l'accusation.
09:52Il n'est pas contesté que Cédric Jubilard ait aussi aimé ses enfants
09:55et s'en est occupé.
09:58– Mais est-ce que vous ne pensez pas aujourd'hui que,
10:01vu tout ce qui s'est dit au procès,
10:03tous les éléments, comme le rappelait Dominique Rizet,
10:05qui ont été énoncés ?
10:08Est-ce qu'aujourd'hui, malheureusement,
10:10Cédric Jubilard voit mal comment il pourrait échapper
10:14à 30 ans de réclusion ?
10:16– Écoutez, vous me répétez la même question,
10:22je n'en sais rien, je crois que nous avons plaidé avec conviction
10:25sur la base d'un dossier qui nous paraît critiquable en tout point.
10:30Maintenant, moi, je ne vais pas continuer à plaider,
10:32il appartient au juré, de décider sur la base d'une audience
10:37qui a duré un mois, je suis désolé,
10:40mais c'est un dossier où il n'y a pas de preuves,
10:42il n'y a pas de certitudes.
10:44Après, se sufferont-ils ou se contenteront-ils
10:47de quelques indices épargres, contradictoires les uns entre les autres
10:51pour condamner cet homme ?
10:52C'est la réponse qu'ils nous donneront demain.
10:54– Maître, est-ce que vous avez réussi à décrypter certains propos
10:58comme ceux qu'a tenu l'avocat général
11:00quand il dit au bout du compte, c'est Cédric qui a perdu Jubilard
11:04et c'est Jubilard qui a trahi Cédric ?
11:06Ça veut dire quoi, ça ?
11:09– Je ne sais pas, je n'ai pas compris, je vous renvoie la question,
11:12je n'ai absolument pas compris.
11:13Il y a beaucoup de choses que je n'ai pas compris,
11:14quand même, dans les réquisitions de M. l'avocat général,
11:16ça fait partie des choses que je n'ai pas comprises.
11:18C'est une sorte de docteur Jekyll et Mr Hyde,
11:20je ne sais pas ce qu'il a voulu faire, mais je n'ai pas compris.
11:22– Vous ne lui avez pas demandé, vous n'avez pas posé la question,
11:25qu'est-ce que ça veut dire ?
11:26– À partir du moment où je ne comprends pas,
11:30j'ai pas envie de comprendre, ça ne m'aidait pas beaucoup.
11:33– Maître Martin, Maître Franck…
11:34– Je n'ai pas compris l'avocat général,
11:35après peut-être que d'autres ont compris.
11:37– Maître Martin, Maître Franck, simplement pour le…
11:39c'est un procès qui a été énormément médiatisé,
11:42que le grand public a suivi quasiment au quotidien
11:45avec les comptes rendus d'audience.
11:47Entre ce soir, vous avez achevé vos 5h30 de plaidoiries à tous les deux
11:50et demain, que va-t-il se passer pour vous et pour Cédric Jubilard ?
11:55Vous allez encore être en contact avec votre client ?
11:58Comment vont se passer les prochaines heures ?
11:59– Ah non, à partir de maintenant, la soirée, c'est dans la sphère privée.
12:05Cédric Jubilard est reparti à la maison d'arrêt de Sey,
12:09s'il reviendra demain matin, nous le verrons,
12:12il aura la parole en dernier et ensuite les jurés se retireront
12:16sans désapparer pour délibérer très certainement pendant plusieurs heures.
12:20– Puisque c'est lui qui aura la parole en dernier,
12:23que lui avez-vous conseillé peut-être de dire ?
12:25– Nous ne lui conseillons rien de dire,
12:31je pense que très classiquement, il répétera qu'il est innocent,
12:34si tant est que ce soit utile de le répéter à ce moment-là,
12:36je ne sais pas ce qu'il veut dire, nous verrons demain.
12:38Après, vous savez, c'est le dernier mot qui est donné à l'accusé,
12:40toujours un dernier mot qui est très court,
12:43ce n'est pas l'occasion de faire un discours, donc je ne sais pas.
12:46– Et si jamais les jurés vous regardent,
12:49potentiellement, qu'est-ce que vous voudriez leur dire ?
12:54– Je leur ai dit tout ce que j'avais à leur dire pendant trois heures et demie.
12:57– Si jamais demain il est condamné, il y aura appel
13:02et donc un nouveau procès selon le calendrier dans combien de temps ?
13:05– La loi impose que ce procès soit tenu dans l'année,
13:10mais après, avec certaines circonstances d'organisation,
13:15exceptionnellement, il peut être prolongé de quelques mois,
13:17mais on peut dire qu'entre 12 et 18 mois,
13:19Cédric Jubilard sera à nouveau jugé.
13:22– Il faut rappeler que Cédric Jubilard est en détention depuis juin 2021
13:26et qu'il pourrait donc potentiellement sortir de prison vendredi.
13:30– S'il est acquitté, il sortira de prison demain, effectivement.
13:36– Maître, s'il était 30 ans, s'ils ont demandé,
13:39s'il était condamné à 20, est-ce que vous vous dites
13:42« ça va, 20, il en a fait 5, il lui en restera 7 à faire »
13:46ou est-ce que vous faites appel quand même ?
13:48– C'est lui qui décidera, mais l'innocence d'un homme
13:53ne se mesure pas à la hauteur de la peine.
13:55Cet homme est innocent, cet homme clame son innocence
13:58et se battra jusqu'au bout pour que la vérité de cette innocence
14:01soit enfin prononcée.
14:04– Merci Maître Martin, merci Maître Franck d'avoir été avec nous.
14:08– Merci. – Merci à Jean-Wilfrid Forquès
14:10et Maxime Meunier qui ont suivi ce procès.
14:14– Merci.
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