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Anne Fulda reçoit Marc Weitzmann pour son livre «La part sauvage» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Marc Wetzmann.
00:02Merci.
00:03Alors vous êtes écrivain, vous avez été producteur pendant de longues années d'une émission de France Culture qui s'appelait Signes des Temps.
00:10Absolument.
00:10Vous avez écrit, déjà, mariage mixte, chaos, fraternité, et là vous venez de publier chez Grasset un nouveau livre qui s'appelle La part sauvage,
00:20un livre qui revient principalement sur 20 ans d'amitié entre vous et Philip Roth,
00:26ce monument de la littérature américaine qui est mort en 2018, à qui on doit de nombreux livres, notamment Pastoral américaine, La Tâche,
00:36il fait connaître Portneuil et ce complexe aussi.
00:40Alors c'est un livre que visiblement vous portiez en vous depuis quelques temps, depuis de longues années.
00:47Qu'est-ce qui vous a déclenché, entre guillemets ? Qu'est-ce qui vous a convaincu d'y aller cette fois, de l'écrire ?
00:53Plusieurs choses. D'abord, il est mort, c'est la première chose. Je ne pense pas que j'aurais pu écrire le livre de son vivant.
01:00Ensuite, l'Amérique qu'il a connue et à laquelle il croyait, le monde qu'il a connue, pas seulement l'Amérique,
01:07mais le monde qu'il a connue a complètement changé.
01:09La symbiose judéo-américaine dont il était l'un des produits et le chroniqueur a disparu en une poignée d'années, entre sa mort pratiquement et aujourd'hui.
01:24Et le troisième point, ça a été qu'il a fallu que je trouve la manière de le raconter, de parler de lui.
01:30Ça, c'était le plus difficile. Il fallait que je trouve ma place dans la narration parce que je ne voulais pas écrire des mémoires littéraires.
01:41Je ne voulais pas écrire un essai. Il fallait que ce soit un récit. Il fallait que ce soit vivant.
01:44Il fallait qu'on comprenne ce qui pouvait nous lier, lui et moi, d'une part.
01:49Et pourquoi quelqu'un de ma génération vivant en France pouvait s'intéresser à ce point, à un écrivain américain de cette génération.
01:56Quels étaient les points communs et les différences ? La question de la liberté en particulier.
02:02Qu'est-ce qui pouvait intéresser ? Qu'est-ce que pouvait représenter l'Amérique à un moment donné ?
02:07Et pourquoi ce n'est plus le cas aujourd'hui ?
02:09Alors, votre première rencontre est tout simplement professionnelle. Vous le rencontrez comme journaliste.
02:16Vous êtes impressionné ? C'est déjà quelqu'un que vous placez très haut dans votre panthéon littéraire ?
02:21Bien sûr. Je connaissais très bien ses livres à ce moment-là. Donc, c'était facile de parler de ses livres.
02:29Oui. La première rencontre était professionnelle, effectivement.
02:33Et cette rencontre sera la première de nombreux autres qui deviennent des rencontres amicales, en fait.
02:40Oui. À partir du moment où je suis allé vivre aux États-Unis, j'ai commencé à le voir très souvent.
02:46Et puis, on s'est vus, je ne sais pas, on se voyait deux fois par semaine.
02:50Et je suis devenu, à un moment donné, un des lecteurs de ces manuscrits à qui ils me les envoyaient.
02:55Ils me demandaient mon avis. On discutait. Voilà.
02:57Parce qu'on était plusieurs.
02:58Oui, c'est ce que vous dites.
02:59C'était un groupe de gens qui changeaient selon les époques, selon les circonstances, et dont j'ai fait partie à un moment donné.
03:06Mais surtout, c'était une relation hors littérature, en fait.
03:10C'était simplement une amitié, à un moment donné, avec tout ce que ça peut vouloir dire.
03:15Et qui m'a permis, ces 20 ans d'amitié correspondent vraiment au premier quart du 21e siècle.
03:22C'est-à-dire, quelque part, entre le 11 septembre et l'élection de Donald Trump, quand les États-Unis et le monde entier a basculé d'une époque relativement...
03:35Où on avait l'impression de savoir dans quel monde on vivait, à un monde qui est celui d'aujourd'hui, où on ne sait plus du tout.
03:40Qui est le monde de l'imprévu, de l'imprévisible et du choc permanent, qui sont les thèmes de ces livres.
03:46Alors, tous les livres de Roth racontent le moment où un individu, qui maîtrise sa vie, son existence, qui a l'impression de maîtriser son existence,
03:56bute contre quelque chose de complètement imprévu de la tâche, mais aussi pastoral américaine.
04:02Tous ces livres parlent de ça.
04:05Est-ce que ces rencontres, cette évolution du monde...
04:09Effectivement, il en parle dans ses livres.
04:12Alors, mais c'est quelque chose qui l'obsédait, qui l'inquiétait, dont il avait totalement conscience, puisqu'il...
04:18Ce qui l'inquiétait, il y avait deux choses.
04:20Il était très conscient de la chance qu'il avait de vivre aux États-Unis comme juif de cette génération,
04:27c'est-à-dire d'avoir échappé au sort des juifs européens de la même génération.
04:32C'est constant dans ses livres.
04:34Constamment, il mesure son histoire à celle des juifs d'Europe,
04:40qui rencontrent en Europe ou en Israël, par exemple, en Europe de l'Est, notamment.
04:46Donc, il y a cette...
04:46À travers ces rencontres, il y a aussi une comparaison entre l'Amérique démocratique de la deuxième moitié du XXe siècle
04:53et l'histoire des totalitarismes nazis ou communistes en Europe.
04:59Donc, il est très conscient de la chance qu'il y avait d'être américain et en même temps de la fragilité,
05:05de cette idée que même un pays aussi fort, même des êtres forts, même un pays aussi fort que les États-Unis
05:12pouvait soudainement buter contre un obstacle, s'effondrer, être confronté à ce qu'on appelle l'histoire,
05:19à ce qu'on appelle l'incompréhence, ce qu'il appelait la némésie, c'est que moi, j'appelle la part sauvage.
05:24La part sauvage, oui.
05:26Parce que vous terminez, on a l'explication, les dernières lignes de votre livre.
05:30Alors, quels étaient les...
05:33Comment il considérait-il la France et la culture française ?
05:36Vous étiez son ami français, il en avait d'autres.
05:39Est-ce qu'il avait une forme d'admiration, de respect, d'intérêt pour la culture française ou sans plus ?
05:44Il avait de l'admiration pour les écrivains français qui pouvaient connaître, classiques,
05:51Mauryac notamment, mais il y avait cette idée quand même que la culture française
06:00avait à un moment donné bifurqué vers quelque chose de trop cérébral,
06:04ce que les Américains appellent la French Theory,
06:07et qui a fait des ravages dans les universités américaines, à juste titre ou pas.
06:11Il y a un débat pour savoir si c'est parce que les écrivains comme Foucault, Derrida,
06:16ont été bien compris ou au contraire pervertis, mais peu importe.
06:19En tout cas, c'est à eux qu'on fait référence aux Etats-Unis
06:22pour instaurer un climat épouvantable aujourd'hui politiquement,
06:29et même à son époque.
06:29Un livre comme La Tâche explore ça dans les années 90,
06:33et aujourd'hui c'est devenu encore pire.
06:35Donc voilà, il y avait ce rapport polémique
06:38à une certaine culture française cérébrale et idéologique.
06:40– Et est-ce qu'il y aurait un équivalent de Roth dans la littérature française ?
06:46– Non, je ne pense pas. Contemporaine ?
06:48– Contemporaine, oui.
06:49– Non, je ne pense pas.
06:51Je pense que Philippe Roth reste un écrivain extrêmement américain
06:56de par sa liberté déjà, de par cette espèce d'énergie,
07:01cette générosité dans la narration dont je parle
07:04qu'on trouve chez Flaubert, par exemple,
07:07si on veut des exemples,
07:09qu'on trouve chez Dobstoyevski, chez Konrad.
07:13Mais aujourd'hui, dans la littérature contemporaine,
07:17je ne vois pas d'équivalent en France, non.
07:19– Et vous, vous l'avez découvert par quel livre ?
07:22Et quel livre conseilleriez-vous à quelqu'un
07:26qui n'a jamais lu un livre de Philippe Roth ?
07:27– Moi, j'ai découvert par un livre que je ne conseille pas
07:29et que lui-même, d'ailleurs, ne conseillait pas,
07:31qui est Portneuï, qui est son plus connu.
07:33Je pense qu'il faut commencer soit par Pastorelle américaine,
07:37qui est un des plus actuels,
07:39parce que c'est vraiment sur le chaos américain,
07:42et puis aussi par L'écrivain fantôme,
07:46qui est un livre absolument merveilleux,
07:47qu'il a écrit à la fin des années 70.
07:51Il y a également La contrevie, qu'on peut lire en toute certitude.
07:56Voilà, pour en citer trois.
07:57– Alors, dernière question, en France,
08:00Gallimard continue à publier son oeuvre dans la Pléiade.
08:03– Oui, très très bien, d'ailleurs, je dois dire.
08:05– Et il va y avoir une nouvelle biographie de lui
08:08qui va sortir prochainement aux Etats-Unis.
08:11Néanmoins, est-ce qu'il y a un risque que cet auteur,
08:15qui représente pour certains une espèce de monstre,
08:19de mâle blanc, soit écarté ?
08:24– Il y a eu un moment donné où il aurait pu l'être,
08:26et puis finalement, non,
08:28alors pour autant que les Américains lisent encore des livres,
08:31c'est un autre sujet,
08:32mais je ne pense, enfin, visiblement, il y a un retour à son oeuvre,
08:35parce que le chaos américain,
08:37il reflète tellement bien ce qu'il en a dit,
08:41que quelque part, il reste très très actuel.
08:43– Oui, en tout cas, je vous conseille de lire ce livre
08:46que vous n'ayez jamais lu, Philippe Roth,
08:49ou que vous l'ayez lu, c'est peut-être encore plus intéressant.
08:52Ça s'appelle donc « La part sauvage », c'est paru chez Grasset.
08:55Merci beaucoup, Marc.
08:55– Merci à vous.
08:56– Merci à vous.
08:56– Merci à vous.
08:58– Sous-titrage ST' 501
09:00– Sous-titrage ST' 501
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