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  • il y a 10 heures
Robert Badinter entrera au Panthéon le 9 octobre 2025, lors de la date anniversaire de la promulgation de la loi d'abolition de la peine de mort de 1981. Ce documentaire inédit de Dominique Missika et Bethsabée Zarka se penche sur les autres combats de Robert Badinter, comme son engagement pour l'amélioration des conditions de vie des détenus, l'égalité des homosexuels devant la loi, la prééminence de l'état de droit ou encore pour honorer la mémoire des victimes de la Seconde guerre mondiale.
Qui sait que Robert Badinter, ministre, avocat, militant et professeur de droit, amoureux de Victor Hugo, en qui il puise son humanisme et une opposition viscérale à la peine de mort, a porté d'autres immenses combats au nom de la civilisation et malgré les oppositions à droite et dans son propre camp ?
Par ses nombreux combats, qui ont encore aujourd'hui une forte résonance dans notre société française, Robert Badinter a rendu hommage à l'amour de ses parents et à la vision de la France qu'ils lui ont transmise, celle d'un pays juste et sans concessions sur ses valeurs.

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Transcription
00:00J'ai passé toute ma vie à essayer d'approcher ce qu'est la justice et finalement ce que je
00:15sais reconnaître très bien c'est l'injustice. L'injustice, toute ma vie je l'ai rencontrée,
00:22autant que je l'ai pu j'ai essayé de la combattre. Juin 1981, le président de la république François
00:34Mitterrand choisit son nouveau garde des Sceaux, Robert Badinter. On le connaît avocat militant des
00:41droits de l'homme, férocement engagé pour l'abolition de la peine de mort contre l'avis de la majorité des
00:48français. Mais vous avez un rêve ? Je ne viens pas au ministère de la justice sans avoir beaucoup
00:55pensé à la justice, à la certitude, et comme avocat et comme professeur de droit et tout simplement
01:01comme justiciable. Place Vendôme, il n'oeuvre pas uniquement pour l'abolition de la peine capitale.
01:10Il enchaîne les mesures emblématiques mais souvent impopulaires. Défenseurs intransigeants des plus
01:17faibles, des minorités, des victimes, de la mémoire. Ces combats, et on oublie parfois,
01:25marquent durablement la vie des français. Il y a l'image, le combattant. Robert n'avait
01:33absolument pas d'amour du combat, pas du tout. Il y avait l'amour d'un certain nombre de causes
01:38justes. Et parfois, pour faire prévaloir ces causes, il faut combattre. Mais plus des marginaux,
01:46des malades mentaux, etc, etc, etc. Les sodomites, comme disent les religieux monothéistes.
01:52Il a humanisé les prisons, restitué aux personnes détenues leur statut de personne, leur statut de sujet de droit.
02:02Tout est noir. Et là, quelque part, ça exclète l'espérance.
02:07Pour moi, Robert Badinter, c'est un être mythique. Sans lui, je ne sais pas si on connaitrait encore le nom de José Riffel.
02:17Mon père est revenu sur la place publique. Il croyait dans les institutions. L'état de droit, pour lui,
02:26c'est ce qui désigne les principes qu'il animait. Liberté, égalité, fraternité. Veillez à ce que ces trois
02:34mots soient respectés. Profondément, c'était un homme des lumières. On la connaît, l'injustice.
02:56Chaque année, à Lyon, a lieu la commémoration de la rafle de la rue Sainte-Catherine. 86 juifs arrêtés par les nazis en 1943.
03:19Robert Badinter ne ratait jamais la cérémonie. Parmi les personnes raflées, Simon, son père.
03:37Juif, né en Bessarabie, lecteur de Balzac et d'Hugo, Simon Badinter rêvait de la France.
03:48Naturalisé français, il a été transféré à Drancy le 12 février 1943, puis déporté au camp de Sobibor, en Pologne, d'où il n'est pas revenu.
04:00Robert Badinter, toute son histoire familiale montre que la République française,
04:04s'agissant de ceux qui ont été accueillis quand il était, lui, petit, petit, petit, petit,
04:10que la République française représentait quelque chose,
04:13représentait un espoir, représentait une terre qui les avait accueillis.
04:19Après l'arrestation de son père, Robert Badinter doit se cacher sous un faux nom, en Savoie.
04:26Mais lorsqu'à Chambéry, il visite la demeure de Jean-Jacques Rousseau,
04:29il ne peut s'empêcher de signer son poème dans le livre d'or de son vrai patronyme.
04:34Il a 15 ans.
04:37Jean-Jacques, inconnu, habitat se réduit, passant qui nonchalant le visite aujourd'hui,
04:43souviens-toi, je t'en prie, que grâce à son génie, sous nos aïeux mourut l'odieuse tyrannie.
04:50Il invoque la Révolution française et se place déjà sous l'égide de la devise républicaine.
04:56« Liberté, égalité, fraternité, c'est ça, c'est la route de Badinter, ça.
05:01Les écrits qu'il a pu faire, les tribunes, la plupart des réformes qu'il a initiées étant garde des Sceaux allaient dans Soussante. »
05:12Dès le début de son mandat, c'est au nom d'une France qu'il rêve exemplaire que Robert Badinter entreprend d'humaniser les prisons.
05:20Quitte à subir le rejet de l'opinion publique et d'une partie de la classe politique.
05:27« Il ne faut pas oublier que dans les années qui ont précédé son arrivée au ministère,
05:31il y avait eu de grandes révoltes pénitentiaires.
05:33De grandes manifestations.
05:39Des détenus sur les toits.
05:42La question pénitentiaire était une de ses préoccupations constantes et permanentes.
05:46Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de garde des Sceaux avant lui qui se soient à ce point préoccupés des prisons. »
05:56« Les prisons françaises ne sont pas l'honneur de notre pays.
06:01Je le dis avec beaucoup de regret.
06:03Nous sommes, j'ai eu cette humiliation,
06:09cette humiliation au Conseil de l'Europe,
06:12d'apprendre que de tous les pays,
06:15onze pays d'Europe du Nord,
06:18nous étions celui qui dépensait le moins par tête de prisonniers.
06:23C'est sa vision de l'homme qui peut expliquer l'intention,
06:29l'attention qu'il a portée très tôt aux conditions de détention.
06:33Il était habité par la très belle formule de Victor Hugo.
06:38« On ne peut pas priver une personne de son droit fondamental de devenir meilleur. »
06:47Il a découvert la prison en 1952, lorsqu'il était jeune avocat, qu'il s'est rendu pour la première fois à la maison d'arrêt de Fresnes.
06:56Ce qui l'a marqué, c'est l'unitivité du temps passé dans un établissement carcéral qui, pour lui, était un temps mort,
07:04et qui consistait simplement à punir la personne pour ce qu'elle avait fait,
07:11sans prendre en compte le fait que cette personne allait ressortir et devait donc se réinsérer.
07:17Jalène Miloudi a passé 29 ans en prison, presque la moitié de sa vie, pour braquage, sans avoir de sang sur les mains.
07:29Je suis arrivé d'Algérie à l'âge de 5 ans, parqué dans un camp, celui de Rivesalte, pendant un an,
07:39violence intrafamiliale, déménagement, changement d'école,
07:44donc difficulté avec l'apprentissage de la langue française,
07:48placement très tôt en famille d'accueil, puis en foyer, et puis l'école de la rue,
07:53la délinquance alimentaire, l'armée, mon service militaire, et après la première panne de prison.
08:00Et c'était un virage aussi raté, je pense, aussi de ma part, mais aussi de la part de l'institution judiciaire.
08:07J'étais condamné à un an de prison ferme, pour voie de fée sur la voie publique, pour une bagarre.
08:12J'ai fait appel à la décision qui a été agréable à 18 mois,
08:15et c'est en prison que j'ai rencontré des anciens, et qu'après j'ai mis mes pieds dans le grand banditisme.
08:21Donc tout est parti de là.
08:23Le parcours de Khaled Miloudi illustre le diagnostic de Robert Badinter.
08:28La prison doit devenir un outil de prévention de la récidive et de réinsertion des détenus.
08:35Toutes les recherches entreprises concordent sur ce point.
08:39La prison n'arrête pas le processus de délinquance.
08:43Au contraire, elle a pour effet de structurer, souvent de façon difficilement réversible, les personnalités délinquantes.
08:55Dès 1981, avec François Mitterrand, il fait amnistier 5000 détenus pour endiguer la surpopulation carcérale.
09:08Mais cela ne suffit pas.
09:09Le combat de Robert Badinter, c'est l'amélioration des conditions de détention.
09:14Quand je suis rentré dans la cour de promenade, c'est un peu l'image que j'ai vue un instantané en noir et blanc, d'une forme de goulag.
09:25On avait des tenues, on appelait ça des drogués, donc veste grise, pantalon gris, des espèces de pas tout cas en toile.
09:37Une heure de promenade par jour.
09:38On était 500 dans la cour de promenade.
09:41Aucune activité.
09:43Aucun contact avec l'extérieur.
09:45Les parloirs, moi je n'ai pas eu de parloir, enfin j'ai eu un parloir avec mon père à l'époque, mais c'est hygiophone.
09:49Donc quand on est allé au parloir, il y avait des traces de main, puisqu'on essayait de se toucher un peu comme ça.
09:55Au travers, il y avait aussi pas mal de couches à lèvres, des femmes qui posaient les lèvres sur l'hygiophone.
10:00Aucun contact physique avec nos familles.
10:03Donc une forme de déshumanisation aussi.
10:06Et qui aggravait aussi les carences affectives, bien sûr.
10:09À 22h, il y avait l'extinction des lumières.
10:12Donc on ne pouvait plus lire, on ne pouvait plus écrire, il fallait se mettre au lit.
10:17Les présents françaises ne sont pas l'honneur de notre pays.
10:26Quand on a pris la nomination de Robin Van de Terp, dans les cours de promenade, ça a crié.
10:40Dans les détentions avec le plateau, on avait un espace de plateau au fer.
10:43Et sur les barreaux, t'imaginer le bruit que ça fait quand on fait plaquer comme ça.
10:47Le plateau au fer sur les barreaux, ça a été l'effervescence.
10:50Il a donné de l'espérance.
10:52On était presque dehors, quelque part.
10:54On était un peu libres d'un seul coup.
10:56De voir quelqu'un qui montait à l'Assemblée nationale, qui montait au créneau et qui parlait de nous.
11:01Comme il parlait de nos concitoyens.
11:03On était sur le même bord.
11:05On était sur le même pied d'égalité.
11:07Et ça, en prison, c'est fou.
11:09Parce qu'on a le sentiment d'être exclus.
11:11On est des pestiférés.
11:16Avec la réforme de Robert Badenter,
11:18les uniformes sont supprimés,
11:21tout comme les quartiers de haute sécurité.
11:25Dans les cellules, la lumière est laissée plus tard le soir.
11:29Et les détenus peuvent en décorer les murs.
11:32Ils ont désormais le droit de correspondre avec leur famille,
11:35de louer des télévisions.
11:37Décision applaudie par le personnel pénitentiaire.
11:40Et les soins médicaux sont améliorés.
11:42Les hygiaphones laissent la place au parloir libre.
11:48C'est la mesure la plus importante.
11:50Si je ne veux en garder qu'une, c'est celle-ci.
11:52C'est-à-dire qu'elle a décidé que les êtres humains puissent se toucher,
11:55puissent se serrer, puissent s'embrasser.
11:58Il y avait un contact physique, mais c'était le minimum.
12:01Mais déjà, ce minimum-là, qui est vital, on le sait,
12:04c'est fou ce que ça peut apporter.
12:05Pour pouvoir serrer ses enfants, sa femme, sa maman.
12:08Voilà.
12:09Si je ne devais garder qu'une chose qu'il a faite, c'est ça, quoi.
12:14Pour éviter des peines inutiles,
12:16Robert Badinter instaure les travaux d'intérêt général.
12:20Et en prison, il facilite l'accès à la scolarité pour les détenus.
12:25Khaled Miloudi reprend ses études.
12:28Il obtient son brevet des collèges,
12:30son baccalauréat et une licence de lettres.
12:33Puis il se met à écrire.
12:39Un soir, comme ça, et en plus, sous forme de poésie,
12:42alors que je n'ai pas cherché la forme,
12:43c'est imposé à moi, comme ça.
12:46Les premiers mots pour mes enfants, un poème pour mon père.
12:49Et puis ainsi de suite.
12:52Au lieu de faire 4 à 6 heures de sport par jour,
12:54je vais passer 4 à 6 heures à écrire.
12:58Khaled Miloudi publie son premier recueil de poésie en 2022.
13:03Aujourd'hui, à 62 ans, il vit de ses revenus d'auteur
13:06et des ateliers d'écriture qu'il anime.
13:08Je me suis découvert grâce à l'écriture.
13:11J'ai écrit pour me connaître.
13:14J'ai écrit pour me sentir moins seul.
13:17J'ai écrit pour aimer.
13:19J'ai écrit pour agrandir mon espace intérieur.
13:23Ma réinsertion en moi, elle a commencé le jour où j'ai pris la plume.
13:26Isabelle Gorce a été directrice de l'administration pénitentiaire.
13:32Elle a visité des prisons avec Robert Badinter
13:35lorsqu'il était sénateur des Hauts-de-Seine.
13:38Des années après sa réforme,
13:40il se soucia toujours du respect des droits fondamentaux des détenus.
13:43Je lui ai proposé de venir cheminer ensemble tout de suite après-midi.
13:51C'était une espèce de chemin personnel intérieur qu'il a fait avec moi.
13:56C'est touchant.
13:57Ce qui était assez incroyable, je pense,
13:59c'est cette vision à 360 degrés qu'il avait de la justice.
14:02L'autre aspect de l'humanisation des prisons,
14:07qui est peu connu,
14:09c'est celui qui porte sur le personnel pénitentiaire.
14:12On ne peut pas humaniser un établissement pénitentiaire
14:16en ne prenant en compte que la seule situation des détenus.
14:19Robert Badinter a essayé d'améliorer,
14:22notamment sur le plan de la rémunération,
14:25la situation essentielle des surveillants pénitentiaires.
14:29Badinter a apporté beaucoup de choses.
14:31Il a dit ce que n'était pas la prison.
14:33La prison n'est pas un lieu de châtiment.
14:37C'est un lieu de privation de liberté
14:39dans lequel on n'est pas privé de ses droits.
14:41Ça, c'est quand même fondamental.
14:43La prison n'est pas un objet extérieur à la société
14:46et elle doit être traversée
14:50par l'ensemble des dispositifs de droit commun.
14:52La culture, le sport, l'éducation nationale,
14:56les activités ludiques.
14:58La prison n'a pas de sens en tant que tel.
15:02C'est ce qu'on y fait qui a du sens.
15:04Ici, il suffit de vous appeler par votre prénom
15:12pour vous humaniser.
15:14Ici, il suffit de ne pas grand-chose pour vous faire quelque chose.
15:23Ici, il suffit de vous regarder pour exister.
15:27En faisant entrer l'éducation et la culture en prison,
15:33avec le soutien de l'administration pénitentiaire,
15:36Robert Badinter a gagné une partie de son combat.
15:39Aujourd'hui, l'association Lire pour en sortir
15:43organise un concours d'éloquence pour les détenus.
15:46Je crois profondément à la prison républicaine,
15:49c'est-à-dire celle des droits,
15:50celle qui rend les gens meilleurs,
15:54qui leur offre une vraie vie,
15:57une vie épanouie dans la République.
15:59Il y a une autre voie possible pour les prisons en France.
16:02Nous sommes tous animés de cette grande espérance,
16:04et de cette grande ambition,
16:05et nous le devons à Robert Badinter.
16:11Le thème, Paris est-elle la plus belle ville du monde ?
16:15Khaled Meloudi fait partie du jury.
16:18Je m'appelle Khaled Meloudi,
16:19je suis un ancien détenu de Longuebène
16:20et je suis vraiment ravi d'être là.
16:22Bonne chance à vous.
16:23Faites-vous plaisir.
16:28Paris ne se contente pas d'exister, non.
16:31Elle se ressent.
16:31On y revient à ce fameux mot émotion.
16:35C'est ce que Paris a su me donner.
16:37Des sacrifices venus du cœur
16:38pour l'amour de cette ville au Petit Pien.
16:40Vous savez quoi ?
16:41Cette magnifique ville, ce n'est pas Paris.
16:43Mais bel et bien Rouen.
16:46Ville de mon enfance.
16:53C'est bien, c'est bien.
16:55Tu n'as pas l'habitude que ça se fasse.
16:56C'est bien.
16:58Moi, je trouvais que...
17:00C'est monstre.
17:02Oui, c'est bien.
17:03Surtout quand il parle d'émotion.
17:04C'est bien.
17:09Merci.
17:10Merci.
17:11On est 15e, on est 15e.
17:13On est 15e, on est 15e.
17:15On est avec les mains.
17:17Bonne courage.
17:18Merci beaucoup.
17:19Merci beaucoup.
17:20Bonne courage.
17:21C'est quoi qui a été l'élément déclencheur de pouvoir tourner la page du jour au lendemain ?
17:25Malgré des mauvais choix, on peut rebondir, passer à autre chose,
17:29et puis vraiment toucher du doigt la vraie vie.
17:31J'ai vraiment l'impression que je suis dans la vraie vie.
17:33Quand j'ai décidé un jour de tourner le doigt à mon passé,
17:36de ne plus me trouver de fausses excuses,
17:38me dire que si je suis là, c'est ma faute.
17:40C'est la faute de personne.
17:42Ce n'est pas à cause de mon enfant,
17:43ce n'est pas à cause de la violence intrafamiliale.
17:45C'est moi qui ai fait ces mauvais choix,
17:47mais qu'à partir de là, tout est ouvert.
17:49Merci.
17:50C'est moi qui te remercie.
17:51Merci.
17:57Aujourd'hui, le concours des locaux auquel on a assisté
17:59est un concours qui, selon moi,
18:01participe grandement de ce que nous souhaitons mettre en place,
18:04à savoir une prise en charge intelligente
18:07qui permet aux détenus de pouvoir,
18:10dès le premier jour de détention,
18:12peut-être se projeter pour le jour où ils se sortiraient.
18:19C'est la confiance en eux,
18:20et on change de regard sur les gens.
18:22Soit je les regarde comme je suis un directeur
18:24d'administration bilancière.
18:26Ok, c'est des détenus, je les regarde comme des détenus.
18:28Ou alors, je les regarde comme des gens en devenir.
18:31L'héritage de Robert Ballinter, les gouvernants actuels en sont assez éloignés,
18:49puisque c'est une politique d'ordre sécuritaire qui est essentiellement menée,
18:55avec une surpopulation carcérale dramatique,
18:58mais qui est assumée en tant que telle par des gouvernements,
19:02avec des conditions carcérales qui sont tout à fait indignes.
19:06Et cette indignité, elle est actée par la Cour européenne des droits de l'homme.
19:10Il y a des cafards dans les cellules,
19:13il y a en été une chaleur qui est insupportable.
19:17Tous ces éléments sont à l'opposé de ce que prenait Robert Ballinter.
19:23Autre combat majeur du garde des Sceaux,
19:26le renforcement de l'état de droit.
19:29Pour l'adolescent qui a connu les lois indignes du gouvernement de Vichy,
19:33nul ne doit être au-dessus des lois.
19:36Il supprime les juridictions d'exception.
19:39Dès 1981, il fait abroger la Cour de Sûreté de l'État.
19:44La Cour de Sûreté de l'État a été créée dans le contexte des soubresauts
19:53qui ont entouré la fin de la guerre d'Algérie.
20:00Notamment la journée des barricades en janvier 1960,
20:05c'est le putsch d'Alger avec quatre généraux qui en prennent la tête en avril 1961.
20:15Une cour composée de magistrats et d'officiers
20:18qui, aux yeux de Robert Ballinter, n'est pas destiné à juger les terroristes.
20:23N'en déplaise à l'opinion et à certains hommes politiques.
20:27Robert Ballinter le rappelle, le verdict de juré d'une cour d'assises
20:32est plus légitime qu'une juridiction politique.
20:35Un an plus tard, il ferme aussi les tribunaux permanents des forces armées,
20:40des tribunaux militaires qui jugeaient les affaires d'espionnage et de trahison.
20:45L'idée que, parce que vous êtes militaire,
20:48vous avez droit à des magistrats qui sont militaires
20:54et une procédure particulière, ça conduit à l'affaire Dreyfus, si vous voulez.
21:00Pour les partisans de l'État de droit, c'est pas tolérable.
21:03Mais c'est au Parlement, quand il demande l'abolition de la loi Sécurité et Liberté,
21:09que Robert Ballinter s'attire les foudres d'une partie de l'opinion publique.
21:14Il s'en prend à Alain Perfit, son prédécesseur place Vendôme,
21:18qu'il juge réactionnaire.
21:20Nous assistons depuis la fin des années 1960
21:24à une montée préoccupante de la violence.
21:28Le gouvernement veut améliorer votre sécurité et vos libertés individuelles.
21:38C'était une immense loi de procédure pénale,
21:41qui était à vocation nettement plus répressive que les lois inférieures.
21:45L'idée prônée par Alain Perfit, le gardesseau d'alors,
21:49étant que la meilleure prévention de la délinquance, c'est la répression.
21:54Au moyen de l'allongement des peines de prison,
21:57le renforcement du recours à la détention.
22:00Donc c'est le volet punitif qui a servi d'assise à la lutte contre la délinquance.
22:06L'inverse de la pensée de Robert Badinter,
22:10pour qui la notion de dignité est inséparable de la devise républicaine.
22:15Ce combat contre la loi Perfit, il va le mener sans aucun soutien.
22:25Cette fois, la charge est virulente.
22:283 juin 1983 à Paris, l'injure et le képi volent bas.
22:38Des policiers devenus manifestants conspuent le ministre de la justice.
22:42Pour eux, il est responsable de la mort de deux de leurs camarades,
22:45tués quelques jours plus tôt.
22:48C'est un vieux thème qui les pousse à protester sur cette place Vendôme.
22:51Un thème aussi vieux que les lois elles-mêmes, le laxisme, de la justice.
22:56Robert Badinter est un homme courageux aussi, physiquement,
23:00car à cette époque, lui et sa famille n'ont pas été ménagers.
23:04S'y ajoutait aussi l'antisémitisme,
23:07c'est quelqu'un qui a été sans doute la personne la plus haïe de France.
23:14Même dans les rangs de la gauche, son propre camp,
23:17il rencontre l'opposition en la personne du ministre de l'Intérieur Gaston Deferre,
23:22soutenu par François Mitterrand.
23:26Robert Badinter voulait une abrogation pure et simple de la loi Sécurité et Liberté.
23:32Mais Gaston Deferre souhaitait qu'il soit ajouté des dispositions
23:35permettant aux forces de police municipales de procéder à des contrôles d'identité.
23:42Le fait de devoir se cacher pendant sa jeunesse ou son adolescence,
23:48le fait d'avoir changé d'identité, le fait d'avoir peur, tout simplement,
23:53de voir décliner son identité d'un officier ou un gendarme qui vous la demande.
23:58Ça a été pour lui un traumatisme personnel qui a conduit à son refus de voir insérer dans la loi
24:06des dispositions relatives aux contrôles d'identité.
24:10Mon père est allé s'enregistrer au commissariat.
24:15Là, Maud Pessy signait le registre,
24:21les cartes d'identité juifs,
24:24et je le remercie toujours.
24:25Il n'a rien dit.
24:26J'ai mesuré longtemps après ce que ça pouvait signifier.
24:30Il n'a plus jamais été le même.
24:33Il était, je voyais bien, à la fois perdu dans les réflexions
24:39et, comment dirais-je, il y avait quelque chose de presque...
24:44Oui, Agar, il n'était plus le même.
24:50Intraitable, le garde des Sceaux refuse de porter ce projet de loi devant l'Assemblée nationale.
24:55Et laisse le ministre de l'Intérieur, Gaston Defer, le présenter à sa place.
25:02Pour Robert Badinter, toute forme de discrimination est insupportable.
25:07En avance sur son temps,
25:09ils combattent une loi qui pénalise les homosexuels depuis le gouvernement de Vichy.
25:15Leur majorité sexuelle est fixée à 18 ans,
25:18contre 15 ans pour les hétérosexuels.
25:21Un dossier pour lequel la France ne semble pas prête.
25:25Comment jugez-vous les dômes qui aiment les dômes ?
25:28Ben, qu'est-ce que vous voulez ? C'est pas normal, c'est un vice, quoi.
25:32C'est pas du tout.
25:33Vous aimez pas ? Pourquoi ?
25:35Je sais pas.
25:36Vous avez l'amour en homme, hein ?
25:37Vous y croyez pas ?
25:38Je crois pas.
25:39La brogation du délit d'homosexualité, c'est un combat qu'il avait porté comme avocat, comme universitaire, dans certains écrits.
25:49Il considérait parfaitement discriminatoire de pénaliser les relations homosexuelles.
25:55Liberté avec un L majuscule au singulier, liberté avec un L minuscule au pluriel.
26:01En 1976, Robert Badinter anime un comité pour la défense des libertés à la demande de François Mitterrand.
26:09Dans un ouvrage aux idées nouvelles, il se positionne sur les droits des homosexuels.
26:14C'est une société dans laquelle certains, parce qu'ils ont un comportement sexuel différent des autres, font l'objet d'ostracisme ou de défense.
26:22Et il était temps de proclamer aussi le droit au corps de tous, y compris des homosexuels qui doivent être traités comme les autres.
26:29C'est une série de propositions qui s'enchaînent naturellement.
26:34Sa publication vaut à Robert Badinter un attentat à son domicile dans le 6e arrondissement de Paris.
26:44Son engagement ne faiblit pas pour autant.
26:48Dès 1981, il s'emploie à réaliser une promesse de campagne de François Mitterrand.
26:57L'homophobie que Robert Badinter dénonce, Michel Chomara en a souffert dans les années 70.
27:04Il habitait alors Lyon.
27:05C'est le roi, parce qu'on a tout contre soi, contre nous, que ce soit au niveau religieux, au niveau de la loi, au niveau à tous les niveaux.
27:20On est rejeté, on est marginalisé, les pédés, on les aime dans les placards.
27:26Au Nord, l'OMS nous avait classé malades mentaux, les trois religions monétistes, alors j'en parle pas.
27:31Tout était fait pour nous rejeter.
27:33Alors en plus, on ne voulait pas qu'on soit dans l'espace public, mais on est non plus dans les bordels, dans les saunas, dans les bars.
27:39Des descentes de police, dans les arrières salles des bars, par exemple, dans les saunas, étaient fondées sur l'outrage public à la pudeur, alors même qu'il n'y avait aucun outrage public.
27:52Mais bon, on étendait la notion de public quand c'était concernant les homosexuels.
27:56C'est une façon de continuer à poursuivre les homosexuels.
28:02Une affaire fait grand bruit en 1976, celle du Manhattan.
28:09Du nom d'un bar parisien que fréquente régulièrement Michel Chomara.
28:16C'était un lieu hyper discret, le Manhattan.
28:19Interdimension aux mineurs, c'était des gens plutôt d'un âge mûr.
28:23A l'époque, j'avais 29 ans.
28:24Il fallait un dress code, il y avait un judo, il n'y avait aucune signalétique extérieure.
28:30Un soir, on s'amusait, on était, je ne sais pas, en une trentaine.
28:35Et d'un coup, la lumière s'éclaire et on s'entend police.
28:39Nous nous sommes aperçus qu'il y avait déjà des policiers à l'intérieur.
28:42Après, on est monoté, on est emmenés dans des paniers à salade jusqu'aux tromps.
28:48C'est ce qu'il y a des orphèmes.
28:50L'année suivante, Michel Chomara passe en jugement à Paris.
28:56Ils sont dix hommes à être poursuivis pour outrage public à la pudeur.
29:01Il y avait des distributions de tracts.
29:06Tous les intellectuels ont pris position.
29:08Tous les écrivains, tous les artistes.
29:10C'était une affaire très, très politisée.
29:13On est tous condamnés, les dix.
29:16Mais il y a très peu de gens qui font appel.
29:18Mais moi, je fais appel tout de suite.
29:20Je n'ai pas accepté.
29:21Dès le départ, je trouvais tout ça complètement dingue.
29:25comment être accusé d'outrage public, dans un lieu privé, confiné,
29:32avec tout un tas de contrôle.
29:36Michel Chomara perd en appel, se pourvoie en cassation,
29:40mais sa condamnation est confirmée.
29:44Tout change lorsque François Mitterrand, avec Robert Badinter,
29:48décident de gracier tous les homosexuels condamnés depuis Vichy,
29:52dont Michel Chomara.
29:55Fin 1981, une proposition de loi de dépénalisation de l'homosexualité
30:01est portée par les députés Gisèle Halimi et Raymond Forny.
30:07Robert Badinter est au travail.
30:10Il vient d'abolir la peine de mort.
30:12Il représente une autorité morale importante.
30:16Et en même temps, pour moi, sociologue du droit,
30:19il est le représentant d'une conception de l'état de droit
30:24qu'il essaie de faire partager au plus grand nombre.
30:27Robert Badinter aurait pu ne pas s'engager.
30:31C'est une proposition de loi portée par des parlementaires.
30:35En réalité, il a fait, à cette occasion, l'un des plus beaux discours qu'il ait prononcé.
30:44Et je le dis d'autant plus volontiers que j'ai fait une première version de ce discours.
30:52Et que cette version devait manquer de souffle, de conviction ou de talent d'écriture,
31:04enfin je n'en sais rien, ou des trois peut-être.
31:07La parole est à monsieur le garde des Sceaux, ministre de la Justice.
31:14Cette discrimination et cette répression-là sont incompatibles avec nos principes,
31:22ceux d'un grand pays de liberté.
31:24« Il n'est que temps d'ailleurs de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels
31:34comme à tous ses autres citoyens d'enfants de Domaine. »
31:39C'est là qu'on voit ce qu'était l'écriture au propre et au figuré de Robert Badinter.
31:46Et c'est là qu'on voit qu'il payait de sa personne.
31:49C'est sa plume.
31:51Et qui reflète une évidente conviction.
31:55« Le moment est venu pour l'Assemblée d'en finir avec des discriminations
32:02comme avec toutes les autres qui pourraient subsister encore dans notre société
32:07qui répondent en vérité indignes de la France. »
32:14On a une reconnaissance de l'Etat.
32:16On n'est plus des marginaux, des maladementaux, etc.
32:21Un seul coup, il y a une prise de conscience par un homme qui reverbe à la terre.
32:25Je dis « Bravo l'artiste ! »
32:28Les députés de droite votent contre, la gauche, majoritaire, vote pour.
32:34La loi est promulguée.
32:36Mais le combat de Robert Badinter ne s'arrête pas là.
32:39En 1998, il est sénateur.
32:43Les débats sur le pacte d'union civile, le PACS, font rage.
32:47Une grande partie de la France est dans la rue.
32:50« Nous voulons sauver les enfants ! »
32:55Il y a eu à l'époque une opposition tellement virulente, on est toujours étonné quand on voit des archives.
33:00« Les Japonistes, c'est vraiment un homme et une femme et c'est comme ça qu'on peut considérer ce prétexte de compassion, d'ouverture. On déstabilise notre société. »
33:14Sans tenir compte de ces manifestations de haine, Robert Badinter interpelle le Sénat, appelant à une reconnaissance juridique des couples homosexuels.
33:24« Il y a des concubins hétérosexuels et c'est la grande majorité. Et il y a un concubinage homosexuel. »
33:32« Depuis l'Antiquité, depuis plus de 20 siècles, on définit chez nous un couple comme étant nécessairement formé d'un homme et d'une femme.
33:40Et donc, d'un point de vue juridique, celui qui va mettre fin à cette définition pluriséculaire du couple, qui va faire entrer le couple de même sexe dans le droit, c'est Robert Badinter.
33:53Il le fait en proposant tout simplement un amendement au projet de loi qui n'a l'air de rien. C'est un amendement sur le concubinage.
34:00Et donc, la loi va s'appeler « loi sur le paxe et le concubinage ».
34:04« Et il est temps de le reconnaître, expressis verbis. Ça ne sert à rien, ces précautions, sauf à laisser entendre que l'on s'y résigne. »
34:15« Dans le droit français, un homme et un autre homme qui s'aiment, ou une femme et une autre femme qui s'aiment, forment désormais des couples. »
34:24En inscrivant le couple homosexuel dans la loi, Robert Badinter rendra possible, des années plus tard, le mariage pour tous.
34:33Cette cause, il la défendra toute sa vie.
34:41« Aujourd'hui encore, nous n'en prenons pas assez conscience des hommes et des femmes, mais surtout des hommes adultes, consentants, maîtres de leur corps, sont poursuivis condamnés et parfois à mort dans un certain nombre de pays, et je dirais dans une trop grande indifférence.
35:00Et à chaque fois qu'ainsi j'apprends qu'il y a une exécution, une flagellation de hommes condamnés pour homosexualité, je suis révolté, non seulement de ce qui advient, mais du silence qui entoure ces persécutions abominables. »
35:22Chaque fois, Robert Badinter se place du côté des plus vulnérables.
35:27Ainsi, la loi Badinter de 1985, seule loi à porter son nom, protège les victimes d'accidents de la route et fixe les conditions de leur indemnisation.
35:38Il écrit aussi une Bible du droit des victimes.
35:41Mais son champ d'action ne se limite pas aux frontières françaises.
35:49Inlassablement, il lutte pour l'abolition universelle de la peine capitale et participe à la mise en place de cours de justice internationale.
36:00« On ne le sait pas assez, à mon avis, que la création du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie tient dans une très large mesure à Robert Badinter et à une équipe de personnes avec lesquelles il travaillait. »
36:17Ce tribunal permettra de juger et de condamner plusieurs accusés pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
36:24Un aboutissement pour Robert Badinter, qui n'a jamais oublié son enfance sous l'occupation et l'injustice qui lui a été faite.
36:34En France, il mène sans répit son combat pour la mémoire.
36:39Par deux fois, il affronte le militant négationniste Robert Faurisson au tribunal.
36:45Une première fois en 1981, c'est sa dernière plaidoirie en tant qu'avocat.
36:51« Ce professeur avait soutenu que les chambres à gaz et que le génocide du peuple juif pendant la dernière guerre mondiale n'existaient pas. »
36:59Une seconde fois lorsque Robert Faurisson l'attaque pour diffamation.
37:03Robert Badinter, qui a accusé le pseudo-historien d'être un faussaire de l'histoire, gagne son procès.
37:10Robert Badinter ne partageait pas son histoire personnelle.
37:18Elle va ressurgir en 1983, lorsque son conseiller apprend l'extradition par la Bolivie du criminel nazi Klaus Barbie,
37:28qui sera le premier à être jugé en France pour crimes contre l'humanité.
37:36J'ai appelé Robert Badinter, qui tout de suite m'a posé la question de ce qu'il y avait dans le mandat d'arrêt international de Barbie.
37:45Il y avait notamment l'arrestation des enfants d'Isieux et après la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon.
38:04Et là, en lui citant les rubriques du mandat d'arrêt international,
38:13je comprends que j'ai touché une zone extrêmement sensible.
38:20Il me dit dans un souffle « Mon père a été arrêté ce jour-là ».
38:26L'enfance et l'adolescence de Robert Badinter sont restés, à mes yeux, un des secrets les mieux gardés de sa vie.
38:42Robert Badinter fait incarcérer Klaus Barbie à la prison de Montluc, à Lyon,
38:48lieu de détention effroyable pendant la guerre et antichambre de la déportation.
38:53Le garde des Sceaux comprend l'importance du procès pour les générations futures
38:59et fait voter une loi pour la création d'archives audiovisuelles de la justice.
39:04Pour la première fois, ce procès sera filmé et une vingtaine d'autres à sa suite.
39:10Le projet de loi a été déposé dans ce souci de garder la mémoire
39:14et aujourd'hui, je crois que c'est très important pour l'histoire.
39:17En 1997, au Sénat, Robert Badinter poursuit son travail pour la mémoire des victimes de la Seconde Guerre mondiale.
39:28La parole est à monsieur Robert Badinter, rapporteur de la commission des lois.
39:32Il propose d'ériger un monument qui rende hommage aux résistants et otages
39:37fusillés par les nazis au Mont-Valérien.
39:43Cette proposition de loi, elle est un acte de piété, de mémoire.
39:49Elle exprime un ultime hommage que nous tenons à rendre aux héros qui ont donné leur vie
39:58pour que la France soit libre et cela aux heures les plus noires de l'occupation.
40:07Au cœur de ce site, vous avez la clairière des fusillés.
40:12Or, nulle part dans le site ne sont inscrits les noms de ceux qui connurent là l'ultime sacrifice.
40:22Ce ne sont pourtant pas des morts anonymes.
40:25C'est ce voile silence d'oubli que nous vous demandons de lever.
40:32C'est ce que je fais.
40:58Orge est le fils de Joseph Epstein, juif polonais qui a fui les persécutions antisémites dans son pays
41:05et figure majeure de la résistance à Paris pendant l'occupation.
41:11J'ai toujours posé la même question à ma mère.
41:14Qu'est-ce que mon père a fait en tant que résistant ?
41:17Je n'ai eu une seule réponse.
41:19Nous n'avons fait que ce que nous estimions juste.
41:23Arrêté par les nazis avec Misak Manouchian, dont il était le supérieur,
41:28Joseph Epstein a été fusillé au Mont Valérien en 1944.
41:33Georges avait deux ans et demi.
41:36Ici, on est dans la clairière du Mont Valérien.
41:41Et c'est là où étaient fusillés les futurs condamnés.
41:51C'est là que mon père a été fusillé.
41:54C'est là qu'il a passé les derniers moments de sa vie.
41:57Donc chaque fois que je reviens ici, et pourtant je reviens souvent,
42:02je reviens plus de dix fois par an.
42:04Donc ce n'est pas une surprise.
42:06Mais il n'empêche qu'à chaque fois, j'ai la gorge serrée
42:09et pour moi, je revois le peloton d'exécution comme si j'avais été présent.
42:14Il n'existe que trois photos des exécutions au Mont Valérien.
42:21Elles ont été prises le 21 février 1944.
42:25On y reconnaît les résistants, francs-tireurs et partisans de la main-d'œuvre immigrée
42:30que Joseph Epstein avait sous sa responsabilité.
42:331008 hommes ont été fusillés par les nazis au Mont Valérien parce qu'ils étaient résistants,
42:42juifs, communistes, opposants au nazisme ou simples otages.
43:03Alors là, on arrive devant le centre du parcours des fusillés, c'est la cloche.
43:13On a un peu plus de mille noms et on a toutes les tendances de la résistance.
43:23C'est là que j'ai rencontré pour la première fois Robert Bazatea.
43:33Et voilà, Epstein Joseph, c'est mon père.
43:44Et si on cherche la date, voilà, 11 avril 1944.
43:50Je vous avoue que chaque fois que je viens, je touche le nom de mon père.
43:58C'est une façon de me retrouver avec lui.
44:01Je ne l'ai pas connu, mais il est là.
44:04Moi, je remercie Robert Bazatea parce que je n'avais pas de lieu où je pouvais me recueillir
44:10où il y avait le nom de mon père.
44:12Là, on peut rendre un hommage public.
44:20Ici, on est devant la chapelle où étaient enfermés les fusillés en attendant leur exécution.
44:27Ils avaient le temps d'écrire leurs dernières pensées.
44:31Et les murs de la chapelle étaient couverts de graffiti.
44:37Quand j'étais gamin, j'ai passé des après-midi entières à chercher le graffiti de mon père.
44:43Mais je ne l'ai pas trouvé parce qu'il n'en avait pas laissé.
44:45Et j'ai découvert sa dernière lettre, donc il n'avait pas besoin de graffiti.
44:49Mon petit microbe chéri, mon fils, quand tu seras grand, tu liras cette lettre de ton papa.
44:59Il l'a écrit trois heures avant de tomber sous les balles du peloton d'exécution.
45:04« Je t'aime tellement, mon petit garçon, tellement, tellement.
45:10Je te laisse seul avec ta petite maman chérie.
45:14Aime-la par-dessus tout.
45:16Obéis à ta maman, ne lui cause jamais de chagrin.
45:20Elle a tellement déjà souffert.
45:22Donne-lui tellement de bonheur, de joie. »
45:26« Mes derniers instants, je ne pense qu'à toi, mon petit garçon chéri,
45:31et à ta maman bien-aimée.
45:33Soyez heureux.
45:35Soyez heureux dans un monde meilleur, plus humain.
45:39Je vous dis encore tout mon amour.
45:42Vive la France, vive la liberté. »
45:47Celui qui s'appelle alors Georges Dufault
45:50rencontre Robert Badinter une seconde fois.
45:53Il lui demande de l'aider à porter le nom de famille de son père.
45:57Car à la naissance, Joseph Epstein l'a déclaré sous le nom d'un camarade de résistance.
46:04« Mon père, il sait que les nazis exterminent les gens d'origine juive.
46:09Donc, volontairement, il me déclare sous le nom de Dufault.
46:13Je rencontre Robert Badinter.
46:15Et je lui explique mon cas.
46:17Je lui explique pourquoi je m'appelle Dufault
46:19et que je veux m'appeler Georges Epstein.
46:22Il n'y a pas de problème.
46:24Je vais vous mettre en relation avec des juristes
46:28qui interviennent au Conseil d'État. »
46:33Le Conseil d'État lui propose d'accoler le nom de son père
46:37à son patronyme de naissance.
46:39« C'est formidable ! »
46:41Et j'ai dit oui tout de suite.
46:43D'où mon nouveau nom ?
46:44Je m'appelle Georges Dufault Epstein.
46:46J'ai eu l'occasion de remercier Robert Badinter
46:50parce que pour moi, ce qu'il m'a aidé à faire, c'était extrêmement important.
46:54Et je lui ai écrit pour lui dire
46:57« Mon père est revenu sur la place publique. »
47:00Je le dois à Robert Badinter.
47:02Sans lui, je ne sais pas si on connaîtrait encore le nom de Joseph Epstein.
47:07« Il est bon que les jeunes générations mesurent que ce furent des femmes et des hommes
47:17qui étaient ainsi animés des convictions politiques diverses
47:23et philosophiques ou religieuses différentes
47:26mais qui tous étaient unis dans le même amour de la France et de la liberté
47:33qui ont donné là leur vie pour qu'eux-mêmes puissent vivre libres. »
47:45En luttant contre une justice qui tue ou déshumanise
47:48au nom de la République qu'il aimait tant,
47:51Robert Badinter a défendu la liberté des Français
47:55et tenté de les protéger des fracas de l'histoire.
48:00Nous avons photographié des objets qu'il gardait près de lui
48:03dans son bureau lorsqu'il était au travail
48:06et qui résument son parcours et son héritage.
48:11Un modèle de guillotine, d'après le peintre Durer.
48:18Le scellé de l'abolition de la peine de mort.
48:30Deux cuillères rouillées.
48:33Une qu'il a ramassée au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau,
48:37l'autre qui lui a été donnée au camp d'internement de Rivesalt.
48:41Deux pierres provenant du mur du ghetto de Varsovie.
48:50Un tableau que son père, Simon Badinter, avait acheté,
48:54représentant une assemblée de Juifs pieux.
48:57Et surtout, le décret de naturalisation de son père,
49:06qui avait été si fier de devenir Français.
49:08Je venais d'avoir 17 ans, quand la guerre c'est fini,
49:20j'étais un adulte.
49:22J'étais un adulte.
49:24L'absence, l'angoisse, jamais de nouvelles de votre père.
49:26Ma mère surmonte en tout, parce qu'elle avait un caractère d'acier,
49:31mais rongé par l'intérieur.
49:34L'angoisse dans la nuit, quand une voiture passait,
49:38on arrêtait, on était tous dans la cuisine,
49:41le temps qu'elle passe.
49:43Oui, j'étais devenu...
49:45J'étais un adulte.
49:47J'ai traversé à toute vitesse l'enfance et l'adolescence
49:50pour devenir un adulte.
49:53J'étais prêt pour la vie.
50:20Sous-titrage M.
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