- il y a 2 mois
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00:00Bon et alors j'ai le plaisir de recevoir pour la première fois ce matin une humoriste qui arrive à nous faire rire tout en parlant de santé mentale, de dépression ou de séjour en clinique psychiatrique.
00:10Franchement sur le papier c'était pas gagné. Bonjour Constance. Bonjour. Et merci d'être là ce matin. C'est vrai que c'était pas gagné, c'est même assez ambitieux franchement de se lancer dans un projet comme ça.
00:21Ah ben c'était pas sûr que ça fonctionne, c'est un coup de poker. Vous l'avez écrit, réécrit dix mille fois ce spectacle je crois.
00:28Oui en fait donc voilà moi j'ai fait un burn-out, j'ai fait de l'hôpital psychiatrique etc. J'ai été diagnostiqué bipolaire et j'ai pris des notes pendant un an et demi parce que c'est fou en fait ce qui vous arrive.
00:40Il y a des trucs terriblement drôles et des trucs terriblement difficiles et je me suis rendu compte qu'en fait la maladie mentale ça a touché énormément de gens dans la société.
00:51Parce qu'il y a toute toute forme de milieux sociaux, d'âge, de problèmes dans les HP et ces notes en fait quand je m'en suis sortie je me suis dit je peux en faire quelque chose.
01:06Et comme en fait professionnellement j'avais un peu tout planté parce que je suis tombée malade et que c'est un métier où on peut pas trop être malade longtemps.
01:14J'avais plus beaucoup de choses à espérer professionnellement et du coup je suis arrivé avec ce spectacle complètement...
01:22En vous disant perdu pour perdu quoi.
01:23Ah ben j'avais plus rien à perdre.
01:24Non c'est ça oui.
01:25Franchement, et puis je savais pas ce que j'allais faire comme travail.
01:28Donc je me suis dit bon bah on y va quand même.
01:31Puis j'ai eu cette grande chance de tomber sur Laurent Ruquier qui est mon producteur.
01:34Et depuis c'est extraordinaire ce qui se passe.
01:37Parce que c'est un vrai succès sur scène, les salles sont pleines.
01:41Et en fait c'est un spectacle qui est unique vraiment en son genre.
01:45Alors c'est un spectacle qui est très théâtral, c'est un seul en scène.
01:48On sent bien que vous n'avez pas comme seule ambition de nous faire rire.
01:51Constance, vous voulez aussi nous raconter votre histoire, nous faire un peu réfléchir sur toutes ces questions-là.
01:55Il y a un message aussi dans ce spectacle.
01:57Absolument, mais à la base le rire est fait pour faire réfléchir les gens et faire évoluer la société.
02:02C'est ce qu'on appelle la catharsis.
02:04Et là ça s'est présenté d'une manière idéale.
02:09Et puis je me suis écrit une partition.
02:12Parce qu'à la base je suis comédienne, j'ai fait un conservatoire d'art dramatique.
02:16Donc j'ai cette formation classique de comédienne.
02:19Et cette écriture d'humour que j'ai réussie au fur et à mesure des années.
02:23Parce que ça fait 20 ans que je suis là les amis.
02:25On ne demande qu'à en rire justement.
02:27Ça pique.
02:28Mais déjà avant on ne demande qu'à en rire.
02:30Parce que je faisais les cafés théâtre etc.
02:31Et du coup j'ai toute cette expérience qui s'est mise au service de cette nouvelle matière.
02:37Que j'ai pu écrire sur mesure.
02:38Et jusqu'à présent je faisais des spectacles avec des costumes.
02:41Et là je me suis dit, je prends un virage artistique.
02:43Je veux raconter une histoire qui est un mode un peu de narration champ contre champ en mode cinéma.
02:49Et emmener les gens juste avec le corps, le visage, les ambiances, les lumières, les musiques, la scénographie.
02:58Et plein de petites scènes comme ça qui se succèdent.
03:00Alors l'ironie de la vie fait que vous vous prénommez Constance.
03:03Même si vous avez vraiment des hauts et des bas.
03:06D'où le titre de ce spectacle Inconstance.
03:09Vous souffrez en fait, vous nous l'avez dit, de bipolarité.
03:12Sauf qu'avant d'avoir ce diagnostic et d'avoir le bon traitement, il a fallu quelques années.
03:16Et alors votre spectacle il commence par votre craquage un jour sur scène.
03:21Vous montez sur scène mais vous dites que vous n'arrivez plus à respirer.
03:25Qu'est-ce qui s'est passé ?
03:26En fait je fais une crise d'angoisse sur scène mais je ne savais pas que c'était une crise d'angoisse.
03:30Donc je croyais que je faisais une crise d'asthme.
03:31Bon je ne suis pas asthmatique, je me suis dit bon bah d'accord.
03:33Vous prenez la ventoline quand même c'est ça ?
03:35Pas du tout, je m'étais fait prescrire de la ventoline en fait par un médecin.
03:39Parce qu'en fait j'étais malade, je perdais ma voix, j'avais plein de signes avant-coureux.
03:43Et comme je bosse peu importe l'état dans lequel je suis, enfin je faisais ça avant,
03:48j'étais en force, en force, en force et je me dis non mais je ne suis pas faible, je ne suis pas faible, je vais y arriver.
03:53Sauf qu'en fait le corps et le mental quand on le pousse à bout, au bout d'un moment il disjoncte et on ne peut plus rien faire.
03:57Et je me suis retrouvée sur scène avec, j'avais plus rien à commander, j'étais aux commandes d'un truc qui ne réagissait plus du tout.
04:07Et je me suis effondrée comme ça.
04:09C'est terrible comme sensation, donc vous êtes sortie de scène.
04:12D'abord je suis tombée par terre et j'ai éclaté en sanglots et les gens pensaient que ça faisait partie du spectacle.
04:17Mais c'est magique, c'est magnifique parce qu'en fait il se passe quelque chose de, c'est de la fiction, de la réalité, tout se mélange.
04:25Et c'est un moment, je pense que les gens qui ont vu ça, c'est un peu un cadeau.
04:30Ils devaient se dire, elle est vraiment bonne comédienne.
04:33C'était en début de spectacle ?
04:35Non, c'était au milieu, tout le spectacle j'ai peiné, je n'arrivais pas à respirer, je forçais, j'avais des trous de mémoire.
04:40Et je me disais, allez, allez, allez.
04:41Et puis à un moment donné, tu...
04:42Lâchez prise, ouais.
04:44Et les gens ne m'ont pas demandé à être remboursés.
04:46C'était fou ça.
04:47J'ai dit aux gens, je suis désolée, je suis épuisée, je n'y arrive plus.
04:51Et j'ai dit, si ça tombe, je vais me suicider ce soir.
04:54Parce que ce métier est horrible, je n'y arrive plus, ils m'ont tué, ils m'ont vraiment tué.
04:59Et je dis, on peut vous rembourser si vous voulez.
05:01Et personne n'a demandé à être remboursé.
05:03Et les gens m'ont écrit des petits mots, mais d'une gentillesse infinie.
05:07C'est qui ils m'ont tué, vous dites ils m'ont tué ?
05:09Parce qu'en fait, c'est un métier assez difficile, donc...
05:12Mais vous pensiez à qui quand vous avez dit ça ?
05:14Le monde du spectacle, les producteurs, les conditions dans lesquelles on essaie de vous faire travailler,
05:19la télé, la radio, il y a un truc qu'on essaie de vous presser au maximum.
05:23Et comme moi j'étais un bon petit cheval, je voulais tout faire, je voulais que ce soit parfait en fait.
05:28Donc on ne dort plus, on fait les trucs, on n'a plus de vie, ça devient obsédant.
05:32C'est le principe du burn-out qu'on est en train de se mettre en route.
05:34Et comme j'étais malade, en fait je ne le savais pas, je me suis inventé beaucoup d'ennemis.
05:40C'est-à-dire que quand ça n'allait pas, j'étais aussi persuadée que c'était des gens qui me mettaient dans cette position.
05:46Mais moi je me mettais avec ces gens et j'acceptais ça inconsciemment.
05:51Donc il y a eu tout un travail à faire à côté pour pouvoir continuer ce métier d'une manière positive et ne plus se laisser abîmer.
05:58C'est ce que vous faites aujourd'hui, mais après ce premier craquage, vous allez remonter sur scène et mettre un peu la poussière sous le tapis pendant quelques années
06:06jusqu'à un craquage plus important, un burn-out plus important qui va vous emmener en hôpital psychiatrique.
06:12On va en parler dans un instant sur Europe 1, tout de suite.
06:15Europe 1
06:16Et vous écoutez Culture Média sur Europe 1, 10h-11h30 avec Thomas Hyde.
06:21Et ce matin Thomas, vous recevez l'humoriste Constance pour son dernier spectacle Inconstance, en tournée dans toute la France et au Théâtre des Maturins.
06:27Alors le Théâtre des Maturins, c'est du 25 octobre au 7 décembre à Paris, mais avant il y aura Nantes par exemple, le 3 octobre.
06:33C'est très bientôt, c'est la semaine prochaine Nantes.
06:35Pour un spectacle vraiment unique en son genre, dans lequel vous confiez avec beaucoup de courage, je dois le dire, Constance,
06:42parce qu'à la fois c'est très drôle, mais en même temps, évidemment qu'il y a beaucoup de souffrance derrière tout ça,
06:47notamment quand vous racontez qu'après 6 ans, à essayer de mettre un peu la poussière sous le tapis,
06:52vous faites un nouveau burn-out qui vous conduit en hôpital psychiatrique.
06:55Et beaucoup de gens auraient pu être tentés de le cacher ça par exemple, ce que font beaucoup de gens d'ailleurs.
07:01Vous, vous avez le courage de le dire, d'en parler, d'en rire aussi.
07:06Vous y êtes resté un an et demi en tout, c'est ça ?
07:08En fait j'ai fait des allers-retours entre les cliniques psychiatriques, l'hôpital public et chez mes parents,
07:16parce qu'au final mon couple a éclaté, on avait acheté une maison, on a dû vendre très vite,
07:23et puis à un moment donné financièrement ça devient très compliqué.
07:25Et du coup c'est mes parents qui m'ont récupérée, puis j'étais plus capable de vivre toute seule.
07:31Donc j'ai eu cette grande chance d'avoir de la famille qui m'a aidée,
07:34parce qu'il y a plein de gens qui n'ont pas de famille, et c'est encore plus difficile de s'en sortir.
07:38Et alors les hôpitaux psychiatriques sont des endroits avec des patients en pathologie complètement différentes,
07:43qui se retrouvent tous réunis dans ce lieu, et c'est pour moi le meilleur moment du spectacle, Constance,
07:48parce que là vous nous livrez une collection de personnages et de scènes improbables,
07:54comme ce cours de sophrologie où vous vous inspirez par les aisselles et expirez par l'anus,
08:00ou ce cours d'aquagym où tout le monde dégaze.
08:03Moi j'avoue je suis très client des blagues de paix.
08:07Qu'est-ce qu'il y a de mieux au monde ?
08:09Franchement, ça nous fait rire depuis qu'on a deux ans, ça nous fait encore marrer.
08:14Déjà froute est le mot le plus drôle de la langue française.
08:16Vous avez vraiment vécu ça, ou là c'est la partie de comédie qui a pris le pas ?
08:20Mais j'ai pas eu à exagérer beaucoup de choses en fait.
08:23C'est que vous vous retrouvez dans un espèce de monde, dans le monde,
08:27avec de la névrose, du décalage, des médicaments,
08:31donc vous êtes dans des états, parce qu'ils testent, on n'est pas encore nickel sur les dosages,
08:37les trucs, les molécules, le cerveau.
08:38Donc des fois vous avez le bras qui bouge tout seul, vous clignotez, vous pleurez, vous saignez du nez,
08:42vous pétez, c'est un bordel.
08:45Et puis à chaque fois ça met plusieurs semaines avant de se mettre en route.
08:49Mais on pense aux soignants quand même, qui sont dans cet univers-là aussi.
08:53Et qui ne sont pas toujours dans un bon état non plus.
08:57Heureusement qu'il y a la blouse, parce que des fois on ne sait plus.
09:00C'est un collègue, c'est pas un collègue.
09:02Il y a aussi cette liste de bouquins déprimants que vous dégotez à la bibliothèque de l'hôpital psy.
09:07Vous faites toute une liste de bouquins.
09:09Les Misérables, le journal d'Anne Franck, qu'on achète bien les chevaux, la comptabilité pour les nuls.
09:16Oui c'est éclectique.
09:16C'est vrai, ça rebooste tout de suite.
09:19Mais vraiment il y a des espèces de petites bibliothèques comme ça dans les cliniques,
09:23et ils ne feront pas du tout gaffe aux livres qui mettent.
09:26Oui, on va faire attention quand même.
09:27Il y a quand même un truc.
09:29De toute façon en même temps on s'en fout parce qu'on ne se souvient pas de ce qu'on a lu.
09:33Oui c'est l'avantage.
09:33Elle a énormément lu, mais je ne sais pas quoi.
09:37Ce qui est terrible dans ce spectacle c'est qu'il y a des moments où on hésite vraiment,
09:40entre rire et pleurer.
09:42On ne sait plus trop parce qu'à un moment où vous abordez Constance,
09:45là ça devient vraiment dramatique, vos tentatives de suicide.
09:49La première c'est avec des médicaments,
09:51et vous dites dans un moment qui est très solennel,
09:53je commence à perdre connaissance,
09:55je prends le temps d'ouvrir la porte aux pompiers,
09:57parce que je viens de la faire changer.
09:59Attends une porte en PVC W vitrage anti-infraction à 2000 boules,
10:03je veux bien crever mais il ne faut pas déconner.
10:06Vous êtes toujours sur le fil dans ce spectacle.
10:08C'est parce que c'est ce qui se passe,
10:11ce n'est pas juste dramatique ou juste drôle,
10:14concrètement je suis en train de vraiment vouloir mourir,
10:21mais j'ai ce truc de putain je viens de changer la porte.
10:24Vous y pensez vraiment ?
10:25Mais parce que les huisseries c'est une fortune.
10:27Rien n'était droit dans cette maison,
10:32donc le mec il s'est fait chier pour incliner la fenêtre.
10:35C'était du sur-mesure en plus.
10:37C'était compliqué.
10:39Et en fait ce qui est fou,
10:40c'est une fois j'ai un monsieur qui m'a écrit,
10:42pour me raconter,
10:43alors on me raconte les TS.
10:47Et oui TS c'est le jargon.
10:48Et en fait il me dit,
10:53mais moi j'ai fait une TS le jour de Noël,
10:55et donc les pompiers viennent me chercher,
10:56et il dit je suis derrière en train de crever,
10:58et j'entends les pompiers qui sont en train de parler du menu de Noël.
11:00Et l'autre il dit,
11:01ouais bûche,
11:02oh bûche on a marre,
11:04on va plutôt faire une tarte,
11:06une tarte pour Noël ?
11:08Je suis en train de crever.
11:11Et d'ailleurs vous dites,
11:15quand on commence à appeler les pompiers par leur prénom,
11:17c'est qu'on est allé au bout du comique de répétition,
11:20parce que vous allez en faire plusieurs,
11:21des tentatives de suicide.
11:23Et je sais que c'est une question qui a valu quelques déconvenus récemment à Léa Salamé,
11:27mais j'aimerais bien savoir comment ça va, Constance, aujourd'hui.
11:31Étant donné ce que j'ai traversé,
11:32on peut vraiment me demander comment ça va.
11:34Oui je crois, on peut s'autoriser,
11:36et ça va beaucoup mieux,
11:37c'est ce que vous racontez à la fin du spectacle.
11:38C'est-à-dire que ça va très bien maintenant,
11:39et ça va mieux qu'avant,
11:41et ça va mieux que depuis il y a très longtemps.
11:43Parce que je ne savais pas que la vie,
11:45ça pouvait être quelque chose de joli,
11:46de positif,
11:48sans être en force contre soi-même.
11:51Ce n'est pas une guerre en fait.
11:54Il y a des jours plus difficiles qu'aux autres,
11:55mais comme pour tout le monde.
11:57Donc maintenant, monter sur scène, c'est un plaisir.
11:59Vous y trouvez du plaisir.
12:00Avant je montais sur un ring,
12:01et maintenant je viens raconter une histoire
12:04à des gens qui viennent m'écouter,
12:06et c'est un cadeau magnifique.
12:07Et vous jouez à Guichet fermé,
12:09Constance à la Comédie de Paris,
12:10Théâtre de l'Atelier,
12:11vous reprenez Inconstance au Théâtre des Maturins
12:13à partir du 25 octobre,
12:15et vous partez ensuite en tournée.
12:17Ah non, vous partez dès demain d'ailleurs.
12:19Demain, il y a une date à Ar.
12:21Arès, non ?
12:21Arès, on dit Ar, Arès.
12:23Ar sans ré, peut-être, non ?
12:24Non, c'est Arès, non ?
12:26A-R-E-S.
12:28On va bosser nos infos,
12:29et on va retrouver Héloïse Bois dans un instant
12:32pour parler encore de santé mentale.
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