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  • il y a 3 mois
Le cinéaste Nicolas Philibert, parrain du festival "Cinéma à la folie" et auteur de plusieurs films documentaires en psychiatrie, regrette que, dans ce champ-là, "l'écoute" soit aujourd'hui "un peu écrasée".

Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00Dépression, bipolarité, schizophrénie, tendance suicidaire, dérèglement alimentaire,
00:05les maladies mentales et les troubles psychiques affectent une personne sur cinq en France.
00:09Mais des solutions existent, c'est le thème de notre journée spéciale sur France Inter,
00:13la santé mentale qui a droit aussi désormais à son festival de cinéma,
00:17Cinéma à la folie, un événement créé justement pour lever les tabous et les clichés encore trop nombreux.
00:23Il s'est ouvert hier à Paris et le parrain de cette première édition est l'invité du 5-7.
00:27Bonjour Nicolas Philibert.
00:28Bonjour.
00:28Vous êtes cinéaste, vous avez réalisé quatre films documentaires sur le monde de la psychiatrie.
00:33Le dernier est d'ailleurs programmé dans ce festival, La machine à écrire et autres sources de tracas.
00:38Pourquoi cet univers vous intéresse à ce point ?
00:42Parce que la psychiatrie, je parle plus volontiers de psychiatrie que de santé mentale.
00:50Parce que la santé mentale, pour moi, c'est un immense fourre-tout.
00:56C'est très vaste. Et vous, vous avez tourné d'ailleurs dans des institutions qui accueillent des institutions psychiatriques.
01:01J'ai fait quatre films en psychiatrie et non pas sur la psychiatrie, en psychiatrie,
01:06à la rencontre des personnes qu'on y rencontre, qu'on y trouve, patients, soignants, etc.
01:11C'est quelque chose qui vous donne à...
01:17Vous savez, il y a cette notion de normalité, qui est normale, qui n'est pas, etc.
01:23Ce sont des choses...
01:25C'est des notions, au fond, assez floues, assez poreuses.
01:32On rencontre en psychiatrie des personnes qui vous donnent à réfléchir sur nous.
01:39La psychiatrie, c'est une loupe.
01:41Tout y est un peu exacerbé.
01:43C'est une loupe sur le monde.
01:44Et c'est un univers qui donne à penser, qui bouscule, qui dérange,
01:51mais pas seulement, qui vous amène à réfléchir sur le monde, sur nous, sur la société dans laquelle on vit.
01:57C'est une loupe sur la société.
01:59À essayer d'effacer nos préjugés aussi, ça vous a permis...
02:02Vous en aviez au tout début ? Parce que le premier film, c'était il y a 30 ans déjà.
02:05Ce premier film, La moindre des choses, à la clinique de Laborde,
02:08c'est un film dont je dis que je l'ai fait un peu à reculons.
02:11J'avais peur d'aller là.
02:13J'avais peur, au fond, d'instrumentaliser les personnes qui sont là, qui sont en souffrance.
02:19Qu'est-ce que ça veut dire de venir avec une caméra dans un lieu comme celui-là ?
02:24Et j'ai fini par aller voir, un peu poussé par des amis.
02:28Et ce sont en particulier les patients qui m'ont encouragé à faire un film parmi eux.
02:34« Ah, vous avez peur de nous ? Mais écoutez, on va vous aider à faire ce film.
02:40On n'est pas fous. On est peut-être fous, mais on n'est pas idiots. »
02:44C'était un peu ce qu'ils me racontaient.
02:48En somme, ces personnes-là m'ont encouragé à me confronter à ma peur,
02:52à mes doutes, à mes craintes, à mes préjugés, aux clichés.
02:55Et en effet, beaucoup de clichés circulent sur les gens qui ont des troubles psychiques
03:01parce que leur singularité, je dirais, leur étrangeté,
03:06quelquefois fait peur aux gens, dérange.
03:10Et jusqu'où aller alors dans ce qu'on veut montrer ou raconter ?
03:12Parce que j'ai lu une de vos interviews où vous disiez que la souffrance psychique,
03:16ce n'est pas du spectacle.
03:18Mais non, ce n'est pas du spectacle.
03:20Donc il ne faut pas en faire de la fiction ?
03:21Si on peut faire de la fiction, bien sûr, d'ailleurs, tout film a une dimension de fiction.
03:26Un film, c'est toujours, même un documentaire a un pied dans la fiction.
03:31C'est toujours le regard de quelqu'un.
03:33Il y a une part subjective.
03:34C'est le regard subjectif du cinéaste.
03:37Donc un cinéaste qui assisterait aux mêmes choses ferait un film différent, un autre.
03:42Vous vous imposez des limites ?
03:48Il faut être, mais comme avec toute personne, mais peut-être là en particulier,
03:54il faut être un peu vigilant, il faut être délicat, il faut être nuancé.
03:59On a vite fait, vous savez, d'enfermer les gens derrière des étiquettes.
04:04Il s'agit, quand on fait un film, comme je l'ai fait en psychiatrie,
04:09d'être discret, attentif, à l'écoute.
04:14À l'écoute, c'est tellement important.
04:16J'ai vu que le slogan de votre journée, c'est « des solutions existent ».
04:23Santé mentale, des solutions.
04:25Alors il y a peut-être des solutions, mais en tout cas, il n'y a pas de solution miracle.
04:29Et je pense qu'une des choses essentielles, qui est un peu écrasée aujourd'hui, c'est l'écoute.
04:35Je le dis ici, dans cet endroit qui incarne l'écoute.
04:39La parole, l'écoute, la circulation de la parole, la radio, la maison de la radio.
04:44Mais c'est vrai que cette chose-là, dans le champ de la psychiatrie aujourd'hui, est tout à fait écrasée.
04:52La psychiatrie est abandonnée, sinistrée, manque d'attractivité, manque de moyens, manque de moyens humains.
05:03Quand on ne peut plus exercer dignement son travail, être à l'écoute des patients, prendre du temps.
05:11Aujourd'hui, le temps est tellement compressé.
05:13Quand on ne peut plus prendre du temps, alors c'est toute la dimension digne, humaine, de la psychiatrie qui est écrasée.
05:22Et c'est ce qui transparaît dans vos documentaires et notamment le dernier, La machine à écrire et autres sources de tracas qui est donc présenté dans ce tout nouveau festival.
05:30Vous en êtes le parrain, cinéma à la folie, festival itinérant.
05:34Il y a 12 films, documentaires et fictions, qui seront projetés les week-ends du mois d'octobre dans 8 villes.
05:40Boulogne-sur-Mer, Clermont-Ferrand, La Rochelle, Orléans, Nancy, Nantes, Nîmes et Pau.
05:44Tout est gratuit, les projections. Il y a aussi des débats qui suivent ces projections. Merci beaucoup.
05:50Il y a une marraine aussi, Isabelle Carré.
05:51Isabelle Carré, qui est la marraine également. Merci beaucoup, Nicolas Filibert.
05:54Je vous garde encore 30 secondes, juste pour un souvenir que vous avez de Claudia Cardinal.
06:00Immense actrice, 8,5, Le Guépard, Il était une fois dans l'Ouest.
06:06Immense actrice que j'ai eu l'occasion, non pas de rencontrer, mais de croiser à la cinémathèque française.
06:16Elle allait voir des films à la cinémathèque ?
06:17Parce qu'elle fréquentait la cinémathèque, bien sûr, oui.
06:19Et quand vous vous asseyez à la cinémathèque et tout d'un coup, trois rangs à côté, vous voyez cette grande actrice, c'est pas rien.
06:27J'imagine bien. Merci beaucoup d'être venu ce matin dans le studio du 5-7, Nicolas Filibert.
06:32Merci.
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