- il y a 7 semaines
De tout temps, l’être humain a questionné son identité pour essayer de mieux se connaître. L’évolution de la société, accélérée par les nouvelles technologies, rend la quête de soi plus périlleuse si elle n’est pas maîtrisée. Allons-nous devenir virtuels ? Quels sont les effets psychiques de l’IA et des contenus numériques ? Quelles sont les conséquences de la crise écologique ? Quels sont les troubles liés au questionnement autour du genre ? Quel est l’impact des guerres et de la radicalisation du débat politique ? Dans son essai "Je ne sais plus qui je suis", le pédopsychiatre Thierry Delcourt part de ces questions d’actualité pour dévoiler les mécanismes qui mettent notre identité en souffrance. Il s’appuie pour cela sur des études cliniques d’adolescents et jeunes adultes qu’il accompagne quotidiennement. La question n’est pas "c’était mieux avant", mais "qu’est-ce qu’on fait avec la nouvelle donne sociale, politique, économique ?".
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00:00– Bonjour à tous et bienvenue dans notre Zoom en compagnie de Thierry Delcourt.
00:10Bonjour, monsieur. – Bonjour.
00:12– Thierry Delcourt est pédopsychiatre, l'auteur de plusieurs ouvrages de psychiatrie clinique.
00:17Il publie cet ouvrage, « Je ne sais plus qui je suis », publié chez Max Milot, Thierry Delcourt.
00:24Alors vous, vous entendez quotidiennement, dites-vous, dans votre ouvrage, vos patients vous dire « J'ai peur, je ne ressens plus rien ».
00:32C'est comme si ce n'était pas moi.
00:34Vous expliquez cela par une fragilisation de leur identité, un mal-être qui s'accentue à vos yeux depuis le début du XXIe siècle.
00:44Alors pourquoi ce phénomène psychiatrique est-il occulté dans les médias ?
00:49Moi, je n'entends pas ce problème être évoqué dans nos médias.
00:55– Alors, ce qui est évoqué maintenant, c'est quand même une souffrance considérable des adolescents.
01:03Alors, bien sûr, on a toujours tendance à majorer les choses, à dramatiser,
01:07c'est-à-dire à dire finalement que tous les autres des leçons vont mal.
01:10Heureusement, non.
01:12Il y a un certain nombre d'adolescents qui vont bien, mais ceux qui vont mal vont de plus en plus mal.
01:17– Et il y en a de plus en plus, puisque vous dites que les psychiatres sont submergés par les demandes de soins.
01:22– Exactement, exactement.
01:23Et submergés parce qu'effectivement, cette fragilisation dont je parle,
01:27il y a différents degrés dans la fragilisation.
01:29Il y a une hésitation, un doute qui fait partie de l'adolescence et même de l'adulte jeune,
01:34c'est-à-dire qui je suis ou vais-je ou…
01:38– Dans quelle étagère ?
01:39– Dans quelle étagère, comme vous dites.
01:41Donc ça, c'est quelque chose qui a toujours existé,
01:43enfin toujours en tout cas qu'on a connu, nous, nos générations.
01:46Mais là, c'est un degré de plus, c'est-à-dire le je ne sais plus qui je suis et je ne ressens rien,
01:51c'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a une perte d'identité,
01:55il y a une perte de consistance de la personne qui forcément va être en désarroi par rapport à ça.
02:02Et cette perte de consistance fait que finalement,
02:05c'est comme si on était à la merci du moindre coup de vent, vous voyez,
02:08et de la moindre situation qui va déclencher des réactions hypersensibles,
02:14qui va déclencher des réactions de souffrance ou des réactions de violence,
02:19puisque vous savez qu'on en parle beaucoup en ce moment, ces réactions de violence,
02:22ou des dérives qui sont une façon de dire, voilà, j'ai trouvé qui je vais être,
02:28je ne suis pas homme, je suis fille, je suis né dans le mauvais corps,
02:33donc voilà, et à un moment donné, trouver des solutions qui sont de très mauvaises solutions,
02:38parce qu'en fait, ce sont des solutions prises à l'emporte-pièce
02:41dans un espèce de personnage qu'on construit.
02:45Et ce personnage qui est construit comme ça,
02:48s'éloigne de la réalité profonde de l'être,
02:51et finalement de ce qu'il peut être à l'intérieur.
02:53Et tout le chemin et tout le travail que nous, nous avons à faire en tant que pédopsychiatre,
02:58c'est finalement de…
02:59– Reconnecter au réel.
03:00– Reconnecter au réel,
03:01et reconnecter à quelque chose de soi-même,
03:05de façon à pouvoir construire ou restaurer.
03:09Parce que parfois, c'est à la suite d'une situation, d'un traumatisme,
03:13d'un harcèlement, de différentes situations,
03:16que l'enfant, l'adolescent, ou même l'adulte jeune finalement,
03:20va être en désarroi et va se décaler.
03:23Et va d'ailleurs, par rapport à ce que vous disiez tout à l'heure,
03:26je ne ressens plus rien, va se dépersonnaliser.
03:30– On va y venir à ce phénomène de dépersonnalisation.
03:34Les principes fondateurs de l'identité, quels sont-ils ?
03:38– Alors le premier principe fondateur, c'est l'image du corps et l'expérience.
03:46L'image du corps, c'est effectivement, pour donner un exemple,
03:49c'est tiens regarde, on se regarde ensemble dans la glace,
03:52regarde, oh comme tu ressembles à ton père, voilà, ou à ta mère, voilà.
03:56À un moment donné, il y a quelque chose qui se constitue déjà dans le regard
03:59et une forme d'appropriation de son corps.
04:03Ça, c'est la première étape.
04:05La deuxième étape, et c'est là où il y a un gros problème en ce moment,
04:08c'est l'expérience.
04:09Vous savez bien qu'avant, les enfants accumulaient des cubes,
04:14faisaient des cas plats, faisaient des légos, faisaient des là.
04:16En ce moment, de plus en plus, les enfants sont sur des écrans,
04:20dans une position passive.
04:22Cette position passive empêche justement cette expérience
04:25qu'on appelle, nous, psychomotrice, et même sensorimotrice,
04:29qui fait qu'il va y avoir une traduction entre ce qu'on ressent,
04:33ces éprouvés, ces émois,
04:35et la façon dont on va agir sur le monde,
04:39agir sur les objets, agir sur les personnes,
04:42et donc avoir une forme d'appropriation de soi-même.
04:46Voilà, c'est vraiment les deux éléments de base très, très importants.
04:50Ensuite, il y en a d'autres dans l'amorce de socialisation,
04:53c'est-à-dire ce troisième élément,
04:56qui est de passer d'une position d'être le centre
04:58en tant qu'objet d'amour des parents,
05:01si c'est le cas, et heureusement, c'est souvent le cas,
05:04à devenir un parmi les autres,
05:07et à pouvoir s'identifier comme un parmi les autres,
05:09et ne pas être à la merci de la moindre parole critique, etc.
05:14Ce phénomène de fragilisation identitaire,
05:18qu'est-ce qui l'accélère dans notre société ?
05:21Alors, la première chose,
05:23c'est en ce moment l'emprise des nouvelles technologies,
05:28et surtout la façon dont on les utilise.
05:31Mon propos n'est pas de dire, voilà, c'est mal, etc.
05:35C'est la consommation et l'utilisation.
05:37D'ailleurs, on en parle beaucoup en ce moment,
05:39avec la commission d'enquête parlementaire,
05:41avec un certain nombre d'éléments comme ça,
05:43qui fait que, finalement,
05:45si un enfant très tôt est placé devant les écrans,
05:49il va subir,
05:51et il va ne pas exister, si vous voulez.
05:54Donc ça, c'est vraiment cette fragilisation
05:57dans la construction de base.
05:58Et quand la construction de base est atteinte,
06:01ce qu'on a perdu à un moment donné,
06:02on ne le rattrape pas.
06:04Pourquoi en ce moment,
06:04il y a une épidémie de TDAH,
06:08de troubles de l'attention avec hyperactivité ?
06:11C'est vraiment directement lié à cela.
06:14– Aux écrans.
06:15– Aux écrans.
06:16– À l'addiction, à l'internet.
06:18– Voilà, au contexte.
06:19C'est-à-dire, c'est pas que ça, bien sûr,
06:22mais en tout cas, ce qui est important,
06:23c'est qu'à un moment donné,
06:25l'attention, c'est quelque chose qui se construit.
06:27C'est, il faut avoir un minimum de consistance
06:30pour être attentif à quelque chose.
06:32Et c'est quelque chose qui se construit
06:34à la fois dans cette dimension d'action,
06:37mais aussi dans les limites qui sont posées par les parents.
06:41Parce qu'arrive là la question de la relation éducative
06:44et des limites que les parents posent,
06:47notamment, on parle souvent de cette capacité
06:51d'accéder à la frustration,
06:53c'est-à-dire d'accéder à quelque chose
06:55qui va dire non, je n'aurai pas immédiatement ce que je veux,
06:58je tends la main, non, je ne l'aurai pas.
07:00Il va falloir faire un chemin
07:01qui va être un chemin d'expression,
07:05de quête de son propre désir
07:07et de compréhension que le monde n'est pas à sa merci.
07:11Et donc, c'est quelque chose
07:13qui est en ce moment très problématique,
07:15à la fois par rapport à cette question
07:17de l'emprise des écrans
07:18et à la fois parce qu'il y a vraiment
07:21un gros problème éducatif en ce moment.
07:24Alors, je ne généralise pas, bien sûr.
07:26Il y a des familles qui fonctionnent très, très bien
07:28à ce niveau-là.
07:29Mais comme si, finalement,
07:30faire preuve d'autorité face à son enfant
07:33devenait quelque chose de coupable
07:36pour les parents.
07:37Et que, finalement, ils n'osaient pas,
07:39à un moment donné, poser une limite.
07:41En plus, poser une limite...
07:42– La fameuse éducation positive.
07:44– Voilà, voilà.
07:46Les excès de l'éducation positive.
07:48Autant une éducation bienveillante est importante
07:51parce que, voilà, c'est valoriser l'enfant
07:53mais en même temps...
07:54– Le cadrer.
07:55– Voilà, mais le cadrer, c'est-à-dire
07:56non, c'est non, voilà, c'est tout.
07:59Et que l'enfant, à partir de là,
08:01accède à quelque chose, grandisse.
08:03C'est vraiment ça, grandir.
08:05Et donc, avoir une consistance
08:07et s'approprier son propre désir, si vous voulez.
08:10– Au-delà de cette suractivité,
08:12de cette hyperactivité que vous évoquiez,
08:14comment elle se matérialise,
08:16la fragilisation de l'identité chez les individus ?
08:20– Alors, elle se manifeste à plusieurs niveaux.
08:22Déjà, ce qui rend...
08:25Moi, je dis comme ça, ce qui rend fou,
08:28c'est un message contradictoire.
08:31C'est-à-dire, tu es libre,
08:32tu veux faire ce que tu veux
08:33et en même temps, il y a toute une série de contraintes.
08:36Voilà.
08:37Et ce qui se passe, par exemple,
08:38quand un enfant arrive à l'école
08:40où il a l'illusion que, finalement,
08:42il va pouvoir être dans un champ
08:44et dans une jungle où il pourrait faire ce qu'il veut,
08:46ben non, il y a des limites,
08:47il y a des choses qui sont posées.
08:49– Tu n'es pas un petit dieu.
08:50– Voilà.
08:51Tu n'es pas un petit dieu,
08:52tu n'es pas un petit roi,
08:53et voilà, des limites sont posées.
08:55Et donc, dans ce message contradictoire,
08:57à un moment donné,
08:58la première réaction des enfants,
09:00c'est une réaction de violence.
09:02– La frustration.
09:03– Violence par rapport...
09:04Voilà, le monde ne se plie pas à moi,
09:06donc, voilà, je vais essayer de taper sur l'autre, etc.
09:10Enfin, tout ce qu'on connaît.
09:11La deuxième réaction, c'est une forme de repli.
09:16C'est-à-dire, ah, voilà,
09:17il y a quelque chose que je ne maîtrise pas,
09:21et donc, il y a une petite réaction,
09:23on pourrait dire dépressive, comme ça,
09:25sans dire que c'est une maladie,
09:27et qui va amener à ça.
09:28Et puis, surtout,
09:29par rapport à ce qu'on a un petit peu évoqué tout à l'heure,
09:33cette question de se sentir une personne.
09:36La dépersonnalisation, c'est quoi ?
09:38C'est, à un moment donné,
09:39se diluer ce qui se passe
09:41quand on est sous emprise de quelque chose,
09:44quelle que soit l'emprise dans laquelle on est.
09:46L'emprise de quelqu'un,
09:47l'emprise des écrans,
09:49l'emprise d'une idéologie, etc.,
09:51qui va, à un moment donné,
09:52faire qu'on est dépossédé, finalement,
09:56de son libre-arbitre,
09:57de sa capacité de penser,
09:59de sa capacité critique,
10:00et donc, de son existence, quoi.
10:02– Une emprise dont on ne peut
10:04ne pas avoir conscience.
10:06– Et justement, on n'en a pas conscience.
10:08Quand on est en pleine formation,
10:10et qu'on reçoit des messages,
10:13voilà, il faut pouvoir décrypter ces messages.
10:17Donc, imaginez, si, effectivement,
10:18il y a des parents qui sont là,
10:20qui aident à décrypter,
10:22s'il y a des enseignants qui, à un moment donné,
10:24aident à décrypter,
10:24voilà, l'enfant va progressivement
10:28avoir sa capacité critique.
10:29Par contre, s'il est livré à lui-même,
10:32d'une façon ou d'une autre,
10:33ou sur des écrans,
10:34ou si les parents eux-mêmes
10:36ne sont pas disponibles,
10:38il y a quand même quelque chose
10:39qui se passe à ce niveau-là,
10:40qui fait que, non seulement,
10:42il y a ce problème d'autorité
10:43qu'on évoquait tout à l'heure,
10:44mais il y a aussi le fait
10:45que les parents travaillant,
10:47ou étant eux-mêmes occupés
10:48sur leurs écrans,
10:49ou à leurs activités personnelles,
10:51ont peu, finalement,
10:52de disponibilité pour leurs enfants.
10:55Et donc, à un moment donné,
10:56ils sont en prise directe
10:58avec des messages
10:59qu'ils n'arrivent pas à décrypter.
11:00Et c'est là que l'emprise commence.
11:02– Alors, à l'origine de la dépersonnalisation
11:05que vous évoquez dans votre ouvrage,
11:07il y a, dites-vous,
11:08un processus de dissociation.
11:11Vous l'évoquiez un petit peu à l'instant.
11:13Qu'est-ce que ça veut dire,
11:14la dissociation de l'identité ?
11:16Comment ça arrive ?
11:18– Alors, ça, c'est peut-être
11:20l'élément le plus important
11:22de ce qui se passe en ce moment.
11:23Moi, que je nomme dysmaturité,
11:26c'est-à-dire un décalage de maturité.
11:28C'est-à-dire qu'on est face à un enfant
11:30ou un adolescent
11:31qui est comme un petit adulte,
11:34comme ça, d'apparence.
11:36Et au fond,
11:38toutes les émotions,
11:40tous les éléments intérieurs
11:41sont très fragiles.
11:43Et donc, il va y avoir
11:44une espèce de personnage,
11:46nous, ce qu'on appelle un faux self,
11:48c'est-à-dire un faux moi,
11:49un personnage qui donne le change.
11:53– Un avatar.
11:54– Voilà, que si vous voulez,
11:55une forme d'avatar
11:56et qui donne l'impression, finalement,
11:58d'autonomie, de responsabilité, etc.
12:02Et quand on gratte un peu,
12:03eh bien, il n'y a pas ça.
12:05Il n'y a pas ça parce qu'il n'y a pas eu
12:06ce chemin qui a authentiquement
12:09créé cette consistance-là.
12:12Et donc, ce décalage
12:13va amener, à un moment donné,
12:15à vivre des expériences
12:17qu'on n'est pas prêt à vivre.
12:19Sur le plan de la sexualité,
12:20sur le plan des engagements,
12:22sur le plan…
12:22– Parce qu'on se croit prêt, quoi.
12:23– On se croit prêt
12:24et on ne l'est pas.
12:26Et souvent, même,
12:27les parents poussent à ça.
12:30Combien je vois d'enfants
12:31qui, à l'âge de 14, 15 ans,
12:34ont leur petit ami
12:35qui vient dormir à la maison.
12:36Les parents en disant
12:37non, il ne faut rien de mal.
12:39Ils sont un peu dupes.
12:40Ils ont envie d'être dupes.
12:42C'est très important,
12:44cette dimension de…
12:45– Oui, on ne va pas être conservateur, quand même.
12:46– Oui, mais quand même.
12:48Mais quand même.
12:49C'est-à-dire que…
12:49Moi, j'ai entendu…
12:50Je vous donne un exemple.
12:51J'en ai des milliers d'exemples.
12:53Mais d'une jeune fille
12:54qui s'appelait Elsa.
12:55Voilà.
12:56Elsa, c'est un nom, bien sûr,
12:57anonymisé.
12:58Et qui, effectivement,
13:00dormait avec son petit copain.
13:01Mais les parents disaient
13:02mais il ne se passe rien entre eux.
13:03Et elle, toutes les nuits,
13:05subissait quelque chose
13:06qu'elle ne voulait pas.
13:07Mais elle n'osait pas le dire.
13:08Parce qu'il fallait faire
13:09la grande personne, si vous voulez.
13:10– Mais cette dissociation…
13:13Moi, j'ai déjà entendu
13:15des témoignages
13:16de starlettes américaines
13:18me dire
13:19ou se voir en photo
13:21en disant
13:21« Ah, mais ça, ce n'est pas moi.
13:23C'est mon avatar. »
13:24– Hum-hum.
13:25– Est-ce que vous avez vu
13:26ces témoignages
13:27de chanteurs américains
13:29qui prétendent avoir
13:30une double personnalité ?
13:33Ça relève parfois,
13:33on a l'impression,
13:34d'avoir affaire
13:35à des phénomènes
13:36de possession, quasiment.
13:37– Exactement.
13:38Et maintenant,
13:39c'est plus seulement
13:40des doubles personnalités,
13:41mais c'est tout un cumul
13:43comme ça.
13:44Et on voit, effectivement,
13:46on parle beaucoup
13:47en ce moment des haltères,
13:48c'est-à-dire,
13:49ce n'est pas simplement
13:50l'ami imaginaire
13:51qu'un enfant a
13:52qui dialogue comme ça,
13:54comme avec un doudou.
13:56C'est, effectivement,
13:57une façon d'extérioriser
13:59ses propres contradictions
14:00et de, finalement,
14:02se dissocier comme ça
14:04en plusieurs…
14:05C'est soi,
14:06mais disséminer,
14:08éclater, s'il voulait.
14:09Et c'est ça
14:09qui pose problème.
14:10Et c'est là
14:10où on franchit
14:11la dimension du trouble
14:14vers la pathologie.
14:16On parle beaucoup
14:16en ce moment
14:17de borderline,
14:19d'état limite.
14:20Et ça dit bien,
14:21c'est vraiment
14:22ce qui se passe
14:22au niveau des pathologies.
14:23C'est une nouvelle expression
14:24qui est vraiment délicate,
14:27difficile,
14:27avec des conséquences importantes
14:29de tentatives de suicide,
14:30de scarification,
14:32d'anorexie, etc.
14:34Et dans ces situations,
14:36voilà,
14:36la personne, finalement,
14:38perd complètement pied
14:40par rapport à elle-même.
14:42– Cette violence sur le corps,
14:44est-ce que le tatouage,
14:46cette mode du tatouage
14:47peut être assimilée
14:48à une forme de violence
14:49contre son corps ?
14:51– Alors, pour moi, non.
14:52Je ne suis pas fan du tatouage.
14:54– La scarification.
14:55– La scarification.
14:56– Le tatouage est une forme
14:56de scarification.
14:57– C'est une forme de scarification.
14:58– C'est quand même des aiguilles
14:59avec de l'encre au bout, quoi.
15:01– Oui, mais la différence,
15:03c'est quand un adolescent
15:06vous parle de la façon
15:07dont il se scarifie,
15:08c'est-à-dire j'ai mal,
15:10j'ai ma souffrance,
15:11mon angoisse,
15:11et pour apaiser ma souffrance,
15:13je vais me taillader
15:14et parfois aller profond
15:16dans la façon de se taillader
15:18et de ressentir ce mal,
15:20finalement,
15:20vient apaiser
15:21cette espèce
15:22de grand mal-être,
15:24de la dissociation
15:25dont je vous parlais.
15:26C'est comme si, finalement,
15:27de ressentir son corps comme ça,
15:29ramenait un peu d'unité.
15:30Vous voyez,
15:30c'est différent du tatouage.
15:32Pourquoi cette mode du tatouage ?
15:35On peut le poser,
15:35effectivement,
15:36dans une société
15:36où il y a certainement
15:37une recherche d'ancrage,
15:40c'est le cas de le dire,
15:41d'ancrage à tout niveau,
15:42mais ce n'est pas du même ordre,
15:46s'il vous plaît.
15:47Par contre,
15:48effectivement,
15:49quand on est pris
15:50dans un système de mode,
15:51c'est-à-dire on va croire
15:52qu'on est un individu,
15:55voilà,
15:55une star,
15:56finalement,
15:56alors que finalement,
15:57on rentre dans un modèle,
16:00dans un groupe,
16:00dans un clan
16:01où tout le monde s'habille,
16:02fait pareil,
16:03sur un mode satanique,
16:04sur un mode autre,
16:05voilà,
16:06et tout le monde fait pareil,
16:07mais on a l'impression
16:07d'avoir une individualité
16:09à travers l'identité de groupe.
16:11– Et cette radicalisation,
16:13vous dites,
16:14mode de pensée et d'action
16:15jusqu'au boutiste,
16:17comment ça se manifeste
16:18chez vos patients ?
16:19– Alors,
16:21j'en parlerai,
16:22ça se manifeste
16:22de différentes façons,
16:23mais j'en parlerai plus
16:24autour de ce qu'on appelle
16:26actuellement la transidentité,
16:28c'est-à-dire que,
16:30je vous donne deux petits exemples,
16:33le premier,
16:33c'est une jeune fille
16:35qui vient à peine
16:36d'avoir 18 ans,
16:37ou non,
16:37je crois qu'elle a deux jours
16:38de son anniversaire,
16:39et elle vient me voir
16:40en me disant,
16:42je veux que vous me fassiez
16:43un certificat,
16:44car je veux me faire enlever
16:45l'utérus par mon gynécologue,
16:47parce que je ne veux pas
16:47avoir d'enfant
16:48et je ne veux pas avoir
16:49d'utérus,
16:50voilà.
16:51Donc,
16:52peu de perplexité,
16:54j'essaye de lui,
16:55de l'interroger un peu,
16:56et sa réaction
16:58est extrêmement violente,
17:00c'est-à-dire,
17:00en gros,
17:01voilà,
17:01c'est comme ça
17:02qu'à partir de là,
17:03finalement,
17:04elle revient
17:04chez son gynécologue
17:06qui lui dit,
17:06désolé,
17:07je ne peux pas,
17:08et moi,
17:08elle m'insulte au téléphone
17:09parce que j'ai osé,
17:10à un moment donné,
17:11mettre un peu
17:12de décalage
17:13dans sa demande.
17:15Autre situation,
17:16une…
17:17– Mais comment est-ce
17:18qu'on en arrive
17:18à ce point
17:19quand on est une jeune fille
17:21à demander
17:21à un professionnel
17:22comme vous,
17:23je veux me faire retirer
17:24l'utérus
17:25parce que je ne veux pas
17:26en avoir ?
17:27Est-ce que c'est inédit,
17:29ce phénomène ?
17:30– C'est inédit
17:31avec cette violence,
17:32c'est-à-dire,
17:33c'est inédit
17:33et que ce soit aussi
17:34les demandes
17:35de changement de sexe,
17:36je suis,
17:37j'ai décrété,
17:38je suis dans le mauvais corps
17:39et maintenant,
17:40il faut que ça cesse,
17:41il faut que vous fassiez
17:42le nécessaire.
17:44Et donc,
17:45nous d'ailleurs,
17:45on est dans une position
17:47délicate,
17:48les pédopsychiatres,
17:48parce qu'à la fois,
17:50on nous dit,
17:51vous ne devez pas
17:51mettre en cause
17:52cette décision
17:54d'un adolescent
17:55et en même temps,
17:56on ne doit pas
17:57faire une faute
17:58déontologique
17:58par rapport
17:59à une position
18:00qui serait complètement
18:01aberrante,
18:02c'est-à-dire,
18:02oui,
18:02je signe un certificat
18:04pour que vous passiez ça.
18:05– Alors,
18:05qu'est-ce que vous faites
18:06face à cette violence,
18:07face à…
18:08c'est du militantisme ?
18:10– C'est…
18:11– Quand c'est dans le cadre
18:11de la transidentité,
18:13on voit le woke,
18:14le phénomène woke
18:15au-dessus,
18:16qui plane.
18:16– C'est la conséquence,
18:18oui, c'est ça,
18:18c'est la conséquence
18:19du militantisme,
18:20c'est-à-dire que quand un enfant
18:22ne va pas bien,
18:22quand un adolescent
18:23ne va pas bien,
18:24il va sur Internet,
18:25il va chercher les choses,
18:25TikTok,
18:26ailleurs,
18:27il va croiser quelqu'un
18:28qui lui dit,
18:30voilà,
18:30si c'est ça,
18:31moi j'ai ta solution,
18:32en gros,
18:32je sais si c'est ça,
18:34j'ai ressenti la même chose,
18:35ça veut dire que,
18:36voilà,
18:36t'es dans le mauvais corps
18:38et il faut faire quelque chose
18:39à ce niveau-là.
18:40Et à partir de là,
18:41cet effet activiste,
18:43si vous voulez,
18:44va amener la personne
18:46à dire,
18:46ben voilà,
18:47j'ai ma réponse.
18:48et c'est tellement rassurant
18:49d'avoir une réponse.
18:51C'est-à-dire,
18:51je suis en désarroi,
18:52je suis en angoisse
18:53et quelqu'un me donne
18:54la réponse.
18:55Et donc,
18:56voilà,
18:56la démarche va se faire.
18:57Heureusement,
18:58la plupart du temps,
18:59il y a un esprit critique
19:01qui arrive,
19:02mais pour certains
19:02qui sont dans une position
19:03fragile ou qui sont
19:05à la limite
19:06d'un trouble autistique,
19:07si vous voulez,
19:08ils vont s'engouffrer
19:09là-dedans.
19:09Et donc,
19:11c'est plutôt eux
19:11qui subissent
19:12la violence
19:14d'une radicalisation actuelle
19:15plutôt qu'eux
19:17qui sont dans
19:18une radicalisation.
19:19Après,
19:20ils sont dans
19:20une exigence
19:21parce que
19:22tout est mis en place,
19:24il faut que tu ailles voir
19:25tel ou tel
19:26et à partir de là,
19:27il va faire ce qu'il faut
19:28et tu dois exiger
19:30ce que tu veux.
19:31Mais comment vous leur faites
19:32prendre conscience
19:33individuellement
19:35qu'il faut subir,
19:37s'adapter
19:38ou refuser
19:39cet environnement ?
19:41Alors moi,
19:42déjà,
19:43je les écoute
19:44et puis je leur dis
19:45allons un peu plus loin,
19:46allons un peu plus loin
19:47parce que
19:48la question ne va pas être
19:49de subir.
19:49Vous faites un peu mouliner, quoi.
19:50Voilà.
19:51La question ne va pas être
19:52de subir.
19:53Imaginez,
19:53si je leur demande
19:54de subir,
19:55je vais être celui
19:56qui justement
19:56accentue leur angoisse.
19:59Je vais les aider
20:00à essayer
20:01de décrypter quelque chose
20:02dans leur mal-être.
20:04Et c'est ça.
20:04– Mais c'est refuser
20:06l'idéologie, en fait.
20:07C'est vendre du recul
20:09par rapport
20:09à ce qui nous prend, quoi.
20:11– Bien sûr, bien sûr.
20:13Le pédopsychiatre,
20:15par définition,
20:16est anti-idéologique.
20:17Il doit, à un moment donné,
20:19démonter
20:20tout ce qui va
20:22envahir la personne
20:23avec une idéologie
20:24qui viendrait
20:25à la place
20:26de sa propre réflexion,
20:28de son propre esprit critique,
20:30de son propre engagement.
20:31Voilà.
20:31Quel que soit
20:32cet engagement.
20:33Et donc,
20:33ce que je fais, moi,
20:34et ce que font,
20:35heureusement,
20:36la plupart des pédopsychiatres,
20:37c'est dire,
20:38mais pourquoi ça ?
20:39Et puis, voilà,
20:40comment ça s'inscrit ?
20:41Et puis, progressivement,
20:43analyser, décrypter,
20:45jusqu'à ce qu'à un moment donné,
20:47apparaisse le pourquoi.
20:48Et parfois,
20:49on retrouve un traumatisme
20:50d'enfant,
20:50parfois on retrouve
20:51un sentiment
20:52de ne pas être aimé.
20:54Voilà,
20:54des tas de choses
20:55comme ça
20:55qui, avant,
20:56s'exprimaient autrement,
20:58qui s'exprimaient
20:58de façon dépressive,
20:59par exemple,
21:00et qui, maintenant,
21:01s'expriment
21:01sous ce mode-là.
21:02Est-ce qu'il y a
21:03des soins
21:04cliniques,
21:07médicamenteux
21:08pour restaurer
21:10une identité fragilisée ?
21:11Comment vous vous y prenez
21:13face à un enfant
21:14complètement paumé
21:15dont il faut
21:17restaurer l'identité ?
21:18Oui.
21:19Il y a plusieurs niveaux.
21:20Le premier niveau
21:21qui est l'essentiel,
21:22c'est la pensée,
21:24la réflexion,
21:26aider la personne
21:26à analyser les choses.
21:28La deuxième,
21:29c'est l'action éducative.
21:31Et parfois,
21:32ça m'arrive,
21:32par exemple,
21:33je prenais l'exemple
21:34de cette situation
21:35d'une jeune fille
21:36qui avait cette exigeante
21:38transidentité.
21:38Après,
21:39quand elle a pu
21:39démonter les choses,
21:41elle a décidé
21:41de partir en internat
21:43pendant deux ans.
21:44Ah oui.
21:44Voilà.
21:45Et cette décision
21:46de se mettre à distance
21:47des parents
21:48qui étaient dans une position
21:49très trouble
21:50par rapport à elle,
21:51l'a soulagé.
21:52C'est une deuxième réponse
21:54éducative.
21:55Parce que les parents
21:56la confortaient
21:56dans son identité,
21:58dans sa transidentité,
21:59l'encourager à...
22:01Non,
22:01parce que les passages
22:03à l'acte des parents
22:04dans son histoire
22:05étaient,
22:06voilà,
22:06sans rentrer dans le détail,
22:08étaient très ambiguës,
22:09c'est-à-dire une position...
22:10On distingue
22:12l'inceste
22:13et l'incestuel.
22:14L'inceste,
22:15c'est le passage à l'acte
22:16extrêmement grave
22:17qui va détruire la personne.
22:19Mais l'incestuel,
22:20c'est une espèce de climat,
22:21vous voyez,
22:22qui est malsain
22:23dans la famille
22:24et qui, à un moment donné,
22:26amène le jeune
22:27à surréagir
22:29par rapport à ça
22:29parce qu'effectivement,
22:30il est en désarroi.
22:32Et donc,
22:32dans son cas,
22:33c'était ça.
22:33Dans d'autres cas,
22:34c'est autre chose.
22:36Donc, le deuxième élément,
22:37c'est éducatif.
22:37Et le troisième élément,
22:38c'est qu'effectivement,
22:40il faut apaiser l'angoisse,
22:42les états dépressifs,
22:43des choses comme ça,
22:44et parfois prescrire
22:46un traitement,
22:47y compris des traitements
22:48qui, toujours avec une grande mesure,
22:51à ce niveau-là,
22:51par rapport aux adolescents.
22:53– C'est que la France
22:54est le pays
22:55où les gens prennent
22:56le plus de médocs
22:57et d'antidépresseurs.
22:59– C'est ça.
22:59Mais parfois,
23:00on est obligé,
23:00quand il y a une angoisse majeure,
23:01quand il y a des phénomènes
23:02de dépersonnalisation
23:03qui amènent au passage à l'acte,
23:05nous, ce qu'on redoute toujours,
23:07c'est de se jeter par la fenêtre
23:08ou des choses comme ça.
23:10Et on sait bien
23:11que chez les adolescents,
23:13c'est quelque chose
23:14de très imprévisible.
23:16Et maintenant,
23:17chez les préadolescents,
23:18parce qu'on avait,
23:19on avait avant un taux de suicide
23:21chez les préadolescents
23:22qui était très, très bas.
23:23Et on a une augmentation
23:24ces dernières années
23:25considérable par rapport
23:26au suicide des enfants
23:28entre 10 et 14 ans.
23:29– Est-ce qu'il y a un passage,
23:32je veux dire,
23:34quelque chose dans le temps
23:35qui se serait produit
23:36qui aurait amené
23:37à ce renforcement
23:39des troubles de l'identité ?
23:40Est-ce que, par exemple,
23:41le Covid-19
23:42a été un facteur aggravant ?
23:46– Alors oui, bien sûr.
23:47– Bien sûr, bien sûr.
23:48Ce n'est pas le…
23:49Il y a des gens
23:50qui ont tendance à dire
23:51c'est à cause du Covid.
23:52Non, pas du tout.
23:53C'est des choses
23:53qui existaient avant.
23:55Mais c'est sûr
23:55qu'il y a une accélération.
23:57Une accélération
23:58parce que pendant quelque temps,
23:59à la fois,
24:00il y avait une espèce
24:00de cocon
24:02qui se réinstallait
24:02et les adolescents
24:05se sont mis en cocon
24:06autour aussi des écrans,
24:09sans contrôle
24:09par rapport aux écrans
24:10parce que leurs parents
24:11étaient eux-mêmes
24:12en télétravail,
24:13vous voyez.
24:14Et donc,
24:14il y avait cette dimension.
24:16Et puis,
24:16le fait de retourner
24:18dans la société
24:18avec une certaine coupure
24:20dans la concrétisation
24:22des relations
24:23a rendu difficile
24:24ce passage-là.
24:26Et puis,
24:26certains ont dit
24:26ben non,
24:27moi,
24:27je n'ai plus envie
24:28d'aller dans la société.
24:29Je n'ai même plus envie
24:30d'aller à l'école.
24:31D'ailleurs,
24:31le sujet du livre
24:33pour lequel j'avais déjà
24:34été interviewé ici,
24:35« Je ne veux plus aller à l'école »
24:36correspond à ça.
24:37C'est-à-dire,
24:37il y a une augmentation
24:38considérable
24:39des décrochages
24:40et des phobies scolaires
24:41qui correspondent effectivement
24:42à une forme
24:43de refus intérieur
24:44ou d'angoisse
24:45par rapport au monde.
24:47Et donc,
24:48le Covid a effectivement
24:49pour un certain nombre
24:50accéléré.
24:51Pour d'autres,
24:52ça a été la réjouissance
24:53une fois qu'ils revenaient
24:54dans l'école
24:56et avec les copains,
24:57etc.
24:57et un mieux-être.
24:59– Mais est-ce que,
24:59monsieur,
25:00ce trouble identitaire,
25:03vous êtes pédopsychiatre,
25:04peut aussi se déclencher
25:07chez des adultes ?
25:08– Bien sûr,
25:08bien sûr.
25:09Bien sûr,
25:10dans ce livre,
25:11là,
25:11on est amené à parler
25:12parce que c'est le plus important
25:13des jeunes,
25:14c'est le plus important
25:15parce que c'est là
25:16qu'on doit faire
25:16la prévention maximum,
25:17si vous voulez,
25:18mais chez les adultes jeunes
25:19ou chez ce qu'on appelle
25:21les adolescents,
25:22voilà,
25:23il y a quelque chose
25:23comme ça
25:24qui est une espèce
25:24de flottement
25:25et une difficulté
25:27à rentrer dans la vie,
25:30à prendre pied dans la vie,
25:32à faire l'expérience
25:33de la vie
25:34et donc avec un recul,
25:35avec un repli comme ça
25:36et des comportements
25:38qui sont parfois
25:39des comportements aberrants,
25:40extrêmes
25:41ou des comportements
25:44de mimétisme,
25:44de singerie finalement,
25:46comme si on était,
25:47on revient à ce que je vous disais
25:48tout à l'heure,
25:49ce faux self,
25:50c'est-à-dire une espèce
25:50de personnage factice finalement
25:53qui ne va pas pouvoir réussir
25:56sa vie,
25:56qui va aller d'échec en échec
25:58si vous voulez.
25:59– Je ne sais plus
26:01qui je suis,
26:01c'est le titre
26:02de votre ouvrage,
26:04Thierry Delcourt,
26:05merci à vous
26:05d'être venu sur notre plateau.
26:07– Merci beaucoup.
26:07– Merci beaucoup.
26:07– Sous-titrage ST' 501
26:09– Sous-titrage ST' 501
26:09– Sous-titrage ST' 501
26:10– Sous-titrage ST' 501
26:14– Sous-titrage ST' 501
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