- il y a 2 mois
Le corps de Philippine avait été retrouvé sans vie le 21 septembre 2024 dans le bois de Boulogne à Paris. Cette jeune étudiante de 19 ans à l'Université Paris-Dauphine avait disparu quelques heures plus tôt. Les médecins évoquent "l'hypothèse d'une psychopathie avec des éléments pervers" pour décrire le meurtrier présumé.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00On est ensemble jusqu'à 10h, avec vous, Blandine Lenoir de Carlan. Bonjour.
00:04Comme vous.
00:04Merci d'avoir accepté de témoigner ce matin. Je vous accueille parce que vous vouliez parler de votre fille.
00:09Votre fille, c'est Philippine. Philippine, qui aurait 20 ans aujourd'hui, qui aurait 20 ans en ce moment, qui est morte à 19 ans.
00:17Il y a un an maintenant, elle a été tuée dans le bois de Boulogne alors qu'elle sortait de son université.
00:23C'est à mes côtés Maxime Brandstatter, vous êtes journaliste ligne rouge BFM TV, vous accompagnez aussi cette enquête et suivez cette enquête depuis un an.
00:30Et vous avez aussi, Blandine Lenoir de Carlan, parlé avec Maxime, parlé avec votre avocate, bien sûr.
00:38Je signale qu'elle n'est pas loin de vous, mais que vous vouliez aussi pouvoir parler dans ce silence du plateau et pouvoir dire d'abord qui était Philippine.
00:49Alors, Philippine était une enfant, puis une jeune fille merveilleuse, rayonnante.
01:00Évidemment, je vais lui trouver toutes les qualités.
01:03Sa qualité première, quand j'y pense, c'est qu'elle savait aimer.
01:08Elle avait une facilité d'amour envers les autres qui était hors norme.
01:16Et elle aimait tellement les gens qu'elle pouvait se permettre de leur dire, de leur faire des réflexions qu'on n'aurait jamais osé, nous.
01:25Une franchise.
01:26Une franchise, mais avec tellement d'amour que ça passait.
01:31Donc, voilà, c'était ma Philippine.
01:34Voilà, avec les gens, très facile.
01:37Elle était dévouée quand on voit ce qu'elle a donné au scout.
01:40Elle était scout, très engagée, engagée dans le scoutisme, engagée aussi dans le don, y compris le don du sang.
01:49Le don même, vous m'avez parlé du don de ses cheveux.
01:52Elle se laissait pousser les cheveux pour les offrir.
01:55Elle adorait ses cheveux.
01:56C'était que des soins, ceci, des soins.
01:59Il fallait bien faire attention à la marque.
02:01Voilà, elle prenait très soin de ses cheveux.
02:05Et puis, elle les a coupés un jour.
02:08Et elle avait bien réfléchi, parce qu'elle était intelligente, sérieuse, mais terriblement humble.
02:15Et elle a dit, ses cheveux, j'ai choisi telle association de femmes qui ont besoin de perruques avec des vrais cheveux.
02:22Les miens sont parfaits.
02:23Donc, c'est pour une femme qui en a besoin.
02:27Pour des femmes qui suivaient des traitements et qui perdaient leurs cheveux.
02:31Voilà, ça, c'est Philippine.
02:33Le jour où Philippine disparaît, votre intuition de mère est parce que Philippine est une enfant qui vous parle, qui vous appelle,
02:42qui est toujours en contact avec vous, avec son fiancé.
02:45Le jour où elle disparaît, vous comprenez très vite que ce n'est pas normal.
02:48Oui.
02:49Qu'est-ce que vous faites à ce moment-là ?
02:51Alors, rapidement, je suis allée au commissariat de chez moi.
02:57Et comme Philippine est majeure et n'a pas de troubles psychologiques,
03:03ils me disent que ce n'est pas possible de faire une déposition.
03:11Je les supplie.
03:13Je les supplie en disant, ce n'est pas possible, on devait partir le matin.
03:16Non, elle n'a pas été faire la bringue.
03:18On n'a aucune nouvelle, son fiancé n'a plus.
03:20Au début, il ne vous croit pas ?
03:21Oui.
03:23Ils me disent, on en voit tellement de mamans comme vous.
03:27Genre, vous pensez, mais en fait, votre fille, elle a le droit aussi de faire ce qu'elle veut, elle a 19 ans, enfin sous-entendu, laissez-la quoi.
03:34Voilà.
03:34Donc, c'est pour ça qu'on s'est retrouvée avec sa soeur, une de ses soeurs, au commissariat du 16e.
03:42Donc, vous allez au commissariat du 16e et puis finalement, vous décidez de lancer une sorte de battue amicale, familiale,
03:50de partir vous-même à la recherche parce que vous voyez que son téléphone portable est dans le bois de Boulogne.
03:55Ah non ? Ah non, non, on n'a pas réussi, on devait, les policiers ont dit qu'ils allaient borner le téléphone à partir de minuit, ce qu'ils n'ont pas fait.
04:06Donc, on a attendu toute la nuit, qu'ils nous donnent des nouvelles et donc à partir du matin, on a dit, on fait une battue.
04:16Et donc, avec des photos, les réseaux sociaux, il faut qu'on le fasse nous-mêmes, la nuit, il n'a plus.
04:23Vous avez fait le travail vous-même à ce moment-là ?
04:25Ah oui ?
04:26Vous avez l'impression à ce moment-là de ne pas avoir été accompagnée ?
04:28Pas du tout, je n'ai pas vu un policier.
04:30La suite va nourrir davantage d'incompréhension face à ce que vous avez découvert dans les dysfonctionnements majeurs,
04:37ce qui nourrit aussi une forme aujourd'hui de colère en plus du désespoir.
04:44Le corps de Philippines est retrouvé par ces battues.
04:47Voilà, en plus par les jeunes, le groupe de jeunes.
04:51Heureusement, leurs parents les accompagnaient et les ont mis à l'abri.
04:55Eux, ils ont retrouvé le téléphone d'abord.
04:57Là, les policiers ont été au courant, donc, puis, ils ont retrouvé le corps.
05:04Et là, les policiers nous ont dépossédés de Philippines.
05:07Alors, quoi, dépossédés ?
05:11Ils nous ont parqués.
05:13Mais parqués comme des animaux, pour pas qu'on s'approche.
05:18J'ai voulu la voir.
05:21J'ai voulu la déterrer.
05:22Elle est née de moi.
05:23C'était normal que je la sorte de la paire.
05:27Je voulais l'embrasser.
05:31Je voulais la bercer une dernière fois.
05:34Et pour le protocole, ils m'ont dépossédée de ma fille.
05:41Alors que c'était mes amis, ma famille, ses frères et soeurs, son père,
05:46qui ont fait tout ça.
05:47Et après, ils ont pris le relais et nous ont évacués.
05:54Vous vous gardez aujourd'hui.
05:56Alors, je ne peux pas ne pas avoir ce matin une pensée pour la maman d'Elias,
05:59à qui j'avais donné la parole il y a six mois.
06:01Oui, je l'entends.
06:02Et je sais que vous avez écouté cet entretien.
06:07Et je me souviens des mots de la maman d'Elias qui disait que, dans son chagrin,
06:10le fait d'avoir pu s'allonger par terre, aux côtés de son fils,
06:15avait été quelque chose d'extrêmement important.
06:17Ce que vous dites ce matin, c'est que vous n'avez pas pu le faire.
06:20Non, je n'ai pas pu.
06:21Et ça reste aujourd'hui pour vous quelque chose de...
06:23Alors, mon intellect peut essayer de le comprendre,
06:28les traces d'ADN, salir une scène de crime.
06:33Mais je m'en fiche.
06:35C'est ma fille.
06:38Voilà.
06:39Et puis, voilà.
06:40À partir de ce moment-là, l'enquête, en effet, se met en place.
06:45Et très vite, on découvre qui est l'assassin présumé.
06:54Depuis, il a en partie avoué, on va y revenir,
07:00il s'agit d'un homme récidiviste.
07:03Il a été condamné.
07:04Il avait été condamné à une peine de sept ans de prison, Maxime.
07:09Il sortait de prison.
07:11Et là, je vais vous donner un instant pour que vous repreniez vos esprits, madame.
07:14Maxime, est-ce que vous pouvez nous redire
07:16ce que l'on appelle aujourd'hui un dysfonctionnement,
07:20et encore, le mot est faible,
07:21sur le moment de la sortie de prison
07:24où cet homme aurait dû quitter le territoire.
07:28Il était sous OQTF.
07:29Mais pour une série presque de problèmes ou d'agendas administratifs,
07:33ça n'a pas été le cas.
07:34Oui, parce qu'il sort de prison.
07:35Comme vous le dites, il a une obligation de quitter le territoire français.
07:38Donc, il doit retourner dans son pays d'origine, au Maroc.
07:40Il sort de prison.
07:41Il va immédiatement dans un centre de rétention administratif,
07:44enfin, CRA, qui permet de détenir, en fait,
07:47de retenir les personnes qui sont sous OQTF
07:50et qu'on attend de renvoyer.
07:52Parce que pour renvoyer quelqu'un dans son pays d'origine, au Maroc,
07:55s'il n'a pas ses papiers,
07:56souvent, les personnes ne les donnent pas,
07:58il faut ce qu'on appelle un laisser-passer consulaire.
08:00Il faut que le Maroc vous donne un laisser-passer consulaire,
08:02une autorisation de faire revenir quelqu'un
08:04qu'ils reconnaissent comme étant un de leurs citoyens.
08:06Et donc, ce laisser-passer consulaire,
08:08les autorités françaises l'ont attendu,
08:10l'ont demandé.
08:11Il y a des bases sur savoir
08:12est-ce qu'ils l'ont demandé correctement ou pas.
08:14Les autorités marocaines disaient le contraire.
08:16En tout cas, ils ne l'ont pas eu.
08:17Et il y a une limite pour laquelle on peut repousser
08:20ces 90 jours maximum pour ce genre de cas,
08:23de rester dans un centre de rétention administratif.
08:25Et au bout de la limite,
08:27un juge a dit qu'on ne peut plus le garder
08:28parce qu'on n'a pas le laisser-passer consulaire.
08:30Donc, ils l'ont laissé ressortir dans la nature.
08:32Et immédiatement, il a disparu des radars
08:34et il était recherché par la police.
08:35Est-ce que ça change quelque chose pour vous,
08:38Landine Lenoir de Carlin ?
08:39Ou est-ce qu'au fond,
08:40ce n'est même plus la question ?
08:42Ce parcours, ces dysfonctions ?
08:43Il y a ma souffrance,
08:50mais je ne veux pas que ça recommence.
08:53Donc oui, c'est un grave dysfonctionnement.
08:57Certaines personnes ont fait leur métier
09:01comme ils le sentaient.
09:02et ils l'ont mal fait.
09:06Est-ce que vous avez reçu des excuses ?
09:08Est-ce que quelqu'un,
09:09est-ce que les juges, les magistrats,
09:12est-ce que des gens qui avaient à un moment signé
09:14l'acte de libération ?
09:16Non, rien.
09:17Personne ne vous a appelé,
09:18personne ne s'est excusé,
09:19personne n'a dit.
09:21Non.
09:22M. Retailleau s'est manifesté.
09:25Le commandant de la police de Guyancourt
09:28s'est manifesté,
09:28mais pas vraiment pour s'excuser.
09:30Et il n'y a eu aucun blâme.
09:34Nous, on n'a jamais su qu'il y avait eu de blâme.
09:38Aucun blâme sur...
09:39Non, nous, on a pris à perpète,
09:41mais eux, ils peuvent d'en mettre.
09:45Cet homme est aujourd'hui en prison.
09:47Il a donc été arrêté.
09:48Il sera jugé.
09:50Les analyses psychiatriques qui ont été faites,
09:54et Maxime, je parle sous votre contrôle,
09:55puisque vous avez eu accès au compte-rendu de ces analyses,
09:58montrent qu'il était en parfaite possession
10:00de ses moyens intellectuels,
10:02qu'il n'y avait pas d'altération de son discernement.
10:06Il avoue sans avouer,
10:07c'est-à-dire qu'il dit,
10:09oui, semble-t-il, c'est moi,
10:10mais il ne dit pas ce qui s'est passé.
10:13Non.
10:14Et au premier viol qu'il a commis,
10:18il n'a pas...
10:19En 2019.
10:19En 2019, il n'a parlé qu'au moment du procès.
10:25Et pour nous, ça va être une torture.
10:29Déjà, on nous a dit,
10:31le procès était un moment difficile.
10:33Et s'il m'a parlé de Philippines,
10:35pas forcément bien, en plus,
10:38et dire la vérité,
10:39ou ne pas dire la vérité,
10:41parce que, manifestement,
10:42il ment.
10:45C'est intolérable.
10:47On risque de ne jamais savoir la vérité
10:50avec un homme tel qu'il est décrit.
10:53Ce que vous dites,
10:55c'est que, et effectivement,
10:57à la fois les caméras sur place
10:59montrent qu'il y a environ deux heures
11:03entre le moment où, semble-t-il,
11:06leurs chemins se sont croisés
11:07et le moment où cet homme est sorti du bois.
11:11Et vous voudriez savoir ce qui s'est passé.
11:13Voilà.
11:13Ce qui me fait très peur,
11:15c'est que, pour la police et les juges,
11:19on a l'impression qu'ils ont leur présumé coupable
11:22sous les verrous qui sera jugé.
11:24Donc, c'est bien.
11:26Que ça y est.
11:27Qu'ils ont fait le job.
11:28Voilà.
11:29Or, nous, je peux dire nous,
11:32parce que mon mari, ses frères et sœurs,
11:36on veut connaître son calvaire.
11:39On veut le suivre.
11:40On veut être avec elle.
11:42C'est votre manière de lui tenir la main.
11:44Voilà.
11:44À ce moment-là.
11:44Et c'est, je pense,
11:47un moyen aussi de faire le deuil.
11:50Là, je n'y arrive pas.
11:53Je n'y arrive pas.
11:54Les personnes m'entourant sont extrêmement bienveillantes,
11:59sont très généreuses.
12:00Mais j'ai besoin de savoir.
12:03Par exemple, la cagnotte.
12:05Les gens ont été extrêmement généreux.
12:08Et ça nous a permis, moi,
12:11de louer un gîte pour qu'on se réunisse
12:14dans un endroit autre que la famille.
12:18C'est un moment difficile
12:19parce qu'il manque les Philippines.
12:21Et moi, je peux offrir des fleurs,
12:25tant que je veux à ma fille, des lumières.
12:27Parce que des gens qui ne nous connaissaient pas
12:30ont fait ce geste.
12:34Et voilà.
12:34Et donc, je pense à eux
12:36dès que j'offre des fleurs,
12:37dès que j'allume les lumières.
12:38Vous les remerciez,
12:38c'est l'occasion de le faire.
12:39Oui, c'était.
12:41Je ne sais pas eux à quoi ils pensaient.
12:42Puis, on a pu faire la tombe la plus belle.
12:44On a beaucoup travaillé sur la tombe.
12:46Elle mérite le meilleur.
12:49Vous avez dit à mes confrères du Figaro
12:51auxquels vous vous êtes confiés
12:52que vous laissiez la lumière allumée
12:53dans sa chambre la nuit.
12:55Oui.
12:55en dehors,
12:58juste sur le balcon.
13:00Comme une étoile.
13:03Vous parlez d'elle d'ailleurs comme une étoile.
13:05Vous êtes croyante.
13:06Oui.
13:07Ça vous aide ?
13:09Alors, je ne sais pas.
13:11Si je n'étais pas croyante,
13:12je ne sais pas ce qui se passerait.
13:14Donc, ce qui m'aide,
13:15c'est que je sais qu'elle est auprès du père.
13:17Je sais qu'on lui demande beaucoup de travail.
13:23Je sais ce qui est primordial,
13:25c'est qu'on la retrouvera.
13:28Mais après, ça nous fait poser
13:29beaucoup, beaucoup de questions sur la foi.
13:32Vous êtes assaillie de doutes.
13:33Voilà.
13:34Mais qu'elle soit près du père,
13:37c'est une évidence.
13:40Et ce qui est très douloureux aussi,
13:43c'est que cet homme va être jugé
13:45pour ce qu'il a commis,
13:48c'est-à-dire ôter la vie de ma fille,
13:51mais il ne sera pas jugé
13:52pour tout ce qu'il a enlevé finalement.
13:55C'est-à-dire tout l'amour
13:56qu'elle nous portait,
13:57on ne leur a plus.
13:59Ses fiançailles, son mariage,
14:01ses enfants,
14:01sa réussite professionnelle,
14:03ça, ça compte pas.
14:05Et moi, je suis extrêmement troublée
14:08pour ces deux petites filles
14:09qui avaient 6 mois et 18 mois
14:11qu'elles voyaient chaque semaine
14:12et qui n'ont plus de marraine.
14:15Et ça compte ce matin,
14:16ceux-là aussi.
14:17Parler de...
14:18Vous parlez d'elle comme d'une étoile,
14:20comme du bien.
14:21Je voudrais dire les mots à l'inverse
14:22qui ont été utilisés
14:23par l'instruction
14:25et par les conclusions
14:26de l'analyse
14:27et du médecin psychiatre
14:29qui disent que l'homme
14:31qui est aujourd'hui considéré
14:33comme le meurtrier de votre fille
14:35faisait depuis tout petit,
14:37je cite,
14:38la promotion du mal
14:39et de la cruauté
14:40selon ses parents.
14:40C'est écrit noir sur blanc
14:42dans le compte-rendu
14:45de l'interrogatoire,
14:46ce qui rend d'autant plus frappant
14:50la manière lumineuse
14:51dont vous parlez de votre fille
14:52elle a croisé quelqu'un
14:55qui fait la promotion du mal
14:57depuis l'enfance,
14:57elle-même a toujours fait
14:58la promotion du bien.
14:59Vous dites qu'elle était
15:00d'une générosité
15:01et d'une lumière
15:01avec les deux filles
15:03dont vous parlez,
15:04avec ses frères et sœurs,
15:05avec son fiancé.
15:06Oui, ils étaient charmants.
15:09Je voudrais qu'on puisse dire
15:10un mot aussi de lui
15:11parce que vous m'avez dit
15:11qu'il était important aujourd'hui
15:14à vos côtés,
15:17pour votre famille.
15:19Oui, il est vraiment
15:20très délicat,
15:23très réservé
15:24et je suis persuadée
15:26qu'il a, par exemple,
15:29continué ses études
15:30en pensant à Philippine.
15:31Il n'avait pas envie.
15:33Et il a réussi son année
15:35alors que c'était finalement
15:38par rapport à la mort de Philippine,
15:41c'était rien,
15:42il aurait pu.
15:44Mais avec Philippine,
15:45elle est courageuse.
15:46On serre les dents
15:47et on avance.
15:49Et elle a fait pareil
15:50pour sa cousine chérie,
15:52pour moi.
15:54Voilà.
15:55Sinon, on ne serait pas là.
15:56Comment vous faites au quotidien ?
15:59Quand vous vous levez à quoi ?
16:00Comment on vit ces journées ?
16:03Eh bien, déjà,
16:04un truc très bête,
16:06je ne me maquille plus.
16:07Je l'ai remarqué,
16:08je ne le signale pas.
16:10Je pleure trop.
16:10On vous l'a évidemment proposé
16:12avant que vous ne rentriez
16:13sur ce plateau.
16:14Donc, vous ne vous maquillez ?
16:15Non, depuis,
16:16je ne me maquille plus.
16:18Si ça coule,
16:18il n'y a rien de pire.
16:21Mais c'est une manière aussi
16:22d'être dans une forme de...
16:24Ah non, non, non,
16:24c'est juste matériel.
16:27C'est technique.
16:28Et là, c'est la femme qui parle.
16:29Oui, oui, oui, oui.
16:31Ça serait tellement épouvantable.
16:34Mais je me lève
16:36parce que j'ai des élèves.
16:38Même en vacances.
16:40Vous avez repris le travail
16:40à mi-temps, me semble-t-il ?
16:42Oui, depuis novembre.
16:42Mes élèves sont vraiment
16:45mignons avec moi.
16:47J'ai quelques collègues
16:49très proches
16:50qui me soutiennent.
16:55Voilà, on va en cours.
16:57Ça me fait une petite parenthèse
16:59d'une heure
16:59où je ne pense plus
17:00à Philippines.
17:02Il faut avancer.
17:03Il faut se concentrer
17:03sur autre chose.
17:05Et puis, ça revient
17:06en salle des profs.
17:09Je choisis plus
17:10les gens que je côtoie
17:12parce que
17:13je n'ai pas envie
17:14de m'énerver.
17:15Moi, je ne veux que
17:15de la bienveillance.
17:16Je ne peux pas
17:18supporter
17:18les critiques.
17:21Et puis, je rentre
17:23maintenant.
17:24La maison est vide.
17:25Mon mari rentre
17:26après moi.
17:27Et on attend.
17:29Et vous êtes
17:30ensemble
17:32dans cette douleur.
17:33Il y a un point aussi
17:34qui a été compliqué
17:37pour vous
17:37à comprendre.
17:38c'est la manière
17:40dont la loi
17:41devait évoluer
17:42et finalement
17:42ne le fera pas.
17:44Je vois vous
17:44fermer les yeux
17:45parce que c'est...
17:47Vous n'avez pas compris.
17:48Vous avez très mal pris
17:49la décision du Conseil
17:50constitutionnel cet été.
17:51Je précise.
17:52Vous aviez soutenu
17:53la loi
17:54d'Olivier Marlex,
17:55feu Olivier Marlex,
17:57qui devait faire passer
17:58le délai maximum
17:59de rétention
18:00d'un étranger
18:02sous OQTF
18:02de 90 à 210 jours.
18:04s'il représentait
18:06une menace,
18:07s'il était considéré
18:08comme menaçant.
18:09Ce qui, en l'occurrence,
18:10pour un homme
18:11comme celui-là,
18:12qui avait déjà
18:13été condamné
18:14pour viol
18:15et dont
18:16toutes les analyses
18:17précisaient
18:19qu'il n'avait pas
18:21fait acte de repentance
18:22en quelque sorte
18:23et qu'il représentait
18:24toujours un danger.
18:26Donc,
18:26que désormais,
18:27ces gens-là
18:28puissent être gardés
18:29plus longtemps,
18:30le temps justement
18:31d'obtenir,
18:31comme vous l'expliquiez
18:32tout à l'heure, Maxime,
18:33le laisser passer.
18:34Cette loi
18:35a été votée,
18:36mais elle a été
18:37ensuite censurée
18:39le 7 août dernier
18:40par le Conseil constitutionnel.
18:42Comment vous avez réagi ?
18:45À l'incompréhension totale.
18:48Totale.
18:50C'est-à-dire
18:50qu'il y avait quelque chose
18:51de tout près
18:52servi sur un plateau
18:53qui aurait dû
18:56sauver
18:57quelques jeunes femmes
18:58et il va sortir
19:04à 50 ans,
19:05cet homme.
19:06Il sera mis au Maroc,
19:08rendu au Maroc,
19:10il reviendra
19:11et il recommencera.
19:15Moi,
19:16je suis vraiment
19:17bas de gamme.
19:19Mais les violeurs
19:21qui ne se repentent pas,
19:23qui n'ont pas envie,
19:24vous disiez,
19:25le père a parlé
19:25de cruauté.
19:26s'il ne veut pas changer.
19:30Depuis l'enfance,
19:31le mot,
19:31et encore une fois,
19:32je parle sous votre contrôle.
19:34La promotion du mal
19:35et il ferait
19:35depuis l'enfance
19:36d'après ses paroles.
19:37Voilà,
19:37la promotion du mal
19:38et de la cruauté.
19:39Eh bien,
19:40qu'est-ce qu'il va faire
19:40à 50 ans ?
19:43Je suis
19:45interloquée
19:48par leur réaction.
19:50Avez-vous eu
19:51d'autres contacts
19:51avec des politiques ?
19:52Vous disiez que Bruno Retailleau
19:53vous avait appelé.
19:54Est-ce que...
19:55Oui.
19:55Est-ce que Olivier Marlex
19:56avait réécrit cette loi
19:58précisément ?
19:59Il a travaillé,
20:00mais...
20:00En en tenant compte,
20:01ça a été...
20:02Vraiment,
20:03il a porté votre combat,
20:05on peut dire.
20:06Nous étions là.
20:06Sur le plan politique,
20:08est-ce que vous espérez
20:08que cet allongement
20:11donc de la rétention
20:13pour les personnes,
20:14pour les individus
20:14les plus dangereux
20:15repassera à nouveau ?
20:17Oui.
20:17Oui.
20:18Oui.
20:18J'espère.
20:19Alors après,
20:20c'est de la politique.
20:21Moi, je n'y connais rien.
20:22Moi, je suis dans ma bulle
20:23que M. Retailleau,
20:25quand il a su ça,
20:27a annoncé
20:27qu'il allait recommencer.
20:30Mais bon,
20:31est-ce qu'il va rester ?
20:33Ça, c'est politique.
20:34Est-ce que vous estimez
20:35aujourd'hui
20:35que la France
20:36a une forme de culpabilité
20:37à ne pas se doter
20:39des outils
20:39qui auraient empêché
20:43la mort de votre fille
20:45et qui empêcheraient
20:45à nouveau
20:46que ce genre de choses arrive ?
20:47Franchement, oui.
20:49Plus jamais,
20:50je ne verrai son regard,
20:52ses yeux bleus.
20:53Plus jamais,
20:54je l'entendrai.
20:55Mais je voudrais
20:56que plus jamais,
20:57ça recommence.
20:58Et on...
20:59Il y a un...
21:03Oui,
21:03on n'a pas l'arsenal
21:04qu'il faut.
21:06Parce que...
21:08Je ne sais pas pourquoi
21:09il faut faire du bien
21:13à tous.
21:14C'est un peu juste
21:15que l'impression que j'ai...
21:17Quand on a entendu
21:18les débats,
21:20mais le CRA,
21:20vous savez,
21:21c'est vraiment
21:21un endroit horrible.
21:23Moi, les gens...
21:24Les centres de rétention
21:25administratives.
21:25Oui.
21:27Les bras m'ont tombé.
21:29Bon.
21:30Voilà.
21:31Comme je disais,
21:32ma fille est morte.
21:33Moi, j'ai élevé mes enfants.
21:35On fait un truc mal.
21:38Eh bien, on assume.
21:39Et ce n'est pas...
21:40Voilà, ce n'est pas grave.
21:42Avec l'idée
21:42de la responsabilité.
21:44Moi, ce que mes enfants
21:45faisaient,
21:45ce n'était pas grave.
21:46Lui fait quelque chose
21:47de grave.
21:48Il doit payer
21:49tous les autres aussi.
21:51Est-ce que vous croyez
21:52au pardon ?
21:54Oui.
21:55Mais pas pour moi.
21:58Je sais que des gens
21:59pardonnent.
22:02Je m'en crois incapable.
22:05Mais...
22:05Non.
22:07Pas pour moi.
22:09Je sais que votre mari
22:11est à quelques mètres.
22:12Je précise les choses
22:13pour ceux qui nous regardent.
22:14Que lui ne souhaitait pas
22:15s'exprimer.
22:16Mais qu'il est...
22:17Ah, lui.
22:18Oui.
22:18Il est bon.
22:19Il pardonnera.
22:22Mais je vois aussi
22:24la solidarité
22:24de votre famille.
22:25Je voudrais qu'on ait un mot
22:26aussi pour vos autres enfants.
22:28Ils sont cinq.
22:30Vous avez même
22:30des petits-enfants.
22:31Vous parlez beaucoup
22:32de la manière
22:33dont Philippine portait
22:34dans ses bras
22:35les enfants des autres.
22:37Sur regard.
22:37Et on entend
22:39chez vous aussi ça.
22:40C'est-à-dire
22:40le fait que vous
22:42vous projetiez aussi
22:43dans le fait
22:44que Philippine
22:45allait être maman.
22:47Ah, pour eux deux.
22:48Pour Thibaut et elle,
22:50c'était une évidence.
22:51Thibaut m'a même dit
22:52bon,
22:53on avait dit trois
22:54mais avec Philippine
22:55on en aurait eu cinq.
22:57Elle était maternelle.
23:00Oui.
23:01Mais très très proche
23:02de ses sœurs.
23:03et il y en a une
23:06qui a attendu longtemps
23:07les coups de téléphone
23:08presque quotidien
23:10de sa sœur
23:10qui n'arrivait plus.
23:16Mais bon,
23:16moi,
23:17ma vie
23:17est plus qu'à moitié
23:19terminée.
23:21Vu mon âge
23:22et vu la perte
23:24de ma fille,
23:25mes enfants,
23:26ils ont été
23:27extraordinaires
23:28avec nous.
23:29Ils nous ont
23:29protégés,
23:30coucou,
23:31nés,
23:31étaient présents.
23:33Et puis,
23:34ils prennent leur envol
23:35et eux,
23:36ils ont toute leur vie
23:37devant eux.
23:37Ils ont les choix.
23:39Ils ont des choix
23:40à faire
23:40et ils les font
23:41raisonnablement
23:43et je suis fière d'eux
23:44et je les aime
23:45et voilà.
23:47Merci.
23:48Merci beaucoup
23:48d'avoir pris le temps
23:49ce matin
23:49de nous parler.
23:50Je vous remercie
23:51de m'avoir reçu.
23:52Merci de la pureté
23:54de votre témoignage.
23:55Je remercie aussi
23:55votre mari et votre avocate
23:56qui sont un peu plus loin
23:57là-bas derrière les caméras
23:58et merci bien sûr
23:59à Maxime,
24:00Maxime Brandsater
24:01qui a accompagné
24:02cette enquête tout du long.
24:03L'enquête n'est pas terminée
24:04et vous attendez évidemment
24:07non seulement
24:09que cet homme dise
24:10ces fameuses deux heures
24:11dont vous parlez
24:12mais également
24:12qu'il soit jugé
24:13et donc condamné.
24:15soit jugé.
24:16Sous-titrage Société Radio-Canada
Écris le tout premier commentaire