00:16Non pas un, mais deux invités ce matin, deux amoureux du Moulin Rose,
00:21la discothèque emblématique de Belleboeuf Saint-Adrien qui a brûlé hier.
00:25Ils sont avec vous Marianne.
00:26Bonjour Colette Dumont.
00:28Bonjour Marianne.
00:29Vous avez travaillé comme musicienne remplaçante au Moulin Rose pendant 5 ans, dans les années 60.
00:34Bonjour Pierre Delamare.
00:35Bonjour.
00:36Vous étiez dans un orchestre pianiste remplaçant au Moulin Rose pendant 2 ans, de 1965 à 1967.
00:43Je commence avec vous Colette.
00:44Pour vous, le Moulin Rose, ça représentait quoi ?
00:47C'était une institution que vous n'avez jamais oubliée finalement.
00:55Je n'ai jamais oublié.
00:57Non, non, c'est sûr.
00:58Et énormément de monde ont des souvenirs dans cet établissement,
01:03que ce soit pour la danse le dimanche après-midi, avec le grand orchestre,
01:08ou pour les mariages.
01:09Ces fameux mariages qui venaient régulièrement.
01:12A l'époque, on se mariait le matin et il y avait donc une pause entre le déjeuner et le dîner et de nombreux charistes venaient avec ces mariages pour passer l'après-midi ensemble.
01:28Et c'était très typique puisque ces mariages, il y en avait jusqu'à 30, 38, j'en ai eu, étaient réunis ensemble dans la même salle qui était très...
01:40La piste était très grande à l'époque et ils ont des souvenirs et nous-mêmes aussi des souvenirs.
01:46Plein de souvenirs.
01:48Pierre, quelle a été votre réaction quand vous avez appris hier à l'instant dit ?
01:51J'ai pleuré.
01:53J'ai pleuré parce que je me suis remis...
01:56Vous savez, c'est une fange de la vie qui tombe, qui s'en va malheureusement.
02:00Mais quand vous revenez 50 ans en arrière, 60 ans en arrière, et que vous savez que vous avez joué tous les dimanches là-bas avec une quinzaine, parce que c'était un orchestre d'une quinzaine de musiciens, à ce moment-là, maintenant, il n'y en a plus qu'un, mais une quinzaine, c'était formidable.
02:22Et voir ce peuple, ce public, ici, c'était... ça ne s'oublie pas.
02:31Ça ne s'oublie pas.
02:32C'était un peu votre maison, finalement ?
02:34C'était un peu...
02:35Ah oui, on connaissait tout le monde.
02:38C'est comme ça que vous vous êtes rencontrés, d'ailleurs, tous les deux.
02:40Ah oui, grâce à ça, mais on s'est rencontrés autrement.
02:46Mais disons qu'après, on avait une quarantaine d'années ensemble.
02:51Oui.
02:52Donc beaucoup passés au Moulin-Rose.
02:55Vous avez vu, vous disiez, Colette, jusqu'à 30 mariages, il ne fallait pas se tromper de mariage.
03:0038, 38, 40.
03:01Oui, oui, tout à fait.
03:02Il ne fallait pas se tromper de mariage sur place, finalement.
03:03Mais exactement, c'était très drôle.
03:06Parce que du coup, il y avait toutes les familles, etc.
03:08Oui, et à 5 heures, on réunissait, enfin, le personnel réunissait toutes les mariées au centre de la piste, qui était beaucoup plus grande à l'époque, très très longue.
03:19Et les invités se mettaient tout autour et on faisait une grande farandole.
03:26C'était typique, à 5 heures, à 17 heures, voilà.
03:30On faisait la grande ronde et avec toutes les mariées et toutes les familles.
03:34C'était vraiment extraordinaire.
03:36Extraordinaire.
03:37C'est le plus vieux dancing de France, Pierre.
03:39En quoi il était différent des autres ?
03:41Est-ce que c'est parce qu'il y avait une liberté ?
03:43Oui, oui.
03:44Non, il y avait...
03:45C'était familial.
03:47Mais vous savez qu'aujourd'hui, évidemment, nous avons suspendu nos...
03:54Parce que vous avez 90 ans, je rappelle votre âge.
03:56Vous, Pierre, et 87 ans, Colette.
03:58Vous savez, quand on me demande quel âge est, j'ai dit, mais je ne m'en souviens pas, il y a tellement longtemps.
04:06Alors c'est ça.
04:07Mais enfin, il y a des souvenirs extraordinaires.
04:11Et puis le public, je vais vous dire une chose.
04:13Le public, ça nous manque.
04:17Et ça nous fait faire des cauchemars.
04:19C'est-à-dire ?
04:20C'est-à-dire, Colette, on se voit de temps en temps et puis elle a les mêmes cauchemars.
04:28Et vous, vous en aurez autant.
04:30Nous.
04:31Vous, vous.
04:32Parce que vous avez une tension.
04:35On a une tension.
04:37Et qui nous manquerait, qui nous manque maintenant.
04:41Et je vous assure que le public, c'est quelque chose...
04:45Et c'est pourquoi, je vais vous dire, j'ai connu, malheureusement, des artistes, enfin, des artistes connus,
04:54qui en sont venus à se supprimer.
05:00Parce que, bon, ben, évidemment, c'est une tension.
05:04C'est public-classe, cet aspect familial, populaire.
05:07Tout de suite, là, vous tous, là, vous êtes en tension.
05:11Bon, si demain, on vous dit, on n'a plus besoin de vous, mais vous en rêverez.
05:17Et vous penserez à moi.
05:18On rêvera de vous, tout simplement, de vous deux.
05:21Dernière question à tous les deux.
05:23Est-ce que vous espérez qu'un jour, il rouvre, le Moulin Rose ?
05:26Qu'un jour ?
05:27Qu'un jour, que bientôt, que dans les prochaines années, prochaines semaines.
05:30Si c'est possible, si le propriétaire peut reconstruire, bien sûr, c'est un souhait.
05:36Parce qu'en fait, c'est le dernier, c'était vraiment le dernier établissement de la région.
05:43Tout autour de Rouen, les établissements ont fermé petit à petit.
05:49Et vraiment, le Moulin Rose, c'était le dernier.
05:53Mais je vais vous dire, vous avez fait un reportage, il n'y a pas longtemps, sur la Weichem.
05:58Bon, moi, j'ai ouvert la pipe.
06:04Et après la pipe, le tabarin.
06:07Eh bien, c'était une autre époque.
06:11Donc a changé, oui.
06:12Une page s'est tournée avec la disparition du Moulin Rose.
06:15On espère qu'un jour, il sera évidemment reconstruit.
06:18Alors, ça vous rappelle des souvenirs.
06:20Ça en rappelle aussi à Kinvé, le chanteur, qui a fait ses débuts.
06:22Ce sont plusieurs générations, depuis 1927, qui se sont succédées, des générations d'artistes.
06:28Merci beaucoup à vous d'avoir été avec nous.
06:30Il est 8h moins 5.
06:32Merci.
06:37Didouda, Jane Birkin.
06:38Et puis on se retrouve sur le circuit des 24 heures du Mans, avec Stéphane Bern pour Un voyage dans le temps.
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