S'il veut lutter contre les abus sexuels sur les enfants, il préconise aussi de scanner les messages privés de millions de personnes. Retrouvez « La chronique de Manon Mariani » dans Zoom zoom zen sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/veille-sanitaire
00:00Manon, aujourd'hui dans votre veille sanitaire, vous nous parlez d'un règlement européen qui fait débat.
00:04Officiellement, il s'appelle le règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants.
00:09Mais il est surtout connu pour son surnom, Tchat Control.
00:13Ce règlement est une proposition du Parlement européen et du Conseil européen qui date de 2022.
00:18Il a pour but d'établir des règles strictes pour combattre les abus sexuels sur les enfants.
00:23Et pour ça, il préconise donc plus de contrôle sur ce qu'il se passe sur Internet, évidemment, et en particulier sur les réseaux sociaux.
00:29Alors, sur le papier, c'est une bonne idée.
00:31Selon le Parlement européen, la sollicitation en ligne d'enfants pour des activités sexuelles a augmenté de plus de 300% entre 2021 et 2023.
00:40Plus de 100 millions d'images d'enfants victimes d'abus ont été détectées sur Internet en 2023.
00:46C'est énorme.
00:47Des chiffres donc alarmants qui ne font qu'augmenter à cause de la multiplication des réseaux sociaux,
00:52notamment ceux qui ne sont pas modérés ou via des messageries cryptées.
00:56Du pain béni, évidemment, pour tous les pédos criminels.
00:59En mai dernier, par exemple, un réseau de 55 hommes français a été démantelé via la messagerie Telegram sur laquelle ils échangeaient.
01:06Alors, que dit ce règlement, Manon, ce Chat Control ?
01:09Eh bien que pour plus de régulation, il faut obliger les plateformes à scanner les messages privés, même chiffrés, qui s'échangent sur leur messagerie.
01:17Le Parlement européen préconise la méthode du client-signed scanning.
01:20Elle consiste à ce que les plateformes insèrent des logiciels qui pourront scanner les données avant qu'elles ne soient envoyées, donc avant qu'elles ne soient chiffrées.
01:29Concrètement, vous écrivez un message sur WhatsApp, il sera analysé sur le champ avant même que vous n'appuyez sur « envoyer ».
01:35C'est pareil pour les pièces jointes.
01:37Et si le contenu contient des données interdites, comme des images d'abus d'enfants, il est signalé directement aux autorités et aux modérateurs.
01:44Mais si je comprends bien, cette méthode ne fait pas l'unanimité.
01:46Loin de là, et pour cause, vous l'avez compris, ça voudrait dire que tous nos messages seraient analysés par les plateformes,
01:52peu importe qu'on utilise des messageries cryptées comme WhatsApp ou comme Telegram.
01:57Il est vrai que donner un tel pouvoir aux gars-femmes et aux autres, forcément, ça peut interroger,
02:00notamment pour les journalistes ou les lanceurs d'alerte pour qui la protection des sources et des données reste fondamentale.
02:07Sur les réseaux, ce règlement fait de plus en plus polémique.
02:09Sur TikTok, certains dénoncent cette méthode qu'ils estiment être un premier pas vers la surveillance de masse et une atteinte à la vie privée.
02:17La messagerie cryptée Signal avait aussi lancé l'alerte l'an dernier.
02:21Elle estime que ce projet pourrait en plus être exploité par des pirates informatiques, voire par des États-nations hostiles.
02:27Pour le Comité européen de la protection des données, ce règlement affecterait l'exercice des droits fondamentaux des utilisateurs.
02:34En ce moment, le hashtag StopChatControl prend de plus en plus d'ampleur avec des pétitions aux centaines de milliers de signatures.
02:41Une lettre ouverte a aussi été signée par plus de 500 experts en cryptographie qui qualifient ce projet de techniquement infaisable et de dangereux pour les libertés fondamentales.
02:50Et comment se positionnent les pays de l'Union européenne ?
02:52Justement, ils ne sont pas du tout d'accord entre eux.
02:55Des pays s'y sont fermement opposés comme l'Allemagne, le Luxembourg, l'Autriche, la Belgique, la République tchèque, la Finlande, les Pays-Bas et la Pologne.
03:02Et puis, 15 autres États de l'Union européenne soutiennent publiquement le projet de loi.
03:06C'est le cas de la France.
03:08Alors, pour l'instant, il semble qu'aucun accord n'ait encore été trouvé.
03:12Le vote officiel est prévu pour le 14 octobre prochain au Conseil de l'Union européenne.
03:16Alors, à voir si le Parlement pourrait trouver des compromis pour que ce règlement ne mette pas non plus en danger la vie privée de millions d'Européens.
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