Un homme a blessé un élève de 16 ans et une professeure de 52 ans au lycée horticole d'Antibes, ce mercredi 10 septembre. La deuxième victime a été gravement touchée, mais son pronostic vital n'est pas engagé.
00:00Nous sommes à présent avec un enseignant qui exerce sur le campus Vert d'Azur, c'est là que se trouve ce lycée horticole à Antibes.
00:07Bonsoir et merci d'être avec nous. Vous avez choisi ce soir de témoigner à visage caché, mais vous êtes bien enseignant, en exercice,
00:16et vous nous révélez qu'une tentative d'attaque au couteau avait déjà eu lieu l'année dernière, c'est bien cela ?
00:23Oui, c'est bien ça. C'est-à-dire qu'il y a eu une tentative qui a été déjouée par chance, c'est-à-dire que rien ne s'est produit au sein de l'établissement,
00:32mais depuis cet incident règne un climat, un climat de la peur. Et là, je témoigne au nom vraiment de tous mes collègues,
00:40qu'ils soient à la fois enseignants ou même, j'ai envie de dire, dans l'entretien de l'établissement, etc. Donc voilà, c'est assez difficile aujourd'hui.
00:50Est-ce que vous pouvez nous donner quelques détails supplémentaires sur ce qui s'était passé ? Quand cela s'était-il produit précisément ?
00:57Qu'est-ce qui s'était passé exactement ?
01:00Alors précisément, je ne me rappelle plus exactement la date, mais tout ce que je me rappelle, c'est que quand on avait eu cette information
01:07qui est parue aussi, bien sûr, dans les médias, forcément, il y a eu des mails de la part de nos directions pour nous informer que tout allait bien.
01:15Et forcément, ça a déclenché aussi de la peur auprès de mes camarades, auprès de mes collègues, jusqu'à justement...
01:23Je suis désolée, c'est difficile.
01:29On entend votre émotion, car on rappelle effectivement qu'une enseignante a été grièvement blessée aujourd'hui,
01:34ainsi que deux élèves plus légèrement. Ce que vous nous dites, c'est qu'en matière de sécurité, rien n'avait été fait depuis ce premier incident ?
01:44Exactement. En tant qu'ex-représentant des personnels, j'ai été justement sur le front lors des réunions de COHS,
01:52donc d'hygiène et de sécurité. Nous avons, le corps enseignant et les personnels, au sens là, interpellé les directions au niveau de défaillance,
02:01que ce soit au niveau des caméras de vidéosurveillance, que ce soit les portails ouverts constamment, des jeunes qui escaladent les portails.
02:12Voilà, donc c'est toutes ces choses-là qui nous ont fait encore plus peur et qui se sont dit qu'à un moment donné,
02:19quelque chose allait se produire. Et ça s'est produit aujourd'hui.
02:22Donc moi, par chance, je ne travaillais pas aujourd'hui à l'établissement.
02:26Donc j'ai été informé. J'ai contacté directement une collègue, une amie, qui était confinée, qui était paniquée.
02:35Je l'ai ressentie dans sa voix et maintenant, je le ressens également. C'est assez difficile d'en témoigner.
02:41Et si j'ai quelque chose à dire, en fait, c'est que ce genre d'incidence s'est déjà produit dans le passé.
02:51Ça vient de se reproduire encore aujourd'hui. Ça va encore se reproduire demain, probablement,
02:55tant que nous resterons dans un climat d'insécurité au niveau de la France.
02:59Et là, c'est là où j'interpelle, que ce soit les directions, que ce soit les drafts,
03:06justement, de mettre en place des systèmes de sécurité qui soient infaillibles,
03:10qu'on puisse venir travailler en sécurité, se lever le matin, avoir ce plaisir d'enseigner,
03:15de partager justement ces savoirs auprès de nos étudiants.
03:19C'est quelque chose de magique et que j'aime faire.
03:21Mais de plus en plus, on se lève avec la peur.
03:25Tout simplement la peur, la haine.
03:27Nous qui sommes sur le front, justement, chaque jour, on voit aussi la détresse de nos apprenants.
03:33On voit la peur, on voit la haine, on voit tout ça.
03:38On le vit.
03:38Et nous-mêmes n'avons pas le contrôle sur ce genre de choses.
03:42Et si j'ai quelque chose à dire aujourd'hui, c'est aidez-nous.
03:44Aidez-nous, faites en sorte qu'on puisse continuer à transmettre nos savoirs,
03:51mais de manière sécurité et en toute bienveillance.
03:55C'est très compliqué.
03:57On entend votre émotion et on imagine l'échange difficile que vous avez pu avoir tout à l'heure avec votre collègue.
04:03Que vous racontez-t-elle dans cette classe confinée,
04:06à la fois sur sa situation à elle et sur celle des élèves qui l'entouraient ?
04:10Elle chuchotait quand je l'avais au téléphone.
04:14Elle ne parlait pas fort.
04:15Elle était enfermée toute seule dans sa salle.
04:19Elle disait, j'attends.
04:20J'attends qu'on me dise que je puisse sortir.
04:22Vous vous rendez compte ?
04:25Moi, je lui ai dit, garde ton téléphone.
04:26S'il t'arrive quelque chose, s'il y a quelque chose, quoi que ce soit, appelle-moi.
04:30Tiens-moi au courant.
04:31Et là, je n'ai toujours pas de nouvelles.
04:33J'attends.
04:34J'attends.
04:35Alors, depuis, on le rappelle, l'assaillant a été maîtrisé et interpellé.
04:43Est-ce que vous connaissiez l'enseignante qui a été grièvement poignardée aujourd'hui ?
04:48Bien entendu.
04:49Bien entendu.
04:49C'est une collègue.
04:51Cette collègue, c'est une enseignante qui est compétente, de qualité,
04:55qui ne méritait absolument pas ça.
04:57Absolument pas ça.
04:58Maintenant, nous attendons aussi de savoir ce que l'enquête de police va donner,
05:03les raisons précises.
05:06J'ai des suppositions, bien entendu, parce que je fais partie des salariés de cet établissement.
05:12Mais voilà, j'attends de savoir.
05:13Et j'attends aussi de savoir ce qui se passera derrière,
05:17par rapport à la mise en sécurité de notre établissement.
05:19Savez-vous si cette enseignante avait reçu des menaces
05:25ou est-ce qu'elle-même était dans la crainte qu'un tel événement comme cela puisse survenir ?
05:33Alors, des menaces, non, je ne sais pas.
05:34Par contre, de la crainte, que ce soit ma collègue enseignante
05:39ou que ce soit mes autres collègues, la crainte, nous l'avons tous.
05:42On voit ce qui se passe.
05:43On garde tous en mémoire, malheureusement, ce qui s'est passé avec Samuel Paty.
05:50C'est un exemple parmi tant d'autres.
05:53Et aujourd'hui, ça se passe maintenant dans le lycée dans lequel j'enseigne.
05:56Donc, de la crainte, elle est partagée par tous,
06:00que ce soit le corps enseignant, que ce soit même les étudiants eux-mêmes.
06:04Eux-mêmes ont peur.
06:05Eux-mêmes voient ce qui se passe.
06:08Ils peuvent avoir 16 ans, mais ils sont conscients, justement,
06:10du climat anxiogène dans lequel on est aujourd'hui.
06:16La ministre des Missionnaires de l'Agriculture, Annie Gennevard,
06:20puisque c'est du ministère de l'Agriculture que dépend cet établissement,
06:23se rend sur place ce soir.
06:25Il y a beaucoup de réactions politiques, notamment.
06:28Qu'est-ce que vous attendez maintenant au-delà de l'émotion ?
06:35Malheureusement, aujourd'hui, je n'attends plus rien.
06:37Ce que j'attendais, c'était avant, c'était avant que ceci se passe.
06:42Pourquoi il faut attendre la gravité pour agir ?
06:47Pourquoi il faut attendre la gravité pour qu'une ministre se déplace ?
06:52Pourquoi ?
06:53Alors que ces craintes, ces peurs,
06:58comment dire,
06:59on les communique depuis très longtemps.
07:02Et comme je vous disais, ça fait déjà plus d'un an qu'on le communique
07:06suite à cet attentat des jouets,
07:08s'il puis-je dire, pardon.
07:11Et voilà, maintenant, à voir ce qui se passera.
07:15Mais personnellement, j'ai peu d'espoir.
07:18J'ai peu d'espoir.
07:19Pourquoi ?
07:19Parce qu'à un moment donné,
07:21on va passer à autre chose.
07:23La vie va continuer,
07:24et puis on va continuer comme avant.
07:26Tant que des mesures ne sont pas mises en place, malheureusement.
07:28Est-ce que vous et vos collègues reprendront le travail normalement dès demain ?
07:35Ou est-ce que vous pensez qu'il y aura un temps
07:36pendant lequel peut-être les cours seront suspendus ?
07:40Qu'est-ce qui va se passer, à votre avis,
07:41dans les heures et les jours qui viennent ?
07:43Déjà, ce que nous attendons,
07:46c'est un retour de nos directions.
07:48Donc un mail officiel envoyé à l'ensemble des personnels
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