- il y a 3 mois
Chaque semaine dans "Story", nos invités partagent des expériences personnelles marquantes, souvent liées à des épreuves, des révélations ou des moments déterminants de leur vie.
Une mise au point sur des expériences de vie atypiques.
Parce que lorsque l'on parle de soi, on parle de tout le monde.
Cette semaine, c'est Delphine, comédienne et bipolaire de type B, qui nous raconte son histoire.
Une mise au point sur des expériences de vie atypiques.
Parce que lorsque l'on parle de soi, on parle de tout le monde.
Cette semaine, c'est Delphine, comédienne et bipolaire de type B, qui nous raconte son histoire.
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00:00Oui, j'avais fait une tentative de suicide que j'ai complètement masquée.
00:03Oui, j'ai fait des crises de panique, je ne savais pas ce que c'était.
00:06Oui, j'ai fait des épisodes d'hypomanie, je ne savais pas ce que c'était.
00:09Et oui, j'ai fait des dépressions et je ne savais pas ce que c'était.
00:20Bonjour, je m'appelle Delphine Estournet, j'ai 31 ans, je suis bipolaire
00:24et je vais vous parler de mon parcours en tant que comédienne avec cette pathologie.
00:30J'étais un enfant à la fois très bizarre et en même temps très calme.
00:39C'est-à-dire que j'ai toujours su que j'étais hypersensible.
00:43À l'école, on avait fait des premiers tests quand j'étais en maternelle
00:48qui ont déterminé une sorte de HPI, mais on n'appelait pas ça comme ça à l'époque.
00:54Et derrière, je savais qu'en tant qu'hypersensible,
00:58ça allait être difficile pour moi dans la vie.
01:00Mais comme j'étais soutenue par ma famille qui était aussi hypersensible,
01:03je n'ai pas pris conscience de ce que ça pourrait m'apporter comme problème
01:08puisqu'à l'époque, j'étais dans un milieu assez favorisé.
01:11J'étais en banlieue sud de Paris, donc c'était quand même très agréable comme environnement.
01:15Et ensuite, j'ai grandi.
01:21On a vu que j'étais un enfant très anxieux aussi,
01:24puisque j'ai toujours essayé de faire du mieux que je pouvais,
01:28que ce soit à l'école, pour ma famille, pour mes amis.
01:32Ça a toujours été satisfaire le monde, en fait.
01:34Et c'est vrai qu'on a vécu plusieurs déménagements dans la famille.
01:40Donc ça a été un chamboulement pour moi,
01:42parce qu'on est passé de la région parisienne à un petit village de Haute-Marne.
01:48Donc ça, c'était assez difficile pour moi en tant qu'enfant.
01:50J'avais 10 ans à l'époque.
01:51Et ensuite, dans une petite ville également de Haute-Marne,
01:56où j'ai passé 10 ans de ma vie.
02:00Et ensuite, j'ai commencé ma prépa,
02:03parce qu'à l'époque, j'ai voulu faire des études scientifiques.
02:06Donc j'ai commencé ma prépa à Reims.
02:09Et c'est à ce moment-là, en fait, que la maladie s'est déclarée.
02:12Mais je ne le savais pas.
02:13Parce que pendant 10 ans, j'ai été complètement dans le déni.
02:17C'est-à-dire que dès que j'étais avec des humeurs trop hautes,
02:22ou alors des humeurs trop basses,
02:23je mettais ça sur le compte de l'anxiété,
02:25ou alors de mon hypersensibilité,
02:27ou alors juste du fait que je ne devais être pas super chouette à vivre.
02:33Donc il fallait juste que j'essaye de rentrer dans des cases
02:35et de faire que tout soit plus simple pour tout le monde.
02:38Et c'est seulement 10 ans plus tard, en 2021,
02:41que j'ai eu le diagnostic.
02:43Parce que là, j'ai commencé vraiment à me poser des questions
02:45sur mon humeur, sur mes émotions.
02:48Je voulais en apprendre davantage.
02:50Je voulais maîtriser mon hypersensibilité.
02:52Et en fait, j'ai découvert que j'étais bipolaire à ce moment-là.
03:00Pour avoir le diagnostic, ça a été un peu sans dessus-dessous
03:03parce que j'ai travaillé en neurosciences en 2016
03:06et j'ai rencontré une personne qui faisait sa thèse sur la bipolarité, justement.
03:11Et à ce moment-là, je me suis dit, mais c'est incroyable.
03:14Je me reconnais absolument dans les symptômes.
03:16C'est fou.
03:17Tout concorde.
03:18Sauf qu'évidemment, biais du novice, je me suis dit,
03:22ce n'est pas possible, ça ne peut pas être moi.
03:24Je ne suis pas psychiatre.
03:25Et évidemment, quand on regarde sur Internet tout ce qui s'y passe,
03:29on peut forcément se trouver une maladie psychiatrique à s'attribuer.
03:33Donc, j'ai mis sous le tapis encore pendant des années.
03:35Et après le confinement, qui a été très, très compliqué pour moi,
03:40émotionnellement parlant, au niveau des variations d'humeur,
03:42j'ai très, très mal vécu.
03:43Et à l'issue de ça, je me suis dit, il faut vraiment que je me prenne en main.
03:47Et je suis allée voir une psychothérapeute pour parler de mes émotions.
03:51Et au fil du temps, au bout de quelques séances,
03:54elle m'a dit, mais c'est assez troublant parce que vous avez certaines façons de réagir
04:01qui ressemblent énormément à certaines patientes bipolaires que j'ai.
04:04Et du coup, elle m'a conseillé d'aller voir le psychiatre qui s'occupait de la clinique Bellevue,
04:09à Meudon, qui est une clinique où l'hôpital de jour est spécialement dédié aux bipolaires.
04:16Et c'est là que j'ai rencontré pour la première fois le premier psychiatre qui m'a suivi
04:20et qui m'a fait ce diagnostic après de nombreux tests à remplir,
04:27des discussions ensemble.
04:29Et là, c'est là que le mot est tombé.
04:31Mais il a fallu qu'ils me le disent de vive voix, vraiment à voix haute,
04:35pour que je me rende compte vraiment que là, ça y était, en fait, c'était vraiment vrai.
04:41Et j'avais vraiment quelque chose, c'était pas juste dans ma tête.
04:44Enfin, si, c'est dans ma tête, mais c'est quelque chose qui existe pour de vrai dans ma tête.
04:50Et là, ça a été un grand soulagement parce que je savais que je pouvais prendre les choses en main et avancer.
04:55Parce que sinon, j'allais dans le vide, je ne savais pas où j'allais.
05:01Une fois que j'ai fini les tests, vu qu'il avait vu que j'avais déjà travaillé dans les sciences, etc.,
05:09et que j'avais un bagage scientifique qui n'était pas nul,
05:15du coup, il m'avait fait confiance sur la déduction de certaines choses, etc.
05:20Sauf que oui, moi, j'avais déduit que tout ce qu'on avait fait, ça menait à bipolaire de type 2, etc., etc.
05:26Mais j'avais besoin de l'entendre de sa bouche.
05:32Et c'est en lui demandant, en lui disant, mais du coup, je suis quoi ?
05:37Et là, il m'a dit, vous êtes bipolaire de type 2, avec troubles anxieux généralisés et troubles paniques,
05:43parce qu'évidemment, en général, la bipolarité, ça ne vient jamais tout seul.
05:46Et à ce moment-là, quand il m'a dit ça, je me suis dit, bon, il y a un expert
05:52qui a littéralement dit de manière assertive que j'ai ce trouble
05:59et que tout ce que je vis depuis des années n'est pas le fruit de mon imagination.
06:06Donc, au départ, soulagement.
06:10Et au fur et à mesure, je me suis rendu compte que,
06:14bah oui, j'ai effectivement mis un mot sur ce qui se passe.
06:18Oui, c'est très soulageant parce que ça veut dire que je peux savoir
06:22sur quel rouage travailler pour aller mieux.
06:26Mais je vais avoir ça toute ma vie.
06:28Donc, c'était quand même un poids,
06:30surtout quand on a commencé à parler du traitement médicamenteux,
06:34puisque, évidemment, il y a 50% du traitement qui est avec l'hygiène de vie,
06:38bien dormir, bien manger, faire du sport, avoir un entourage positif pour nous.
06:45Mais il y a aussi 50% qui est lié aux médicaments,
06:50donc tout ce qui est régulateurs d'humeur, anxiolytiques, antidépresseurs
06:54et, évidemment, les médicaments associés à toutes ces choses-là
06:58selon les effets secondaires qu'on peut avoir suite à ça.
07:09Au début, je me suis retrouvée avec la première molécule que j'ai prise.
07:14J'avais l'impression d'être complètement narcoleptique,
07:17c'est-à-dire que je pouvais m'endormir à peu près partout,
07:20ce qui n'était quand même pas très pratique pour vivre.
07:22Donc, on a changé de molécule.
07:25Malheureusement, j'ai eu une allergie à cette deuxième molécule
07:28qui a été assez grave.
07:31Ça m'a pris vraiment plusieurs mois pour pouvoir me sortir de cette allergie
07:34qui avait généré d'autres problèmes à côté.
07:37Et enfin, on est tombé sur le bon traitement pour moi.
07:43On a compris également que j'avais une bipolarité
07:45où j'étais plutôt d'humeur basse,
07:48donc que j'avais aussi besoin d'antidépresseurs
07:50pour remonter un peu mon humeur artificiellement.
07:52Donc, finalement, là, ça fait un an et demi que je suis stabilisée,
07:57que je n'ai pas fait de crise majeure,
07:59que j'arrive à mieux comprendre comment ça fonctionne dans mon corps
08:03avec la prise des médicaments,
08:05qu'on a réussi avec ma nouvelle psychiatre
08:08à trouver un dosage qui me correspond.
08:10Également, une variation,
08:12puisque évidemment, comme je suis une femme,
08:14dès que j'ai l'ovulation, dès que j'ai mes règles,
08:17le syndrome prémenstruel, ça impacte énormément mon humeur.
08:22Donc, mon traitement a été également adapté par rapport à ça
08:26pour que ponctuellement,
08:29quand je vais avoir le syndrome prémenstruel,
08:31je puisse ne pas tomber dans une crise de légère dépression.
08:36Donc, tout ceci, ça a été adapté avec le temps
08:39pour essayer de trouver un équilibre total.
08:42Il a fallu attendre l'après-Covid,
08:44où là, pour le coup, j'avais fait une crise d'hypomanie
08:49pendant le confinement.
08:51J'avais fait une crise d'hypomanie aussi pendant le Noël
08:56qui avait suivi le confinement.
08:58Enfin, c'était un enfer.
09:00Et suite à ça, je me suis dit,
09:03bon, il faut vraiment que j'arrive à réguler mes émotions.
09:07Parce que pour moi, à l'époque,
09:08c'était mon hypersensibilité qui générait tout ça
09:12et éventuellement l'anxiété.
09:14Je n'avais pas compris qu'il y avait vraiment...
09:15Enfin, je l'avais compris, mais je l'avais enterré.
09:18Donc, je n'avais pas vraiment acté
09:20qu'il y avait autre chose que ça.
09:22Et à l'époque, c'était très difficile aussi pour moi
09:26d'envisager la psychothérapie
09:28parce que c'est vrai que ma famille n'a pas été éduquée
09:32à aller voir des psychologues
09:34pour le bien-être de la personne.
09:36C'était en gros, soit les personnes
09:39qui souhaitent faire ça,
09:42c'est juste pour se faire mousser un peu,
09:44ou alors ils sont vraiment fous.
09:46Je ne voulais être dans aucune des deux catégories.
09:49Sauf qu'à un moment donné, je me suis dit,
09:51bon, j'ai des amis qui ont fait ce genre de psychothérapie.
09:55Ça va beaucoup mieux.
09:56Je ne vois pas pourquoi ce serait mauvais.
09:58Et c'est vrai que mes parents ont évolué aussi sur le sujet.
10:01Donc, ça m'a aidée aussi à me sentir soutenue
10:04par ces personnes-là
10:07et mon compagnon de l'époque aussi
10:08qui avait lui-même fait des psychothérapies.
10:10Donc, ça renforçait mon côté...
10:14Enfin, le côté rassurant de cette étape à franchir pour moi.
10:18Avec toute cette compréhension,
10:20j'ai pu comprendre que,
10:21oui, j'avais fait une tentative de suicide
10:23que j'ai complètement masquée.
10:24Oui, j'ai fait des crises de panique.
10:26Je ne savais pas ce que c'était.
10:27Oui, j'ai fait des épisodes d'hypomanie.
10:29Je ne savais pas ce que c'était.
10:30Et oui, j'ai fait des dépressions.
10:31Et je ne savais pas ce que c'était.
10:33Donc, toutes ces choses-là ont été identifiées a posteriori,
10:38m'ont permis de pouvoir prendre conscience davantage
10:41des crises qui ont suivi,
10:45parce qu'il y en a eu quand même quelques-unes.
10:47Toutes les personnes qui ont un trouble bipolaire
10:48ont des signes avant-coureurs avant une crise.
10:50C'est juste que les signes les plus évidents
10:55sont en général les signes où c'est déjà trop tard
10:58et la crise est déjà enclenchée.
11:00Ce qui est difficile à trouver,
11:02ce sont ce qu'on appelle les prodromes,
11:04c'est-à-dire les signes très précoces
11:07qui peuvent induire un léger changement
11:10d'habitude de vie, d'humeur.
11:13C'est très léger.
11:15Et c'est ça, en fait, si on les découvre
11:17et qu'on est capable d'appliquer ce qu'on appelle
11:18les contre-comportements,
11:20eh bien, on va pouvoir désamorcer une future crise.
11:23Et donc, d'enrayer un peu ce processus
11:26de crise après crise après crise
11:27et d'aujourd'hui être beaucoup plus stable
11:29puisque je n'ai pas fait de crise depuis un an et demi.
11:33Tout mon entourage proche est au courant de ma bipolarité
11:42parce que j'estime que c'est suffisamment important
11:47pour que ce ne soit pas tu.
11:50C'est quelque chose qui fait partie de moi
11:52mais qui ne me définit pas.
11:54Donc, si j'avais un fauteuil roulant,
11:57je ne vois pas pourquoi je le cacherais à mon entourage.
12:01De toute manière, je ne pourrais pas marcher.
12:03Donc, ça fait partie de moi.
12:04Donc, je ne vois pas pourquoi je le cacherais.
12:06Et en plus de ça, je pense que c'est très important
12:09de pouvoir sensibiliser les gens à ce genre de troubles.
12:13Tout ce qui est psy, c'est encore très mal vu,
12:16pas assez documenté.
12:18Et je pense que, vu que ça ne me dérange pas d'en parler,
12:22si je peux me faire le porte-parole
12:24de personnes qui ne se sentent pas reconnues,
12:27qui n'ont pas forcément fait leur diagnostic aussi
12:29parce qu'il y a énormément de bipolaires
12:30qui ne sont pas diagnostiqués,
12:31c'est très dur à diagnostiquer.
12:33Donc, je pense que, voilà,
12:35c'est pour ça que je l'ai dit à tous mes proches
12:36mais pas forcément à la même vitesse non plus.
12:39Pour mes parents, c'est toujours un peu bizarre
12:42de se dire que son enfant a un trouble psychiatrique.
12:44c'est pas forcément facile à recevoir comme information.
12:48J'ai déclaré la maladie en 2011, donc j'avais 17 ans.
12:51Donc, avant 2011, j'étais pas vraiment comme ça
12:54mais j'étais hypersensible et j'avais déjà un trouble panique
12:58et une anxiété généralisée que je ne connaissais pas
13:01mais c'était déjà moi.
13:04Et après ce moment-là, j'ai été dans le déni
13:06pour tout ce qui était trop haut ou trop bas.
13:07Donc, moi, je savais déjà comment je fonctionnais
13:11sans le savoir.
13:13C'est-à-dire que je sentais que c'était en moi dans tous les cas
13:15mais qu'il fallait que je gomme,
13:17que j'efface, que ça n'existe plus.
13:20Et à partir du moment où j'ai eu le diagnostic,
13:23lumière à tous les étages,
13:25je me dis, bon, en fait, je peux exister.
13:27Donc, aujourd'hui, ce qui est plus difficile,
13:31c'est le fait d'être très vulnérable à ça
13:33parce qu'avant, comme j'étais dans une carapace,
13:36le déni, c'est facile.
13:37Enfin, disons que ça ne peut que exploser très fort plus tard
13:42mais sur le moment, ça fait un peu l'effet carapace,
13:44l'effet armure.
13:45Sauf que là, aujourd'hui,
13:47vu que je m'accepte telle que je suis,
13:50je me prends tout de plein fouet,
13:51donc à moindre intensité, on va dire.
13:54Mais il faut que j'apprenne à jongler,
13:56que j'apprenne à mes émotions,
13:57à juste rentrer dans la maison où elles sont accueillies
14:00pour qu'elles puissent ensuite ressortir.
14:02Et donc, tous ces changements-là,
14:04le fait de pouvoir me dire,
14:05bon, là, en fait, je ne vais pas avoir assez d'énergie,
14:08ce serait une mauvaise idée de faire ça.
14:10Ou le fait de redécouvrir des hypersensibilités
14:14qui sont encore plus exacerbées maintenant
14:16que je ne les contrôle plus,
14:18que je les accepte.
14:20Donc, par exemple, j'ai acheté des loupes
14:21qui sont des sortes de...
14:24entre les bouchons d'oreilles et les écouteurs
14:27pour faire baisser le nombre de décibels dans une salle.
14:30Donc ça, ça me fait beaucoup de bien.
14:31Je me trimballe toujours avec...
14:33Dès que je sais qu'il va y avoir de la lumière très forte,
14:36j'ai toujours des lunettes de soleil.
14:38Et ce genre de choses, ça me permet de me dire,
14:41bon, ben voilà, ça m'arrive, je l'accepte,
14:44je réagis en conséquence.
14:46Et non pas, ça m'arrive, je ne veux pas que ça m'arrive,
14:49je vais faire comme tout le monde,
14:50quitte à craquer plus tard, à fondre en larmes chez moi
14:52ou je ne sais pas quoi.
14:53Donc je fonds en larmes toujours,
14:54mais disons que ça dure moins longtemps.
14:55Surtout, ça n'implique pas un épisode dépressif
15:00ou une montée hippomaniaque.
15:03Donc j'accepte plus en fait les émotions fugaces
15:07qui naviguent en moi.
15:09Et donc je me sens plus moi, on va dire.
15:11Les clichés sur la bipolarité, c'est qu'on ne peut pas nous faire confiance,
15:20c'est que du coup, on peut avoir des comportements dangereux,
15:25que si jamais on est avec des enfants, par exemple,
15:29ça peut être quelque chose de pas simple pour l'enfant,
15:35ce genre de choses.
15:36Alors que, en fait, si on est suivi, qu'on a conscience de soi,
15:41qu'on a ce 50-50 traitement médicamenteux et hygiène de vie,
15:46en fait, on est aussi sain d'esprit que n'importe qui,
15:49et limite peut-être plus que quelqu'un
15:50qui n'a jamais pris conscience des biais qui le concernent
15:56et qui peuvent aussi influer sur, par exemple,
15:59comment il va s'occuper d'un enfant, si on parle des enfants.
16:01Et il y a aussi un cliché qui est...
16:04Alors ça, c'est un cliché, mais en même temps, c'est une réalité.
16:07C'est quelque chose qui me fait un peu peur, d'ailleurs, à moi-même.
16:09C'est en tant que femme, du coup, vu que j'ai un utérus,
16:13j'ai la possibilité d'être enceinte.
16:16Et pour pouvoir être enceinte,
16:18là, le traitement que je prends, il faudrait que je l'arrête.
16:22Et ça, je sais que c'est quelque chose qui est très compliqué,
16:26parce que ça veut dire suivi psychiatrique rapproché,
16:29ça veut dire encadrement de la grossesse, etc.
16:33Je sais que c'est possible,
16:34mais c'est quelque chose qui, à l'heure actuelle,
16:35me fait encore un petit peu peur,
16:36même si j'ai fait la paix avec ça,
16:38et du coup que mon envie potentielle d'avoir des enfants
16:41ne s'en trouve plus altérée.
16:45Mais je sais que ça peut être des choses qui sont difficiles,
16:48et je sais que, vu qu'en plus,
16:51les bipolaires stabilisés, comme moi je suis aujourd'hui,
16:55on a un peu l'impression que nos médicaments ne servent plus à rien,
16:57parce que c'est lourd quand même de prendre des médicaments.
17:01Moi, j'en ai 1 à 8h, 2 à 8h30, 1 à 20h le soir.
17:05Ça commence à faire beaucoup de réveils,
17:07de trucs à prendre avec des dates, etc.
17:10Et c'est vrai que quand tout fonctionne bien,
17:12on pourrait se dire, bon, c'est bon,
17:13je n'ai plus besoin de médicaments.
17:14Et en fait, l'observance pour les cas de bipolaires
17:18est souvent mal respectée,
17:21parce qu'au bout d'un moment, on se sent bien,
17:23et du coup, il y en a beaucoup qui arrêtent leurs médicaments.
17:26Et bim, c'est la rechute assurée vers une crise encore plus grosse.
17:30Donc c'est pour ça, forcément, quand on se dit,
17:32il faut quand même continuer à prendre son traitement,
17:34mais en même temps, si jamais je veux être enceinte,
17:36il va falloir peut-être que je l'arrête.
17:38Donc c'est vrai que c'est très complexe,
17:41surtout que c'est une maladie qui a encore beaucoup de pans inconnus.
17:46Il y a certains médicaments, on sait que ça marche,
17:48mais on ne sait pas exactement où ça agit sur le cerveau.
17:51Donc c'est très ambigu, finalement,
17:54de toute façon, comme la psychiatrie en général,
17:56c'est toujours très complexe.
18:03Depuis toute petite, avec mes frères et soeurs,
18:06enfin mon frère et ma soeur,
18:06on a beaucoup fait de films, de pièces de théâtre,
18:10de journaux télévisés.
18:13On a vraiment énormément créé Petit,
18:16donc jusqu'à mes 15 ans.
18:18Et après, j'ai été en prépa.
18:22Donc j'ai fait ma prépa, j'ai fait mon école d'ingénieur.
18:24J'ai commencé une thèse, tout ça.
18:26Enfin, il n'y avait plus de place pour l'artistique.
18:29Et c'est là que j'ai fait mon premier burn-out.
18:31Donc j'ai rechangé d'orientation.
18:33J'ai fait un MBA en marketing de la santé
18:35qui m'a permis de rentrer dans l'industrie pharmaceutique
18:38et re-burn-out.
18:40Donc je me suis remise en question.
18:41Je me suis dit, bon, qu'est-ce que je vais faire, etc.
18:43J'ai réessayé l'industrie pharmaceutique,
18:45du côté médical ensuite.
18:46Et toujours rien, la catastrophe et le dernier burn-out en date,
18:51vu qu'il a été couplé avec une tendative de suicide,
18:54que ça m'a valu vraiment...
18:57Là, je pense qu'on était sur une année et des miettes d'enfer,
19:02où le début, je ne pouvais pas me lever,
19:06je ne pouvais pas me doucher toute seule,
19:08manger, c'était un enfer.
19:09Enfin, ça a été vraiment, vraiment, vraiment très, très bas.
19:14Et là, je me suis dit, bon,
19:15on ne va pas rechercher tout de suite un nouveau travail.
19:19On va essayer de faire les choses qu'on aime bien.
19:22Et la première chose qui m'est venue à l'esprit,
19:25c'est que depuis toute petite,
19:27je fais du doublage de dessins animés
19:29pour mes amis, mes parents, mes frères et sœurs,
19:33pour amuser la galerie.
19:34Donc, je me suis dit, je suis à Paris maintenant,
19:38je vais donc faire un stage de doublage.
19:41Je fais le stage de doublage, l'épiphanie.
19:45Je me suis dit, mais il faut absolument
19:47que j'en fasse un deuxième.
19:50Deux mois plus tard, je refais un stage,
19:53deuxième épiphanie, je me dis, ce n'est pas possible,
19:55je suis vraiment bien là-dedans.
19:58Mais je me disais, bon, vu que j'avais eu mon diagnostic,
20:01on savait qu'il pouvait y avoir des hypomanies, etc.,
20:03je me disais, si j'ai cette envie immense
20:06de faire du doublage, si ça se trouve,
20:08c'est encore une de mes lubies
20:09et dans quelques semaines, ça va partir
20:12et je vais finir en dépression.
20:13Donc, je me suis calmée un petit peu
20:15et j'ai regardé un peu les formations
20:17un peu plus professionnelles.
20:20Et c'est là, en fait, que j'ai découvert
20:21le Studio Capital et que j'ai fait
20:22une formation attentive de trois semaines de doublage
20:25et que j'ai commencé en parallèle
20:28à faire du théâtre d'improvisation.
20:32Et là, j'ai renoué avec la société.
20:37J'ai recommencé à être heureuse de vivre
20:41parce que, justement, ça a réactivé un peu
20:44cette flamme créatrice que j'avais perdue.
20:47Et au bout d'un an de théâtre d'improvisation,
20:52après avoir fait ce stage de doublage,
20:55je me suis dit, bon, ben voilà, je peux me lancer.
20:56J'ai commencé aussi à faire des masterclass de doublage
21:00avec des DA.
21:02Et en parallèle de ça, je jouais sur scène,
21:05je faisais de l'impro.
21:07Et je démarchais aussi pour faire un peu de vidéos.
21:10Et c'est comme ça que j'ai eu
21:11mes premiers cachets pour Rétro Découverte,
21:16qui est une web-série sur YouTube,
21:17que j'ai pu participer à Adenicone,
21:20que j'ai fait le premier festival
21:24au niveau artistique en tant que comédienne,
21:28qui d'ailleurs était un festival,
21:30donc c'était Paris, court devant,
21:33la sous-catégorie Satourne en Ile-de-France.
21:35Et c'est vrai que c'était un festival
21:36qui était aussi pour promouvoir
21:37les personnes en situation de handicap,
21:40physique ou non, visible ou invisible.
21:43Et j'ai participé à un court-métrage
21:46sur la bipolarité, donc je suis assez fière.
21:49Moi, je pense que la bipolarité,
21:50par rapport à ma façon de jouer,
21:52ça a une influence.
21:54Moi, je pense que c'est positif
21:56parce que je suis très pro-émotion.
21:58Et donc, ça me permet de rentrer vraiment
22:00avec l'empathie dans les personnages
22:03et surtout d'avoir un peu cette fragilité
22:06puisque je connais les failles de ma vie.
22:08Et donc, du coup, pour aller dans une faille de personnage,
22:10même si elle est différente de moi-même,
22:12ça m'aide aussi.
22:14Mais au-delà de ça,
22:15ça peut être un peu difficile aussi
22:17parce que cette facilité qu'on a
22:19nous rend très vulnérables,
22:20en tout cas à mes yeux, pour moi-même,
22:23parce que ça fait un petit peu
22:25la méthode Stanislavski, justement,
22:27où ils essayent de rentrer vraiment dans le personnage.
22:30Il y a une part de moi bipolaire
22:37qui, par moment, peut être mal comprise
22:44des personnes non sensibilisées à ça.
22:47Donc forcément, si le directeur de plateau,
22:50si le réalisateur,
22:52en tout cas si les personnes qui vont interagir avec moi
22:54ne sont pas au fait de ça,
22:57ça peut être difficile
22:58parce qu'ils ne pourront peut-être pas forcément comprendre
23:00des moments où je ne vais pas être bien au niveau auditif
23:02ou des moments où je vais avoir envie de pleurer
23:05parce que juste, j'ai trop de choses
23:08qui se sont passées émotionnellement.
23:10En fait, je pense qu'aujourd'hui,
23:13je sais que la bipolarité,
23:14ce n'est clairement pas ce qui me définit à 100%.
23:16J'ai ce trouble, c'est vrai,
23:20mais je pense que j'ai une personnalité aussi
23:22qui est déjà très atypique en soi
23:23du fait de mon hypersensibilité de base.
23:29Je suis quelqu'un de très extraverti.
23:30J'aime aller au-devant des gens.
23:32Mais en même temps, vu que j'ai ma bipolarité,
23:34il y a des moments où je ne peux pas
23:35rester aussi longtemps
23:39qu'une personne 100% extravertie le ferait.
23:44J'ai une façon de vivre, oui,
23:46qui peut être un petit peu bizarre.
23:48Et aujourd'hui, je l'accepte finalement
23:50aussi parce que j'ai eu ce diagnostic
23:52qui m'a appris à accepter cette part de moi
23:55et qui, du coup, me permet d'accepter
23:57les autres parts de moi que je trouvais bizarres,
24:00sur lesquelles j'avais des difficultés
24:01au niveau de mon intégration dans la société, etc.
24:05Donc c'est vrai qu'au niveau de mon métier de comédienne,
24:08je pense qu'avoir une équipe qui est bienveillante,
24:12c'est la base.
24:14Et c'est à la fois pour mon bien-être
24:16par rapport à ma bipolarité,
24:18mais je pense que c'est aussi bien
24:21de tenir compte de toutes les neuroatypies
24:23et de prendre en compte la personne.
24:26Parce que je pense que si on parle des personnes
24:28qui n'ont aucun trouble,
24:30mais qui ont aussi des difficultés
24:31comme les personnes trans, les personnes non-binaires,
24:34les personnes qui sont d'une minorité ethnique
24:37ou d'une minorité religieuse,
24:39des fois, ça peut être aussi difficile pour ces personnes-là
24:43si elles sont dans un milieu qui n'est pas bienveillant.
24:46Et je pense que ce qui est le plus important,
24:49c'est d'essayer d'ouvrir les esprits.
24:52Et le monde du spectacle,
24:53je pense que c'est à la fois un milieu très ouvert
24:56et en même temps,
24:58qui surfe un petit peu sur certaines conventions
25:02qu'il trimballe depuis maintenant beaucoup de temps.
25:07Alors, petite Delphine qui n'a pas été diagnostiquée,
25:17le jour viendra où tu sauras qui tu es.
25:21Je sais que tu aimerais bien que ce soit plus tôt,
25:25mais en même temps,
25:26on est devenu la personne qu'on est
25:28parce qu'on a vécu tout ça.
25:29Donc ne jamais renier notre passé.
25:32Et sache qu'aujourd'hui,
25:34tu es sur l'autoroute,
25:37du bonheur
25:38qui est un chemin et non une destination.
25:41Donc on va continuer de rouler
25:43et je t'emmène avec moi
25:46comme souvenir de nos moments passés.
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