- il y a 4 mois
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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Eléonore descend du tram à son arrêt habituel.
01:05Elle fait quelques pas sous la pluie, puis s'abrite sous un norme.
01:10Tant que Livia sera fâchée si elle mouille son beau chapeau neuf.
01:15Ne lui a-t-elle pas recommandé ce matin de prendre son parapluie ?
01:18Il y a trois rues entre l'arrêt du tram et la maison.
01:23Et même la plus fine des pluies peut tremper un chapeau sur cette distance.
01:27Un chapeau à 20 dollars.
01:30Une extravagance ! avait dit Tante Livia.
01:35Alors, Eléonore prend une décision rapide et osée.
01:38Elle ôte l'épingle du chapeau et le four sous son manteau.
01:41Ah, comme c'est agréable de marcher nue-tête sous la pluie !
01:47Surtout après une journée dans la poussière et la pénombre de la bibliothèque !
01:53Elle va se faire gronder aussi sévèrement pour s'être trempée les cheveux.
01:56À 23 ans !
01:58Pour de telles broutilles !
02:00Mais Tante Livia est comme ça, avec sa nièce !
02:03Et Léonore marche doucement pour jouir complètement de cet instant de bien-être.
02:12Enfin, elle arrive à la maison.
02:15Une grande maison de briques parcourt l'allée sans se presser.
02:20Sous le porche, elle s'arrête pour respirer une ou deux fois profondément
02:25et regarder la nuit qui tombe.
02:28Puis, tristement, elle ouvre la porte.
02:33Résigné.
02:37Le silence.
02:40Un silence palpable, la frappe au même instant.
02:45Toujours, ou presque toujours, l'oreille fine de Tante Livia ne met pas plus d'une seconde
02:50à entendre le bruit de la porte et aussitôt sa voix autoritaire de demander
02:53« Et Léonore, c'est toi ? »
02:56Mais là, rien.
03:00Rien, pas d'appel.
03:01« Et Léonore sait bien que Tante Livia surveille toujours la pendule, inquiète du moindre retard de sa nièce.
03:08Où est-elle alors ? »
03:12Dans les vestibules sombres, Léonore accroche son manteau et son chapeau.
03:16Il n'a pas trop souffert.
03:18Puis, elle se regarde dans la glace.
03:21Ses cheveux sont mouillés, mais pas tant que ça.
03:24Elle les arrange un peu,
03:27s'arrête brusquement,
03:29envahie soudain par une drôle d'impression.
03:31La maison n'est pas simplement silencieuse,
03:35elle est froide,
03:37glaciale même,
03:39sans son manteau et Léonore frissonne.
03:43« Tante Livia ?
03:44Tante Livia ? »
03:48Seul le silence lui répond.
03:49« C'est étrange.
03:53Tante Livia ne quitte jamais la maison à l'heure du dîner,
03:55à l'heure où sa nièce, Léonore et son neveu, Bertie,
03:58rentrent de leur travail.
04:00« Bertie ? »
04:01crie Léonore d'une voix plaintive.
04:05« Bertie ? »
04:07Rien.
04:08Rien sauf la grosse horloge comptoise du salon,
04:12mais aucune respiration,
04:14personne ne respire dans la maison.
04:16Sans savoir exactement pourquoi,
04:21Léonore est maintenant effrayée.
04:24Alors elle commence à chercher.
04:26Le salon est obscur et vide.
04:29Pareil, la salle à manger et la cuisine.
04:32Terrorisée, Léonore commence à grimper l'escalier
04:34pour aller voir dans la chambre de sa tante.
04:37Chaque marche qui craque
04:38déchire le silence oppressant.
04:42La porte de la chambre de Tante Livia est fermée.
04:45et aucun rayon de lumière ne filtre de dessous.
04:49C'est bizarre, ça.
04:52Tante Livia laisse toujours sa porte ouverte
04:54pour savoir tout ce qui se passe dans la maison.
04:58Est-ce qu'elle dort ?
04:59Non, c'est impossible.
05:00Tante Livia ?
05:02Tante Livia ?
05:04dit la jeune fille en frappant doucement.
05:07Tante Livia ?
05:10Pas de réponse.
05:13Alarmée, elle tourne le bouton et pousse doucement.
05:16La porte ne résiste pas beaucoup.
05:20Enfin, pas longtemps.
05:23Léonore, pressentant un malheur, est complètement paniquée.
05:26Elle sent quelque chose de long et de grand
05:29qui bloque légèrement la porte.
05:31Elle insiste jusqu'à ce que l'ouverture soit assez grande
05:34pour la laisser passer.
05:36La pièce est dans le noir.
05:38Une nouvelle fois,
05:41elle constate qu'il n'y a pas de respiration.
05:47Livia ne peut pas être là.
05:50Mais qu'est-ce que c'est que cet autre petit bruit ?
05:55Tante Livia ?
05:58Puis, alors qu'elle tend l'oreille,
06:01c'est un autre sens,
06:03son odorat qui est soudain brutalement alerté.
06:06« Le gaz ! »
06:09« Ça sent le gaz ! »
06:11Eléonore hurle,
06:12pousse la porte pour l'ouvrir en grand,
06:14cherche à tâton l'interrupteur.
06:15La faible ampoule du plafonnier
06:17lève le voile dans la pièce.
06:19Tante Livia est bien là,
06:22immobile,
06:24étendue sur son lit.
06:28C'est l'arrivée de son frère Bertie
06:30qui sort Eléonore de sa torpeur.
06:32Alerté par les hurlements d'Eléonore,
06:34il arrive en courant,
06:34puis, en entrant,
06:35il met son mouchoir sur son visage
06:37et court jusqu'au radiateur à gaz.
06:39Enfin, Bertie ouvre la fenêtre de la chambre.
06:44Il se penche sur Tante Livia.
06:47Eléonore, impuissante et anxieuse,
06:49attend.
06:52« Elle est morte ! »
06:54dit Bertie.
06:55« Tu es sûr ? »
06:57« Certain, oui.
06:58T'as qu'à vérifier.
07:00Elle est froide comme la glace.
07:02« Viens la toucher. »
07:03« Non, non, non, non, je ne peux pas. »
07:05dit Eléonore frissonnante.
07:08« Mais il faut appeler un médecin. »
07:09« Non, c'est pas la peine,
07:10puisqu'elle est morte. »
07:12répond Bertie.
07:13« Mais il y a quelque chose à faire, voyons.
07:15Il faut un certificat d'essai. »
07:18« On a le temps ! »
07:20dit à nouveau Bertie.
07:24Assise maintenant dans le salon,
07:26Eléonore sent un vide immense et mystérieux l'envahir.
07:30Le visage de Bertie porte les stigmates de l'angoisse.
07:36« Elle s'est suicidée ! »
07:39dit-il après plusieurs longues secondes de silence.
07:41« Mais pourquoi ? »
07:45fait Eléonore dans un souffle.
07:47« Bah, c'était une vieille femme malade.
07:49Tu sais, c'est à soixante ans
07:51que commencent les maladies graves. »
07:53« Mais enfin, Bertie,
07:54s'il avait eu quelque chose de grave,
07:56elle nous l'aurait dit.
07:57Tous ces bobos imaginaires
07:59n'étaient qu'une arme contre nous. »
08:00« Ah oui, ça, ça.
08:02Elle savait nous rappeler la dette
08:03qu'on avait envers elle.
08:05Son sacrifice.
08:07Tout son héritage dépensé pour nous,
08:08pauvres orphelins,
08:09recueillis généreusement par elle,
08:11cette chère tante Livia.
08:13Ah, ce chantage ! »
08:16« Si tu te le rappelles,
08:17elle a commencé à se plaindre de sa santé
08:18depuis que nous sommes en âge de travailler,
08:20donc de lui échapper.
08:21Depuis que je travaille à l'usine
08:22et toi à la bibliothèque.
08:25Nous ne pouvions pas nous en aller de cette baraque
08:26et abandonner une femme malade
08:28qui avait sacrifié toute sa vie pour nous, n'est-ce pas ? »
08:32« Oui, oui, bien sûr. »
08:34dit Eléonore.
08:36« Tu n'as pas complètement tort.
08:37Mais alors, pourquoi se serait-elle suicidée ? »
08:41« Pour nous libérer. »
08:44« Ah, tu crois à Bertie ? »
08:47« Après avoir passé toutes ces années à nous retenir,
08:49elle aurait voulu nous libérer. »
08:51« Mais peut-être qu'elle était très malade. »
08:55dit Bertie.
08:56« Je vais voir si elle n'a pas laissé un mot
09:03justifiant son geste. »
09:07Eléonore entend dans l'escalier
09:08le pas de son frère qui la suit.
09:12L'odeur de gaz est toujours aussi insupportable.
09:17Eléonore rassemble son courage
09:18et pénètre dans la pièce.
09:20Elle s'approche du lit
09:21et regarde le visage paisible de Tante Livia.
09:24Celle-ci porte sa robe verte,
09:27vieille et usée.
09:31La jeune fille entend le souffle
09:32de son frère dans son dos.
09:36« Cherchons cette lettre, Bertie.
09:38En général,
09:39quelqu'un qui se suicide
09:40laisse son message bien en évidence. »
09:45Il cherche tous deux
09:46et ne trouve rien.
09:48« Je ne comprends pas. »
09:52dit finalement Eléonore.
09:55« Regarde ! »
09:56lance Bertie.
09:57« Là, regarde ces chiffons
09:58au bord des fenêtres
09:58pour que l'air n'entre pas.
10:00Ça explique bien son geste, non ?
10:03Tu te souviens qu'elle se plaignait
10:04toujours des courants d'air
10:05et de ces fenêtres
10:06qui fermaient si mal ? »
10:09« Oui. »
10:11dit doucement Eléonore.
10:13« Je me souviens. »
10:15« Regarde, là aussi. »
10:17dit-elle en allant vers la porte
10:19devant laquelle sont en effet
10:20roulées des chiffons
10:22pour empêcher l'air de passer.
10:25Elle se baisse
10:25et soudain pousse un cri.
10:27« Bertie ! Oh non ! Bertie ! »
10:29« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
10:30Qu'est-ce qui se passe ? »
10:31« C'est ta chemise ! »
10:33dit-elle en brandissant
10:34le morceau de tissu.
10:35« Hein ? »
10:36« Ben oui, en effet,
10:37on dirait ma chemise. »
10:38« Qu'est-ce qu'elle fait là ? »
10:40« Ben, je suppose que
10:42Tante Livia n'a pas trouvé
10:43assez de vieux chiffons. »
10:46« C'est une de tes plus belles chemises, Bertie.
10:47Je te l'avais offerte
10:49pour Noël l'année passée. »
10:50« Oui, oui, c'est vrai,
10:51je m'en souviens. »
10:53« Tante Livia n'aurait jamais fait ça.
10:55Elle n'aurait jamais pris
10:55une de tes chemises.
10:57Elle aurait pris
10:57quelque chose à elle. »
11:01« Où veux-tu en venir, Eleanor ? »
11:04« Qui a mis ta chemise
11:06sous la porte de Tante Livia, Bertie ? »
11:08« Qui ? »
11:10« Est-ce que tu...
11:12Est-ce que tu prétends
11:13que c'est moi, Eleanor ? »
11:16« Est-ce que c'est toi, Bertie ? »
11:21Le doute soudain d'Eleanor
11:22est-il justifié ?
11:25Vous le saurez dans quelques instants.
11:34Tante Livia est retrouvée
11:35morte sur son lit.
11:38Suicide ou crime ?
11:39Eleanor, malgré elle,
11:43mène l'enquête.
11:47Pendant une éternité,
11:49Eleanor et Bertie
11:49se toisent sans respirer.
11:52Finalement, Eleanor va jusqu'à la porte
11:54et s'agenouille pour l'examiner.
11:58« Regarde, Bertie,
11:59il y a une fente de trois centimètres
12:00entre le plancher et la porte.
12:03Tu as d'abord calfeutré les fenêtres,
12:05puis tu es sorti.
12:06Tu as fermé la porte
12:08et tu as poussé les chiffons
12:09avec un bâton ou une règle,
12:10je ne sais pas.
12:10Comme tu ne voulais pas
12:11rouvrir la porte,
12:12tu as appris la première chose
12:13qui t'est tombée sous la main.
12:15Ta chemise.
12:18Bertie essaie de sourire,
12:20de prendre la démonstration
12:21de sa sœur
12:22comme une plaisanterie.
12:24« Tu joues les détectives,
12:25maintenant ? »
12:27Sans se laisser perturber,
12:28la jeune fille poursuit.
12:29« Tante Livia,
12:30prête à se suicider,
12:31n'aurait jamais, jamais,
12:32tu m'entends,
12:33été dans ta chambre
12:34pour prendre une de tes chemises.
12:36C'est toi, n'est-ce pas ?
12:38C'est toi
12:38qui l'a tuée. »
12:42« Et que faisait-elle,
12:43à ton avis,
12:44cette chère tante Livia,
12:45pendant que je calfeutré
12:46les fenêtres ? »
12:50« Elle devait dormir, »
12:52dit Eleonore nullement troublé.
12:54« Tu sais parfaitement
12:55où elle rangeait le somnifère.
12:56Tu as dû, probablement,
12:59en mettre une bonne dose
13:00dans son thé.
13:02Est-ce que tu as quitté
13:03ton bureau aujourd'hui, Bertie ?
13:05Dois-je appeler ton patron
13:06pour lui demander
13:06si tu t'es absenté du bureau ? »
13:11En entendant ça,
13:11Bertie lui arrache
13:12la chemise des mains
13:13et se met à faire
13:14les cent pas dans la chambre.
13:16Puis, il s'arrête
13:17au pied du lit,
13:19fixant le cadavre.
13:22Elle était malade, Eleonore.
13:24« Vraiment, Bertie ?
13:27Mais ça n'a aucune
13:28espèce d'importance. »
13:30Elle faisait semblant
13:31d'être malade
13:32ou elle l'était vraiment.
13:33De toutes les façons,
13:34elle était profondément égoïste.
13:36Regarde l'expression
13:37de son visage,
13:39apaisée.
13:41Je ne l'ai jamais vue
13:42comme ça.
13:43Elle est libérée de nous,
13:45tu comprends ?
13:46Libérée.
13:48Si nous étions partis,
13:50elle serait restée ici,
13:51seule,
13:52toute seule.
13:52Tu as vu son sourire ?
13:56Elle est morte heureuse ?
13:59Tu te souviens
14:00de ce qu'a dit Oscar Wilde ?
14:02« Chacun tue
14:03ce qu'il aime. »
14:05Je l'aimais, Eleonore.
14:08Le poème dit aussi
14:09« Chacun tue
14:11ce qu'il aime,
14:12le lâche
14:13avec un baiser,
14:15le brave
14:15avec un glaive. »
14:18Et puis,
14:19il fallait penser
14:21à nous, Eleonore.
14:22Berthi parle maintenant
14:25d'une voix douce
14:26et pressante.
14:28« Tu le sais bien,
14:29ma chérie,
14:30nous n'avons jamais eu
14:31de vie,
14:31de vie à nous.
14:34Tu es jolie, Eleonore,
14:35très jolie,
14:35tu le sais.
14:37Qu'est-ce qu'a fait
14:37Tante Livia
14:38aux jeunes gens
14:38qui venaient te voir ?
14:40Tous ceux qu'on a vus
14:41une fois
14:41ne sont jamais revenus,
14:42n'est-ce pas ?
14:43Je te vois
14:44te replier sur toi-même
14:46de jour en jour.
14:48Elle gâchait ta vie.
14:49J'ai fait ça
14:50pour toi, Eleonore,
14:51uniquement pour toi.
14:55Mais si on mangeait
14:56un morceau
14:57avant de partir ?
14:58Hein ?
14:59Ah, puis non,
15:00tiens, finalement,
15:01je crois que j'ai pas faim.
15:02J'ai pas du tout faim.
15:04Non, finalement,
15:04je préférerais
15:05un verre de Porto.
15:06Tu en prendras un,
15:07toi aussi, hein ?
15:09demande-t-il
15:09tout en se dirigeant
15:11vers la desserte
15:12où est posée
15:12la bouteille.
15:13« Oui, » dit Eleonore.
15:16« Oui, je pense que
15:17ça nous fera du bien
15:18à tous les deux. »
15:20Bertie s'affaire
15:21de dos sur la desserte.
15:22On entend le teintement
15:23nerveux des verres.
15:25Ses mains tremblent.
15:26Il met un certain temps
15:27à remplir les deux verres.
15:28Enfin, il se retourne,
15:30les verres emplis au rabord
15:31sur un petit plateau d'argent.
15:34« À ta santé
15:34et à ton bonheur,
15:35ma chère petite sœur ! »
15:37dit-il en levant son verre.
15:40« Tu ne bois pas ? »
15:41« Si, si, bien sûr ! »
15:44dit Eleonore
15:45qui avale
15:46quelques petites gorgées.
15:49« Je me demande
15:50ce que tu vas faire
15:51de cette maison maintenant ! »
15:53dit le jeune homme.
15:55« Ce n'est pas le moment
15:56de penser à ça, Bertie.
15:57Finis ton verre
15:58et partons.
15:59Il le faut vraiment. »
16:00« Je t'en prie,
16:01petite sœur.
16:02Encore un petit verre,
16:03un dernier petit verre
16:04de Porto
16:05et nous y allons, hein ? »
16:07Bertie va jusqu'à la desserte,
16:09remplit les deux verres
16:10et entend un
16:11à sa sœur.
16:12« Tiens, allez, bois !
16:13Bois ! »
16:15« Non,
16:16je ne suis pas
16:16une buveuse ! »
16:19dit Eleonore.
16:19« Mais enfin, si,
16:20ça peut peut-être
16:21me donner du courage. »
16:23Et elle avale
16:24une nouvelle gorgée
16:25de son Porto.
16:27Tout à coup,
16:28le fauteuil
16:28dans lequel elle est assise
16:29semble plus confortable,
16:31plus souple.
16:33« Est-ce que Bertie
16:34essaie de me saouler
16:35pour me faire changer d'avis ? »
16:37« Il n'y arrivera pas.
16:38Je finis ce verre
16:40et c'est tout. »
16:43Bertie n'arrête
16:44pas de parler.
16:46« Comme tu es belle,
16:47ma petite sœur.
16:49Très belle.
16:50Je suis sûr
16:51que s'il n'y avait pas eu
16:52tant, Olivia,
16:53tu serais mariée
16:54à quelqu'un
16:55de riche,
16:56de beau,
16:56de gentil.
16:58Ta peau
16:59transparente,
17:00tes cheveux
17:01et tes yeux,
17:02Eleonore.
17:03À mon avis,
17:04tes yeux,
17:05c'est ce que tu as
17:05de plus beau. »
17:07Eleonore laisse Bertie
17:10finir son compliment
17:11puis brusquement
17:11se lève.
17:12Une fois debout,
17:13elle remarque
17:13quelque chose
17:14de bizarre,
17:15une sensation
17:16de mollesse
17:17et de fatigue
17:17dans les jambes
17:18puis dans tout son corps.
17:21Le contre-coup
17:22du choc,
17:23sans doute.
17:24« Allez, Bertie,
17:25viens maintenant.
17:26Tu as promis. »
17:28Il se lève
17:29à son tour.
17:31Il est vraiment
17:32beaucoup plus grand
17:33qu'elle.
17:34il la regarde
17:36avec une
17:36infinie tendresse.
17:40« Est-ce que ça va,
17:41petite sœur ? »
17:42« Oui,
17:43juste un peu
17:44sommeil. »
17:47Et soudain,
17:49Eleonore
17:49comprend tout.
17:52« Tu as mis
17:53quelque chose
17:54dans mon porto,
17:54n'est-ce pas ?
17:56Bertie,
17:57une des poudres
17:59somnifères
17:59de Tante Livia.
18:00Hein ?
18:01Tu en as mis ?
18:04Bertie ne nie pas.
18:07« Mais enfin,
18:08pourquoi ? »
18:09demande-t-elle
18:10aussi fort
18:11qu'elle le peut.
18:14Il s'approche,
18:16pose ses deux mains
18:17sur les épaules
18:18d'Eleonore.
18:20« Chacun tue
18:21ce qu'il aime ? »
18:23dit-il gentiment.
18:25« Combien de fois
18:27me suis-je récité
18:27ces lignes
18:28en pensant à elles ?
18:31Chacun tue
18:32ce qu'il aime,
18:33le lâche
18:34avec un baiser,
18:35le brave
18:36avec un glaive.
18:38Tante Livia
18:39nous a tués
18:39avec ses baisers.
18:41Elle était lâche.
18:42Elle nous a étouffés.
18:45Oscar Wilde
18:46avait raison.
18:47L'amour
18:47d'un brave
18:48est infiniment
18:49meilleur.
18:51J'aimais
18:51notre tante.
18:53C'est une main
18:54pleine d'affection
18:55qui lui a donné
18:56la poudre,
18:57qui a calfeutré
18:58avec les chiffons
18:58et qui a ouvert
19:00le gaz.
19:00« Et tu vas faire
19:04la même chose
19:04pour moi,
19:05Bertie ? »
19:07« Oui,
19:08parce que je t'aime,
19:10Léonore.
19:13Je ne peux pas
19:13te laisser seul
19:14avec ce cadavre
19:15et moi en prison.
19:17mais je ne veux
19:18pas mourir ! »
19:20hurlta.
19:21« Je ne veux
19:21pas mourir ! »
19:24« Mais il le faut,
19:27petite sœur chérie,
19:29dit doucement
19:30Bertie,
19:31la serrant
19:31dans ses bras. »
19:34Soudain,
19:35quelque chose,
19:36quelque chose
19:36venant du plus profond
19:38de son petit être
19:39fragile,
19:40ressurgit à la surface
19:41avec une violence
19:42incroyable.
19:42Léonore se redresse,
19:44libère un de ses bras,
19:45puis l'autre
19:46et se met à frapper
19:46Bertie,
19:47violemment.
19:48Complètement surpris,
19:49il n'a pas bougé.
19:50« Salaud !
19:51Salmanteur !
19:51Hypocrite !
19:52Meurtrier !
19:53Comment oses-tu
19:53parler d'amour ?
19:54En fait,
19:54tu n'aimes que toi,
19:55c'est ça, oui !
19:56En mettant aussi
19:57plus d'obstacles,
19:58n'est-ce pas ?
19:59Tu n'aimes
19:59et tu n'as jamais aimé
20:00que toi,
20:01ton Oscar Wilde !
20:02Tu parles ! »
20:05Bertie est effondré,
20:08affaissé comme une marionnette
20:10dont on a coupé
20:11les ficelles.
20:12Il finit par se lever
20:14et sans un mot
20:14ni un regard
20:15s'enfuit.
20:18Eléonore l'entend monter
20:18les escaliers
20:19puis claquer la porte
20:20de Tante Livia.
20:21Pendant un instant,
20:22son cerveau tourne à vide
20:24puis
20:24elle comprend.
20:27Elle comprend tout !
20:28Se précipite à son tour
20:29dans l'escalier,
20:30la porte de la chambre
20:31est fermée,
20:31il a poussé quelque chose
20:32de lourd derrière
20:33pour se barricader.
20:35« Bertie ! »
20:36Pas de réponse.
20:37En revanche,
20:38elle entend des bruits
20:39de fenêtres,
20:40puis des sons plus légers
20:42comme des chuchotements
20:44de bruit,
20:45tels des chiffons
20:46qu'on enfonce
20:48dans des fentes.
20:49« Bertie,
20:50je t'en supplie,
20:50non,
20:51ne fais pas ça ! »
20:53Enfin,
20:54un autre son,
20:56ténu,
20:57si ténu
20:58qu'elle met un certain temps
21:00avant de pouvoir
21:01le reconnaître,
21:03le sifflement du gaz.
21:06« Oh non,
21:07mon Dieu,
21:07Bertie ! »
21:09Eleanor se demande
21:12qui peut bien
21:13lui porter secours.
21:15Elle sort comme une furie,
21:17elle pense aux voisins,
21:18aux pompiers,
21:18à la police,
21:19oui,
21:19oui,
21:20c'est ça,
21:20la police,
21:21qui est à côté
21:21de l'arrêt du tram.
21:22Elle marche dans la nuit,
21:24l'air est humide,
21:25il n'y a personne
21:27dans les rues silencieuses.
21:29Elle respire profondément.
21:33Chacun tue
21:34ce qu'il aime.
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21:46des archives d'Europe 1.
21:47Réalisation,
21:48Julien Tarot.
21:50Production,
21:51Estelle Laffont.
21:52Patrimoine sonore,
21:53Sylvaine Denis,
21:54Laetitia Casanova
21:55et Antoine Reclus.
21:57Promotion,
21:58Marie Corpé.
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