00:00Oui, avant de partir en vacances, le gouvernement, déjà bien loin de parler d'une seule voix, va se quitter en ordre dispersé.
00:07Car à la mi-journée, la porte-parole du gouvernement, Sophie Prima, ne sera pas seule au pupitre pour faire le compte-rendu de ce dernier Conseil des ministres, non.
00:15L'ex-sénatrice LR va partager le micro avec François Rebsamen, l'ancien éléphant du Parti Socialiste,
00:21est aujourd'hui ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, et il a des choses à dire.
00:28François Rebsamen va présenter son projet de révision constitutionnelle pour octroyer à la Corse un statut d'autonomie au sein de la République,
00:38un texte loin de faire l'unanimité et pour lequel le Conseil d'État s'est mouillé.
00:43Alors justement, expliquez-nous.
00:45Eh bien, il y a près d'un an et demi, en mars 2024, le Parlement de Corse s'est mis d'accord sur une copie.
00:51Celle-ci prévoit de donner à l'île de beauté un pouvoir législatif, à l'exception des sujets régaliens.
00:57Le texte contient également la notion de communauté historique, linguistique, culturelle,
01:03ayant développé un lien singulier avec sa terre.
01:06Une manière à peine voilée d'introduire la notion de peuple corse,
01:10une hérésie pour la plus haute juridiction administrative.
01:14Le Conseil d'État estime, entre autres, que cela va trop loin,
01:17qu'on ne peut pas parler de communauté corse, mais de population.
01:21Des suggestions de modifications qui ne passent pas pour les élus nationalistes corses.
01:25Cela ferait exploser la construction politique du statut d'autonomie demandée,
01:29juge par exemple le président de l'exécutif corse, Gilles Séméoni.
01:34Alors pour ne pas se les mettre à dos, François Bayrou et François Rapsamen
01:37décident de passer outre les recommandations du Conseil d'État.
01:40Le texte reste tel quel.
01:43Et ce matin, Emmanuel Macron va leur donner raison.
01:46Et où est le problème alors, Jacques ?
01:47Eh bien pour le président et François Bayrou,
01:50le problème est justement autour de la table du Conseil des ministres.
01:53Il s'appelle Bruno Retailleau.
01:55Le ministre de l'Intérieur fustige cette réforme.
01:58Il dénonce un pas dangereux, pas question pour lui de constitutionnaliser,
02:03ce qui est à ses yeux un communautarisme.
02:05La République française est une et indivisible
02:08et ne reconnaît qu'une seule communauté, souligne le Vendéen.
02:12Et faut-il encore le rappeler, Bruno Retailleau,
02:14c'est l'homme fort de Beauvau, l'une des pièces maîtresses de ce gouvernement.
02:18Autrement dit, s'il n'est pas d'accord, ça risque de souffler fort à la rentrée.
02:22Parce qu'il peut y changer quelque chose ?
02:24Oui, bien sûr.
02:24Vous savez, pour que ce projet de révision constitutionnelle voit le jour,
02:28il devrait être voté dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat,
02:33puis approuvé en Congrès à la majorité des 3 cinquièmes
02:36de l'ensemble des députés et des sénateurs.
02:39Or, Bruno Retailleau dispose d'un poids considérable.
02:43Le patron des Républicains était auparavant à la tête du groupe LR au Sénat.
02:48Il y a ses relais, à commencer par le président de la Chambre haute,
02:52Gérard Larcher, lui aussi farouche opposant à ce texte.
02:55Gérard Larcher a d'ailleurs écrit ces derniers jours à François Bayrou
02:58pour le mettre en garde.
02:59Pour lui, ce projet constitutionnel ouvre la voie
03:02à une Corse autonome au sein de la République.
03:05Alors pourquoi, selon vous, Jacques, il faut y voir,
03:08les prémices d'une rentrée politique agitée ?
03:10Parce que ce dernier Conseil des ministres avant la trêve
03:13n'augure rien de bon pour le gouvernement de François Bayrou.
03:17Il pose les jalons des divisions futures, voire carrément des fractures.
03:22Si Bruno Retailleau refuse de démissionner sur le dossier algérien
03:25pour ne pas offrir une victoire politique au président Hebboune,
03:29pas sûr qu'il s'en prie pour un tel enjeu national.
03:32C'est la Constitution qu'on s'apprête à toucher,
03:35pas un simple amendement technique.
03:37Un désaccord profond sur un projet de loi constitutionnel,
03:41le motif serait totalement recevable dans l'opinion.
03:44Bruno Retailleau tient peut-être son prétexte
03:47pour s'émanciper et se lancer vers la présidentielle.
03:50Ce dernier Conseil des ministres, avant la trêve,
03:52ne sent pas la crème solaire, il sent la poudre.
03:55Il ne sera pas un simple pot de départ avant la plage,
03:58mais plutôt un point de départ des hostilités de la rentrée.