00:00Nous recevons Nicolas Serry, PDG de Quimod. Bonjour, bienvenue dans la matinale de l'économie.
00:05Quimod qui a été lancé en 2019. On parle ici de iméthane, de carburant d'aviation durable.
00:13Enfin, ça arrive dans l'émission. C'est plutôt un bon signe.
00:17Dites-nous, quel est le champ d'activité assez large d'ailleurs de Quimod ?
00:22Aujourd'hui, le transport maritime et le transport aérien représentent à eux deux
00:27environ 10% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
00:30C'est important et ce chiffre, si on ne fait rien, est amené à accroître
00:33puisque c'est des modes de transport qui sont amenés à accroître.
00:37Aujourd'hui, dans ces deux domaines-là, il y a un consensus très fort de tous les acteurs,
00:41que ce soit les motoristes, les fabricants d'avions, de bateaux, les exploitants de ces avions et de ces bateaux,
00:47pour dire qu'un des leviers majeurs de décarbonation de ces secteurs-là, de ces domaines de transport,
00:54c'est ce qu'on appelle les carburants d'aviation durable ou les carburants de synthèse.
00:58Ces carburants, ils sont en tout point équivalents aux carburants fossiles,
01:04mais ils ont une empreinte carbone qui est bien moindre puisqu'ils sont fabriqués soit à partir d'hydrogène décarboné
01:10et de CO2 qu'on recycle, soit à partir de biomasse.
01:13Donc on parle d'une empreinte carbone qui est au moins 70% jusqu'à 90% plus faible que leur équivalent fossile.
01:21Et chez Kimod, c'est exactement le sujet qu'on adresse,
01:25puisque nous développons des solutions, des systèmes,
01:29qui permettent de produire, de fabriquer ces gaz et ces carburants de synthèse.
01:34Et concrètement, on fait trois gaz et carburants de synthèse.
01:37On fait ce qu'on appelle du iméthane ou du méthane de synthèse.
01:39Donc c'est un gaz qui est en tout point équivalent au gaz de vide que vous pouvez avoir chez vous.
01:44On fait du méthanol de synthèse qui sert beaucoup à décarboner le transport maritime
01:50et en partie le transport aérien.
01:54Et enfin, on fait ce qu'on appelle des carburants d'aviation durable,
01:57donc du kérosène de synthèse, du SAF en anglais,
01:59qui lui permet de décarboner l'aviation.
02:02Et justement, vous dites que ces carburants, ils sont pratiquement égaux aux carburants fossiles.
02:07Pourquoi on ne les utilise pas aujourd'hui ?
02:09Alors, on parle de choses nouvelles.
02:12Ces carburants-là, ils n'existaient pas, ou très peu, il y a encore 5-6 ans.
02:16Donc on est sur quelque chose qui est très récent,
02:19qui est lié à une volonté de décarboner ces modes de transport
02:22et qui est lié aussi à une régulation qui a été mise en place il n'y a finalement pas très longtemps
02:28et qui, je dirais, lance cette filière.
02:30Donc on est sur une filière qui est naissante, qui est vraiment en croissance
02:34et on vise ce qu'on appelle des taux d'incorporation.
02:39Donc quel pourcentage de carburant de synthèse on aura dans les avions ou dans les bateaux à partir de 2030 ?
02:46Alors 2030, c'est dans 5 ans, mais finalement, dans notre domaine d'infrastructure, c'est demain.
02:51Et on commence avec des petits niveaux et ensuite, on va aller croissant jusqu'à incorporer beaucoup plus en 2035, 40, 2050.
03:01Vous en êtes où aujourd'hui du développement, de la production de ce produit,
03:05de l'industrialisation de ces trois produits que vous nous avez cités ?
03:09Alors on a démarré, vous le mentionniez, en 2019, on a démarré en faisant du méthane de synthèse
03:14et puis on a progressivement élargi notre champ d'application.
03:19Ce qu'on fait, c'est que nous concevons des systèmes qui incorporent un équipement qui est un peu particulier,
03:26qui s'appelle un réacteur échangeur de chaleur,
03:29qui est un équipement vraiment unique au monde et que nous sommes les seuls chez Kimod à pouvoir fabriquer.
03:34En disant un mot de ça, c'est un équipement qui permet très simplement de fabriquer ces molécules dont on parle,
03:44ces carburants, avec un très fort rendement énergétique.
03:47Et c'est une solution qui est complètement modulaire, c'est-à-dire qu'on peut faire du sur-mesure, je dirais,
03:52pour des projets, on peut à la fois faire des petits projets, des moyens projets, des gros projets,
03:58et donc avoir, je dirais, quelque chose qui soit adaptable ou adapté au territoire dans lequel on s'implante.
04:03Donc là, vous avez levé de l'argent, justement, pour développer ce système-là ?
04:08Tout à fait. On a levé de l'argent pour développer ça.
04:10On a levé de l'argent, en réalité, pour trois choses.
04:13Pour, d'une part, accélérer notre développement commercial, notamment à l'étranger,
04:18parce qu'on a besoin, c'est un marché qui est mondial,
04:20pour également accélérer nos investissements dans notre site industriel,
04:27puisque nous fabriquons aujourd'hui en France, sur un site qui est situé à Vissou, à côté d'Orly,
04:32et donc pour, je dirais, apporter de l'investissement,
04:35et puis aussi pour finaliser des développements techniques,
04:39notamment dans les domaines des carburants de synthèse et du méthanol.
04:43D'ailleurs, dans quelques mois, on aura le plaisir d'inaugurer une première unité,
04:50la première unité en France, en réalité, de fabrication de carburants d'aviation durable,
04:56de kérosène de synthèse, dans un premier temps modeste,
05:00mais ce sera la première unité en France et une des premières au monde à faire ça.
05:05Léa ?
05:05Si j'ai bien compris, vous me coupez si je me trompe,
05:07mais en fait, vous n'êtes pas vraiment un producteur de carburants.
05:10En fait, vous, vous fournissez les briques technologiques pour que d'autres produisent ce carburant.
05:14Exactement, grâce à cet équipement que je mentionnais, réacteur à chargeur de chaleur.
05:21D'ailleurs, à ce titre, cerise sur le gâteau, je dirais, dans le développement technique qu'on a réalisé,
05:27on s'est rendu compte à un moment qu'on pouvait également utiliser cet équipement dans le domaine de la chimie.
05:31Alors là, on parle beaucoup d'énergie, mais on a aussi une petite activité dans la chimie,
05:36dans ce qu'on appelle la chimie fine ou la chimie continue,
05:39notamment dans le domaine de la pharmacie, par exemple, ou des cosmétiques.
05:41Il y a deux ans, au Bourget, on attendait énormément et on disait que le verdissement de l'aviation,
05:46par exemple, allait passer principalement par ces carburants verts, finalement.
05:52Deux ans plus tard, il y a quelques semaines, au Bourget,
05:55le gros sujet, c'était la défense, malheureusement, vu le contexte international.
05:58Est-ce que c'est difficile pour vous, entreprises du secteur de la décarbonation de ces transports,
06:04de développer votre stratégie, d'avoir un calendrier précis,
06:07quand, comme ça, les agendas politiques, finalement, ne suivent pas assez
06:10et que le secteur est un peu au ralenti, au final, par rapport à ce que vous, vous voudriez ?
06:15Alors, les agendas changent, en effet.
06:17Donc, je dirais, on est dans un monde, mais je pense que c'est vrai pour tout dirigeant d'entreprise,
06:21ce qui est assez fluctuant et donc il faut pouvoir être agile, s'adapter.
06:24Cela étant, on est sur une tendance de fond,
06:26qui est la décarbonation de ces modes de transport-là.
06:29Cela reste là, on est sur des sujets qui prennent du temps.
06:32On parlait de 2030, 2030, c'est demain pour nous.
06:35Et donc, on voit qu'il y a quand même une volonté très forte de nombreux acteurs,
06:40je pense notamment aux compagnies aériennes ou aux motoristes,
06:44pour, je dirais, avancer dans ce domaine-là.
06:47Maintenant, en effet, on est rattrapé par d'autres sujets.
06:50Alors, on a aussi la chance, quand on synthétise des carburants en Europe,
06:55il y a quand même une question d'indépendance énergétique,
06:57puisque on fait ça en Europe, ce n'est pas de l'importation de carburants,
07:01c'est quelque chose qu'on maîtrise.
07:02Et donc, il y aura quand même, d'une certaine manière,
07:04un volet également d'indépendance et d'autonomie énergétique.
07:07Léa ?
07:07Et justement, en parlant d'indépendance, vous êtes très…
07:11Est-ce que c'est rentable de produire ces carburants synthétiques
07:14ou alors est-ce que vous êtes aujourd'hui très dépendant des subventions de l'État ?
07:19Alors, c'est important d'avoir des subventions pour se lancer.
07:22Et quand on lance une filière industrielle,
07:24parce que c'est finalement ce qu'on est en train de faire aujourd'hui…
07:26Oui, c'est finalement eux qui créent le marché.
07:27En fait, avec les subventions ?
07:28On a besoin au début d'un coup de pouce de l'État
07:30pour démarrer nos activités.
07:33Maintenant, en effet, il va falloir à un moment que ce coup de pouce s'arrête.
07:38Ce n'est pas aujourd'hui, mais c'est plutôt demain.
07:41Maintenant, on est…
07:42Il ne faut pas se mentir,
07:43on est en train de synthétiser quelque chose
07:45qui jusqu'à maintenant était fondamentalement gratuit
07:48puisque c'est quelque chose qu'on extrait du sol.
07:50Donc, le coût aujourd'hui du pétrole,
07:52c'est un coût d'extraction, de traitement,
07:53mais ce n'est pas un coût de fabrication.
07:55Là, on le fabrique.
07:55Donc, on va forcément avoir un surcoût
07:59de ces carburants de synthèse
08:01par rapport à leur équivalent fossile.
08:03Maintenant, est-ce que c'est grave ?
08:05Probablement pas.
08:06Alors, c'est un surcoût, je dirais,
08:07qui est lié à la transition énergétique
08:08et qu'il faut pouvoir prendre en charge progressivement.
08:12L'intérêt aussi, c'est que ces carburants
08:14sont mélangeables totalement
08:15avec leur équivalent fossile.
08:17Et donc, on peut avoir des petits pourcentages d'incorporation
08:21pour lancer la machine
08:22et après avoir, je dirais, une évolution
08:25qui va permettre d'amortir ce coût
08:27sur de nombreuses années
08:28pour que ça soit, je dirais,
08:29le plus d'un dollar possible
08:30pour le consommateur final.
08:31Vous fabriquez, vous fabriqueriez,
08:33tout cela en France.
08:35Vos clients, vos prospects sont en Europe,
08:37mais ils sont aussi potentiellement aux États-Unis.
08:39Est-ce que la guerre commerciale,
08:40l'ambiance actuellement entre les pays,
08:43entre les continents,
08:44pèse sur votre business ?
08:47Ça pèse, mais surtout, ce qui pèse,
08:50c'est la lecture, je dirais,
08:52des nouvelles normes aux États-Unis,
08:54qui n'est pas simple quand on est en Europe.
08:58Et donc, c'est ça qu'on regarde
08:59avec beaucoup d'attention.
09:03Mais en effet, on a la chance
09:04d'être sur un marché qui est au-delà
09:06du marché américain,
09:07qui est relativement mondial,
09:07qui est aussi un marché européen.
09:09Donc, l'Europe va être quand même
09:11en premier de cordée, je dirais,
09:14sur ce domaine,
09:15et également d'autres marchés
09:17comme l'Amérique latine ou comme l'Ouble d'Orient.
09:19On aime bien entendre
09:19qu'on sera premier de cordée
09:20dans un domaine aussi important que celui-là.
09:24Un carburant qui fera fonctionner un avion
09:26à 100% comme ceux que vous fournissez,
09:29on est sur un calendrier dans combien de temps ?
09:31Finalement, 2050, 2040 ?
09:33Alors, 100% en test,
09:35on va y être assez rapidement.
09:36Maintenant, quand vous et moi
09:38prenons l'avion,
09:39de temps en temps,
09:40je pense qu'il va se passer un peu de temps,
09:42mais est-ce que c'est grave ?
09:44Non.
09:44Ce qui est important,
09:44c'est d'avoir un taux d'accomploration
09:46qui soit important
09:47et qui permette d'avoir,
09:49je dirais,
09:49une facture énergétique
09:50ou une facture,
09:51une empreinte carbone réduite.
09:52Merci beaucoup Nicolas Serri
09:54d'être venu nous voir PDG de Kimod
09:55dans la matinale de l'économie.