Les petites villes sont de plus en plus gangrénées par le trafic de stupéfiants. Dans la nuit de samedi à dimanche, des violences urbaines ont éclaté à Béziers dans l'Hérault. Une cinquantaine de jeunes ont tendu un guet-apens à la police probablement en réponse à de multiples interpellations et saisies pour lutter contre le narcotrafic.
00:00Un couvre-feu ce soir à Nîmes, des incidents sérieux ce week-end à Limoges, Béziers, les jours précédents c'était Compiègne, Charleville-Mézières, Abbeville, 7 minutes pour comprendre pourquoi les villes moyennes sont le nouveau théâtre des violences urbaines en France.
00:18Avec nous pour en parler dans un instant Jean-Marie Godard, journaliste spécialiste des questions de sécurité, Emmanuel Ménard, élu de la ville de Béziers, ancienne députée qui sera avec nous depuis Béziers.
00:27Et Béziers qui a connu donc une nuit de samedi à dimanche très agitée, c'est le moins qu'on puisse dire, un guet-apens tendu aux forces de l'ordre dans un quartier difficile, un appartement incendié.
00:36Après avoir été touché par un mortier d'artifice, une unité de CRS anti-violences urbaines a été déployée hier par le préfet.
00:44On a une soixantaine de policiers mobilisés dans ce quartier de la Devese, les policiers de l'Hérault et effectivement cette CRS de nouvelle génération.
00:52Je suis venu saluer les policiers et les pompiers qui étaient ici hier soir et leur demander ce soir de faire régner l'ordre républicain.
01:00Six interpellations dans ce quartier ont eu lieu depuis le début du mois de juillet.
01:05Un appartement nourri, ceci a été révélé.
01:08Très clairement, ça ne fait pas plaisir aux délinquants de ce quartier.
01:11Sur les commerces qui blanchissent, on en a fermé 14 dans la ville cette année.
01:15Je ne vous donne qu'un chiffre, on a interpellé deux fois plus de trafiquants cette année que l'année dernière à Béziers.
01:21Et moi, je suis venu dire aux habitants, comme à cette dame qui a été victime de ce tir de mortier dans son appartement hier, que l'État est là pour les protéger.
01:29Voilà le préfet de l'Hérault en direct hier soir sur l'antenne de BFM TV.
01:32Emmanuel Ménard, bonjour.
01:33Comment s'est passée la nuit à Béziers ?
01:36Cette nuit, ça a été très calme.
01:38On a fait trois interpellations, mais ça a été très très calme.
01:40Évidemment, parce qu'il y avait les CRS qui étaient là.
01:45Et donc, quand les CRS sont dans le quartier, ça calme le jeu.
01:51Béziers, c'est une ville moyenne, comme Limoges, comme Compiègne, comme Charleville-Mézières, qui connaissent ce type de phénomène.
01:58Est-ce que vous aviez déjà connu ça chez vous ?
02:00On a de temps en temps des guet-apens à l'égard de nos forces de police.
02:06Mais le préfet a parfaitement résumé la situation dans le petit extrait que vous avez passé.
02:10Ce qui s'est passé dans la nuit de samedi à dimanche, c'est très clairement qu'on représaille aux actions des forces de l'ordre.
02:18Il l'a dit, depuis plusieurs jours, plusieurs semaines maintenant, on livre une guerre vraiment de tous les jours aux trafiquants, aux narcotrafiquants.
02:28On les arrête, on saisit de la marchandise et des grosses prises parfois.
02:34Et évidemment, si ça ne leur plaît pas, ça prouve qu'on les gêne.
02:42Et donc, des violences très violentes dans la nuit de samedi à dimanche.
02:47Voilà, donc ça, c'est ce qu'on a vécu.
02:49On essaie de comprendre ce matin, Emmanuel Ménard sur BFM TV, pourquoi ces violences urbaines qui touchaient auparavant les très grandes métropoles,
02:56comme Marseille, comme Paris, comme Lyon, eh bien désormais, on en voit aussi dans des villes de la taille de Béziers.
03:02Donc vous faites le lien direct, tout comme le préfet, avec le trafic de drogue.
03:05Est-ce que ce trafic, vous avez senti, vous avez vu qu'il prenait une ampleur nouvelle chez vous ?
03:11On le voit, mais on le voit au niveau national.
03:14Tous les chiffres l'indiquent.
03:16Il y a une hausse des trafiquants de drogue à Béziers, du trafic de drogue à Béziers, mais comme il y en a partout, malheureusement.
03:24Et malheureusement, s'il y a une hausse du trafic, c'est parce qu'il y a une hausse des consommateurs, de la demande, tout simplement.
03:30Donc il ne faut pas agir sur une seule jambe, si je dois dire.
03:33Il faut vraiment travailler sur les deux niveaux.
03:36Il faut travailler sur les trafiquants et leur livrer une guerre comme on le fait à Béziers de tous les instants.
03:43Nous, on prend notre part.
03:44La ville de Béziers, là, vous avez vu le préfet qui parlait de l'envoi de la compagnie de CRS hier soir.
03:49Heureusement qu'ils étaient là et j'espère qu'ils vont rester et pas seulement quelques jours.
03:53On espère vraiment qu'ils vont rester une bonne partie de l'été.
03:56Mais la ville également met en place des mesures très précises.
04:00On a créé une brigade spécialisée dans la lutte contre les narcotrafiquants.
04:06Les narcotrafiquants qui verra le jour, là, à l'automne, on recrute six nouveaux policiers qui vont être exclusivement dédiés à ça.
04:12Et les résultats sont là.
04:14On a des saisies de stupéfiants toutes les semaines et quasiment en ce moment tous les jours.
04:19On fait des arrestations tous les jours.
04:21On a arrêté, la police municipale a arrêté deux dealers rien que dans la journée de samedi.
04:25Un le matin à l'après-midi.
04:27Et l'après-midi, c'était un mineur de 15 ans.
04:29Donc vous voyez, on fait vraiment le travail et on les gêne.
04:34C'est pour ça qu'ils réagissent.
04:36Donc il faut continuer.
04:37Alors ça ne suffit pas.
04:39Ça ne suffit pas parce qu'à un moment donné, il faut que l'État aussi prenne sa part de responsabilité.
04:44Et là, j'en veux vraiment beaucoup à M. Macron, qui n'a tenu aucune de ses promesses dans le domaine régalien,
04:50à commencer par la construction des places de prison,
04:53parce que régulièrement, on voit des juges qui nous disent « mais on peut les arrêter,
04:57mais on va les relâcher parce qu'il n'y a pas de place pour les mettre dans les prisons ».
05:01Jean-Marie Godard, vous restez avec nous.
05:05Jean-Marie Godard, journaliste spécialiste des questions de sécurité, nous a rejoint sur ce plateau.
05:08Bonjour et merci d'être avec nous.
05:09Votre analyse peut-être d'abord sur ces heurts qui ont secoué Béziers,
05:14mais qui secouent aussi Limoges ou encore Compiègne, Charleville-Mézières.
05:18Voilà, on en a cité quelques-unes de ces villes moyennes.
05:20Quelle est votre analyse ?
05:21Pourquoi aujourd'hui le trafic de stupéfiants et les heurts qui en découlent touchent davantage ces villes ?
05:26Oui, parce qu'il y a une demande qui est sans arrêt en hausse de consommation.
05:35Le service statistique du ministère de l'Intérieur faisait état pour 2024
05:39de 10% de hausse des infractions pour usage de stupéfiants en 2024.
05:49Et l'Observatoire français des drogues a fait une estimation à 1,1 million de personnes.
05:58Ça veut dire qu'il y a plus de trafic, c'est ça que vous dites ?
06:00Non, ce que je veux dire, c'est qu'il y a de plus en plus d'usagers,
06:03ce qui fait qu'il y a de plus en plus d'offres, parce que c'est un marché extrêmement juteux.
06:08Ça représente 4 milliards d'euros à l'année en France, le marché du stupéfiant.
06:13Par ailleurs, il y a l'urbanisation de ces dernières années.
06:16Donc, à partir du moment où vous augmentez la population, dans certains endroits,
06:20il y a plus de consommateurs de drogue, mécaniquement.
06:23Et puis, il y a aussi le fait que les produits se diversifient.
06:28La cocaïne, l'accès à la cocaïne, c'est extrêmement démocratisé.
06:33Ce n'est plus une drogue qu'on consomme dans certains milieux.
06:38Les prix ont baissé.
06:40Et donc, comme c'est un marché extrêmement juteux,
06:42c'est installé un petit peu partout, ça se répand un peu partout.
06:47Et en plus, il y a aussi des endroits à la campagne qui deviennent des lieux de stockage.
06:52Parce que c'est beaucoup plus discret dans la campagne, dans le Loiret,
06:56de stocker de la drogue une fois qu'elle est rentrée sur le territoire
06:58que de la mettre dans une cité où le point de deal est connu.
07:01Si on est dans une logique de marché, Jean-Marie Godard,
07:03est-ce que dire que peut-être les grandes métropoles ont été saturées
07:07et que maintenant, il y a des marchés, les marchés de développement,
07:10c'est les villes moyennes, c'est simpliste ou il y a un peu de ça ?
07:12Il y a un peu de ça.
07:13Il y a un peu de ça.
07:13En plus, les moyens maintenant de livrer de la drogue
07:19se sont aussi énormément diversifiés.
07:22On parle d'ubérisation, de la livraison de cannabis,
07:26où vous avez de la livraison à domicile.
07:28Vous pouvez passer des commandes par les réseaux sociaux,
07:31par certaines boucles Snapchat.
07:33Voilà, c'est un marché qui s'adapte énormément.
07:38Et ce qui est intéressant de voir aussi, c'est que tous les incidents
07:41qui ont pu avoir lieu récemment, la plupart du temps,
07:44sont liés justement, ont été précédés par des opérations de police
07:48qui ont désorganisé un peu le réseau, où il y a eu des interpellations.
07:52Donc, ils ne sont pas contents.
07:55Et ils marquent le territoire en disant, ici, c'est chez nous
07:58et c'est notre loi qui s'applique.
07:59Le marché s'adapte ? Est-ce que aussi la doctrine des forces de l'ordre s'adapte ?
08:03Est-ce qu'on s'adapte aussi suffisamment rapidement à cette nouvelle donne ?
08:07Alors, rapidement, non.
08:08Parce que nous, on a des règles, on a des lois qui prennent du temps.
08:14Et le marché de la drogue n'en a aucune.
08:18C'est-à-dire qu'ils font un peu ce qu'ils veulent.
08:20Ils ne se soumettent pas à la loi.
08:22Donc, on a l'impression qu'ils ont toujours un coup d'avance.
08:25Là où on sent quand même qu'il y a une prise de conscience
08:27des pouvoirs publics un peu général,
08:30c'est qu'il y a une loi narcotrafic qui a été votée en avril,
08:34qui a été publiée pour être appliquée,
08:37donc publiée au journal officiel le 13 juin dernier.
08:40Qui, en plus, est une loi issue d'un rapport qui avait été fait au Sénat
08:45et qui était transpartisan, c'est à droite et gauche,
08:49où on s'est rendu compte.
08:50Il y a une prise de conscience qu'on est en face de réseaux
08:52de plus en plus organisée, de plus en plus violente aussi.
08:56Et donc, avec une loi qui est dure,
08:59qui se calque sur les lois anti-machia italiennes
09:02et sur notre législation terroriste,
09:05puisqu'il va y avoir la création en janvier prochain
09:08d'un parquet national dédié aux crimes organisés,
09:10comme on en a un pour le terrorisme.
09:13Donc, il y a une véritable prise de conscience des autorités.
09:16Et je pense que les violences ne vont pas s'arrêter,
09:19parce que si on applique vraiment ce qu'on a décidé de faire,
09:23la loi, il y a un ton aussi qui est quand même très sévère
09:27de la part des autorités.
09:29Il va y avoir un véritable bras de fer qui va s'engager
09:31parce qu'il y a des réseaux installés dans certains endroits
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