[#Reportage] Fuite des cerveaux : quand le Gabon fabrique l’exil qu’il déplore

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00:00En annonçant la suspension des bourses d'études pour le Canada et les États-Unis à partir de

00:072026, au motif de la fuite des cerveaux, le président de la République et chef du

00:11gouvernement, Brice Clotaire Oliginiema, a relancé un débat aussi vieux que recurrent.

00:17Mais derrière la dénonciation, c'est l'aveu d'un échec collectif, car si les jeunes refusent

00:21de rentrer, c'est moins de paraître d'ailleurs que par absence d'horizon, ici au Gabon.

00:26La fuite des cerveaux n'est pas un choix délibéré, encore moins une trahison.

00:30C'est la conséquence directe d'un pays qui ne donne plus envie à une partie importante de sa jeunesse.

00:35Quand des jeunes Gabonais brillants, formés dans les plus grandes universités étrangères,

00:39choisissent de rester là-bas, ce n'est pas parce qu'ils détestent le Gabon.

00:42C'est parce qu'ils savent qu'en revenant, ils risquent de s'éteindre à petit feu,

00:46comme cela a déjà été le cas pour nombre d'entre eux.

00:49Absence de débouchés professionnels, mépris des compétences, règne du piston et de l'arbitraire,

00:54voilà ce qui attend la plupart de nos diplômés au retour au pays.

00:58Au lieu d'un parcours d'intégration digne, c'est le déclassement social assuré.

01:02Et dans ce contexte, espérer le retour sans rien changer relève du cynisme.

01:07Plutôt que de fermer les portes du monde à notre jeunesse,

01:09ne faudrait-il pas ouvrir celle du pays à ses talents ?

01:12Si le Gabon investit pour former les étudiants à l'étranger,

01:15c'est pour qu'ils reviennent et bâtissent.

01:17Mais ils ne reviendront pas dans un désert d'opportunités,

01:20où seule la fonction publique, selon le gouvernement, constitue une débouchée.

01:24Ils ne reviendront pas pour être méprisés, sous-payés ou marginalisés.

01:28Ils ne reviendront pas dans un pays où le mérite est un handicap et où la compétence est suspecte.

01:34Et lorsqu'ils osent créer leur propre entreprise,

01:36malgré toutes les embûches, le système les frappe à nouveau.

01:40Même lorsqu'un contrat est signé dans les règles de l'art,

01:42homologué par la Direction générale des impôts,

01:44avec paiement des taxes à l'appui et prestations d'humain exécuté,

01:47il suffit qu'un nouveau directeur général arrive à la tête d'une structure publique

01:52ou parapublique pour que tout soit remis en cause.

01:54Plus rien n'existe.

01:56La structure étatique oublie ses engagements

01:57et l'entrepreneur, lui, est étranglé par des dettes.

02:01Le cas de la Caisse des dépôts et consignations dirigée par Marius Isang Kori

02:05est une des illustrations dramatiques.

02:07Cette institution, pourtant censée soutenir le développement,

02:10refuse depuis des mois de payer une PME gabonaise

02:13qui emploie près d'une vingtaine de jeunes gabonais,

02:15pour la plupart, chefs de famille.

02:17Le contrat est ignoré, les preuves balayées, les procédures piétinées.

02:21Résultat, la société est poussée vers la faillite.

02:23Voilà comment on tue l'ambition,

02:25voilà une des raisons pour lesquelles des cerveaux fuient le Gabon.

02:28Tant que l'on ne reconstruira pas un pays dans lequel un ingénieur

02:31n'est pas confiné à des tâches subalternes,

02:33ou une jeune diplômée n'attend pas des années,

02:35un contrat digne de ce nom, rien ne changera.

02:38Le discours patriotique, aussi légitime soit-il,

02:41ne suffira pas à inverser la tendance.

02:43Car servir son pays, c'est noble.

02:46Mais on ne peut servir un pays qui vous ostracise

02:48et vous réduit à la précarité,

02:50quand bien même vous vous battez déjà pour survivre.

02:52À défaut d'un électrochoc,

02:54la fuite des cerveaux deviendra la norme.

02:56Et le Gabon, une pépinière de talent

02:58pour les économies étrangères.

03:00La politique ne peut plus détourner le regard.

03:02Le président Brice Clotero-Léguignema

03:03a clairement affiché sa volonté de rupture

03:05et de reconstruction nationale.

03:08Mais cette reconstruction commence par une vérité.

03:10Un pays sans stratégie d'accueil pour sa propre élite intellectuelle

03:13est condamné à rester dépendant et vulnérable.

03:17Il ne s'agit pas de dénoncer les jeunes qui partent,

03:19mais de se demander pourquoi ils ne reviennent pas.

03:22Et plus encore, pourquoi ceux qui reviennent et entreprennent

03:24sont étouffés, déconsidérés et marginalisés

03:27par les institutions censées incarner l'État.

03:29La fuite des cerveaux n'est pas une anomalie,

03:32c'est un symptôme, celui d'un pays

03:34qui doit cesser de se regarder dans le retroviseur

03:36et prendre enfin le virage du mérite,

03:39de la compétence et de l'audace.

03:41Il est temps que le Gabon devienne un choix,

03:43pas une contrainte.

03:44Et pour cela, l'État doit cesser d'accuser

03:46ceux qui partent et commencer à protéger véritablement

03:49ceux qui rentrent et entreprennent.

03:51Parce qu'en réalité, ce n'est pas la jeunesse

03:53qui fuit le pays, c'est le pays

03:55qui abandonne sa jeunesse.

03:56C'est le pays.

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