Invité de BFM2 ce mardi 15 juillet, le député socialiste du Calvados, Arthur Delaporte, dresse le bilan de son année parlementaire marquée par la censure du gouvernement Barnier. Celui qui est présent sur les bancs de l'Hémicycle depuis 2022 a vu l'ambiance dans l'Assemblée changer cette année face à l'absence de majorité et des votes parfois très serrés sur les textes.
00:00Bonjour à tous, merci de nous suivre sur BFM2, période de suspension des travaux à l'Assemblée nationale et au Sénat pour l'été.
00:07A l'occasion de revenir sur une année de travail parlementaire, une année particulière après la dissolution et marquée par la censure du gouvernement de Michel Barnier.
00:17Bonjour Arthur Delaporte, merci d'être avec nous sur BFM2.
00:21Vous êtes député socialiste du Calvados, je le rappelle, on va prendre le temps d'évoquer ensemble cette année très politique.
00:30Déjà pour commencer, en un mot, comment vous qualifieriez justement cette année satisfaisante, éreintante ou désespérante ?
00:40Je dirais éreintante et singulière à la fois parce qu'il y a quelque chose de particulier pour la première fois depuis finalement le début de la Ve République à ne plus avoir de véritable majorité.
00:53Alors on pourrait dire que ça a déjà commencé en 2022 puisqu'il y avait déjà une difficulté pour les macronistes à faire le total.
01:00Mais ils avaient un appoint très régulièrement avec les Républicains qui leur permettait finalement, à partir du moment où ils avaient un accord, de faire passer largement des textes.
01:10C'était la même chose aussi souvent avec l'Irte.
01:12Aujourd'hui, il n'y a plus rien de tout ça.
01:14Les macronistes, à eux seuls, ne sont pas suffisants, même si on ajoute LR, pour avoir une majorité.
01:21Donc ils doivent composer et chercher à chaque fois, sur chaque texte, à construire des espèces de coalitions de circonstances.
01:29Mais ça les rend extrêmement vulnérables et ça rend même la discussion de chaque texte devenir un combat de chaque instant.
01:37Puisque finalement, vous pouvez avoir un accord globalement d'un des camps.
01:42Par exemple, la plus souvent, c'est le Rassemblement national qui va dire « nous, on n'est pas contre ce texte ».
01:47Mais derrière, qui va faire buter la majorité sur un certain nombre de points à l'intérieur de ce texte, qui va conduire à les modifier frontalement et fondamentalement.
01:58Et donc, se retrouver avec des textes monstrueux, au sens où il y a des parties du texte qui vont être sabrées, des parties du texte qui vont être rajoutées de façon imprévue.
02:09Et donc, bien souvent, la majorité, entre guillemets, va voter contre son propre texte, ce qui rend ces débats particulièrement fatigants,
02:18parce que ça demande beaucoup de présence puisqu'il n'y a pas de majorité, et en même temps incertain.
02:22Donc voilà, ça donne une vision singulière du Parlement.
02:27Vous pensez à quoi, par exemple, la loi Duplon sur la réintroduction de néonicotinoïdes, la fin des ZFE, par exemple, que l'on a vu aussi ?
02:35Voilà, vous pouvez prendre le projet de loi sur la simplification de la vie économique,
02:43qui a vu un peu comme un comité de la hache ou une forme de néo-trumpisme venir s'ajouter des suppressions d'instances administratives
02:51qui n'avaient, la plupart du temps, aucun rapport avec le sujet de la simplification économique.
02:57Donc là, vous évoquez à l'instant les ZFE, qui n'étaient pas du tout prévus.
03:01Alors à la fin, ça ne sera pas forcément dans la copie finale.
03:04Enfin, en tout cas, peut-être pas comme ça.
03:06Je ne sais pas à quoi ressemblera la version définitive, parce qu'il y a toujours aussi l'étape de la commission mixte paritaire,
03:12donc la discussion avec les sénateurs qui vient remodifier à la fin chaque texte.
03:18Mais oui, il y a ici un véritable enjeu sur tous ces textes, que ce soit sur celui que vous évoquez,
03:25sur la loi Duplon, en effet, sur les néonicotinoïdes, où il y a eu une surenchère à chaque fois.
03:30Donc ça a contribué à dénaturer, en effet, les différents textes, ou encore récemment aussi, sur la question de l'audiovisuel public,
03:37où les macronistes ont voté contre leur propre texte, au début même des débats, pour éviter qu'il y ait un débat en hémicycle.
03:45Ça soit renvoyé au Sénat, c'est en train de devenir une mauvaise habitude d'ailleurs.
03:48Oui, au Sénat aussi, on a vu vendredi des débats un peu particuliers avec cette décision de vote unique prise par Rachida Dati.
03:57Si vous êtes député depuis trois ans maintenant, Arthur Delaporte, est-ce que vous avez ressenti une différence d'ambiance,
04:03peut-être dans l'hémicycle, entre votre mandat 2022-2024 et depuis cette année ?
04:11Oui, et pourtant, déjà entre 2022 et 2024, l'ambiance était singulièrement différente par rapport aux législatures précédentes
04:18que j'avais pu observer sans être député, mais j'accompagnais des députés, j'étais collaborateur politique sous Hollande par exemple.
04:27C'était en effet beaucoup plus simple d'une certaine manière, même s'il y avait parfois un peu de sinistrose, on va dire ambiante,
04:35de sentiments d'inutilité, ça existait déjà.
04:37Mais ce qui est différent aujourd'hui, c'est que comme les votes se jouent parfois à une voix, à deux voix,
04:45il y a un stress permanent, on va dire, revenez, courez, vite, dépêchez-vous, on peut gagner, on peut perdre à une voix,
04:52et puis à la fin, finalement, l'article est supprimé, le texte entier est rejeté, donc tous les débats n'ont servi à rien.
04:58Donc voilà, il y a à la fois le sentiment de l'urgence et le sentiment parfois, souvent, de se dire à quoi tout ceci sert,
05:06puisque à la fin, même si on a gagné un vote, il n'est pas pris en compte, on revient dessus en catimini, etc.
05:12Donc voilà, il y a quelque chose qui peut être à la fois très frustrant, mais en même temps, voilà, de passionnant,
05:19parce que chaque voix compte, et donc chaque parole portée peut avoir un effet, chaque présence peut avoir un effet,
05:25même si c'est évidemment toujours très compliqué à gérer.
05:29Oui, et justement, quand vous retournez en circonscription, que vous disent les normands quand ils voient ces images,
05:35parfois vraiment houleuses à l'Assemblée nationale ?
05:40C'est vrai que cette...
05:42On va dire, comme l'hémicycle est devenu un espèce de chaudron où tout peut bouger,
05:49donc ça donne quelque chose d'extrêmement instable,
05:51il y a aussi évidemment des fois des moments un peu violents,
05:57ça donne une image en effet qui n'est pas forcément toujours très bonne et très bien perçue.
06:02Et donc, quand on revient, quand on rentre en circonscription,
06:05c'est-à-dire que finalement toutes les semaines, la moitié de la semaine, on est à Paris,
06:08l'autre moitié en circonscription,
06:10moi, quand les gens me disent, mais enfin, qu'est-ce que vous renvoyez comme image ?
06:14Et je leur dis, en effet, mais c'est la conséquence aussi d'un déséquilibre au sein du Parlement,
06:22mais qui, d'une certaine manière, fait de notre hémicycle le cœur battant de la démocratie.
06:27Moi, je fais partie de ceux qui croient dans le parlementarisme.
06:30Même si j'aurais préféré, évidemment, qu'il y ait une large majorité à gauche,
06:34voilà, c'est ce que j'aurais préféré.
06:36Aujourd'hui, je considère que l'Assemblée est à l'image de la société.
06:39Elle est globalement représentative des différents courants de pensée.
06:43Et donc, bon, ben voilà, ça donne quelque chose qui est souvent surprenant,
06:48parfois agaçant, parce que les débats peuvent être caricaturaux,
06:52mais en même temps, ça renvoie aussi à la pluralité du débat.
06:56Et il faut aussi dire que c'est sain d'avoir un Parlement qui fonctionne.
07:00Donc, moi, même s'il ne fonctionne pas de la manière qu'on souhaiterait,
07:04les débats ont lieu.
07:05Et je fais partie des défenseurs du Parlement,
07:08même si ce n'est jamais quelque chose d'évident,
07:11et même si, voilà, il y a toujours ce travail de pédagogie à faire,
07:14parce que, voilà, il y a des débats qui sont diffusés,
07:17mais on prend toujours les moments où ça fait le buzz.
07:20Si on regarde plus largement ce qui se passe dans l'hémicycle,
07:23et moi, j'accueille assez régulièrement des groupes à l'Assemblée nationale,
07:26ils me disent, ah ben tiens, c'est plus calme que l'image qu'on s'en faisait.
07:29Et c'est bien souvent le cas.
07:31Une Assemblée fracturée un peu comme la France sur les idées.
07:36Est-ce que vous croyez en l'hypothèse d'une possible nouvelle dissolution,
07:40peut-être à la fin de l'année, en tout cas si une nouvelle censure
07:43pourrait avoir lieu après notamment l'examen de la question du budget à l'Assemblée ?
07:48Moi, je ne croise à rien, mais je me prépare à tout,
07:53parce que personne n'avait prédit vraiment la dissolution,
07:57et demain, personne ne peut savoir ce qu'il en sera.
08:00Mais je suppose qu'Emmanuel Macron a vu les conséquences de ses choix hasardeux,
08:06et qu'il avait reculé dans l'hémicycle, qu'il avait perdu du pouvoir.
08:11Et je ne crois pas qu'il soit en capacité demain, s'il dissout,
08:13par exemple en novembre ou en décembre,
08:16de regagner quelques places à l'Assemblée nationale,
08:19et donc qu'il n'y ait pas de changement fondamental dans les équilibres
08:22qui sont les nôtres actuellement.
08:24Et donc ça serait une dissolution coup d'épée dans l'eau
08:26qui nous ferait perdre plus de temps qu'autre chose,
08:28en particulier sur la nécessaire adoption d'un budget.
08:31Donc une démission d'Emmanuel Macron serait une hypothèse dans ce cas-là ?
08:36Je n'y crois pas plus, vous savez, je pense qu'il est parti jusqu'en 2027,
08:39il ne va pas lâcher le pouvoir pour l'ombre.
08:43Donc non, non, je ne crois pas qu'Emmanuel Macron non plus soit en mesure de démissionner.
08:48Mais voilà, encore une fois, je ne peux rien prédire.
08:52Juste vous dire la manière dont je analyse les choses aujourd'hui.
08:55Je crois qu'ils montrent, les macronistes, qu'ils arrivent,
08:57malgré leur faiblesse numérique, à faire passer quelques textes,
09:03à continuer à gouverner de manière brinque-ballante,
09:07et peut-être qu'ils s'en satisfont.
09:09Une dernière question, Arthur Delaporte.
09:11On a parlé de cette année, évidemment, marquée par les questions budgétaires,
09:16là aussi, on s'en souvient, au début d'année, évidemment, après la censure.
09:19La rentrée sera à nouveau, et l'automne, marquée par ces débats-là à l'Assemblée.
09:24Quelles sont vos craintes ?
09:25Et qu'est-ce que vous espérez de ces débats à venir,
09:28et notamment des annonces de François Bayrou, cet après-midi ?
09:32J'attends une chose, c'est que François Bayrou se rende compte que la politique qui est menée depuis huit ans
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