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Dans son nouveau roman "Thanatose", Frédéric Bécourt imagine un homme frappé de mort apparente lors d’une fusillade. Guillaume, le narrateur, s’effondre, déclaré cliniquement mort… avant de revenir à lui, comme s’il s’était “retiré” de son propre corps. Ce phénomène, réel chez certains animaux, s’appelle la thanatose : une forme d’hibernation face au danger. Et si le corps humain, lui aussi, savait fuir la réalité quand l’esprit ne peut plus suivre ?
Guillaume, lui, vit désormais comme un fantôme. Il s’enferme chez lui, entre sa mère, ses chiens, et ses escapades nocturnes dans un métavers où les morts peuvent parfois revenir sous forme d’avatar. Il croit y reconnaître Alice, son amie disparue dans l’attentat. Est-elle bien là ? Ou est-ce son deuil qui le piège ?
Roman du choc, du repli et du doute, "Thanatose" est un roman du deuil, mais sans larmes : un roman de friction entre le corps, l’écran et la mémoire. Frédéric Bécourt, écrivain se situant dans la vague des antimodernes, offre au lecteur un récit nerveux, tendu, sans fioritures, presque clinique, sur la manière dont le réel se fracture — et parfois se recompose.

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Transcription
00:00Il fut un temps pas si lointain, où TV Liberté a explosé les compteurs sur la plateforme Google YouTube.
00:06Et c'est alors qu'est survenue l'inimaginable.
00:08Une censure brutale, totale, sans appel.
00:10Non pas une simple suspension, mais la fermeture pure et dure de nos chaînes par Google.
00:15Mais parce que nous dérangeons.
00:17Une nouvelle attaque politique est survenue, plus sournoise, plus insidieuse, mais aussi plus meurtrière, la censure bancaire.
00:24Et le choc a été d'une ampleur inégalée.
00:26Une perte sèche estimée à ce jour à 300 000 euros, et cela en quelques semaines.
00:32Et une nouvelle fois, nous ne nous sommes pas laissés abattre.
00:35La riposte a été immédiate.
00:37Notre président, Philippe Millau, a sollicité tous les conseils possibles et interpellé le président du Sénat,
00:43appelant à voter enfin, en seconde lecture, la loi visant à lutter contre la fermeture arbitraire des comptes bancaires.
00:50Il entend aussi obtenir réparation en portant l'affaire devant la justice et faire rendre gorge à ceux qui ont tenté d'étouffer TVL financièrement.
01:00Vous l'avez bien compris, TV Liberté est plus qu'une chaîne.
01:03C'est un combat.
01:04Un combat pour la liberté de penser, de parler, d'informer, dans un monde obscurci par une démocratie confisquée et une forme de totalitarisme larvé.
01:13Et ce combat, nous ne le perdrons pas, à condition de ne pas relâcher l'effort.
01:18Vous avez compris que nous avons vraiment besoin de votre aide, et ce, avant le 20 juillet, date où nous devons faire face à de vraies grosses échéances.
01:28C'est donc un appel à l'aide que nous vous lançons.
01:31Ce combat auquel nous sommes confrontés, nous ne pouvons pas le perdre.
01:43Après « Attrition » et « Un vent les pouces », présenté notamment sur TV Liberté, Frédéric Bécourt revient avec « Thanatos »,
02:01un roman dense porté par un narrateur taiseux, évoluant dans un monde et une époque désensibilisée,
02:07une fable contemporaine sans complaisance.
02:10Et nous allons en parler, bien évidemment, avec son auteur, sans, avant, je vous précise, bien évidemment,
02:15que vous pouvez vous procurer cet ouvrage aux éditions Heliopold.
02:18Vous pouvez vous le procurer sur tvl.fr, sur la boutique de TVL.
02:22Vous connaissez le chemin pour acheter l'ouvrage.
02:24Bonjour Frédéric Bécourt.
02:25Bonjour Mathieu.
02:26Alors, vous commencez « Thanatos », là où beaucoup finissent sur un corps à terre, supposé mort.
02:33Pourquoi avoir choisi de plonger le lecteur dans cette scène liminaire ?
02:37– J'ai trouvé que c'était un excellent moyen de rentrer dans le roman très très vite
02:41et de pénétrer la psychologie du personnage principal, que je ne qualifierais pas de héros,
02:46mais plutôt de narrateur, puisqu'il a quand même une personnalité un peu particulière.
02:50Mais je voulais tout de suite immerger le lecteur.
02:53– Ça m'est venu de diverses impressions, mais je sais que, notamment,
02:58je crois que c'est Simonon qui fait ça dans les anneaux de Bicêtre.
03:01J'avais l'idée de cette image où le héros se réveille dans une chambre d'hôpital
03:06et commence à décrire ce qui se passe autour de lui.
03:08Et je trouvais que c'était un très bon moyen d'attaquer par cette scène-là.
03:11– Et cette scène, c'est une fusillade qui s'est déroulée dans quelles circonstances ?
03:16– Justement, on en sait assez peu, on l'apprend un tout petit peu
03:19avec la visite des policiers à l'hôpital, mais oui, il a été victime d'une fusillade aveugle
03:27alors qu'il distribuait des colis alimentaires avec sa compagne
03:32pour le compte des bonnes œuvres de la paroisse.
03:35Et là arrive quelqu'un, un individu qui tire sur la foule, sur les bénévoles
03:41comme sur aussi les bénéficiaires et il y a tout le monde qui tombe par terre,
03:45tout le monde est… tout ce qui se trouvait dans la petite pièce est mort
03:49et Guillaume, lui aussi, s'écroule, tout le monde le pense mort,
03:54les secours le pensent mort, il n'a pas de signe de vie, il n'a pas de poux,
03:59il a les yeux révulsés, etc.
04:01Et finalement, alors qu'ils sont en train de s'occuper de lui,
04:05ils se rendent compte qu'ainsi, finalement, il est vivant, il revient à lui.
04:08Et non seulement il revient à lui, mais il revient à lui totalement indemne,
04:13physiquement, psychologiquement apparemment.
04:15– Important parce que ce Guillaume, s'il n'est ni blessé ni inconscient,
04:19il semble s'être absenté pendant cet épisode de la fusillade de son corps,
04:23c'est un phénomène, celui de la thanatose, c'est pour ça que c'est important,
04:28puisqu'il est le titre de votre ouvrage, ce phénomène qui donne son titre au roman,
04:32un phénomène réel, me dit-on, me dites-vous, plutôt chez certaines espèces animales,
04:38comment est-il devenu chez vous une clé romanesque ?
04:41Qu'est-ce que la thanatose et pourquoi cette idée ?
04:43– Oui, alors la thanatose, c'est un comportement animal qui est tout à fait répertorié,
04:47très bien connu dans diverses espèces d'animals,
04:49chez les mammifères, chez les insectes, des araignées, des souris, des lopossums surtout,
04:55c'est très connu pour l'opossum.
04:58C'est un comportement qui consiste à simuler la mort en situation de danger
05:01pour échapper à son prédateur.
05:02Donc ça, ça peut aller très très loin, je parle d'un cas de l'opossum,
05:07il est capable donc évidemment d'arrêter son rythme cardiaque,
05:10il se roule sur le côté, il a l'air mort, son corps dégage une odeur putride
05:14qui fait penser à un corps en décomposition, il a les yeux révulsés, etc.
05:19Il est capable vraiment de mimer la mort dans ses plus extrêmes détails
05:23et quand le prédateur s'éloigne, il revient à la vie.
05:26Donc c'est un phénomène qui s'appelle la thanatose et que j'ai voulu utiliser dans le roman.
05:31J'avais déjà cette idée en tête depuis plusieurs années,
05:35je ne l'avais pas fait parce que je ne trouvais pas le sujet.
05:37Et puis il se trouve que ce roman est né comme ça,
05:40j'ai rencontré par le biais de ma vie professionnelle
05:44un personnage qui m'a fait beaucoup penser au personnage de Guillaume.
05:48Quand je l'ai rencontré, je me suis dit, mais c'est un personnage de roman,
05:50il faudrait à tout prix que j'écrive sur lui.
05:52Mais je n'avais pas le truc, je n'avais pas l'histoire, je n'avais pas l'intrigue.
05:56Et puis je me suis replongé dans cette idée de thanatose
05:59et les choses comme ça, à un moment, se sont assemblées.
06:02C'est toujours un peu le mystère de la création, c'est un bien grand mot.
06:06Mais voilà, les choses se sont trouvées comme ça
06:08et se sont trouvées faire du sens tout à fait avec le personnage de Guillaume.
06:14– Alors le héros, le narrateur du roman, Guillaume Labarthe,
06:17on l'a bien compris, au-delà du drame qu'il a vécu,
06:20il apparaît abrupt, muré, presque désagréable.
06:24Vous lui faites dire, je n'ai jamais voulu aimer et être aimé,
06:28la voilà, la seule vérité.
06:31Pourquoi un tel défi d'écrire de l'intérieur un personnage,
06:33taiseux, misanthrope, en fait, dans une sorte d'anti-héros,
06:38mutique et brutal ?
06:39– Oui, un peu.
06:40Ce qui m'intéressait, c'était sa dimension psychologique.
06:42Je n'étais jamais rentré aussi profondément dans la psychologie d'un personnage.
06:46Ce qui m'intéressait, c'est d'aller au plus profond de sa relation
06:50avec sa mère, par exemple.
06:53Je ne sais plus, à un moment, un journaliste qui m'avait demandé
06:55si je devais résumer en deux mots le roman,
06:57je crois que je lui avais dit que c'était mauriac dans le multiverse,
07:01parce que c'était une sorte de génitrix,
07:03mais à la sauce post-moderne.
07:05Donc c'était…
07:06En fait, il y a tous les classiques, j'allais dire,
07:07des romans où on explore les relations familiales,
07:12le rapport au deuil, à un père absent, etc.
07:16Et on rentre dans sa psychologie.
07:18Et en même temps, il y a cette personnalité
07:23qui est assez symptomatique, je dirais, d'une génération
07:28qui a du mal à vivre les sentiments dans le monde réel,
07:32qui est de plus en plus déconnectée via les réseaux sociaux,
07:36les jeux vidéo ou le métavers,
07:38qui se déconnecte de la réalité.
07:41Et donc, il y a une opposition très forte
07:43entre une psychologie très dense,
07:45des rapports familiaux complexes, etc.
07:46Et puis, cette vie déportée sur les réseaux,
07:51sur cette vie virtuelle.
07:53Et les deux, quand ça rentre en contact,
07:55ça fait… voilà, ça donne, à mon avis, une énergie romanesque.
07:58– Il y a eu un moment qui n'était pas virtuel,
08:00c'est celle de la rencontre avec sa compagne,
08:02qui s'appelle Alice.
08:03Celle-ci a disparu, elle a été tuée lors de cette fusillade.
08:07Mais Alice renaît, possiblement, dans le métaverse,
08:11relançant la question du deuil, mais surtout du monde virtuel.
08:14Le numérique est-il, selon vous, une échappatoire
08:17ou une illusion de consolation ?
08:20– Ah, c'est les deux.
08:23En fait, au début, c'est une échappatoire, clairement.
08:25Mais, sans dévoiler trop l'intrigue du roman,
08:32il va rencontrer dans le métaverse une personnalité
08:38qui se trouve être très proche, pour ne pas dire le clone,
08:41pour ne pas dire le double, pour ne pas dire sa compagne, Alice.
08:46– Clairement, il rencontre Alice, il la retrouve.
08:48– Il la retrouve dans le métaverse, dans cet omniverse.
08:51Et là, à ce moment-là, de ce qui était au départ une échappatoire,
08:56devient la fabrique d'une illusion.
08:58Et on va voir qu'il va essayer, avec tous les moyens,
09:01c'est quand même quelqu'un de très rationnel,
09:03c'est quelqu'un qui a fait des études,
09:04qui est un ingénieur de formation, etc.
09:06– Comme vous ?
09:06– Oui, à peu près.
09:08– Je remarque ce que je fais.
09:10– Oui, oui, c'est peut-être le seul point
09:12que j'ai en commun avec ce personnage.
09:14– Mais oui, il va essayer d'utiliser toute sa rationalité
09:18pour expliquer quelque chose qui est totalement irrationnel.
09:22Et donc, il va parfois passer par des élucubrations,
09:25de la physique quantique,
09:26il va essayer de tous les moyens possibles et imaginables
09:28pour se dire, en fait, c'est possible, Alice est morte,
09:31mais possiblement, il existe un moyen
09:33pour qu'elle ait repris vie dans ce métaverse.
09:36– Et c'est un monde virtuel qui agit comme un prolongement du réel,
09:39ça, ça peut être un piège.
09:41Est-ce que ce n'est pas la métaphore de notre époque
09:42qui a traversé cela, d'ailleurs ?
09:44– Oui, c'est un peu le sous-texte de ce roman,
09:48cette société qui, en fait, est à la fois très, très pragmatique,
09:57très dans les objets, dans la matérialité,
10:02dans l'instantanéité et dans les relations.
10:05On n'a jamais eu autant de relations avec nos semblables
10:10que dans ces sociétés modernes.
10:12Et en même temps, ce ne sont pas des relations qui sont des relations personnelles.
10:16Donc, c'est ce clivage-là entre la multiplicité des relations dans la vie réelle,
10:23mais finalement leur absence de réalité,
10:27et leur double dans leur vie virtuelle.
10:29C'est ça qui était intéressant, je trouvais, à analyser.
10:31– Tout au long de l'ouvrage, vous refusez toute sensibilité.
10:34Votre héros, un narrateur impassible, trouve la force de dire,
10:39je le cite encore,
10:40« Je n'ai jamais eu de conception morale de la vie. »
10:42Il vit ou même survit dans le souvenir d'un père mort,
10:45d'une petite amie assassinée, d'une mère désincarnée,
10:49d'amis absents, d'une maison qui est figée.
10:51Comme si vous aviez noué un contexte familial et intime
10:54à une expérience de quasi-mort.
10:59– Oui, oui, oui.
11:01Il est mort pour le monde réel.
11:07Il s'est mis en retrait,
11:08c'est d'où aussi l'analogie avec la thanatose.
11:11Il s'est mis en retrait du monde réel,
11:13face à ce qui lui semble être,
11:17pas forcément des agresseurs,
11:19mais la vie est difficile, la vie ce sont des déceptions,
11:23la vie ce sont des deuils à affronter,
11:26la vie ne rend pas les choses simples
11:29et lui veut se retirer de ça.
11:33Et donc en fait, il préfère se réfugier dans un monde virtuel
11:38ou dans le monde des morts, si on veut,
11:42puisqu'il pense que les esprits sont dans le bêta vert aussi.
11:46Il préfère se retrancher du monde des vivants.
11:50C'est un choix qui peut surprendre,
11:52parce que Guillaume a 28 ans,
11:53il est censé être plein de vie,
11:55il a par certains côtés,
11:56il fait très attention à son physique,
11:58c'est quelqu'un qui est très narcissique,
12:01mais il ne le manifeste pas dans sa relation avec autrui.
12:07– Il y a quand même un moment
12:08où effleure un peu l'émotion,
12:09j'ai dit, premièrement, il en a eu pour sa compagne, j'espère,
12:12il y a l'évocation de son père,
12:14le patron, la figure paternelle,
12:17il y a les chiens autour de lui,
12:18l'obsession du corps, la musculation,
12:21mais aussi la fatigue, les tremblements.
12:23Est-ce que cette émotion,
12:24elle arrive à, une émotion presque souterraine,
12:28à, comment dire,
12:30chevaucher, surpasser l'apathie du personnage ?
12:34– Oui, alors, au fur et à mesure du roman,
12:37si par moment, il peut sembler antipathique,
12:39on va se trouver quand même en empathie avec lui,
12:41à certains moments clés.
12:42– J'ai apathique, plus qu'antipathique.
12:44– Oui, oui, c'est vrai, c'est moi qui avais franchi le rubicon.
12:49Mais non, non, il est apathique,
12:52mais il va presque devenir sympathique à certains moments,
12:56notamment, quand il va revenir sur son enfance,
12:59les rapports avec son père.
13:02Là, il redevient humain,
13:03dans sa relation même avec sa mère,
13:06je trouve qu'il a aussi une forme d'affection
13:09qui est souvent mal dirigée,
13:12qui est souvent maladroite.
13:14Mais il y a des moments dans le roman
13:16où il a des gestes tendres pour sa mère.
13:19C'est rare, il faut être attentif.
13:20Et au fur et à mesure de l'évolution du roman,
13:23plus on va aller vers des événements
13:25qui vont faire que sa vie va basculer aussi,
13:28eh bien, on va le retrouver humain,
13:29on va le retrouver comme nous.
13:30Et finalement, on va se dire,
13:31ce gamin, finalement, qui veut chercher à fuir la réalité,
13:35qui a peut-être des repères
13:37qui sont totalement différents des nôtres,
13:39eh bien, en fait, il nous ressemble beaucoup.
13:40– Est-ce que vraiment,
13:41s'il y avait un terme associé à Thanatos,
13:44c'est vraiment un roman sur la fuite,
13:46parce que votre héros, il fuit le monde réel,
13:49il fuit le deuil, il se fuit lui-même, d'ailleurs.
13:54Est-ce que c'est quelque chose que vous rencontrez
13:56au-delà d'un cas que vous avez découvert,
13:59d'un jeune homme de 28 ans ?
14:00Est-ce que vous pensez que c'est une attitude aujourd'hui
14:01qui, eh bien, tente à s'amplifier dans notre société ?
14:06Et est-ce que ça ne vous a pas touché vous-même, d'ailleurs ?
14:08– Alors, moi, personnellement, non.
14:10J'avoue, je suis assez peu sensible à ces univers-là.
14:13Je me suis beaucoup documenté, d'ailleurs,
14:15parce que ce n'est pas du tout des univers que je connais.
14:17J'ai été moi-même surpris d'apprendre qu'on pouvait gagner sa vie
14:20en coachant des joueurs de jeux vidéo.
14:24J'ai découvert combien était le tarif des rémunérations
14:28des coachs en jeux vidéo.
14:29Tout ça, j'ignorais complètement ça.
14:31– C'est lui le journaliste, j'ai bien compris.
14:33– Oui, ça gagne très bien sa vie.
14:35– C'est dans une autre vie, métaverse.
14:37– Oui, donc, j'ai découvert ça,
14:41parce que ce n'est pas vraiment des gens que je côtoie.
14:43En effet, j'ai côtoyé une personne qui m'a poussé à écrire ce roman.
14:48Mais, en effet, il y en a beaucoup.
14:50On ne les croise pas toujours, on ne fait pas forcément attention à eux,
14:52justement parce qu'ils sont très discrets dans la vie réelle, évidemment.
14:55Mais il y en a beaucoup qui vivent comme ça, j'allais dire,
14:58en marge de la vie réelle, sur un autre plan,
15:02avec d'autres valeurs, d'autres codes.
15:03Et en aucun cas, ce n'est censé refléter la génération de Guillaume.
15:10Il y a, à l'inverse, dans cette génération même,
15:15des jeunes qui refusent même le smartphone
15:18et qui prennent l'excès inverse et qui refusent toute technologie
15:20et qui veulent retourner à la Terre ou au travail manuel.
15:24Donc, tout existe aujourd'hui.
15:27Simplement, voilà, ils représentent quand même un courant
15:31et un mal de l'époque, peut-être, qui n'a jamais existé auparavant.
15:37– Je reviens sur cette question de fuite,
15:38parce que tout au long de l'histoire,
15:39votre roman évoque un monde qui se dérobe,
15:41un monde qui se dérobe par l'écran, par le mutisme,
15:45par la mort simulée, thanatos.
15:47Et qu'est-ce qui, pour vous, résiste encore à cette fuite ?
15:50C'est-à-dire que ce garçon de 28 ans que vous avez rencontré,
15:52dans le réel, qu'est-ce que vous avez pu lui dire,
15:56ou qu'est-ce que vous auriez pu lui dire
15:57pour qu'il sorte de son apathie ?
16:00– Je ne sais pas ce que j'aurais pu dire.
16:02– Vous étiez puissant.
16:03– Je ne sais pas si j'avais vraiment envie de le faire, déjà.
16:06Je pense que la vie va s'encharger d'une manière ou d'une autre.
16:10– Ça va être cruel, ce que vous dites.
16:13Quand la vie s'en charger, elle va être placée devant la réalité.
16:15– Non, pas nécessairement.
16:16Il peut être tombé amoureux d'une autre jeune femme, par exemple.
16:18Et sa vie peut repartir sur d'autres bases.
16:22Là, il se trouve qu'il est confoncé au deuil,
16:26donc c'est très fort.
16:27Mais pour parler de la personne qui m'a inspiré le roman,
16:31j'avais de bons échanges avec lui.
16:33Et je trouvais qu'en fait, étrangement,
16:37on avait la possibilité de communiquer.
16:40Et il y avait, et c'est ce que j'ai essayé là aussi
16:42de faire traverser dans ce roman,
16:44c'est qu'il y a une humanité,
16:46il y a une vaste gamme de sentiments humains
16:51sur lesquels je ne vois pas forcément de changements
16:56et pour lesquels on pourra toujours se retrouver proche de son voisin
17:01et proche d'un individu qui n'est pas du tout de la même génération,
17:04qui n'a pas du tout les mêmes centres d'intérêt.
17:06C'est ça que je trouvais positif.
17:09– Quand nous nous sommes vus il y a quelques années ici,
17:12sur ce plateau-là, j'avais fait un rapprochement
17:14entre votre ouvrage, premier ouvrage, premier roman,
17:17avec la forme d'écriture de Houellebecq.
17:22Je trouvais un style tendu, physique,
17:24maintenant presque sans fioritures, sans pathos, presque organique.
17:28Dans Thanatos, c'est encore plus clair.
17:30Et je me suis dit, comment vous avez façonné
17:32cette langue tenue, tendue, contenue et presque physique
17:37avec un dépouillement que, cette fois-ci,
17:41je n'attribue plus à Houellebecq, mais à Annie Arnaud.
17:44Et je me suis dit, ça ne va pas lui faire plaisir.
17:45– Ah, je ne m'attendais pas.
17:47– Je ne m'attendais pas à ça.
17:49Annie Arnaud, pourquoi pas.
17:51– Le côté dépouillé.
17:52– Oui, le côté dépouillé.
17:54Je ne dénigre absolument pas le talent d'Annie Arnaud.
17:57– Moi aussi, ne vous inquiétez pas.
17:58– D'accord, si vous voulez.
18:00Alors, pas sur tout, les romans.
18:02Mais sur certains, il y a quand même une forme
18:05qui est vraiment, pour le coup, novatrice et littéraire.
18:08– Ah ouais, je ne vous ai pas choqué tant ça.
18:10– Non, non, ça ne me choque pas tant ça.
18:11Non, en revanche, d'où vient la pureté,
18:16la simplicité, j'allais dire, du style ?
18:19Là, ça va venir beaucoup plus de mes références à moi.
18:22Alors, pour trahir un secret, je vais vous dire.
18:26Lorsque je suis dans des phases intenses d'écriture,
18:29je lis beaucoup de Simenon.
18:30Et Simenon m'a beaucoup structuré.
18:33Il répétait tout le temps qu'il fallait remuer ses phrases
18:35pour faire tomber les adverbes,
18:36qu'il fallait aller au plus pur, au plus simple.
18:41C'était Colette qui lui avait appris,
18:43donc ça vient de loin.
18:45Et moi, c'est quelque chose qui m'obsède.
18:46J'essaye d'aller là aussi vers la simplicité
18:48et la forme la plus pure.
18:50Et la démarche de Simenon, c'était pour se rapprocher
18:53de ce qu'il appelait l'homme nu.
18:54Et moi, ça aussi, c'est vraiment ça qui m'intéresse,
18:56me rapprocher, être au plus près des sentiments
18:59de mes personnages.
19:00Et pour cela, ne pas leur prêter des éléments de langage
19:03qui ne seraient pas les leurs.
19:05Aller vraiment au plus dur.
19:06Aller, excite Annie Ernaud et vive Simenon.
19:10Là, il n'y a pas de souci avec moi pour Simenon.
19:13Plus sérieusement avec Attrition,
19:15on avait évoqué là aussi, la dernière fois,
19:17comme c'est vu, ensemble, un écrivain se situant,
19:20vous, bien sûr, dans la vague montante
19:21des écrivains post-modernes.
19:23Antimodernes.
19:24Antimodernes, pardon.
19:25Antimodernes.
19:26Est-ce que ce roman se situe dans la même veine ?
19:29Oui, de toute façon, j'allais dire
19:32qu'on écrit toujours le même livre.
19:33– C'est cette étiquette, vous l'avez acceptée.
19:36– Cette étiquette, on me l'a collée, je l'ai acceptée.
19:39Il y a une forme de noblesse dans cette famille des antimodernes,
19:46c'est qu'elle refuse l'engagement.
19:49Voilà.
19:49Alors, en effet, on peut retrouver encore une fois,
19:51dans ce roman-là, un personnage qui va refuser l'engagement
19:55et qui va préférer le retrait, la saise ou la fuite.
20:01Et ça, c'est quelque chose qu'on retrouve souvent dans mes romans.
20:05Voilà, je pense que c'est peut-être ma pente naturelle
20:08et qu'il est inutile de lutter contre ça.
20:10C'est ma manière aussi, peut-être, d'écrire.
20:13Et en tout cas, je n'y réfléchis pas plus que ça.
20:16Il se trouve que les choses s'imposent plutôt à moi.
20:20Et en effet, dans ce courant qu'on qualifie d'antimoderne,
20:23on retrouve des écrivains qui ont aussi fait ce choix.
20:28Je pense au Hussard, par exemple, du désengagement.
20:31Donc, je pense à Blondin et d'autres.
20:34Voilà.
20:35Donc, si je m'inscris dans cette lignée-là,
20:37eh bien, ça ne nous dérange pas du tout.
20:39– Une bien bonne filiation à Frédéric Bécourt.
20:42Merci beaucoup.
20:43Donc, j'invite nos téléspectateurs à se prouver.
20:46C'est le moment de lire nos romans.
20:49L'été nous permet de lire des romans,
20:51de prendre ce temps, de faire toute la place nécessaire aux romanciers.
20:55Et donc, à Frédéric Bécourt pour cet ouvrage
20:57qui ne vous laissera pas indifférent,
20:59Thanatos, vous allez découvrir Guillaume Labarthe.
21:02Merci à vous, Frédéric Bécourt.
21:03– Merci beaucoup.
21:04– Sous-titrage Société Radio-Canada
21:07– Sous-titrage Société Radio-Canada

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