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Entre surtaxe américaine sur les produits chinois et loi contre la fast-fashion, l’industrie de l’habillement doit se réinventer. Mais peut-on réellement freiner l’essor des géants du textile bon marché, alors que 90 % des vêtements vendus en France sont importés ? Pour Arthur Charle, cofondateur de Cocorico, la réponse viendra moins des barrières commerciales que d’un modèle local, accessible et durable.

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Transcription
00:00L'invité de Smart Impact, c'est Arthur Charles, bonjour.
00:09Bonjour.
00:09Bienvenue, vous êtes le cofondateur de Cocorico.
00:13Alors c'est d'abord l'histoire d'une famille, d'une fratrie,
00:15puisque vous l'avez créée avec votre frère Tom et votre sœur Colline, c'est ça ?
00:20Avec quelle idée ? Pourquoi vous l'avez créée Cocorico ?
00:22Oui, tout à fait. On avait envie d'entreprendre ensemble, en famille.
00:26Oui, on avait aussi vu un souci à l'époque, on voulait créer une marque de mode,
00:30on voulait avoir un impact aussi.
00:32Et c'est vrai que produire localement, faire du Made in France nous semblait intéressant,
00:36mais on voulait lever une barrière qui était celle du prix.
00:39Le Made in France, on se rendait compte que c'était super écologiquement, super socialement,
00:43on pouvait recréer de l'emploi, on pouvait avoir un vrai impact.
00:46Mais si personne n'a les moyens de le consommer, c'était compliqué.
00:50Donc on s'est lancé une mission dès 2017,
00:52qui était de rendre enfin accessible la production française
00:57et notamment la mode Made in France.
00:58Et on va voir comment vous y arrivez depuis 8 ans.
01:02Vous en êtes où aujourd'hui, 8 ans après la création de Cocorico ?
01:04Oui, écoutez, on a bien grandi.
01:06Aujourd'hui, on a une marque de mode généraliste.
01:07Donc on habille hommes et femmes des pieds à la tête, 100% Made in France.
01:11On a plus de 7000 références sur notre site Cocorico.store.
01:14Et en 2024, on a passé un milestone assez important.
01:18On est devenu le premier fabricant textile français,
01:20avec plus de 700 000 pièces vendues sur notre site
01:23et plus de 600 000 clients actifs en ligne.
01:27Et donc avec cet objectif de rester accessible en prix
01:31et donc forcément une sorte d'alternative ou de concurrence
01:34face à ce qu'on appelle l'ultra-fast fashion.
01:38Vous en pensez quoi de cette loi qui a été votée
01:41et même de l'amende qui vient d'être décidée contre Chine notamment ?
01:46Oui, bien sûr.
01:47Nous, on trouve que dès que le gouvernement,
01:49nos députés prennent en main ce genre de sujet,
01:52de distorsion de concurrence,
01:53nous, on est bien sûr favorables.
01:55Après, je pense qu'ils peuvent sûrement aller plus loin,
01:58notamment au niveau européen.
01:59Je pense que c'est ce qui aura sûrement le plus d'impact.
02:01Après, nous, on a pris le problème un peu à l'envers chez Cocorico.
02:03C'est-à-dire qu'on a plutôt essayé de comprendre
02:05pourquoi des géants comme ça fonctionnaient aussi bien
02:07parce que ça reste un succès phénoménal.
02:09Ça veut dire qu'il y a une demande
02:10et qu'il y a des acheteurs et des acheteuses.
02:12Bien sûr.
02:12Et en fait, ça révèle deux choses pour nous.
02:14La première, c'est que le prix reste le premier vecteur d'achat,
02:17notamment dans la mode.
02:18Et donc, nous, on a essayé de lever cette barrière
02:19tout en produisant en France.
02:21Et deux, c'est qu'acheter de la fringue,
02:23ça reste un élément de joie pour les gens.
02:28C'est un passe-temps en fait.
02:30Et donc, il faut respecter ça, je pense.
02:31C'est donc continuer à proposer ce qui peut faire plaisir aux gens.
02:36Et alors, ce défi, comment vous le revelez ?
02:38Des prix abordables.
02:39Déjà, ça veut dire quoi pour vous, un prix abordable ?
02:41Nous, on s'est lancé historiquement sur le boxer,
02:43la culotte, tous les sous-vêtements.
02:44Et on a lancé le premier boxer 100% fabriqué en France
02:47à 9,90 euros.
02:47Donc, moins de 10 euros, vous êtes au prix d'un boxer du made in ailleurs
02:51qui est fabriqué en Turquie ou ailleurs.
02:55Nos t-shirts, c'est moins de 20 euros.
02:56Nos suites, moins de 40 euros.
02:58Et donc, à ces prix-là, vous êtes compétitif
03:00par rapport à des marques qui produisent ailleurs.
03:02Et alors, comment vous faites ?
03:03Eh bien, déjà, je voudrais juste dire que nous,
03:05le made in France, c'est 100% français.
03:06Donc, la matière est faite en France.
03:09Tous les éléments, on ne peut pas faire plus français que nos produits.
03:11D'accord.
03:11Et pour y arriver, on a fait deux choses.
03:14La première, c'est un choix.
03:15C'est de dire, on va baisser nos marges.
03:17On va parier sur les volumes pour aller chercher des gains d'échelle.
03:20Et donc, progressivement, rendre cette marge au début à nos consommateurs
03:24et puis faire monter la sauce, c'est quelque chose qui a plutôt bien marché.
03:27Je vous le disais, 600 000 clients aujourd'hui actifs.
03:29On commence à être une communauté assez importante.
03:32Puis, le deuxième élément, c'est le circuit court lui-même, en fait.
03:34Quand vous produisez à 250, 300 kilomètres de vos clients,
03:38vous créez des économies énormes.
03:39La plus importante est en celle de ne pas avoir d'invendu.
03:42Aujourd'hui, au cours et cours, on s'approvisionne en circuit court.
03:45Donc, tous les mois, on reçoit…
03:47Vous n'avez pas de stock ou très peu de stock ?
03:48Très, très peu de stock.
03:49D'accord.
03:49Aujourd'hui, on estime que pas de stock et pas d'invendu.
03:52Donc, on est capable de s'adapter à la demande,
03:55de s'adapter à la météo d'un mois sur l'autre.
03:57Et ça, les grandes marques internationales ne sont pas capables de le faire.
04:00Et on estime que l'invendu, les grandes marques vous le font porter dans le prix final.
04:04Ça représente 30% du prix d'un vêtement aujourd'hui.
04:07Donc, c'est une économie qui est substantielle.
04:08Est-ce que vous courez après cette logique qu'on trouve chez Shintemou,
04:14mais qui existait avant chez d'autres ?
04:16C'était moins important, mais quand même, de créer de nouveaux modèles en permanence.
04:21C'est-à-dire que là, l'ultra-fast fashion, c'est du délire.
04:22C'est des dizaines, des centaines de nouveaux modèles par jour.
04:26Et encore, je suis en dessous de la réalité.
04:27Oui, bien sûr.
04:28Non, nous, c'est exactement l'inverse.
04:30C'est qu'on fait les bons basiques du quotidien qu'on fait toute l'année.
04:34On n'a pas de logique de collection chez nous.
04:35D'accord.
04:35Donc, un produit qui, en tenant de t-shirts, on en a vendu des centaines de milliers,
04:40c'est toujours le même depuis 2018.
04:42Alors, toujours le même, ça nous permet aussi de s'améliorer, d'avoir une amélioration.
04:45Qu'est-ce que j'avais vous demandé ? Vous le faites évoluer quand même.
04:47Bien sûr.
04:48Et c'est pour ça qu'aussi un chine n'est pas viable économiquement dans le temps.
04:52C'est parce que quand vous lancez une robe ou un t-shirt que vous le vendez pendant 4 jours
04:55et que vous l'arrêtez, vous avez des surstocks.
04:57C'est forcé.
04:59Vous n'avez pas pu améliorer le produit, donc il ne peut pas être qualitatif.
05:02Vous n'avez pas appris avec vos clients.
05:04C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, un modèle comme Cocorico est plus sain économiquement
05:07et plus résilient.
05:09Mais comment on améliore un t-shirt ?
05:11Eh bien, vous le produisez sur des chaînes.
05:14C'est plus facile quand votre producteur parle français et il est à 200 km de chez vous.
05:18Vous pouvez aller le voir.
05:19Vous vendez.
05:20Vous prenez des retours clients.
05:21Nous, on parle avec nos clients.
05:22Nos clients nous font des retours.
05:24Telle couture, tel sujet sur la maille.
05:26Et donc, on améliore la chaîne.
05:27C'est aussi l'énorme force de produire en France.
05:30C'est que vous parlez en direct avec toute la chaîne de fabrication
05:33et vous pouvez avoir un impact immédiat sur tous les éléments qui constituent votre t-shirt.
05:38Donc, vous dialoguez avec vos clients.
05:40L'impact du fabriqué en France, j'ai bien compris que le prix,
05:43on est tous pareils, c'est certainement le premier levier.
05:47Mais l'impact du fabriqué en France, ça vient juste après ?
05:50Ou alors, c'est anecdotique ?
05:53Quelle part ça prend dans l'acte d'achat ?
05:55Nous, on croit que c'est important, mais c'est la cerise sur le gâteau.
05:58Nous, le pari qu'on a fait dès le départ et qui a plutôt bien fonctionné,
06:00c'est de dire à qualité égale, à prix égal,
06:04si vous êtes made in France, vous remportez la timbale à chaque fois.
06:07Et c'est comme ça qu'on arrivera à massifier le made in France.
06:10C'est en levant d'abord les deux premières barrières importantes,
06:12la qualité et le prix, ça nous on l'a fait.
06:14Et si en plus vous êtes français, là, vous remportez la vente.
06:17Alors, est-ce que ça veut dire, et je reviens à l'action du gouvernement en France
06:22ou de l'Union Européenne, qu'il ne faut pas forcément sanctionner les concurrents,
06:27mais faciliter l'industrialisation ou la réindustrialisation du vêtement ?
06:33Oui, tout à fait, nous on croit beaucoup à ça.
06:35Et comment alors ?
06:36Nous, typiquement, une des solutions pour produire en France
06:40à des coûts de revient qui soient corrects,
06:42qui permettent d'avoir des prix compétitifs,
06:44c'est la technologie.
06:44C'est l'innovation dans les machines.
06:46Nous, on a par exemple acheté des machines qui sont,
06:48on est les seuls en Europe à les avoir,
06:49on les a mis chez certains de nos fabricants,
06:51qui sont des machines automatiques,
06:53donc qui permettent de gagner du temps.
06:54Ce qui coûte cher en France, c'est le temps passé sur le produit.
06:56Si vous réduisez ce temps, vous gagnez en coût.
07:00Et ça, il faut que le gouvernement puisse nous aider.
07:01Il faut qu'on puisse aussi également pouvoir ouvrir des usines plus facilement.
07:05Aujourd'hui, il y a une demande d'entrepreneurs
07:07qui souhaitent se lancer dans l'industrie.
07:09Il y a des marques comme nous qui sommes prêts à leur apporter,
07:11remplir les bons de commande.
07:13Mais c'est très long.
07:14Quand vous mettez plus de deux ans à avoir des permis de construire
07:16aujourd'hui en France, c'est très compliqué de se projeter.
07:19Donc, simplification des processus de construction des usines.
07:24Et alors, sur la réduction des durées de fabrication dont vous parliez,
07:27il y a effectivement l'automatisation.
07:29Mais est-ce que là aussi, on est dans un dialogue avec le client ?
07:32Est-ce que vous avez réussi à gagner du temps sur certains de vos produits,
07:37sur certains de vos basiques, en discutant avec les clients ?
07:40Bien sûr.
07:41Le t-shirt, pour reprendre cet exemple,
07:43on a divisé par deux le temps de confection d'un t-shirt.
07:45Par deux ?
07:45Par deux.
07:46Ce qui est permis par, un, la technologie, les machines automatiques,
07:49et deux, en discutant avec le client sur qu'est-ce qui est essentiel dans votre t-shirt, en fait.
07:53Parce qu'en fait, on s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup de choses…
07:55Il n'y a rien de plus simple qu'un t-shirt ?
07:56Qu'est-ce qu'on peut retirer à un t-shirt ?
07:57Eh bien, je vous donne un exemple très concret.
08:00Dans tous les t-shirts que vous trouvez dans le commerce,
08:02vous avez ce qu'on appelle une bande de propreté.
08:03C'est un petit bout de tissu qui va cacher une couture dans le col.
08:07Son seul intérêt, c'est de cacher la couture.
08:10En fait, on s'en fiche de voir la couture.
08:11Je crois, oui.
08:12Ça n'a pas d'intérêt de résistance, ça n'a pas d'intérêt de qualité.
08:15Le seul intérêt, c'était une tradition.
08:17Traditionnellement, on mettait ça.
08:18Maintenant, on a dit, on va l'enlever.
08:20Ça, c'est des gains de plusieurs minutes sur chaque produit.
08:22Et donc, c'est en avançant comme ça, en parlant avec nos clients,
08:25en essayant de comprendre ce qui est essentiel dans un produit et qu'on gagne du temps.
08:28Vous avez combien de sites de production aujourd'hui ?
08:30Aujourd'hui, on a 38 sites de production.
08:32Donc, qui sont un peu partout en France ?
08:34Aujourd'hui, vous avez encore les grands bassins textiles historiques.
08:37Le Nord pour la confection, le Jura.
08:40Vous avez l'Espadry dans le Sud-Ouest.
08:43Donc, on profite encore de ce bassin existant.
08:45Donc, ça veut dire que la filière n'avait pas totalement disparu ?
08:48Ou alors, est-ce que le fait de créer une marque comme la vôtre,
08:52de la faire grandir, de la voir grandir,
08:54ça a réinsu du business aussi pour la filière ?
08:58Est-ce qu'il y a des...
09:00Comment je peux tourner ça ?
09:01Mais des usines qui n'étaient pas loin de la fin
09:03et qui retrouvent une forme d'activité avec vous ou d'autres, d'ailleurs ?
09:06Oui, bien sûr.
09:07Nous, en fait, on a trouvé...
09:09Dans les années 80-90, elles ont beaucoup souffert.
09:11Il y en a beaucoup qui, finalement, ont réussi à tenir,
09:14à se passer les entreprises entre générations,
09:16à trouver des marchés publics ou des marchés très ciblés,
09:19et qui étaient ravis de nous voir revenir.
09:21Mais aujourd'hui, on a encore des capacités de production
09:23qui sont très importantes.
09:25Nos 38 usines avec Cocorico, aujourd'hui,
09:27c'est plus de 2,5 millions de pièces de capa,
09:30de capacités de production.
09:32Donc, c'est très important.
09:33Avec des...
09:34Alors, effectivement, on est un peu plus dans un circuit court,
09:36donc ça simplifie les choix logistiques.
09:38Mais quel choix de logistique vous avez fait, par exemple ?
09:40Pour l'approvisionnement, on est...
09:43Nous, aujourd'hui, on va chercher le meilleur fournisseur au meilleur endroit.
09:46Donc, c'est souvent des sujets d'automatisation.
09:49Est-ce que vous êtes bien équipé sur vos chaînes ?
09:51On vient également monter des chaînes dédiées à Cocorico chez nos fabricants.
09:55Et ça, c'est très important.
09:56Ça nous permet d'avoir une chaîne qui ne s'arrête jamais,
09:59qui produit en permanence le même produit.
10:02Et on a également internalisé la logistique dès le départ.
10:04Donc, on a, nous, notre propre entrepôt logistique
10:06qui est également dans le lot.
10:09Vous êtes basé dans le sud-ouest, c'est ça ?
10:10C'est ça. Nous, on est pur sud-ouest.
10:12Et on expédie nous-mêmes l'intégralité de nos commandes,
10:14on gère nos stocks.
10:15Et donc, ça, c'est assez important aussi pour l'expérience client.
10:18Avec, pour l'instant, un mode de distribution, je crois,
10:20qui est 100% numérique, c'est ça ?
10:22Tout à fait.
10:22Uniquement avec le site, ça peut changer, ça ?
10:24Tout à fait. Oui, bien sûr.
10:25Nous, aujourd'hui, on a fait une quinzaine de millions d'euros
10:27de cheat-affaires sur notre site e-commerce l'année dernière.
10:30Je vous disais, premier fabricant,
10:31on passe une étape cette année et on s'ouvre au wholesale.
10:34Donc, on va très bientôt annoncer plusieurs centaines de magasins
10:40qui vont nous distribuer à horizon fin d'année.
10:42Donc, ça veut dire que vous ne créez pas vos magasins,
10:44mais il y aura les produits Cocorico dans des magasins.
10:49Tout à fait.
10:49En fait, nous, l'idée, c'est d'aller au bout de la démarche
10:51qui était de donner accès.
10:53Nous, c'est l'accessibilité, notre mantra.
10:55Et donc, on voulait donner accès par le prix, bien sûr.
10:58Mais le canal de distribution est aussi un moyen d'accès.
11:00Il y a des gens qui n'achètent pas de vêtements en ligne.
11:0280% d'ailleurs des Français achètent plutôt en magasin.
11:05Et donc, on voulait aller à leur rencontre
11:07et ouvrir plusieurs centaines de magasins d'un coup
11:09pour qu'ils puissent profiter de Cocorico au meilleur prix.
11:11Vous n'allez pas me dire avec qui,
11:12mais c'est un partenaire ou plusieurs ?
11:15C'est plusieurs partenaires et donc quelques très gros.
11:17Bon, OK.
11:18On a tend ça avec impatience.
11:19Merci beaucoup, Arthur Charles.
11:21Et bon vent à Cocorico.
11:22On passe à notre Zoom.
11:25On va parler des directions des achats
11:27au cœur de ces enjeux de RSE,
11:29de responsabilité sociale et sociétale des entreprises.

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