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  • il y a 4 mois
Cet été, TVL vous emmène à la découverte des métiers qui font la France. Agriculteurs ou garçons bouchers : vous découvrirez leur quotidien, essentiel au notre. Ils vous laisseront entrevoir la poésie de leur travail manuel, loin des métiers bureaucratiques ou abstraits, mais aussi leurs défis et la passion qui les animent.


Malgré une épidémie ayant touché son cheptel puis un incendie dévastateur, cet éleveur de chèvres a refusé d'abandonner. Sa passion pour son troupeau et l’aide de bienfaiteurs inconnus lui ont permis de tout recommencer, transformant l'épreuve en renaissance.

L’histoire de Jérôme Courrège est un hommage à la résilience paysanne et à l'amour inconditionnel du métier.
Transcription
00:00Tu as deux choix, soit tu te bats et tu essayes de t'en sortir comme tu peux,
00:07ou soit c'est la corde au coup.
00:09Mais la corde, je ne peux pas, j'ai une fille de 9 ans, j'ai une femme de 32 ans.
00:15Je pense qu'il y a une catégorie de gens qui ont envie encore que l'agriculture continue à se développer et à avancer.
00:26Je me suis mis à pleurer quand elle m'a dit ça.
00:30Elle m'a dit, ne vous inquiétez pas monsieur, vous auriez pu être notre fils et on l'aurait fait aussi.
00:35Je les connais toutes personnellement, je sais à peu près leur caractère,
00:39celles qui font des bêtises comme celles-là, celles qui sont calmes.
00:44C'est l'agriculteur qui façonne la nature, ce n'est pas dans un bureau qu'on la façonne.
00:49Il faut laisser faire ceux qui savent.
00:56Bonjour, Jérôme Courrèges, éleveur laitier à Manciet dans le Gers, président de la CR32.
01:19Je vais vous raconter comment mon exploitation a été sauvée grâce à la solidarité des Français et vous décrire mon quotidien.
01:25On a eu une vague de malchance, si je peux dire.
01:32On a eu une pastorelle, c'est une maladie pulmonaire.
01:36On avait perdu 50% du cheptel.
01:41L'année suivante, on se relève à peine, on a eu un incendie à cause d'une ampoule chauffante qui est tombée sur le paillon.
01:48J'y suis rentré dans le bâtiment, il y avait des flammes de plus de 2 mètres de haut.
01:54J'ai voulu sortir les animaux, j'ai failli laisser la vie.
01:59C'est les pompiers, Dieu merci, qui ont fini de les sortir, les animaux.
02:04Seulement après, elles avaient respiré de la fumée, donc elles sont mortes quelques jours plus tard.
02:10Et quand bien même les chèvres qui étaient dans l'autre bâtiment en production, elles se sont arrêtées de faire du lait parce qu'avec la fumée qui rentrait partout, les gyrophares, tout ça, ça a déclenché un stress.
02:25Et en fait, on n'a pas pu produire du lait.
02:28Tu te dis, ça y est, t'es fini, ça ne veut pas, ça ne veut pas, ça ne veut pas que tu y arrives, ça ne veut pas.
02:36Tu te dis, ça y est, c'est fini, l'exploitation, c'est la mort.
02:42Tu sais le film « Au nom de la terre », le monsieur, quand il perd tout, c'était nous.
02:53Mais là, c'était en réel.
02:54Tu as deux choix, soit tu te bats et t'essayes de t'en sortir comme tu peux, ou soit c'est la corde au coup.
03:04Mais la corde, je ne peux pas, j'ai une fille de 9 ans, j'ai une femme de 32 ans, je ne peux pas les laisser dans ce merdier-là.
03:16Non, je n'ai pas le droit.
03:18Il faut, il n'y a pas à tortiller, il faut s'en sortir.
03:25Quand j'ai fait le métier d'éleveur, ce n'était pas pour mettre mes animaux à l'abattoir, c'était pour produire du lait et pour pouvoir vivre de cette production-là.
03:36Une chèvre comme ça vaut 300 euros.
03:39À l'abattoir, on va vous en donner quoi ? 30 euros.
03:42Moralement, moi, c'était insupportable de voir ça, je ne peux pas le supporter.
03:48Non, non, il n'y a rien à faire.
03:51Mes animaux, ils ne partent pas à l'abattoir.
03:53Moi, à la rigueur, je repartirais, à la rigueur, mais les chèvres, on ne les trompe pas.
03:59Une fois qu'elles sont mortes, elles sont mortes.
04:00Il faut savoir qu'une exploitation, c'est une entreprise.
04:04S'il n'y a pas de rentrée d'argent, on a des rentrées, des sorties, on est comme le boulanger du coin.
04:10On est exactement pareil.
04:12On avait un redressement à payer.
04:13Ce redressement était de 40 000 euros.
04:16Grâce, je dis bien grâce, à la solidarité des gens, on n'a pas pu solder les 40 000 euros, mais on a pu avancer.
04:27Et sans ça, au jour d'aujourd'hui, il n'y aurait plus rien ici.
04:32Ça serait fini.
04:33Avant, je pensais que tout le monde nous en voulait.
04:36Tu sais, quand on est acculé, qu'on doit une somme d'argent et qu'on ne sait pas comment faire pour la payer,
04:43tu te lèves le matin, tu te dis comment je fais.
04:47Tu te couches le soir, tu te poses la même question, mais tu n'as toujours pas la solution.
04:54Et ça, c'est dur à vivre.
04:57Donc, on avait décidé de faire cette cagnotte.
05:01Et on n'a pas réussi à obtenir la somme entière, on a réussi à en obtenir le 3 quarts.
05:05Je pense qu'il y a une catégorie de gens qui ont envie encore que l'agriculture continue à se développer et à avancer.
05:18Tous les gens ne sont pas écolos, ni bobos d'ailleurs.
05:21Il y a des gens censés qui pensent qu'il faut encore manger produits français.
05:28J'ai un couple de la Normandie, c'est l'autre bout de la France, c'est pour moi, donc voilà.
05:36Ils ont réussi à avoir mon numéro de téléphone, ils m'ont appelé.
05:39Ils m'ont dit, écoute, c'est bien ce que tu fais, on va t'aider.
05:44Ce n'était pas des gens en grande richesse, alors moi je me suis mis à pleurer quand elle m'a dit ça.
05:49Elle m'a dit, ne vous inquiétez pas monsieur, vous auriez pu être notre fils, et on l'aurait fait aussi.
05:54Mais je me dis, mais moi je ne suis pas leur fils quoi, je veux dire.
06:08Viens, je vais te montrer les nouveaux-nés.
06:10Voilà, il y en a, je ne sais pas, 100, 115.
06:13On va dire d'aujourd'hui à un mois et demi.
06:16Il a dû naître hier, c'est parce que c'est l'heure du lait, c'est tout.
06:21Ça c'est le petit mâle.
06:22Cette année, on est intervenu une fois.
06:25Normalement, la mère fait le boulot toute seule.
06:27Normalement, ça se passe bien.
06:29Alors on va les faire pousser jusqu'à 19 kilos, en haut lait.
06:33Et après, on va leur donner à manger du foin.
06:37On va préparer la nourriture des chèvres.
06:39On a préparé le bol avec une ration.
06:42Et là, on va leur donner à manger.
06:44Là-dedans, il y a du maïs, il y a de l'orge, il y a de la drèche, il y a des tourteaux, il y a de la luzerne et du foin de graminée.
06:55Trois fois par jour, des petits repas, en fait.
06:57Ce n'est pas comme une vache.
06:59Une vache, tu en mets tous les jours un tas comme ça et tu t'en vas.
07:04La chèvre, elle assimile mieux si tu fais des petites quantités.
07:07Et là, tu en as pour une heure.
07:10Entre mettre l'eau, pâter un couffin.
07:12C'est caviar tous les jours.
07:14C'est extra, il n'y a que des bonnes choses dedans.
07:15Donc, là, il y a des chèvres, les plus vieilles, elles sont de 2017.
07:20Je les connais toutes personnellement.
07:22Je sais à peu près leur caractère.
07:24Celles qui font des bêtises comme celle-là.
07:28Celles qui sont calmes.
07:30C'est toujours compliqué à garder des chèvres.
07:31C'est une jeune qui n'a pas encore mis bas.
07:34Donc, elle n'est pas encore reposée.
07:36Et c'est vrai qu'elle se promène un peu.
07:39Elle arrive à sauter les barrières.
07:41Ouais, non, tu sais, il y a la bouffe ici.
07:43Si je te mets le gîte et le couvert tous les jours, tu vas revenir.
07:46Alors, la trêve au niveau des chèvres, ça se fait là-bas.
07:49Deux fois par jour.
07:50Quand il y a les 450, on démarre le matin à 4h30.
07:54À 7h30, on a fini.
07:56Pour pouvoir prendre ma compagne, préparer ma fille pour partir à l'école.
08:00Et moi, pour pouvoir aller dans les champs.
08:02Enfin, pallier à tout ce que j'ai à faire.
08:05Mes occupations, à mes mandats.
08:07Tu vois, là, elles ont assez de place.
08:09Mais le plaisir d'aller manger le chocolat,
08:12Eh bien, elles se montent dessus pour aller en manger.
08:15C'est à qui en mangera le plus.
08:17Je compare ça à un banquier.
08:20C'est pareil.
08:21Les banquiers, quand tu es dans la merde, ils s'échappent.
08:25Et les chèvres, c'est pareil.
08:26Quand il y a de la bouffe, elles arrivent.
08:28C'est l'inverse d'un banquier.
08:29J'ai deux banquiers.
08:30J'en ai un très bon.
08:32Et j'en ai un très mauvais.
08:33C'est tellement peureux, une chèvre.
08:34C'est très peureux et très sensible au bruit et tout ça.
08:38C'est la chèvre.
08:43Là, c'est la chèvre.
08:44Parce qu'elle mouche, elle a pris un coup d'air.
08:47Un mauvais courant d'air.
08:56Toutes celles-là, elles sont pleines.
08:57Tu vois, une comme la blanche, elle ne va pas tarder à mettre bas.
09:00J'ai pris la coprésidence, la CR32, pour faire avancer l'agriculture gersoise.
09:12Si on continue comme ça, dans 20 ans, il n'y a plus d'agriculture dans le Gers.
09:17Et dans le national, il ne va pas en rester beaucoup.
09:19Il y a des familles derrière.
09:20Ce n'est pas un agriculteur seul.
09:22C'est une famille.
09:23C'est souvent une exploitation.
09:26C'est le père qu'il a créé ou le grand-père.
09:30Moi, mon président, il ne m'a pas laissé tomber quand j'ai été en grande difficulté.
09:35Donc, en quelque sorte, maintenant, c'est mon cheval de bataille.
09:40Il faut que je rende service aux gens qui, éventuellement, seront comme moi.
09:43Et c'est comme ça qu'on fera avancer l'agriculture dans les grandes lignes.
09:51Aujourd'hui, c'est un problème.
09:54C'est un problème.
09:55On n'a pas de marge.
09:57On n'a pas de marge.
09:58Le prix des intrants a quadriplé.
10:01Le prix du gasoil a doublé.
10:03On va se battre pour que nos adhérents et les agriculteurs dans les grandes lignes
10:10aient des tarifs, des prix de vente compétitifs
10:16et qu'ils puissent vivre dignement de leur métier.
10:20Tu viens avec moi, on s'en va voir un agriculteur du côté de Condon.
10:23Il a des problèmes d'eau dans son champ.
10:26J'ai ce champ-là, qui est derrière l'Ovignon.
10:36Ce champ-là, on voit le colza.
10:38On voit un cours d'eau qui s'appelle le Grand-Ovignon
10:41où il y a énormément d'embâcles d'arbres qui gênent le passage de l'eau.
10:47Quand il pleut, ce qui se passe, c'est que nos champs sont inondés.
10:51C'est environ, ce n'est pas compliqué, c'est environ 6 à 7 fois par an.
10:54C'est environ 6 à 7 fois par an.
10:57Il pleut un petit choc d'eau, comme il s'est passé dimanche dernier, 35 mm.
11:02Le cours d'eau passe grand, c'est sorti dans le champ, de l'eau partout dans le champ.
11:06Donc là, maintenant, pour rentrer dans le champ, il va falloir 10 jours à 15 jours.
11:10Enfin voilà, il va replouvoir encore, donc on ne peut pas y rentrer encore.
11:13Enfin, ça devient pénible, du manque d'entretien du cours d'eau.
11:18Moi, quand c'est inondé, en fait, j'ai toute la partie du champ qui est inondée.
11:23Et donc, toute la culture qui est dans le champ, là où il y a l'eau, en fait, c'est inondé.
11:31Les plantes crèvent, on ne récolte rien.
11:34C'est l'agriculteur qui façonne la nature.
11:37Ce n'est pas dans un bureau qu'on la façonne.
11:39Il faut laisser faire ceux qui savent.
11:40Il faut se rendre compte que si on nettoie par nous-mêmes, sans autorisation, sans rien, on prend d'énormes risques.
11:47On peut être traîné devant les tribunaux.
11:48Notamment, il y a eu un monsieur, il y a un mois de ça, il a eu ses champs inondés par un castor.
11:56Aujourd'hui, moi, c'est mon travail, mon devoir de suivre les agriculteurs qui ont un quelconque problème.
12:05Si vous êtes tout seul, vous n'êtes pas écouté.
12:07C'est la masse qui fait avancer le problème.
12:11L'agriculteur, au jour d'aujourd'hui, il a peur, il est chez lui, il a peur d'aller mettre un coup de pelle mécanique pour rattraper l'arbre.
12:21Alors que ça n'a aucun sens.
12:26C'est à lui de nettoyer et ce n'est pas aux gens dans les bureaux de venir dire, attention, là, tu n'as pas une amende, c'est là.
12:33C'est à l'agriculteur de tout nettoyer.
12:36Il est chez lui, voilà.
12:38Ce n'est pas aux autres de venir chez lui le commander.
12:41Sous-titrage Société Radio-Canada
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