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00:00Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le chercheur associé au centre de recherche de l'école de guerre économique, Éric Alexandre.
00:08Bonjour Éric Alexandre, bienvenue sur Europe 1.
00:11La guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens, vous connaissez la formule de Clausewitz,
00:16la guerre aujourd'hui elle prend bien des formes militaires, économiques et informationnelles.
00:21Alors vous publiez ces jours-ci, Éric Alexandre, une étude de cas, la guerre informationnelle autour des pifaces.
00:26Alors l'épiface, qu'est-ce que c'est ? Les polluants éternels, comme les ont judicieusement rebaptisés leurs opposants.
00:32Alors ça résonne en ce moment, je trouve, les termes de ce que vous allez nous dire, en pleine bataille médiatique pour ou contre la climatisation.
00:38Peut-être un mot pour commencer, l'épiface, qu'est-ce que c'est et quel était l'enjeu de cette bataille, Éric Alexandre ?
00:43Alors effectivement, l'épiface, c'est un mot un peu technique pour regrouper une catégorie d'environ 10 à 14 000 molécules chimiques
00:49qui ont été découvertes dans les années 30, puis vraiment industrialisées dans les années 50,
00:54pour lesquelles on a aujourd'hui effectivement une utilisation assez large dans différents domaines.
00:58Le téflon, effectivement, ça fait partie des pifaces.
01:01Et qui a vu en fait émerger une guerre informationnelle autour de ces questions-là, notamment de la toxicité de ces molécules.
01:07Alors vous expliquez que les anti-pifaces, vous allez nous dire d'abord qui étaient ces anti-pifaces,
01:12et alors comment ils ont procédé dans cette guerre informationnelle ?
01:15Et on va tout de suite, comment dire, briser le suspense.
01:19Ils l'ont gagné.
01:20Oui.
01:20Les pifaces ont été interdits par une loi au mois de février.
01:23Il y a un peu de teasing là, pour le coup.
01:24Effectivement, il y a eu, on va dire, trois acteurs ou trois camps qui se sont affrontés dans cette guerre.
01:29Il y a les anti-pifaces qui vont regrouper les ONG et certains activistes climatiques.
01:34Camille Etienne.
01:35Exactement, qui ont été des figures très médiatisées sur ces questions-là,
01:39avec certains soutiens politiques qui se revendiquent de l'écologie.
01:43Les industriels, avec certaines voix aussi pro-industrie et pro-science,
01:47qui va être le deuxième camp en opposition à la loi.
01:49Et qui s'est retrouvé sur la défensive.
01:51Exactement, qui a été le camp attaqué.
01:53Et effectivement, derrière, tout ce qui va être administration et institution publique,
01:57qui était en fait le véritable objectif de cette guerre informationnelle,
02:00c'était de faire pression et de faire influencer la décision pour, derrière, l'obtention de cette loi.
02:05Alors, la bataille, elle s'est jouée d'abord sur les mots.
02:07C'est toujours comme ça que ça marche.
02:08Alors, vous parlez, vous, d'une technique d'encerclement cognitif.
02:11Ça veut dire quoi ? C'est imposer les mots.
02:14Et alors, rebaptiser les pifaces polluants éternels,
02:16dès lors qu'on a mis ça dans la tête des gens,
02:18quand c'était quasiment gagné, Éric Alexandre.
02:19En fait, vous avez effectivement cadré le débat.
02:22Ce qu'on démontre justement dans le rapport,
02:24c'est que le polluant éternel, si vous faites une recherche sur Google,
02:28piface, vous avez tout de suite le mot-clé polluant éternel qui sort.
02:31Et nous, on a essayé de se déterminer d'où venait ce mot-clé.
02:34Comment il a émergé ?
02:35Vous avez trouvé ?
02:36Alors, on a retrouvé justement un article qui date de 2018,
02:39une tribune dans le Washington Post,
02:40qui parle des Forever Chemicals,
02:42qui sont des produits chimiques persistants.
02:44Et en fait, ce qui est intéressant, c'est de voir la transition en français,
02:47où on parle non pas de produits chimiques persistants,
02:50mais de polluants éternels.
02:51Et donc déjà, rien que là, c'est des éléments qui sont connotés.
02:53On a un champ lexical, un champ sémantique,
02:55qui est très négatif.
02:57On a quasiment l'impression d'avoir une pollution
02:58qui va survivre à l'espèce humaine.
02:59Et qui s'impose avec l'autorité du chercheur,
03:01parce que celui qui parle de Forever Chemicals,
03:04c'est un spécialiste de cette question,
03:06mais il emploie cette expression,
03:08non pas dans un cadre scientifique,
03:09mais dans un cadre éditorial.
03:11Il donne un point de vue, finalement.
03:12Exactement.
03:12Mais on dit, regardez, c'est un grand chercheur,
03:14il sait de quoi il parle.
03:15Exactement.
03:15Et en fait, c'est la transition qui se fait après en France,
03:17notamment par les ONG,
03:18qui capitalise sur cette figure-là,
03:20et qui va le diffuser auprès d'un certain nombre de médias partisans,
03:24de soutien,
03:26et qui derrière prend de l'ampleur.
03:27Et ce qu'on a appelé, après, dans un trictique méthodologique
03:30fait par les ONG,
03:32de simplification, dramatisation, amplification,
03:35qui va derrière donner le mot-clé PIFAS,
03:38égal polluant éternel.
03:39Alors, ce qui s'est passé ensuite,
03:40et c'est là que c'est intéressant,
03:41c'est que cette campagne médiatique des anti-PIFAS,
03:43elle n'a pas tellement visé le grand public, en réalité.
03:46Il y a eu des médias,
03:48certains médias ont pris clairement position sur le sujet,
03:49je pense par exemple à la Radio France Info,
03:51qui a fait campagne contre les PIFAS l'an dernier,
03:53mais de manière très très appuyée.
03:55Mais voilà, ce qui est intéressant,
03:56c'est que les anti-PIFAS ne s'intéressaient pas tellement aux gens,
03:59à monsieur et madame Tout-le-Monde.
04:00L'enjeu, c'était pour eux les institutionnels,
04:03c'était les politiques, c'était les responsables politiques,
04:04ce que vous appelez la capture institutionnelle.
04:07Exactement.
04:07Et ça a tout à fait fonctionné.
04:08On n'a pas vu de manifestation,
04:10de personnes concernées dans les rues pour les PIFAS.
04:13Effectivement, tout s'est joué sur ces aspects médiatiques,
04:16et l'objectif, ça a été de faire, en gros,
04:17une inflation informationnelle,
04:19pour avoir derrière l'appui et un rapport de force politique
04:24qui a permis le passage de cette loi-là.
04:26Donc effectivement, on a certains médias
04:28qui se sont emparés de la question des PIFAS,
04:30quand même, ce n'est pas une question
04:31qui traversait l'opinion publique de manière claire et nette.
04:34Mais d'ailleurs, il existe un consortium de journalistes partisans
04:37sur cette question des PIFAS.
04:38Effectivement, qui est le Forever Paul Young Project,
04:40qui est un consortium, déjà, à l'initiative
04:42de plusieurs journalistes européens,
04:43mais notamment une journaliste française du Monde.
04:46Et en fait, il y a eu cette mécanique,
04:47cette amplification de l'information,
04:49à savoir que ce consortium sortait des informations
04:52sur, en gros, des sites potentiellement contaminés
04:55avec les PIFAS.
04:57Et derrière, les journalistes s'appuyaient sur ces données-là
04:59pour refaire des articles,
05:00ce qui, on va dire, de manière un petit peu...
05:03organique, crée du contenu
05:06par les mêmes personnes qui étaient déjà
05:08à l'origine de ces informations à l'origine.
05:10Bon, Eric Alexandre, on a eu ce cas d'école des PIFAS.
05:14Quelle leçon, vous, vous en tirez pour l'auditeur
05:17qui nous écoute ce matin ?
05:18Qu'est-ce qu'il doit en retirer ?
05:19Et puis, peut-être, est-ce que vous envoyez un peu
05:22les mêmes mécanismes dans ce qui se dit aujourd'hui
05:23autour de la climatisation ?
05:25Alors, déjà, sur la première partie, effectivement,
05:27quand vous avez un auditeur,
05:28la question de se poser, c'est effectivement,
05:30déjà, de comprendre les termes du débat,
05:31de savoir qui pose quel argument.
05:34D'où tu parles, camarade.
05:35Exactement. Et en fait, c'est aller au-delà
05:37de ce qu'on vous présente.
05:39On a eu un peu l'impression d'avoir un David contre Goliath.
05:42Les ONG qui promeuvent l'écologie
05:44et qui, a priori, c'est un bien commun,
05:46au final, sont dans une logique qui est
05:48plutôt à l'attaque face à des industriels
05:51qui sont désorganisés, qui n'ont pas forcément vu la menace
05:53et qui sont plutôt le Goliath.
05:55Mais, en fait, c'est l'inverse.
05:57Donc, déjà, c'est le premier élément.
05:58Goliath financier, mais en tout cas, David...
06:01David informationnel.
06:02Oui, intéressant, oui.
06:03Donc, déjà, c'est de savoir, effectivement,
06:05d'où viennent les informations
06:06et, effectivement, est-ce que les informations
06:07ne sont pas biaisées,
06:09mais transmises de manière partisane.
06:11C'est déjà le premier élément.
06:12Sur l'autre aspect, sur la climatisation,
06:14effectivement, on voit aujourd'hui,
06:15j'ai vu, notamment hier,
06:16les enjeux qui sont aujourd'hui politiques
06:17sur ces questions-là.
06:18Et, en fait, on a l'impression
06:19qu'à chaque fois, je dirais,
06:21la science est la variable d'ajustement.
06:23Et sur l'épiphase,
06:24c'était exactement la même chose.
06:26C'était de se dire,
06:26il y a un conçu scientifique,
06:28personne ne le démontre,
06:28il y a même des voies scientifiques
06:29qui sont plutôt en désaccord face à ça.
06:32Et aujourd'hui, on a un peu la même impression,
06:34la même mécanique qui se joue,
06:35justement, sur la question de la climatisation.
06:37On a l'impression que c'est plus
06:38une question de théologie,
06:39quasiment doctrinale,
06:41plutôt que réellement d'enjeux,
06:44soit économiques, soit de santé publique.
06:46Merci beaucoup, Éric Alexandre.
06:47Votre rapport, il est consultable, publiquement ?
06:49Exactement, il est sur le site
06:50du Centre de recherche
06:51de l'École de guerre économique.
06:52Et puis, il est disponible aussi
06:53sur les réseaux sociaux.
06:54Merci beaucoup d'être venu
06:55nous en parler passionnant.
06:56Merci.
06:56Merci d'être venu, Éric Alexandre.
06:58Donc, je rappelle,
06:59vous êtes chercheur associé
07:00au Centre de recherche
07:00de l'École de guerre économique.
07:02Bonne journée à vous.
07:02Merci.

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