- il y a 5 mois
Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France, était l’invité du face-à-Face de ce lundi 30 juin sur BFMTV et RMC. Il a été interrogé sur la canicule qui touche la France, sur les bons gestes à adopter lors de ces fortes chaleurs. Mais aussi sur le budget 2026, la santé de l'hôpital et sur les économies que le gouvernement souhaite réaliser en matière de santé.
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00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV, bonjour Christophe Prudhomme, merci d'être avec moi ce matin pour répondre à nos questions.
00:17On a beaucoup de questions à vous poser parce que vous êtes médecin urgentiste à Bobigny en Seine-Saint-Denis et vous êtes porte-parole de la MUF, c'est l'association des médecins urgentistes de France.
00:25Les conseils, les gestes, les réflexes à avoir, la France est-elle prête avant ces journées et cet épisode inédit de canicule ? L'hôpital aussi est-il prêt ?
00:3684 départements donc en alerte canicule, un épisode inédit qui va encore s'amplifier d'ici mercredi.
00:44D'abord des questions très précises sur notre état physique, on ressent pour beaucoup d'entre nous une certaine fatigue.
00:49La première question, je l'ai bien vue ce matin, c'est est-ce que tu as réussi à dormir ? Comment notre corps réagit ?
00:56C'est comme si on faisait des efforts soutenus, être confronté à cette chaleur.
01:00Dès que la température dépasse 20 degrés la nuit, on récupère moins bien.
01:05Et puis on a un mode de vie qui n'est pas adapté.
01:08Il va falloir changer notre mode de vie et adapter les habitudes qui sont celles des habitants du bassin méditerranéen.
01:15C'est-à-dire se lever peut-être plus tôt le matin, faire la sieste l'après-midi et avoir des activités le soir.
01:21Et changer aussi nos modes vestimentaires.
01:24Le problème que nous avons en France, c'est que nos logements sont complètement inadaptés.
01:28C'est-à-dire qu'on a fait beaucoup d'efforts sur les économies d'énergie,
01:31mais on ne s'est pas préoccupé des problèmes de chaleur l'été dans tous les bâtiments, y compris dans les hôpitaux.
01:37Vous savez qu'on a des chambres d'hospitalisation qui sont exposées au soleil et où il fait 35 degrés dans les chambres.
01:44Comment voulez-vous qu'une personne qui vient d'être opérée puisse supporter cette température ?
01:47C'est encore pire pour les gens qui sont, par exemple, à Paris sous les toits.
01:52Les toits en zinc, c'est une catastrophe.
01:55Donc voilà, il y a à se préoccuper de cette question de l'habitat.
01:59Et dans l'habitat, vous savez, c'est les plus pauvres qui souffrent le plus et c'est un vrai problème.
02:03Et parmi les plus pauvres, il y a une partie de la population âgée qui cumule à la fois le fait qu'ils soient âgés, qu'ils sont fragiles
02:09et qu'ils ont des conditions d'habitat qui sont inadaptées.
02:11L'habitat, les habitudes, les réflexes, les gestes, des questions d'abord toutes bêtes, docteur.
02:18Boire ? Combien ? Quand ? Un peu tout le temps ?
02:21Quels sont vraiment les conseils de base que vous pouvez nous donner, d'abord pour tout le monde ?
02:25Et ensuite, je vous poserai des questions plus spécifiques sur les enfants et les plus âgés.
02:27Les conseils, un des rares progrès qu'on a fait depuis 2003, c'est qu'on a diffusé beaucoup de conseils qui sont adaptés.
02:34Vous faites le relais dans les médias.
02:36Donc voilà, il faut effectivement boire.
02:38Alors, boire pas que de l'eau, parce que quand on suit, on perd aussi des sels minéraux, dont du sel.
02:43Il suffit de passer son doigt sur sa peau et de le mettre à la bouche et on verra que c'est salé, la sueur.
02:47Donc, il n'y a pas besoin d'acheter des choses très très chères.
02:50Il suffit de couper votre eau avec un petit peu de jus de fruits et puis de mettre une cuillère à café de sel avec le sucre du jus de fruits.
02:58Vous voyez, vous mettez 10 ou 15% de jus de fruits, de l'eau, un petit peu de sel et ça vous fait une solution de réhydratation complètement adaptée.
03:05Ce n'est pas forcément très bon, mais c'est bon.
03:08Vous ne sentez pas le sel du tout.
03:11Et donc, c'est très bon.
03:13C'est bien mieux que, je ne vais pas citer de marques, que des marques de solutés.
03:16C'est fabriqué maison, c'est pas cher.
03:17C'est fabriqué maison, voilà, que les solutés de réhydratation qui sont très chères.
03:20Et vous pouvez le faire à la maison sans aucun problème.
03:23Les enfants et les plus âgés.
03:24Vous citiez évidemment la grande canicule de 2003.
03:26C'est la grande question, c'est la grande inquiétude, c'est nos personnes âgées, la question du pic de mortalité des plus âgés.
03:35Est-ce qu'aujourd'hui, malgré ce que vous disiez pour commencer, c'est-à-dire l'inadaptation, y compris parfois des chambres d'hôpital,
03:44est-ce qu'il faut faire plus attention ?
03:46Est-ce qu'on a appris un peu plus à faire attention ?
03:49Qu'est-ce que vous voyez-vous dans vos urgences ?
03:51Le problème des urgences aujourd'hui, c'est que nous sommes en situation de crise permanente.
03:55Et là, c'est un vrai problème.
03:56Parce que vous savez, le problème des urgences, on s'est beaucoup attardé sur les gens qui viendraient pour rien.
04:01C'est pas le problème du flux qui nous handicapent aux urgences.
04:03Vous savez, bon, la personne, elle vient, elle peut attendre, elle repart sur ses deux jambes.
04:06C'est pas un problème avec une ordonnance.
04:08La question pour nous, c'est les personnes qu'on doit hospitaliser.
04:10Et en particulier, dans cette période, forcément, les personnes âgées souffrent plus.
04:14Elles vont avoir ce qu'on appelle, elles vont décompenser leur maladie chronique.
04:17Vous voyez, il y a une insuffisance respiratoire, une insuffisance cardiaque.
04:19Et on a besoin de les hospitaliser. Et on n'a pas de lits.
04:21On a encore moins de lits pendant l'été, parce que nous sommes à flux tendu sur le personnel.
04:25Et qu'aujourd'hui, les directeurs d'hôpitaux ferment des lits, parce qu'il faut que le personnel parte en vacances.
04:30Parce qu'on a déjà tiré la corde en permanence.
04:32Vous savez, on parle beaucoup des plans blancs, mais les plans blancs sont déclenchés en période normale tout au long de l'année.
04:36Donc déclencher un plan blanc l'été, on n'aura pas de personnel supplémentaire.
04:40Donc le problème, il est là.
04:41C'est-à-dire qu'on va avoir cet été des gens qui vont être sur des brancards pendant 24-48 heures dans les locaux complètement inadaptés.
04:47Et ça, c'est source de surmortalité.
04:49C'est source de surmortalité.
04:51Et ça, c'est catastrophique.
04:52Vous savez qu'on a chiffré la surmortalité du haut dysfonctionnement des services de l'urgence.
04:55Vous savez, le fait qu'on doit appeler le 15, le fait qu'il n'y a pas de véhicule du SAMU.
04:58Entre 1 500 et 2 000 personnes d'essais évitables aux urgences.
05:03Évitables.
05:03C'est-à-dire que c'est des gens qui ne devaient pas mourir.
05:05C'est des gens qui ne devaient pas mourir.
05:07Parce que, vous savez, vous en venez de dire quelques-uns, des personnes qui meurent sur des brancards,
05:10ou des personnes qui ont trouvé un service d'urgence fermé qui font des dizaines de kilomètres.
05:15Donc, vous savez, là, il commence à y avoir une colère de la population très importante.
05:19Ça veut dire qu'au fond, la canicule, elle est comme le révélateur.
05:24C'est-à-dire qu'elle exacerbe les difficultés qu'il y a déjà.
05:27On n'a rien appris de la canicule.
05:29On n'a rien appris de la crise Covid.
05:30C'est-à-dire que là, vous voyez, qu'est-ce qu'on nous demande ?
05:33On nous demande de faire 20 milliards d'euros d'économie.
05:36Comment voulez-vous faire ?
05:37Moi, je suis médecin.
05:38Moi, je dis au gouvernement, si effectivement, il faut qu'on fasse 20 milliards d'euros d'économie,
05:42il faut nous dire les patients qu'il ne faut pas soigner.
05:43Et ça, ça nécessite un débat avec la population.
05:46Est-ce qu'on va mettre plus d'argent dans l'hôpital ou plus d'argent dans l'armée ?
05:50En fait, vous mettez les pieds dans le plat, mais vous dites,
05:51on se retrouve aujourd'hui à devoir parfois prioriser,
05:55on ne va pas dire sélectionner, on va dire prioriser,
05:57mais c'est au fond une manière de dire,
06:00c'est-à-dire qu'il y a des gens qu'on va laisser tomber.
06:01On ne pourra pas soigner tout le monde.
06:02Notre travail d'urgentiste, c'est le tri.
06:04Mais le tri, ça doit être en fonction du degré d'urgence,
06:06entre ceux qui doivent passer en priorité et ceux qui peuvent attendre un petit peu.
06:09Aujourd'hui, on trie en laissant des gens dans des conditions qui sont inadmissibles.
06:13Une personne qui est sur un brancard aux urgences, qui n'a pas de lit,
06:17c'est une surmortalité.
06:18C'est une surmortalité de 9% tous patients confondus,
06:21de 30% pour les patients les plus graves.
06:23Voilà, parce qu'on n'a pas de lit, simplement parce qu'on n'a pas de lit.
06:25Mais est-ce que ça veut dire, Christophe Podhomme,
06:27que ceux qui nous écoutent, qui ont dans leur famille
06:30peut-être des personnes âgées un peu fragiles,
06:32qui se disent potentiellement dans les 24 heures,
06:34il va falloir que je les emmène aux urgences,
06:36est-ce qu'il vaut mieux qu'ils les gardent chez eux,
06:37qu'ils s'en occupent, qu'ils les rafraîchissent à la maison ?
06:39Ou est-ce qu'on peut quand même prendre le risque, j'allais dire, d'aller aux urgences ?
06:42Non, la question, ce n'est pas prendre un risque d'aller aux urgences.
06:45La question, c'est d'avoir un soutien médical.
06:49Le premier soutien, c'est effectivement d'appeler le 15
06:51pour pouvoir déjà essayer de débrouiller un petit peu l'affaire.
06:56Et s'il y a besoin d'aller à l'hôpital, il faut aller à l'hôpital.
06:59Vous savez, une des causes de la surmortalité,
07:02c'est le retard à la prise en charge.
07:04Donc, quand il y a des signes de gravité,
07:06vous appelez le 15, et s'il y a des signes de gravité
07:08et qu'on vous dit qu'il faut aller aux urgences,
07:10soit vous vous emmenez la personne vous-même,
07:12soit c'est une ambulance ou les pompiers,
07:13mais il ne faut pas retarder la prise en charge.
07:15Tout retard à la prise en charge, c'est de la surmortalité.
07:18Donc, allons aux urgences dès qu'il y a besoin.
07:19Vous allez nous dire dans un instant les signes auxquels il faut être attentif.
07:22Je voudrais juste vous citer l'un de vos confrères,
07:25Éric Thibault, il est chef des urgences à Colmar,
07:27qui est un département en vigilance orange,
07:29comme la plupart des départements de France aujourd'hui.
07:31Le mois de juin, c'est déjà le plus gros mois d'actualité
07:34que j'ai connu en 15 ans de service.
07:36Ce mois, la vague de chaleur a joué évidemment un rôle
07:40et la perspective d'un été caniculaire est déjà dans tous les esprits.
07:44Les vagues de chaleur entraînent plus d'hospitalisations
07:46sur des durées qui peuvent être assez longues,
07:48parce que les récupérations sont difficiles.
07:50Vous redoutez l'été qui vient ?
07:52On redoute l'été qui vient ?
07:53Vous savez, le problème qui se pose aujourd'hui,
07:55c'est qu'à chaque crise, à chaque été, on perd du personnel.
07:58Parce qu'on n'a pas de reconnaissance.
07:59Donc, on va s'investir.
08:00Et là, à la rentrée, vous allez avoir des médecins
08:02qui vont démissionner des urgences, des infirmières, des aides-soignantes.
08:05C'est catastrophique.
08:06Parce qu'on ne priorise pas.
08:07Vous savez, aujourd'hui, on nous parle de quoi ?
08:09On nous parle...
08:10Il faut faire en permanence des efforts.
08:12Et des efforts pour qui ?
08:13Est-ce que ce qui compte aujourd'hui,
08:16ce sont les entreprises du CAC 40 ou nos services publics ?
08:18Moi, je pense que...
08:19Là, c'est aussi l'élu syndical.
08:21Oui, mais parce qu'on parle d'argent.
08:24Donc, la question aujourd'hui, c'est que...
08:26Vous savez, moi, je pense qu'il n'y a pas de déficit
08:28à la Sécurité sociale.
08:30Il y a un manque de recettes.
08:31On ne compense pas toutes ces exonérations de charges.
08:34Et vous voyez, il y a un problème aujourd'hui.
08:36Dans notre société,
08:37qui est le mieux reconnu comme métier ?
08:40C'est la question de la reconnaissance.
08:41Et on le sent très bien.
08:42C'est une question que je vous pose d'ailleurs régulièrement
08:44à vous ou à vos confrères,
08:46au fond, depuis le Covid.
08:47Depuis qu'à nouveau,
08:49on a redit combien vous nous étiez absolument essentiels.
08:52Mais oui, mais aujourd'hui,
08:54il vaut mieux faire une école de commerce
08:55et faire trader à la défense
08:56que faire réanimateur néonatal ou médecin urgentiste.
08:59Et ça, c'est un problème dans notre société.
09:00C'est une question de valeur.
09:01Vous voyez ?
09:02Parce que ça, c'est la vraie politique.
09:04Quelle valeur on défend dans notre société ?
09:05Est-ce qu'on donne les moyens à un service de santé
09:07de fonctionner correctement ?
09:08Alors effectivement, ça ne peut pas être à guichet ouvert.
09:10Mais quand même, le problème,
09:12c'est que nos moyens ont diminué ces dernières années.
09:14Nos moyens ont diminué au regard
09:16de l'augmentation des besoins.
09:18Quand vous avez une population qui vieillit
09:19et des progrès médicaux qui font qu'aujourd'hui,
09:22un certain nombre de cancers deviennent des maladies chroniques,
09:23il faut mettre les moyens plus sur la santé
09:25et moins sur d'autres secteurs.
09:27Autrement, ça veut dire que c'est une société qui régresse.
09:30Donc effectivement, c'est à ce moment-là
09:32qu'arrive ce genre de pic de crise
09:34sur un hôpital dont vous nous dites
09:36qu'il est déjà totalement...
09:38Voilà, et ça nécessiterait un vrai débat politique
09:39avec la population.
09:41Est-ce qu'on met plus d'argent dans la santé
09:43et moins dans d'autres secteurs ?
09:45Parce que quand j'entends des politiques
09:46et un certain nombre d'éditeurs réalistes
09:48sur vos plateaux
09:49qui expliquent qu'il va falloir faire des efforts
09:51pour passer à 5% de dépenses dans l'armement,
09:56il y a quand même un problème.
09:57Parce qu'on sait que ça serait au détriment
09:59des services publics
10:00et en particulier des services publics de santé.
10:01Et quand je reçois ici les généraux,
10:03ils me disent l'inverse de vous.
10:04Ils me disent...
10:05Oui, mais vous savez, moi,
10:06je commence à avoir des cheveux blancs.
10:08On nous parlait des chars soviétiques en 1981
10:09qui viendraient à Paris.
10:11Aujourd'hui, on nous fait peur.
10:13Il arrive un moment donné,
10:14il faut qu'on fasse des choix.
10:16Oui, on a sûrement besoin d'une armée.
10:19Oui, on est dans un pays...
10:20On ne passera pas d'armée immédiatement.
10:22Mais la question, c'est
10:22est-ce que ça doit se faire au détriment
10:24de qui doit faire des efforts aujourd'hui ?
10:26Est-ce que c'est le service de santé ?
10:27Vous avez le sentiment d'avoir déjà beaucoup fait.
10:30Je vais vous poser aussi la question tout à l'heure
10:31de ce que dit le patron de la Sécurité sociale
10:33qui, lui aussi, regarde la question des sous
10:35puisqu'on en vient toujours au nerf de la guerre
10:37et qui, effectivement,
10:38veut faire des économies
10:39sur un certain nombre de points.
10:41Mais j'en reviens au conseil très pratique d'aujourd'hui.
10:44On parle beaucoup aussi
10:45de ceux qui travaillent dans la chaleur,
10:47y compris vous, dans les hôpitaux,
10:49y compris les malades eux-mêmes
10:50qui remontent parfois du bloc opératoire
10:52et qui sont épuisés.
10:54On nous dit qu'il y a un numéro vert.
10:56Est-ce que ça vous paraît utile ?
10:58Qu'est-ce qui est le plus utile aujourd'hui ?
10:59Appeler le SAMU ou appeler le numéro vert ?
11:02Non, s'il y a un problème de santé,
11:03si la personne ne va pas bien,
11:06son état de santé s'est dégradé,
11:07il faut appeler le 15.
11:08Vous aurez quand même la possibilité
11:10de pouvoir dialoguer avec un médecin
11:13et de pouvoir détecter des signes de gravité
11:16nécessitant une prise en charge
11:17ou simplement avoir des conseils
11:19pour pouvoir rester à la maison.
11:20Vous voyez, le centre 15 donne énormément de conseils.
11:23Il vaut mieux appeler pour rien,
11:25enfin pour rien, on n'appelle jamais pour rien.
11:27Et puis pouvoir être rassuré et rester à la maison.
11:29Mais par contre, effectivement,
11:30je vous dis, le 15, comme les urgences,
11:33c'est le tri.
11:34Il faut qu'on puisse individualiser
11:37les personnes qui nécessitent une vraie prise en charge.
11:39Parce que, je le répète,
11:41tout retard à la prise en charge,
11:42c'est de la surmortalité.
11:43On a parlé des personnes âgées,
11:44je dirais qu'on parle des enfants.
11:45Il y a eu cette question,
11:46faut-il ou non faire des sortes de vacances anticipées,
11:48ne pas envoyer les enfants à l'école ?
11:52Finalement, Elisabeth Borne,
11:53la ministre de l'éducation, a tranché
11:54en disant que seules quelques écoles,
11:57au cas par cas et en fonction vraiment de la situation,
11:59seraient fermées.
11:59Au final, c'est 200 écoles qui seront fermées
12:01sur 45 000 en France.
12:03Est-ce qu'effectivement,
12:04il y a celles qui sont fermées
12:06et il y a celles qui ont quand même envoyé des mails
12:07à tous les parents en disant
12:08si vous avez les moyens,
12:09gardez vos enfants chez vous.
12:11Est-ce que vraiment,
12:11ils seront mieux chez vous ?
12:12Non, non, non.
12:13C'est ça, c'est une erreur.
12:15Alors, il faut que les enfants aillent à l'école
12:18parce que ceux qui n'iront pas à l'école
12:21et qui sont dans des familles en général pauvres,
12:23dans des logements inadaptés,
12:25ils sont mieux à l'école que chez eux.
12:26Oui, parce que vous parliez à l'instant
12:27de la question des habitats
12:28et des bouilloirs thermiques
12:30et de la question aussi d'après-terri.
12:32Et donc, vous vous rendez compte,
12:34c'est-à-dire qu'on fait reposer sur les parents
12:35qui ont souvent un travail, etc.
12:37Donc, qu'est-ce qu'ils vont faire les enfants ?
12:39Et on va lui dire,
12:39ah, ils traînent dans la rue.
12:40Vous voyez, parce que M. Ratailleux
12:42va lui dire, ah, les enfants traînent dans la rue.
12:43Oui, mais ils traînent dans la rue
12:44parce qu'ils ne sont pas à l'école.
12:45Vous voyez, c'est la même chose
12:46sur la cantine à l'école.
12:48Ça, c'est un problème de santé publique.
12:50Il faut que tous les enfants
12:51mangent à la cantine un vrai repas.
12:53À leur faim.
12:54À leur faim, parce que pour un certain nombre d'enfants,
12:56c'est le seul vrai repas adapté
12:58qu'ils vont manger.
13:00Voilà, donc l'école,
13:01ça doit être ouvert tous les jours.
13:03C'est un service public qui est essentiel
13:05et qui est essentiel pour rétablir...
13:06Vous faites conscience aux professeurs
13:08pour adapter la situation ?
13:09Oui, pour adapter.
13:10Après, il faut aussi que tout le monde
13:12fasse des efforts,
13:12c'est-à-dire qu'on adapte aussi les écoles,
13:14qu'on les rénove.
13:16Les îlots de fraîcheur dans les écoles,
13:17c'est qu'on termine avec ces cours bétonnés
13:19et qu'on remette des arbres
13:21dans les cours d'école.
13:22Voilà, il faut qu'on change.
13:25Le tournant n'a pas été pris.
13:26Vous savez, le tournant n'a pas été pris
13:28sur le fait qu'on va avoir des étés
13:29de plus en plus chauds.
13:31Et donc, il va falloir mettre le paquet
13:33pour rénover l'habitat,
13:34pour rénover les villes,
13:35pour créer des îlots de fraîcheur,
13:37pour que les gens puissent,
13:37quand ils sont chez eux
13:38dans des logements complètement inadaptés,
13:40ils puissent aller dans un endroit frais,
13:42sous les arbres,
13:43avec un petit peu d'air.
13:45Ça, c'est important aussi,
13:45proche de chez eux.
13:46Christophe Podhomme, je le rappelle,
13:47vous êtes médecin urgentiste à Bobigny,
13:49en Seine-Saint-Denis.
13:50Vous êtes aussi porte-parole
13:50de l'Association des médecins urgentistes
13:52de France.
13:53Est-ce que nos enfants
13:53courtent un danger avec la chaleur ?
13:56C'est-à-dire qu'on parle beaucoup
13:57du danger du froid.
13:58On parle d'ailleurs, chaque année,
13:59de plans grands froids.
14:01Est-ce que la chaleur est désormais
14:02considérée comme un risque
14:03à peu près comparable
14:06et pour lequel il faudrait
14:08un plan grand chaud ?
14:09Pour les gens qui sont à la rue,
14:11c'est la même chose que le froid.
14:13Il faut les mettre à l'abri.
14:14Il faut les mettre à l'abri.
14:15Or, vous voyez,
14:16on se préoccupe de l'hiver
14:17et pas du chaud.
14:18En 2003,
14:19beaucoup de gens
14:20qui étaient à la rue sont morts.
14:22On a parlé beaucoup
14:23des personnes âgées,
14:23mais il y a tous les patients
14:24qui ont des troubles psychiatriques
14:26de santé mentale
14:27et qui prennent des médicaments
14:28pour cela.
14:29Or, ces médicaments,
14:30ce qu'on appelle les psychotropes,
14:31font très mauvais ménage
14:33avec les grandes chaleurs.
14:34Donc, il faut les surveiller
14:34plus particulièrement.
14:35Et puis, il y a aussi le fait
14:37qu'il faut que les médecins traitants
14:39fassent le tour de leurs patients,
14:41en particulier tous ceux
14:42qui ont des traitements lourds,
14:43des traitements à visée cardiaque
14:44pour éventuellement diminuer les doses.
14:46Parce qu'on a énormément
14:47de malaise,
14:48d'appels au SAMU
14:49pour les gens
14:50qui n'ont pas diminué
14:51leur dose de médicaments
14:52pendant les périodes
14:53de grande chaleur.
14:53Vous voyez, en particulier
14:54les antihypertension,
14:54les médicaments font chuter la tension.
14:56Votre tension chute
14:57quand il y a des grandes chaleurs.
14:58Parce que, vous savez,
14:59on a les veines qui apparaissent,
15:00ce qu'on appelle
15:01une vasodilatation.
15:02Et donc, il faut adapter le traitement.
15:04Et ça, c'est le rôle des médecins
15:05de passer un petit coup de fil
15:07à leurs patients
15:08pour leur dire
15:08comment vous allez,
15:09est-ce que vous avez vérifié
15:10votre tension ?
15:10Peut-être, pendant la période
15:11de chaleur,
15:11il faudra diminuer votre dose
15:13de médicaments
15:14où vous venez me voir
15:14si vous n'allez pas bien.
15:15Ça veut dire aussi
15:16que vous alertez
15:17tous ceux qui nous écoutent,
15:18qui prennent par exemple
15:19des psychotropes.
15:20Il faut qu'ils appellent
15:21leurs médecins.
15:22Si le médecin ne vient pas à eux,
15:23qu'ils aillent vers le médecin.
15:25Surtout ceux
15:25qui ont des médicaments
15:26à visée cardiaque.
15:27Pour les psychotropes,
15:27il faut que les médecins
15:28les informent,
15:29les patients,
15:30des signes de gravité.
15:34S'il y a effectivement...
15:36C'est quoi les signes de gravité ?
15:37À quels signes
15:37faut-il être particulièrement attentif ?
15:39On ne suit plus.
15:41Le premier signe,
15:42c'est si on n'a plus
15:43de transpiration.
15:45C'est une catastrophe.
15:46Ça veut dire
15:46qu'on est déjà déshydraté.
15:47Et puis,
15:48il faut surveiller sa température.
15:50Dès que la température augmente
15:52alors qu'il fait chaud à l'extérieur
15:53et qu'on est au-dessus
15:54de 38,5,
15:55il faut effectivement
15:56prendre des mesures.
15:57Des mesures qui peuvent être
15:58prises à la maison
15:58par l'entourage
15:59pour faire diminuer
16:00la température.
16:01Mais si vous avez
16:02des troubles cardiaques,
16:04respiratoires,
16:05c'est mieux d'avoir
16:05un avis médical
16:06au moins au téléphone.
16:07Donc, c'est très important
16:07ce que vous nous dites.
16:08Au fond,
16:09si on transpire,
16:09c'est bon signe.
16:10C'est si on ne transpire pas
16:12que c'est très mauvais signe.
16:13Voilà.
16:14Le message,
16:15dès qu'on ne transpire plus,
16:16on est déjà déshydraté.
16:17Et si on est déshydraté
16:18avec un organisme
16:19qui est déjà fatigué
16:20parce qu'on a une maladie chronique,
16:22eh bien,
16:22c'est un signe de gravité.
16:24Pourrons-nous faire face
16:25à d'éventuelles épidémies ?
16:26On parle de la question
16:27de l'arrivée du chikungunya,
16:28y compris en métropole,
16:31la question du moustique-tigre
16:32qui pourrait en être
16:33l'un des vecteurs.
16:35Est-ce qu'on a les moyens ?
16:36Je vous repose aussi
16:36la question de cet hôpital
16:37qui craque, évidemment.
16:38Mais est-ce qu'on aurait
16:39les moyens de faire face
16:40à cette épidémie ?
16:40Non, on n'a plus les moyens
16:42aujourd'hui à l'hôpital
16:43de faire face
16:43à toute augmentation
16:45ponctuelle d'activité.
16:46Que ce soit la grippe l'hiver,
16:47les pics de chaleur l'été.
16:49On est déjà sous tension
16:49tout au long de l'année.
16:51Et donc, il va falloir
16:51s'en préoccuper.
16:52Parce que là,
16:53le système est en train
16:54de s'effondrer.
16:54Quand vous avez des départements,
16:56comme les Alpes-de-Haute-Provence,
16:57vous avez les soirs
16:58où tous les services d'urgence
16:59sont fermés.
17:00Il faut appeler le 15.
17:01Il y a une maman
17:01qui a témoigné.
17:02Il a fallu qu'ils aillent
17:03jusqu'à Aix-en-Provence.
17:04Et encore à Aix-en-Provence,
17:05il y a une maman là
17:06qui s'est émue du fait
17:08qu'Aix-en-Provence,
17:09ce n'est pas une petite ville,
17:09les urgences étaient fermées.
17:10On lui a dit
17:11d'aller à l'hôpital Nord
17:12à Marseille
17:12pour son enfant.
17:14Donc, il arrive à un moment donné.
17:15Et alors, moi,
17:16je n'accepte pas
17:16mes collègues médecins
17:17qui disent
17:17« Ah, mais ce n'est pas grave,
17:18finalement,
17:19ce n'était pas aussi grave que ça.
17:20La personne n'est pas morte. »
17:21Mais enfin, voilà,
17:23je vous dis,
17:23on compte les morts
17:25évitables aujourd'hui.
17:26Et si c'était que
17:27pour les urgences...
17:28Mais je vais vous donner
17:28un autre chiffre
17:29pour vos auditeurs.
17:30On a une mortalité
17:32des enfants en France
17:33qui est catastrophique.
17:34On a régressé
17:35ces 20 dernières années.
17:35La mortalité infantile
17:37est remontée en France.
17:38C'est une catastrophe.
17:38Si on avait
17:39les mêmes taux
17:40de mortalité
17:42que la Finlande,
17:43il y aurait 1200 bébés,
17:441200 bébés
17:45qui ne mourraient pas
17:45chaque année en France.
17:46Donc ça, c'est une urgence.
17:48Voilà.
17:48Donc la question,
17:49ce n'est pas toujours
17:49plus de moyens.
17:50Il y a besoin
17:50de réorganiser
17:51le système de santé.
17:52Vous voyez,
17:53aujourd'hui,
17:53il y a la liberté
17:54d'installation des médecins,
17:54la médecine libérale.
17:55On a besoin de centres de santé
17:56pluriprofessionnels.
17:57On a besoin d'hôpitaux
17:58dans le cadre
17:58de l'aménagement du territoire.
17:59Il ne faut pas
18:00qu'on concentre
18:00les moyens dans les métropoles.
18:01Il faut qu'on irrigue
18:02le territoire
18:02pour que chaque citoyen
18:03soit à moins de 30 minutes
18:04d'un hôpital ouvert 24 heures
18:06sur 24,
18:06pas avec un service d'urgence
18:07fermé la nuit.
18:08Vous voyez,
18:08parce que c'est abandonner
18:09la population.
18:10Des départements
18:10comme les Habs-de-Provence,
18:12l'Orne, la Mayenne,
18:13mais c'est une population
18:14qui est abandonnée, l'Aisne.
18:15Enfin voilà,
18:16ce n'est pas possible
18:16qu'on continue comme ça.
18:17Le rôle de l'État,
18:19et c'est un principe constitutionnel,
18:21c'est d'assurer
18:21l'égalité de traitement
18:23de tout citoyen
18:23quel que soit
18:24son lieu de résidence
18:24sur le territoire.
18:25Or aujourd'hui,
18:26l'État, c'est-à-dire le gouvernement,
18:27ne remplit pas sa mission.
18:29Vous nous dites qu'aujourd'hui,
18:30à l'aube de ces trois jours
18:32de canicule,
18:33il y a des gens
18:33qui n'auront pas
18:34les mêmes soins
18:35suivant l'endroit
18:37où ils habitent en France.
18:37Tout à fait.
18:38Si vous avez la malchance
18:40d'être dans des zones...
18:42Alors ce n'est pas que la campagne.
18:44Vous voyez,
18:45en Seine-Saint-Denis,
18:46nous avons beaucoup moins de moyens
18:47que dans l'Ouest parisien.
18:49Alors qu'on a une population
18:50qui nécessiterait plus.
18:51Parce que vous avez moins
18:52de cliniques privées,
18:53parce que le parquet...
18:54Parce qu'on a moins d'hôpitaux,
18:55on a moins de lits, etc.
18:56Il y a moins de services publics.
18:57Il y a moins de services publics
18:57en Seine-Saint-Denis
18:58que dans les Hauts-de-Seine
18:59ou dans les Yvelines.
19:00Voilà.
19:00Donc ça, c'est une réalité.
19:03Et puis, vous avez des zones
19:04de campagne
19:05qui sont complètement abandonnées.
19:06Abandonnées.
19:07Où il faut faire une heure de route
19:08pour arriver à l'hôpital.
19:09Une heure de route
19:10pour arriver à l'hôpital,
19:11même si vous avez appelé
19:12le centre 15
19:13qui vous a donné des conseils.
19:15C'est prendre des risques.
19:21Je dis aujourd'hui
19:23aux citoyens français
19:25qui ont vécu cette situation,
19:27qui portent plainte au moins
19:28pour la bonne cause,
19:30pour que l'État soit mis sous pression,
19:31pas pour qu'on cherche
19:32le bouc émissaire
19:32qui sont les professionnels de santé,
19:34mais pour qu'au moins
19:34on pousse l'État
19:35à remplir ses responsabilités,
19:37c'est-à-dire donner les moyens
19:37au système de santé
19:38de traiter les gens correctement
19:39dans un pays riche et développé.
19:41Merci beaucoup Christophe Prudhomme,
19:42médecin urgentiste passionné.
19:44A Bobigny, en Seine-Saint-Denis
19:46et puis porte-parole
19:46de l'Association
19:47des médecins urgentistes de France.
19:49Il est 8h52 sur RMC BFM TV.
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