00:00Et bonjour Benoît Bito, vous êtes paysan bio, vous êtes député écologiste Nouveau Front Populaire de Charente-Maritime
00:06et vous, vous êtes donc contre cette loi du plomb qui arrive ce matin à l'Assemblée Nationale.
00:11Alors, on va commencer peut-être par le plus gros point de crispation, si vous voulez bien.
00:15On l'évoquait à l'instant avec Lauriane Delanoë, c'est la réintroduction de ce pesticide
00:19qui est très critiqué, insecticide de la famille des néonicotinoïdes.
00:24Les filières de la betterave qui produisent donc le sucre et celle de la noisette
00:28disent en avoir absolument besoin. Pourquoi est-ce que vous êtes contre ?
00:32Parce qu'on n'en a pas franchement besoin, c'est-à-dire que ça fait des années, depuis 2008,
00:38le Grenelle de l'environnement ou la profession agricole s'était engagée à réduire de 50% les pesticides en 10 ans.
00:45Donc à la perspective 2018, on aurait dû réduire de 50% et donc rechercher les alternatives à tous ces pesticides.
00:52Et en vérité, on est en 2025 et ils n'ont toujours pas fait le travail.
00:56Sauf que l'argent public a coulé à flot pour accompagner l'agriculture sur cette trajectoire de réduction.
01:03Et malgré beaucoup d'argent public, ils n'ont pas avancé.
01:06Et les réponses, elles ne sont pas dans la recherche de nouvelles molécules ou dans la continuation de molécules dangereuses.
01:12La réponse, elle est dans l'agronomie.
01:13Et c'est de ça qu'il faut qu'on parle.
01:16C'est-à-dire que les alternatives existent, sauf qu'il faut s'en donner les moyens et vouloir accepter de réinventer une agriculture dans une approche globale
01:24où on voit bien qu'utiliser des pesticides qui impactent sévèrement le climat, qui impactent sévèrement la biodiversité,
01:32c'est le chemin exact inverse qu'il faut suivre pour préserver la souveraineté alimentaire dont tout le monde parle.
01:36Sauf que, Benoît Viteau, vous êtes dans un débat à moyen terme, voire long terme.
01:40Eux, ces agriculteurs, ils sont dans du court terme.
01:43Vous entendiez, cette agricultrice avec Loriane Delano et Amandine Muray, elle dit
01:46« C'est autorisé cet insecticide dans les autres pays européens. »
01:49Ça veut dire que si on ne le fait pas, on n'est plus compétitif.
01:52Alors, ce n'est pas tout à fait vrai.
01:53Ce n'est pas autorisé dans les autres pays européens, puisque l'acétamipride dont on parle
01:57est un produit sur la liste des produits à substituer.
02:00Donc, c'est un produit qui est autorisé avec parcimonie et sur des demandes de dérogation.
02:06C'est-à-dire que c'est extrêmement restreint comme utilisation.
02:10Mais elle est possible, cette utilisation.
02:11Elle est utilisée, mais de toute façon, à court terme, puisque c'est un produit à substituer
02:16qui va être supprimé définitivement.
02:18Donc, de toute façon, c'est reculer pour mieux sauter que de vouloir encore utiliser
02:23cette molécule extrêmement dangereuse.
02:26Elle est dangereuse pour la biodiversité, mais elle est dangereuse pour la santé publique.
02:30Un chercheur de l'INRA disait « Mais continuons avec l'acétamipride, ça revient à peu près
02:34à donner de l'arsenic à vos enfants.
02:36Donc, ça commence à devenir un peu inquiétant de continuer sur cette trajectoire-là.
02:40Alors que, j'insiste, les alternatives basées sur l'agronomie fonctionnent.
02:45Et le mouvement qu'on engage à vouloir toujours continuer d'utiliser les pesticides
02:50nous éloigne de ces solutions agronomiques.
02:52Plus on utilise de pesticides, et plus on en a besoin.
02:55Autre mesure polémique, Benoît Biteau, je voudrais évoquer avec vous.
02:59Certaines contraintes environnementales qui seraient allégées pour l'installation des plus gros élevages.
03:04Là encore, c'est une façon de s'aligner avec les autres pays européens, mais vous y êtes opposé.
03:09Il va falloir, à un moment donné, convoquer un peu de cohérence.
03:12C'est-à-dire qu'on est dans un pays, sur un continent en Europe, alors pas tous les pays,
03:17où on est prêt à s'opposer à un accord de libre-échange avec le Mercosur,
03:21où une des raisons de l'opposition à l'échange avec la zone Mercosur,
03:26c'est ces activités d'élevage, ces modalités d'élevage où on concentre des animaux dans des bâtiments.
03:31Et plutôt que de dire, nous, on va continuer de préserver ce qui fait la force, la notoriété,
03:39l'identité de notre élevage en France, système herbagé par exemple,
03:44et à l'inverse, on voudrait copier ce qui se passe dans le Mercosur.
03:48Et je rappelle que ces installations classées pour la protection de l'environnement
03:52ne concernent que 3% des éleveurs.
03:55C'est-à-dire qu'on est en train de mener un combat pour les 3% d'éleveurs
03:59qui sont dans des conditions d'élevage absolument désastreuses.
04:02Et on voudrait me dire que la compétitivité de l'agriculture en France,
04:06de l'élevage en France, repose sur ces 3% d'éleveurs.
04:09Il faut arrêter de se raconter des histoires.
04:12Donc pour vous, c'est une fausse réponse à un vrai problème ?
04:13Mais c'est une fausse réponse.
04:14Ce qu'il faut, c'est accompagner les agriculteurs dans la réinvention d'une agriculture
04:18qui doit être au rendez-vous de l'histoire.
04:19Je le disais tout à l'heure, ce qui menace la souveraineté alimentaire
04:22et donc le revenu des agriculteurs, c'est le dérèglement climatique,
04:26c'est l'effondrement de la biodiversité.
04:28Et donc il faut bâtir des modèles de production agricole
04:31qui préservent ces deux paramètres-là pour continuer de pouvoir espérer
04:34dans cette souveraineté alimentaire et dans un revenu décent pour les agriculteurs.
04:37Alors Benoît Biteau, vous êtes agriculteur bio, on le disait,
04:40et député écologiste.
04:43Les écologistes et la France insoumise qui ont déposé environ 3500 amendements.
04:48Non, je vous arrête, 1500 amendements.
04:50Alors c'est quand même beaucoup.
04:51Contre ce texte, est-ce que vous assumez cette stratégie de blocage ?
04:55Alors, c'est beaucoup. Est-ce que vous considérez que 40 amendements par député,
04:59puisque c'est en moyenne ce qu'on a déposé, c'est beaucoup d'amendements.
05:03Sur un texte aussi important, qui concerne toute la population française,
05:07est-ce qu'un député ne peut pas déposer 40 amendements sur un texte aussi important ?
05:12C'est pas une façon de bloquer le débat ?
05:13Mais bien sûr que non.
05:15Alors je vous invite les journalistes, parce que c'est disponible,
05:18à aller regarder ces amendements.
05:20Nous, et moi en tête, on a considéré que, effectivement,
05:24on avait l'opportunité d'un débat sur l'agriculture.
05:27Et donc, cette opportunité-là, alors on aurait pu dire,
05:30ce texte est très mauvais, on en a fait une opportunité.
05:34Pour dire, et bien ce débat sur l'agriculture,
05:35on va essayer justement de l'élever et de faire des propositions alternatives.
05:39Ces amendements ne sont que force de propositions.
05:43C'est pas du tout de l'obstruction,
05:44c'est pas des amendements qui changent une virgule en points,
05:46ou des choses comme ça.
05:47Regardez l'exposé des motifs.
05:49Moi j'ai déposé, j'ai pas honte de le dire,
05:51j'ai déposé 460 amendements.
05:55460 amendements avec tous des exposés des motifs extrêmement pointus,
06:00qui font référence à la science.
06:01Parce que le problème de ce texte,
06:03c'est qu'il piétine aussi les données scientifiques
06:06des éclairages que nous donne la science un peu partout dans le monde.
06:09Et donc non, c'est pas de l'obstruction,
06:11c'est vraiment saisir l'opportunité d'un débat
06:13pour replacer l'agriculture au centre des enjeux.