Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 20 mai 2025 : le graffeur Nasty, pour la deuxième édition du festival "Poésie urbaine", à Grasse.
00:05Les deux me vont mais j'ai l'impression qu'on m'a plus appelé Nastie qu'Alexandre dans ma vie.
00:10Vous êtes graffiti artiste ou artiste urbain, l'un de ces artistes formés d'abord dans votre chambre,
00:14puis dans les rues des villes nées à coups de bombe d'aérosols.
00:17Surtout ce qui pouvait être un support viable pour vous exprimer sur les murs des métros parisiens
00:22ou des usines désaffectées, voire des wagons de train,
00:24avant de faire de votre signature un nom d'artiste incontournable.
00:27Le graffiti a débuté dès vos 14 ans, avec au départ plus de problèmes que de satisfaction,
00:33même si le plaisir a toujours guidé vos pas et votre envie d'en faire un métier dans l'espoir d'être un jour reconnu.
00:38C'est chose faite depuis des années, avec des marques qui vous ont sollicité,
00:42comme le Blond de Lienne pour la revisite de l'iconique Eloquité en 2024,
00:47ou encore Clarins, la Maison du Chocolat, Azzaro, je ne vais pas tout citer.
00:50Des galéristes vous ont également exposé, la première étant Majda Danis.
00:55Et des lieux emblématiques vous ont invités, comme l'hôtel Molitor, ou même la station Avorias, ou la ville de Grasse.
01:00Dans quelques jours, justement, à partir du 6 juin et durant tout l'été,
01:04vous serez au cœur de la deuxième édition de Poésie Urbaine,
01:06le premier festival de street art en France, situé à Grasse.
01:10C'est un musée à ciel ouvert, avec des artistes très attendus.
01:14Cette année, il y aura notamment Aéros, César Malfi, Chanoir, Songe, Néron, je ne vais pas tous les citer.
01:19Comment il est né, ce festival, Nasti ?
01:22Alors, en fait, il est né de manière assez singulière.
01:24C'est-à-dire que tout ce qui m'arrive dans ma vie arrive de manière très singulière, comme je le disais.
01:29Je me suis retrouvé, en fait, à un dîner d'entrepreneurs dans la ville de Grasse.
01:32J'avais été invité par un entrepreneur qui m'a dit, tiens, écoute, je t'emmène à Grasse.
01:36Le maire organise des rencontres comme ça.
01:38Et donc, j'ai rencontré le maire de Grasse, qui m'a dit, écoute, j'aime bien ce que tu fais.
01:42J'ai envie de développer ça à Grasse.
01:44Est-ce que tu peux faire quelque chose ?
01:45Mais donc, je lui ai proposé l'idée d'un festival et voilà, c'était parti.
01:49Chaque année, des artistes qui comptent ou qui sont en devenir font partie, effectivement, des invités avec des murs blancs en guise, justement, de cours de récréation, entre guillemets.
02:01Et un besoin de plus en plus présent.
02:03J'ai l'impression de s'exprimer avec des couleurs.
02:05Ouais, moi, en fait, avec l'expérience que j'ai, je me suis rendu compte que la couleur a vraiment une force émotionnelle et un pouvoir d'attraction, en fait.
02:13Et en fait, je me demande pourquoi ça n'a pas été fait avant, parce qu'aujourd'hui, ça se développe énormément.
02:18Mais c'est vrai que dès qu'on met un peu de couleurs quelque part, surtout dans des quartiers qui sont en réhabilitation ou qui sont un peu abandonnés, ça change la perception des gens.
02:26Et c'est vrai que les retours, quand on travaille dans la rue, sont vraiment directs.
02:31Et la population vient à notre rencontre.
02:34Et vraiment, on se rend compte du pouvoir de la couleur.
02:36Comment vous êtes tombé là-dedans, Nastie ?
02:40Vous avez commencé, vous aviez 14 ans.
02:42Et effectivement, au début, vous le racontez, c'était une autre époque.
02:45Il n'y avait pas les réseaux sociaux.
02:46Il fallait que votre signature puisse ne pas passer inaperçue et sortir du lot.
02:52Donc, évidemment, vous avez beaucoup graffé au début.
02:54Oui, effectivement.
02:55Moi, je viens d'une culture qui était très, très marginale à la base.
02:59Comme vous l'avez dit, ça m'a apporté plus de problèmes que de joie, surtout à mes parents.
03:05Donc, effectivement, je me suis lancé dans une aventure qui n'était pas gagnée d'avance.
03:09Et effectivement, c'était ma passion.
03:11Donc, j'ai passé pas mal de temps dans les terrains vagues, dans les souterrains du métro.
03:14J'ai suivi les règles du graffiti qui viennent de New York, qui sont des règles assez dures.
03:21C'est un milieu qui n'est pas facile.
03:23Il fallait se cacher.
03:24C'était pas reconnu.
03:26En fait, il n'y avait aucune perspective d'avenir.
03:28Et du coup, moi, j'y ai cru.
03:31Et ce qui m'arrive aujourd'hui, j'ai tendance à dire que c'est un peu une récompense plus qu'un but.
03:36Parce qu'effectivement, c'était une passion et que j'en attendais rien en retour.
03:40Et aujourd'hui, tout ce qui m'arrive, c'est le fruit de tout ce travail que j'ai pu faire.
03:47Donc voilà, effectivement, le graffiti, à la base, c'est pas un plan de carrière.
03:52Mais voilà, aujourd'hui, je me rends compte que c'était pas forcément le meilleur choix, mais c'était un bon choix quand même.
03:59Bon, ça veut dire, quand on démarre le graffiti, à l'époque, ça voulait dire quand même des horaires de dingue.
04:08Parce que, par exemple, pour taguer les trains, il fallait le faire la nuit.
04:11Le but du jeu, c'était que les trains sortent et qu'on puisse les voir.
04:14Donc, il y a un pont d'ailleurs qui est très bien pour ça, c'est le pont de Birakem.
04:17Parce qu'il y a un recul qui permet de voir les graffitis sur les trains.
04:19Oui, en fait, le graffiti dans le métro, c'est un peu un musée à ciel ouvert, puisque les métros passent sur les ponts et tout.
04:26Effectivement, c'est la satisfaction ultime de voir passer son train sur le pont de Birakem, avec en arrière-plan la Tour Eiffel, évidemment.
04:34Mais oui, effectivement, le graffiti, c'est avant tout une passion.
04:39Moi, je suis tombé dedans quand j'étais petit et j'en suis jamais ressorti.
04:42Et puis, aujourd'hui, ce qui est quand même bien, c'est que je touche au design, à la peinture.
04:50J'organise des festivals, je travaille avec des marques, comme Le Blond de Lienne, vous l'avez dit.
04:55Et en fait, tout ça, ça m'amène de nouveaux terrains de jeu.
04:58Parce que quand on travaille pour du parfum, on ne travaille pas de la même manière que si on travaillait pour des Japonais.
05:05Voilà, en fait, le matin, quand je me lève, je ne sais pas ce que je vais faire.
05:10J'ai la chance d'avoir mon téléphone qui sonne et c'est vrai qu'on me propose des projets assez intéressants.
05:15Mais j'essaie toujours de garder l'essence du graffiti, parce que le graffiti, c'est ce que j'essaie de partager avec les gens.
05:21Et je le mets dans tout ce que je fais.
05:22Donc, je travaille autour de l'écriture.
05:24Avant tout, je ne suis pas du tout un peintre qui fait du figuratif, même si ça existe.
05:28Mais voilà, j'essaie de transmettre ma passion de l'écriture, en fait.
05:32Comment Alexandre Hildebrand est devenu Nasty ?
05:35Tout simplement, quand j'étais petit, j'ai commencé à avoir des graffitis dans la rue.
05:41Ma mère m'a acheté un livre qui s'appelle Subwart.
05:43Et là, ça a été un choc.
05:44Et donc, comme vous le dites, je suis tombé dans le chaudron.
05:49Et du coup, à l'époque, on était très centré sur les cultures américaines.
05:54Et du coup, ce qu'on faisait pour trouver un nom, c'est qu'il nous fallait un nom à consonance américaine.
05:58Donc, j'ai ouvert tout simplement un dictionnaire.
06:00Et je suis tombé sur la lettre N.
06:02Et je suis tombé sur Nasty.
06:03Et je me suis dit, tiens, ça sonne bien. Alors, allons-y.
06:05Il y a beaucoup d'impro dans ce que vous faites, Nasty.
06:07Mais en même temps, vous réfléchissez avant.
06:11Oui, alors l'improvisation fait partie de mon travail.
06:15C'est-à-dire que le graffiti, c'est quelque chose que j'ai fait de manière très spontanée.
06:18Je n'ai jamais vraiment réfléchi, puisque je travaillais souvent dans l'urgence,
06:21dans des lieux qui n'étaient pas forcément sereins.
06:23Du coup, c'est vrai que travailler de manière un peu spontanée,
06:27je ne dirais pas que c'est ma marque de fabrique, mais c'est une habitude.
06:29Et je n'arrive pas, en fait, à m'en sortir.
06:33Mais ça donne des choses parfois sympas.
06:35Vous arrivez à dormir ou pas ?
06:37Difficilement. Je n'ai pas de famille.
06:39J'ai quitté mon travail de publicitaire.
06:41Donc oui, effectivement, j'ai un peu plus de temps.
06:44Mais c'est vrai que la vie d'artiste, on pense souvent que c'est assez tranquille et tout.
06:48Mais finalement, les gens voient souvent le résultat.
06:52Mais tout ce qui est avant, c'est beaucoup de travail, c'est beaucoup d'échecs aussi.
06:55Parce que tout n'est pas facile.
06:57Et c'est vrai qu'on ne doute pas mal de ça.
06:59Enfin, en tout cas, moi, qui suis quelqu'un qui vient de nulle part à la base,
07:03qui n'a pas de formation artistique,
07:05c'est vrai que c'est plus difficile d'apprendre certaines choses.
07:08Et c'est pour ça que je m'entoure de gens qui savent faire des choses
07:11et qui m'aident justement à réaliser des projets.
07:13Et dernière, vous avez fait une fresque
07:15qui se décomposait en plein de carrés différents
07:19et chacun repartait avec un morceau de cette fresque, cette année ?
07:23En fait, c'est une idée que j'aime bien,
07:27cette idée de fresque, d'œuvre fragmentée.
07:31Chacun repart avec un morceau.
07:32En fait, c'est une idée que j'ai développée justement
07:34quand j'ai commencé à travailler avec les marques
07:36où j'avais envie de partager
07:37et justement apporter quelque chose de nouveau
07:40plutôt que de faire une fresque qui sera effacée
07:43ou qui va disparaître.
07:45J'ai toujours travaillé sur des supports
07:46qui pouvaient se décomposer et justement les offrir.