Face à une pollution chimique généralisée et une biodiversité en chute libre, des chercheurs et des agriculteurs du centre-ouest de la France expérimentent depuis plus de 30 ans un modèle agricole révolutionnaire. Sans pesticides, sans engrais de synthèse, sans antibiotiques mais avec la nature. Et ça fonctionne : rendements stables, revenus préservés, et retour du vivant dans les campagnes. Une collaboration inédite en Europe.
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00:00Chaque matin, depuis 32 ans, les oiseaux sont écoutés ici, par des dizaines d'oreilles savantes.
00:09Il y a un faucon crasserelle. Il y a une pie et deux faucons.
00:15Postés dans un demi-millier de parcelles d'agriculteurs, ce sont ces scientifiques qui ont révélé dès 2018 l'effondrement vertigineux de la biodiversité.
00:24Les oiseaux sont en déclin d'à peu près 1% par an. Les insectes, c'est plutôt 2,5% par an. C'est absolument considérable.
00:34Le centre d'études biologiques retient deux causes principales. L'utilisation des pesticides et les grandes monocultures sans raie.
00:42Les insectes ont besoin, comme on le voit ici, d'espaces où ils peuvent se reproduire, comme ces petites haies ou même les bandes enherbées sur les bords de chemin.
00:51Ce sont des zones-refuges pour ces insectes par rapport aux grandes cultures.
00:56Aujourd'hui, l'agriculture qui nourrit le monde est largement conventionnelle.
01:00Mais 80% des produits chimiques utilisés sont cancérogènes, altèrent la fertilité et provoquent des mutations génétiques.
01:08Ici, paysans et scientifiques ont trouvé comment s'en passer en maintenant leur rendement et les revenus.
01:14Une collaboration inédite en Europe.
01:19400 paysans expérimentent avec 60 chercheurs l'agroécologie.
01:24Une pratique agricole qui ne travaille pas contre la nature, mais avec elle, grâce à elle.
01:31Ici, du colza, une plante produisant la troisième huile la plus consommée au monde.
01:35Elle est dite incultivable sans pesticides.
01:38Ça, c'est une parcelle qu'on suit cette année, qui est une parcelle en agriculture de conservation des sols.
01:45C'est un agriculteur qui ne pratique pas de labours.
01:47Et on le voit d'ailleurs tout de suite.
01:49Il y a beaucoup de tiges et beaucoup de végétation au sol.
01:52C'est vraiment caractéristique.
01:53C'est les agriculteurs qui laissent une couverture du sol permanente.
01:57Et ça nous intéresse de savoir si ça a un effet sur les insectes pollinisateurs.
02:01Parce qu'évidemment, il va y avoir plus de biodiversité dans ce sol.
02:04C'est précisément le travail d'Alexis.
02:08Évaluer le type d'insectes et leur abondance sur un périmètre précis.
02:12L'enjeu est crucial.
02:1484% des espèces végétales cultivées en Europe dépendent directement des insectes pollinisateurs.
02:21Dès que je vois un pollinisateur parmi abeilles, papillons ou syrphes, je la détermine ou je la capture.
02:27Cet inventaire a permis d'établir scientifiquement que favoriser les écosystèmes, plutôt que de les éradiquer, génère des profits.
02:38Plus il y a d'insectes pollinisateurs, plus l'agriculteur aura un rendement élevé.
02:42On a démontré par des expérimentations qu'en colza, un agriculteur peut augmenter ses rendements de pratiquement 40%
02:49s'il y a beaucoup d'insectes pollinisateurs dans sa parcelle.
02:52Les chercheurs vérifient aussi ce qui se passe dans la terre.
02:58Bio ou traité chimiquement, 450 km² de culture sont passés au crible.
03:05Je suis en train de chercher un ver de terre particulier.
03:09Il y en a ici qu'on appelle chlorotica, qui est un ver de terre qui s'enroule dans les racines.
03:15On en prend un certain nombre qui iront en laboratoire et qui permettront de doser les pesticides.
03:19Sur les parcelles en transition biologique, les lombriques sont analysées
03:25pour évaluer la présence éventuelle des produits chimiques dans leur organisme et donc dans ce que nous mangeons.
03:34Bonjour, vous allez bien ?
03:35La famille de cet exploitant agricole détient ici des cultures céréalières depuis un siècle.
03:42Il collabore avec les chercheurs depuis 10 ans, ne supportant plus l'image d'agriculteur pollueur.
03:47On va poser un nichoir à abeilles, on va le laisser à peu près 6 mois,
03:51et les abeilles vont venir pondre leurs oeufs dans ces tubes.
03:56Ça me permet de voir un peu la population des abeilles qui rôdent autour de nos parcelles
04:00et ça me permet d'avancer sur le choix des cultures, le choix de floraison, les dates de suivi,
04:05plein de choses qui nous permettent de progresser sur la gestion de l'agriculture biologique.
04:09Sur la même surface, il est passé de 3 monocultures chimiquement traitées
04:15à 15 espèces végétales 100% naturelles.
04:18Je me souviens très bien que j'avais été très surpris parce que vous aviez réduit l'azote de moitié
04:23et vous étiez presque aussi gêné que moi pour savoir où était...
04:27Pour voir qu'en fin de compte, depuis plusieurs années, on dépensait de l'argent à mettre un engrais qui ne servait à rien.
04:31Comme la plupart des agriculteurs, les produits phytosanitaires l'ont longtemps rassuré.
04:39À l'arrière de son tracteur désormais, plus de produits toxiques, mais une herse,
04:43sorte de large peigne qui attrape les mauvaises herbes.
04:48À demain, notre objectif, c'est de faire évoluer l'exploitation
04:51et de démontrer que même avec les difficultés économiques mondiales qu'on puisse rencontrer,
04:57si on raisonne bien l'exploitation bio, on est capable d'en vivre.
05:03L'agroécologie permet, tout comme l'agriculture conventionnelle, de produire à grande échelle,
05:09mais en respectant la santé environnementale.
05:12Problème, l'Europe consacre 99% de son budget agricole à l'intensif, 1% pour le bio.
