Abdou Diallo et ses ex-coéquipiers racontent leurs rêves de football et leur histoire dans un livre

Brut

Ce mardi soir, Abdou Diallo affronte Manchester City avec le PSG.  Ce moment, il en rêvait quand il était au centre de formation de Monaco, comme trois autres de ses amis. Avec eux, il a écrit un livre sur le foot, un monde où l’amitié perdure parfois malgré la concurrence...

Transcript

00:00Dans ma carrière de footballeur, c'est mes plus belles années, je les ai passées à l'AS Monaco, au centre de formation.

00:05Et il y en a beaucoup qui te le diront.

00:07Même moi qui vis des choses exceptionnelles, je pense que je ne retrouverai jamais ce que j'ai vécu à l'AS Monaco avec vous.

00:15Impossible.

00:16Alors vous avez vécu quoi pour que ce soit si formidable ?

00:19C'est un quotidien en fait.

00:21C'est que, à partir du moment où tu te réveilles, t'es avec tes potes, t'es en confiance mais à 3000%.

00:29Pas de filtre, pas de pression.

00:31Tu ne te soucies pas du lendemain.

00:33T'es logé, t'es nourri.

00:35Et tout ce que tu vis, c'est un kiff et tu le kiffes à 200%.

00:39Et le piège, c'est que pour nous ça devenait quelque chose de normal alors que ce n'était pas du tout normal.

00:45C'est là où on comprend que si derrière il n'y a pas la réussite, on peut tomber de très haut.

00:48Exactement.

00:49Même s'il y a la réussite, tu peux tomber de très haut.

00:51C'est ça le truc.

00:52Parce qu'à la fin de ta journée, t'es un homme comme tout le monde.

00:57Tu peux, devant les gens, faire croire qu'à la fin, quand tu te regardes dans le miroir, c'est ta tronche.

01:02Donc ce n'est ni l'argent, ni la notoriété qui va te rendre heureux.

01:07Ils se connaissent depuis qu'ils sont ados.

01:09Ils ont partagé plusieurs années ensemble au centre de formation de l'AS Monaco

01:13avec un rêve en commun, devenir joueurs professionnels de football.

01:20Aujourd'hui, Abdou est défenseur au Paris Saint-Germain et international sénégalais.

01:25Anthony joue en deuxième division en Suisse.

01:28Lounis a arrêté le foot pour devenir agent de joueur.

01:31Et Dylan, absent lors de l'entretien, joue en quatrième division en Angleterre.

01:36Salut bro !

01:38Mettez-moi dedans !

01:39Cette adolescence pas comme les autres, ils ont décidé de la raconter dans un livre

01:43qu'ils ont écrit ensemble pendant le premier confinement, loin des terrains de football.

01:47Je vais ramener un édition à la maison.

01:49La daronne, elle va le mettre dans un meuble.

01:50Tu vois dans le salon, on le voit bien, l'évidence.

01:52Elle va le zippo comme ça.

01:53Bien sûr.

01:54Je suis obligé !

01:55Pour Brut, ils reviennent sur ces années-là.

01:58On était vraiment, on était tout le temps ensemble.

02:01Et même notre force, c'était que sur le terrain et même en dehors, extra-football,

02:05on faisait les activités ensemble.

02:07Et puis, je sais pas pour vous, mais moi, à titre personnel,

02:10cette bienveillance-là, je ne l'ai pas retrouvée dans le football.

02:13Après mon entraînement.

02:14On faisait des soirées Ligue des Champions à 15 dans un appart.

02:17Après, personne ne voulait me ramener.

02:18Des soirées pizza.

02:19Après, personne ne voulait me ramener.

02:20Parce que moi, j'étais le plus jeune.

02:21Donc, moi, je n'avais pas le permis.

02:22Les mecs qui avaient le permis ne voulaient pas me ramener.

02:24C'était une petite mission.

02:26Et aujourd'hui, j'imagine que vous faites des soirées Ligue des Champions en regardant Abdou.

02:29C'est ça, exactement.

02:30Exactement.

02:31Et c'est la fierté.

02:32Franchement, ça fait plaisir.

02:33Ouais.

02:34Et par exemple, comme il a dit, moi, par exemple, maintenant que j'ai arrêté le ballon,

02:37je vis à travers lui.

02:39Quand il joue et tout, ça me fait super plaisir.

02:42C'est une fierté en plus.

02:44C'est une fierté qui a été très humble.

02:46C'est ça.

02:47C'est très simple.

02:48Ce qui fait qu'on a duré tous ensemble.

02:50Parce que s'il y a un qui commence à faire l'ASTA ou quoi, je pense qu'on l'aurait barré.

02:54Mais non.

02:55Un forme de formation, c'est être formé au football ensemble.

02:58Mais c'est aussi faire ses études ensemble.

03:00Bah oui.

03:01Bien sûr.

03:02Mais encore une fois, tu n'es pas un étudiant lambda.

03:05Tu as d'autres idées en tête.

03:07Tu as d'autres impératifs.

03:09Tu as les horaires aménagés.

03:11En fait, tu adaptes ta scolarité à ton sport.

03:15Donc, forcément que dans ta tête, tu décroches.

03:19Et même, tout tourne autour du football.

03:21Tu es calibré.

03:22Toi, tu ne veux pas être médecin.

03:25C'est ça.

03:26Tu veux être footballeur professionnel.

03:28Donc, tu suis les études parce qu'on te le dit et il le faut.

03:32Et il faut un certain bagage.

03:34C'est ce qui est normal.

03:35Mais toi, dans ta tête, tu es formaté.

03:37Tu veux finir footballeur professionnel.

03:40Tu vis le football et c'est super dangereux.

03:42Il y en a qui prenaient les études assez à la légère.

03:45À 90 %.

03:46Monaco, ils essaient de mettre un suivi, etc.

03:49Même si tu as le diplôme.

03:51Moi, j'ai eu le bac, par exemple.

03:53Mais personnellement, je ne misais rien sur les cours.

03:55Tu n'as pas la même jeunesse que les autres.

03:58Si tu veux réaliser ton rêve, tu ne peux pas avoir la même jeunesse que les autres.

04:01Et au final, on avait même du mal à se faire des amis en dehors du football.

04:05En fait, tu es tellement foot, foot, foot, foot,

04:08que ton esprit est un petit peu fermé de temps en temps.

04:11Et il y en a qui, aujourd'hui, même à notre âge,

04:13n'ont pas ce recul-là et ne pensent qu'au foot.

04:16Mais on est formaté, clairement.

04:19Et on s'en rend compte toujours trop tard.

04:22Toujours.

04:23Quand tu rentres chez tes parents, dans ton quartier, avec tes potes d'avant,

04:26pour eux, tu as réussi, tu es la star.

04:28Mais t'es ouf, t'es ouf.

04:29Donc déjà, d'office, c'est dur d'avoir du recul et de garder les pieds sur terre.

04:34Mais moi, je sais que Barry, c'était notre entraîneur en 2019,

04:38il nous le répétait souvent.

04:41On avait des joueurs très talentueux.

04:43Et il disait qu'à un certain niveau, le talent, ça ne suffit plus.

04:48Et il disait qu'il fallait vraiment travailler.

04:50Et il nous disait que vous verrez que tout en haut,

04:52vous ne retrouverez pas forcément ceux auxquels vous pensez plus jeune.

04:57Et ça s'est avéré.

04:59On parle beaucoup de rester accroché à son rêve.

05:02Mais est-ce qu'il y a un moment où on se dit,

05:04les éducateurs me le disent, je le vois sur le terrain,

05:08je n'ai plus le même niveau ?

05:09Moi, personnellement, je l'ai vécu.

05:11Je suis arrivé à un stade où je savais que je n'avais plus l'envie.

05:17Le temps passait, je n'étais plus tout jeune.

05:20Donc je me suis posé, j'ai réfléchi.

05:22J'ai essayé d'utiliser ce que j'ai appris au centre

05:25pour essayer d'en tirer le maximum.

05:27Mais oui, c'est vrai que c'est dur à te l'avouer.

05:33Tu te moques à toi-même.

05:35Tu essaies de gagner du temps.

05:37Après, au bout d'un moment, tu tires trop sur la ficelle.

05:39Elle casse.

05:40Du coup, tu te dis, écoute, je veux toujours devenir quelqu'un.

05:43J'ai cette envie, cette mentalité de gagnant.

05:46Mais on va la placer dans un autre monde.

05:50Quand on entend ton pote qui dit ça,

05:51alors que tu t'apprêtes à jouer une demi-finale à la Ligue des champions,

05:54tu lui dis quoi ?

05:55Moi, je comprends parce que je suis en contact avec eux.

05:59Ils sont comme moi.

06:01J'ai grandi avec eux.

06:02Je comprends et je comprends encore plus la chance que j'ai.

06:06Parce que certes, il y a du travail.

06:08Certes, j'ai œuvré pour avoir ça.

06:11Mais on ne maîtrise pas tout.

06:14Personnellement, je crois en la destinée.

06:17C'était ma destinée, je pense.

06:19Et je n'ai pas le contrôle sur tout.

06:23J'ai eu de la réussite aussi.

06:25J'ai rencontré les bonnes personnes.

06:26J'ai été au bon endroit au bon moment.

06:28Et je sais que c'est une chance.

06:31Maintenant, je pense que, comme tu dis,

06:35on se ment à nous-mêmes parce qu'on nous a toujours dit

06:38que ce qui est bien, c'est d'être footballeur.

06:40Que ce qui vaut quelque chose, c'est le foot.

06:44Et donc, si on ne fait pas de foot, on vaut quoi ?

06:48C'est ça, en fait.

06:49C'est ça la vraie question qui, je pense, se pose.

06:52Et en faisant d'autres projets, en s'intéressant à d'autres choses,

06:55en s'ouvrant et en se concentrant fortement sur d'autres choses,

07:00comme on a pu le faire avec le livre,

07:02tu te rends compte qu'il y a plein de choses à faire.

07:05Le foot, c'est une miette par rapport à tout ce qu'il y a comme opportunité.

07:09Et surtout, qu'on est capable de le faire.

07:11Pour qui ? La famille aussi, ça joue beaucoup.

07:13Il y en a qui ont une certaine pression de la famille,

07:15de leur environnement.

07:16Il faut absolument que tu réussisses,

07:18que tu deviennes footballeur professionnel.

07:20Et ça aussi, quand tu es jeune,

07:21quand tu es entre 14, 17, 18 ans,

07:24ça ne peut pas être facile à gérer pour tout le monde.

07:26Toi, tu ressentais de la pression ?

07:28Moi, personnellement, non.

07:29Et toi ?

07:30Je sais qu'autour de moi, j'en voyais qui ressentaient des pressions énormes.

07:33Moi, c'était l'argent.

07:34Moi, j'en avais de la pression.

07:36Il y avait l'argent et puis il y avait aussi la notoriété aussi.

07:41C'est une fierté, c'est une pression.

07:43Mais ils sont fiers de toi aussi.

07:46Et si ça ne passe pas,

07:49le retour à la vie normale peut être vraiment aussi brutal,

07:52même dans ton propre environnement.

07:54Pression dans le sens où, moi, personnellement,

07:56je me la mettais tout seul.

07:57Parce que dans le sens de ma famille,

07:59on sait tous, on est jeunes,

08:01on peut tous les sortir de leur quotidien

08:04et financièrement leur faire un bien fou, inconscient.

08:07Mais dans le sens où ils étaient là,

08:09ils me disaient en gros, on s'appelait,

08:10ils me disaient en gros, tout se passe bien,

08:12fais ce que tu as à faire.

08:13Je n'étais pas là à me dire, il faut que tu réussisses absolument.

08:15Mais le fait est que tu sais d'où tu viens,

08:18tu sais toutes les galères qu'ils ont surmontées.

08:22Enfin, tu dis, je suis obligé de réussir.

08:23Tu vois ce que je veux dire ?

08:26Tu tiens quelque chose de grand dans ta main.

08:31Tu as l'espoir de toute une famille.

08:33Toute une famille.

08:34Comme si tu peux changer leur vie.

08:36Et est-ce que le fait d'un moment ne pas réussir,

08:40ça t'a soulagé de cette pression ou de ce poids ?

08:43Non, au contraire.

08:44Jusqu'à l'heure actuelle, pour moi, j'ai une tête en verre.

08:47C'est fou.

08:48Mais tant que je répare mes objectifs,

08:50en tant que professionnel,

08:51essayer d'atteindre les sommets dans ce que je veux faire maintenant,

08:54j'ai une tête.

08:55Je te pose cette question parce que ce qui est fou,

08:58c'est que quand moi j'ai signé pro et que j'ai eu des soucis,

09:01que ça a été très dur,

09:02je me suis déjà posé la question,

09:04si je n'avais pas réussi,

09:05est-ce que ça n'aurait pas été plus simple ?

09:07Oui, ça dépend.

09:08Après, rapidement, tu relativises.

09:11Par contre, toi, tu as une chance de malade d'être là.

09:14Mais cette question, elle vient.

09:16Tu te la poses.

09:17D'ailleurs, là, je suis avec des footballeurs ou des écrivains ?

09:22Des footballeurs et écrivains.

09:24On peut se la raconter un peu maintenant.

09:27Des philanthropes.

09:31Des potes.

09:33Des potes.

09:34On est en famille.

09:36On fait ce qu'on kiffe.

09:38Ça nous a kiffé de faire un livre, on l'a fait.

09:40On espère que ça va kiffer beaucoup de gens.

09:42Mais des potes.

09:44Sans aucune prétention.

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