Evelyn Askolovitch et Ginette Kolinka, survivantes de la Shoah, racontent leur histoire

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00:00Le fond de cette histoire, ça sera toujours la férocité de ceux qui nous contrôlaient.

00:08Je n'avais rien fait, je n'avais tué personne, je n'étais pas en guerre, mes parents non plus,

00:13et on a voulu me tuer juste parce que je suis juive, et donc c'est pour ça que je le raconte.

00:20J'ai décidé en 2015, comme je fais partie de la toute dernière génération, qu'il fallait que je raconte.

00:29J'étais petite, c'était entre 4 ans et demi et 6 ans et demi,

00:34et j'avais peut-être une faculté de, quand c'était trop compliqué et trop dur,

00:39de me mettre dans une bulle et de ne plus être là.

00:44Dans le premier camp, après que j'ai eu toutes les maladies,

00:48que j'ai vraiment failli mourir parce que le Fürth était un camp où les enfants mouraient de faim,

00:55de faim, de misère et de maladie,

00:57j'avais arrêté d'être présente, j'étais dans une bulle de malheur.

01:05On ne peut pas trouver les mots exacts pour décrire ce qu'on a subi dans les camps.

01:18J'aurais dû mettre du gras sur la peau.

01:21Quelqu'un qui a eu 9, 10, 12 ans, il se souvient, tandis que moi c'est des flashes.

01:27Et comme personne n'en parlait, j'en parlais pas non plus.

01:32J'ai eu la chance d'avoir la gale au mois de novembre 1944.

01:38Si j'avais eu la gale au mois d'août 1944, c'était la chambre à gaz.

01:44T'as la gale, chouc, chambre à gaz.

01:47C'était pas la gale, c'était la saleté, c'était la crasse.

01:52Jamais je m'étais lavé depuis que j'étais arrivée dans le camp.

01:57En me mettant ce produit, ça m'a lavé.

02:01Et ce que je prenais pour la gale, c'était la crasse.

02:05Quand mon mari a fait un texte que j'avais écrit sur les quelques souvenirs que j'avais,

02:13j'avais 50 ans, ma mère m'a téléphoné et elle a dit

02:16« C'est drôle que tu as écrit tout ça, je ne croyais pas que tu étais concernée. »

02:23Alors concernée, j'étais dans trois camps avec mon père et avec elle,

02:27mais je n'étais pas concernée.

02:29Et en fin de compte, ça rassurait un peu les parents

02:33de penser que les enfants n'étaient pas concernés.

02:37Ils m'écoutent, je reçois des mots après.

02:40Donc je me dis quelque part, j'espère que je laisse une trace

02:45que ça a pu exister et que ça a existé.

02:48J'utilise le témoignage parce que, égoïstement,

02:53c'est à moi que ça fait du bien.

02:55J'essaie de croire que tous ceux qui m'écoutent

03:01deviendront des passeurs de mémoire

03:04et que les gens réfléchiront avant de dire

03:08« Oh, encore un Noir ! »

03:11« Ah, encore un Juif ! »