Environ 8% de la population française, soit plus de 5 millions de personnes, vit dans les quartiers prioritaires. De quoi peser sur les grands rendez-vous électoraux du pays. Pour autant, la vie politique nationale reste pour beaucoup un théâtre lointain. Si bien que l’abstention demeure la norme. Mais les quartiers sont-ils le désert politique que les chiffres nous racontent ? Comment s’articule la conscientisation politique des habitants ? Pourquoi les traductions dans le monde politique traditionnel sont-elles si rares ? Quels sursauts possibles ?
Pour discuter de ces questions, nous recevons dans "Pas 2 Quartier - Au micro" : Aminata Coulibaly, ancienne élève de Sciences Po. Elle a grandi à Clichy-sous-Bois, à la cité des Cosmonautes, bien loin de cet univers. Ses engagements associatifs sont nombreux et elle dirige “Les jeunes avec Macron du 93”. Aujourd’hui, elle prépare les concours de la haute fonction publique. Fabien Truong, sociologue et auteur, travaille sur les quartiers populaires et leur jeunesse. Sa dernière enquête “Grands ensemble”, publié avec Gérome Truc aux Editions "La Découverte", est un travail de dix ans (2015-2025) dans la ville de Grigny. Un éclairage rare, notamment sur le paradoxe entre violence et solidarité qui se joue dans ces quartiers. Dylan Ayissi est le fondateur d’ “Une voie pour tous”, une association qui travaille sur la valorisation des parcours professionnels, empruntés de gré ou de force, principalement par les élèves issus de milieu défavorisés. Ce combat l'amène à défendre ses idées auprès des politiques, notamment par... Lire la suite sur notre site web.
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00:00:00Environ 8% de la population française vit dans les quartiers prioritaires.
00:00:13Soit plus de 5 millions de personnes, de quoi peser sans conteste sur les grands rendez-vous
00:00:18électoraux du pays.
00:00:19Pour autant, la vie politique nationale est aujourd'hui pour beaucoup d'habitants
00:00:22des quartiers un théâtre lointain, si bien que l'abstention reste la norme, frôlant
00:00:27par endroits les 80%.
00:00:29Les quartiers sont-ils le désert politique que les chiffres nous racontent ? Pas exactement,
00:00:34mais alors comment s'articule la conscientisation politique des habitants ? Pourquoi les traductions
00:00:39dans le monde politique traditionnel sont-elles si rares ? Et quels sursauts possibles ?
00:00:43Bienvenue dans Au micro, l'émission de débats de société avec des personnalités
00:00:47issues des quartiers.
00:00:48Ou pas, à retrouver en podcast et sur Youtube.
00:00:50Bonjour à tous, merci de venir nous éclairer de vos témoignages dans ce haut lieu hautement
00:01:00symbolique, l'Institut d'études politiques de Paris, que l'on remercie de son accueil.
00:01:04Et justement, Aminata Koulibaly, vous êtes une ancienne élève de Sciences Po.
00:01:08Vous avez grandi à Clichy-sous-Bois, citée des cosmonautes.
00:01:11Loin de cet univers donc ? Tout à fait.
00:01:14Vos engagements associatifs sont nombreux et vous approchez la politique en dirigeant
00:01:18les Jeunes avec Macron du 93.
00:01:21Voilà, expérience mitigée selon vous, vous nous expliquerez.
00:01:23Aujourd'hui, c'est la haute fonction publique que vous visez.
00:01:26Tout à fait.
00:01:27Fabien Truon, gazard de la vie, vous avez été le professeur d'Aminata il y a quelques
00:01:30années.
00:01:31Sociologue et auteur, vous travaillez sur les quartiers populaires et sa jeunesse.
00:01:35Votre dernière enquête, Grand Ensemble, publiée le 23 janvier, est un travail de
00:01:3910 ans, 2015-2025, dans la ville de Grigny, en Essonne.
00:01:43Un éclairage rare sur notamment le paradoxe entre violence et solidarité qui se joue
00:01:48dans ces quartiers.
00:01:49Dilan Haïssi, vous êtes fondateur d'Une Voix pour Tous, vous travaillez sur la valorisation
00:01:53des parcours professionnels, empruntés de gré ou de force, principalement par les élèves
00:01:58issus de milieux défavorisés, c'est votre constat.
00:02:00Ce combat vous amène à défendre vos idées auprès des politiques, notamment par le plaidoyer,
00:02:05vous nous expliquerez.
00:02:06Baka Issako, acteur associatif du 19e arrondissement, vous êtes basé à Riquet-Curiel, dans le
00:02:1119e à Paris.
00:02:12Vous êtes aussi entrepreneur et vous lancez notamment les All Parisian Games, un tournoi
00:02:17de basket chaque année plus populaire.
00:02:18Vous écrivez en 2015 cet essai, Je suis, donc ça fait 10 ans, il y en a un autre bientôt ?
00:02:24Bientôt, ça fait les 10 ans.
00:02:27En tout cas, vous y expliquez votre identité multiple, français, soninquais, musulman,
00:02:32un texte qui pourrait se lire comme un manifeste politique.
00:02:35On va pouvoir revenir dessus.
00:02:37Pour commencer, une question, peut-être avec vous Maminata, mais on va s'adresser à tout
00:02:42le monde.
00:02:43Quel a été le dernier fait politique marquant pour vous ?
00:02:46L'instabilité.
00:02:47L'instabilité gouvernementale et le changement de la politique.
00:02:55On sait que la politique a changé ces 15-20 dernières années, qu'on est beaucoup plus
00:02:59sur la communication qu'avant, qu'on est beaucoup plus sur un temps qui est restreint,
00:03:03qui est court.
00:03:04L'accélération du temps politique a pris le pas sur peut-être les compétences, sur
00:03:09le savoir, sur le terrain.
00:03:10Et ça, c'est quelque chose que je déplore fortement.
00:03:13Et c'est quelque chose qu'on constate aussi par les derniers bouleversements qu'on a pu
00:03:19connaître le pays ces dernières semaines.
00:03:21Fabien Truong, si je vous repose cette même question, le dernier fait politique marquant
00:03:24selon vous, en France, après on peut aller plus loin, mais...
00:03:27Je ne sais pas, il y a eu par exemple, ce qui a été marquant je crois récemment, c'est
00:03:31la mort de Jean-Marie Le Pen, et la couverture médiatique et politique qui en était faite,
00:03:39comme si c'était un personnage doté d'une grande respectabilité nationale.
00:03:45Je crois que par ricochet, ça en dit long un peu de comment les choses sont déplacées
00:03:49dans le spectre politique, comment tout un tas de problèmes ont été déplacés, qu'est-ce
00:03:56qui est devenu un peu mainstream, banal, admis.
00:04:00Donc c'était un peu révélateur, je trouve, ce traitement.
00:04:04D'accord, très bien.
00:04:05Dylan, vous soyez sur la même ligne ou autre chose qui vous marque ?
00:04:08Pour ne pas répéter, je dirais la dissolution, qui a eu le mérite de rétrécir le champ
00:04:15des possibles en termes de personnalité politique, en tout cas de ce qui est affiché, parce
00:04:19qu'on voit que finalement les postes se partagent, et que des personnes qu'on n'attendait
00:04:26pas à certaines fonctions, y sont.
00:04:28Bakary, ça peut être au niveau local aussi, il y a plein de niveaux en termes politiques.
00:04:36Oui, je vais aller vite, il y a trois temps, il y a huit mois, dissolution, mais c'est
00:04:41surtout l'inquiétude d'une jeunesse qui découvrait, j'avais l'impression, le Front National,
00:04:46et qui avait peur que le pays bascule dans encore autre chose.
00:04:50Il y a à peu près trois semaines, le décès du maire du 19e, Roger Madec, qui est, que
00:04:57je considère en tout cas par rapport à mon âge, qui est le père fondateur de ce qu'on
00:05:02connaît du 19e aujourd'hui, un grand homme vraiment, et un homme qui passe un peu à
00:05:07la trappe, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de couverture médiatique sur lui, il faisait
00:05:11quand même assez l'unanimité sur l'arrondissement, comme avoir bien administré un arrondissement,
00:05:16politiquement.
00:05:17Et là, il y a quelques jours, le décès de Jean-Marie Le Pen, avec quelques célébrations
00:05:22qui m'ont un petit peu gêné, parce qu'on donne l'impression que l'homme est mort,
00:05:27et ses idées aussi, alors qu'il n'y a que l'homme qui est mort, et on reviendra dessus
00:05:31tout à l'heure sur le débat, l'homme est mort, mais pas du tout les idées, bien
00:05:35au contraire, il y a un parti qui est très bien structuré aujourd'hui, qui porte sa
00:05:39parole à l'Assemblée Nationale, alors que d'autres qui étaient des figures de la politique
00:05:45française, qui cherchaient plus le rassemblement, eux, passent à la trappe.
00:05:48Donc il y a même là du deux poids deux mesures, dans ce qu'on veut de bien, et de moins bien
00:05:52dans le paysage politique français.
00:05:54Est-ce que, selon vous, on suit l'actualité dans les quartiers ? Est-ce que c'est des
00:05:59sujets qui sont beaucoup discutés, enfin je parle d'actualité politique ? Ou est-ce
00:06:02que justement, partons du principe qu'il y a immédiatement plutôt un rejet ? Comment
00:06:06vous le vivez, vous ?
00:06:07Je pense qu'il y a une volonté de la part des habitants dans les quartiers populaires
00:06:14de s'intéresser à la question politique.
00:06:16Je pense qu'il y a une volonté, mais il y a, à mon avis, un problème d'ordre.
00:06:21Il y a beaucoup de prise de parole et de volonté d'action, et très peu de recherche de science
00:06:26et de compréhension du contexte politique, de ce qu'est la science politique.
00:06:30Encore une fois, on est dans un lieu qui s'appelle Sciences Po, mais symboliquement et linguistiquement,
00:06:36c'est assez intéressant.
00:06:37C'est qu'avant toute prise de parole et toute action, il doit y avoir un temps de formation,
00:06:42d'éducation, de compréhension de ce qu'est la politique française, sans faire de comparaison
00:06:47avec la politique américaine ou anglo-saxonne, et encore moins sur d'autres continents.
00:06:54Je sais que c'est un point important pour vous, l'éducation à toutes ces questions-là.
00:06:58Vous, Fabien, vous avez passé dix ans à faire des allers-retours à Grigny.
00:07:03Quelle impression vous aviez de ces discussions ?
00:07:06Est-ce qu'il y a une effervescence quand il se passe quelque chose ?
00:07:08Est-ce que vous ressentez la même chose qu'ailleurs dans la société ?
00:07:11Oui, mais en fait, ce qui est un peu le propre des quartiers populaires,
00:07:16de ce que ressentent les habitants et les habitantes des quartiers populaires,
00:07:18c'est que leur existence est politisée, elle est même ultra politisée.
00:07:23C'est-à-dire qu'en fait, les habitants et les habitantes des quartiers populaires,
00:07:26ce sont des objets de discours politiques constants, permanents.
00:07:31Et je dirais, au moins depuis 2005, ce sont des objets qui structurent les élections,
00:07:36qui les font, qui les défont.
00:07:38Donc, d'un côté, il y a l'idée, ce sentiment qu'on parle, entre guillemets,
00:07:42de nous tout le temps et de manière politique.
00:07:46Et ça, ça laisse pas indemne, en fait, dans la manière dont on se perçoit
00:07:49et dont on perçoit aussi le champ politique.
00:07:52On en parle aussi de manière assez caricaturale, au fond,
00:07:56parce qu'il y a une très faible compréhension de ces lieux et des enjeux qui les structurent.
00:08:02Et puis, il y a une deuxième chose, c'est que ce qui caractérise aussi les quartiers populaires,
00:08:07c'est que le quotidien, en fait, il est foncièrement politique,
00:08:12parce que le quotidien aussi, c'est tout un tas de difficultés très concrètes
00:08:16d'accès à des biens, à des services, à la parole publique aussi,
00:08:20même puisqu'on parle... Bah, Cari, il parlait d'accès à la parole publique.
00:08:25Et ça, c'est des enjeux à la fois très quotidiens, qui ont l'air presque bannaux,
00:08:29mais en fait, qui sont politiques, parce que la difficulté d'accès à les politiques.
00:08:34Et donc, il y a tout un tas de choses qui s'articulent ou qui s'articulent pas
00:08:37avec la notion de politique.
00:08:39Et juste pour terminer, il y a aussi une sorte, à l'extérieur des quartiers populaires,
00:08:44une sorte d'injonction, en fait, à vouloir voir ou entendre politiquement
00:08:50ses habitants et ses habitantes, mais sans véritablement toujours comprendre
00:08:54quels sont les véritables problèmes concrets.
00:08:56Donc, il y a quelque chose qui est assez un peu malaisant de ce point de vue-là.
00:09:02Et du coup, de quoi on parle, en fait, quand on parle de politique ?
00:09:05Il y a le politique ou la politique, c'est pas exactement la même chose.
00:09:07C'est une sorte d'injonction à s'exprimer dans les grands rendez-vous électoraux,
00:09:10sans forcément s'y intéresser entre-temps ? C'est peut-être ça aussi ?
00:09:12Oui, oui, oui. Et puis, par exemple, dans une ville comme Grigny,
00:09:15c'était sur l'enquête qu'on a faite avec Jérôme Truc,
00:09:19sur la focale de 10 ans, c'était flagrant, parce qu'en fait, Grigny,
00:09:21c'est aussi la ville dont est originaire Amédie-Coulibaly.
00:09:26Donc, il y avait très forte stigmatisation après les attentats de 2015.
00:09:31On voulait voir les Grignois et les Grignoises témoigner leur solidarité.
00:09:37Il y a eu cette vraie-fausse polémique ici pendant les manifestations de janvier,
00:09:41où d'aucuns ont dit qu'on ne voyait pas assez les habitants et habitants
00:09:46des quartiers populaires dans les manifestations, etc.
00:09:49On va y revenir sur ces rendez-vous manqués, parce qu'il y en a plusieurs,
00:09:52et vous en citez plusieurs, effectivement, dans votre livre.
00:09:54C'est assez intéressant d'avoir le recul des 10 ans sur ce côté un peu...
00:09:58On vient d'un quartier, on est un objet politique.
00:10:00Est-ce que vous avez l'impression de déposséder de ça,
00:10:03quand vous vous intéressez à la politique dès le départ ?
00:10:05Et puis finalement, l'envie de reprendre possession,
00:10:08justement, d'être un acteur politique et donc de vous lancer là-dedans.
00:10:10C'est quoi votre point de départ, vous, Aminata ?
00:10:12Alors moi, mon point de départ, il vient d'assez loin.
00:10:16Moi, je suis clichoise.
00:10:17Mes parents sont à Clichy-sous-Bois.
00:10:18On habite dans le même appartement depuis le 1er janvier 1983.
00:10:22Donc, Clichy-sous-Bois, ça reste quand même mon origine première.
00:10:26Et c'est vrai que, moi, la politique, je l'ai suivie avec mon père, d'abord,
00:10:30qui était très attentif à ce qui se passait à l'Assemblée nationale,
00:10:35donc très habitué des questions gouvernement.
00:10:39Et par la suite...
00:10:40Mais suivez les questions gouvernement, c'est technique, quand même.
00:10:41Les questions gouvernement, c'est pas tout le monde...
00:10:44Et c'est là où je veux en venir.
00:10:46C'est qu'en réalité, les personnes issues des quartiers populaires,
00:10:51même ceux qui sont issus de la première vague d'immigration,
00:10:55qui ne savent peut-être pas lire ou écrire et qui ne comprennent pas très bien le français,
00:10:59sont très attachés à l'actualité politique.
00:11:02Les habitants des quartiers populaires sont eux-mêmes des sujets politiques.
00:11:07Tout ce qui est rattaché est politisé.
00:11:09Donc, même les personnes qui s'abstiennent
00:11:12sont quand même très attachées à ce qui se passe,
00:11:14même parce que j'ai l'habitude de discuter de par mes activités professionnelles
00:11:19avec des personnes qui sont très éloignées de l'emploi,
00:11:22qui sont très éloignées des urnes, on va dire ça comme ça.
00:11:25Et ces personnes-là sont très aptes à discuter de la politique
00:11:28et sont très engagées aussi sur le terrain avec les associations.
00:11:32Et donc, du coup, la politique, ça, on le fait de manière assez naturelle au quotidien.
00:11:37La politique, c'est le quotidien.
00:11:39C'est l'État, c'est la nation, c'est le quotidien.
00:11:42Moi, mon point de départ, là où je me rends compte
00:11:46que Clichy-sous-Bois n'est peut-être pas une ville comme les autres,
00:11:48c'est vraiment avec les émeutes de 2005.
00:11:51C'est vraiment avec le rapport déjà entre la police et les jeunes.
00:11:56C'est le rapport entre un président de la République et une ville,
00:12:01un ministre de l'Intérieur qui devient président par la suite et une autre ville.
00:12:05Et c'est là que je me rends compte qu'en réalité, ça ne va pas bien.
00:12:10Avant de prolonger cet échange, ça fait déjà 12 minutes qu'on est ensemble,
00:12:13ça va très vite, mais on va poursuivre juste derrière.
00:12:15Et c'est très intéressant, ce point de départ de votre engagement politique.
00:12:18Donc, avant de prolonger, je me permets de marquer ici une courte pause,
00:12:20car l'émission se termine sur France 24,
00:12:23mais elle continue sur tous nos réseaux en podcast et sur YouTube.
00:12:26Alors, retrouvez-nous sur les plateformes si vous n'y êtes pas déjà.
00:12:30Pour revenir justement sur 2005,
00:12:31c'est un événement qui vous donne envie de vous engager ?
00:12:34C'est là que je suis une personne qui est très intéressée par la politique.
00:12:38C'est une passion que j'ai depuis très longtemps.
00:12:41C'est quoi une passion pour la politique ?
00:12:43C'est-à-dire, vous voyez des gens décider et vous dites
00:12:45« Ah, moi, je veux en faire partie, c'est ça ? »
00:12:47Exactement.
00:12:47Faire partie des organes de pouvoir, c'est ça ?
00:12:49Moi, je pense que quand on a les capacités, quand on a aussi l'opportunité
00:12:52et quand on est issu de ces quartiers-là où on n'est pas forcément représenté,
00:12:57parce que la parole, il faut savoir la prendre et la parole, il faut savoir l'arracher.
00:13:01Parce qu'il n'est pas dit que même les personnes qui sont intéressées
00:13:04par les questions des quartiers populaires veuillent vous la donner, cette parole.
00:13:08Parce que c'est plus pratique d'être représentant de la parole des personnes
00:13:11qui, soi-disant, ne savent pas la prendre ou ne savent pas comment ça fonctionne, etc.
00:13:16C'est plus pratique de s'accaparer la parole de ces personnes-là.
00:13:19Et ça, je le vois même dans le 93, le parachutage politique,
00:13:22même de la part des partis politiques qui sont censés parler pour les quartiers populaires,
00:13:28c'est assez systématique.
00:13:30Et je le sais, moi, dans ma circonscription,
00:13:33on a des personnes qui sont très engagées dans les partis politiques,
00:13:37qui sont très engagées sur le terrain, depuis toujours, depuis 20 ans, 15 ans, 30 ans, etc.,
00:13:41qui ne vont pas être choisies systématiquement, malgré leur bagage,
00:13:45malgré leur engagement, malgré leur reconnaissance sur le terrain de la part des habitants.
00:13:50– Le parachutage, c'est une problématique que vous avez connue aussi dans le 19ème.
00:13:55Comment vous l'avez vécu, vous ?
00:13:56Est-ce que vous avez l'impression que les personnes qui vous représentent dans l'arrondissement
00:14:01sont celles que vous voyez sur le terrain ?
00:14:03– Absolument pas, en tout cas, pas depuis quelques années.
00:14:07Sur la question, même si j'ai beaucoup de respect pour les nouvelles députées en place aujourd'hui,
00:14:16mais il y a une méconnaissance du terrain, une très faible proximité avec les habitants,
00:14:22méconnaissance du tissu associatif et des dynamiques qui sont qu'un acteur associatif
00:14:28n'a aucune volonté de devenir un élu politique, mais il doit être soutenu,
00:14:32parce que c'est un engagement qu'il a, en dehors de ses obligations familiales et professionnelles,
00:14:37donc c'est un véritable sacrifice pour le monde de demain.
00:14:41Et le parachutage, c'est ce qu'il y a de pire, parce que les gens deviennent des carriéristes,
00:14:47ils passent par là, accumulent des points et s'imaginent demain.
00:14:52On parle de passion politique, là, ce n'est plus de la passion, c'est de l'ambition politique.
00:14:57La passion, c'est un terme qui est positif, là où il y a de l'ambition politique,
00:15:01c'est-à-dire qu'on est capable d'étouffer des acteurs de terrain
00:15:05pour pouvoir préserver sa place demain lorsqu'il va y avoir de nouveaux enjeux.
00:15:10C'est ultra gênant, c'est pour ça que je rendais un peu hommage
00:15:13à notre défunt maire Roger Madec, parce que lorsque j'ai commencé à militer,
00:15:20moi, sur l'arrondissement, à titre personnel, je suis un gamin qui ne comprend absolument rien,
00:15:25ne serait-ce qu'à la dynamique d'un tissu asphaltif, je ne sais pas comment ça s'administre,
00:15:30mais il voit une volonté de vouloir faire sur un arrondissement en direction des jeunes,
00:15:34eh bien je suis reçu, reçu régulièrement, soutenu à moitié des fois,
00:15:39parce qu'il faut montrer aussi patte blanche et prouver qu'on est capable de faire,
00:15:44parce que ça peut mettre aussi en péril, finalement, je le comprends avec le temps, la municipalité.
00:15:49Demain, si une casserole sort, eh bien ça peut mettre en difficulté les politiques qui vous ont soutenu.
00:15:55Mais ce qui était intéressant, c'est qu'il y avait une volonté quand même de soutenir à la fin des acteurs de terrain.
00:16:02Et oui, il y a du clientélisme à un moment donné de soutenir une structure associative active sur le terrain,
00:16:09mais qui est en adéquation avec le pouvoir en place, sans être forcément encarté.
00:16:16Donc parachutage est égal danger, parce que les gens ne sont que de passage.
00:16:21Là où on parle de date, je suis arrivé, mes parents sont arrivés sur le 19ème dans les années 70.
00:16:28Je suis né sur le 19ème dans les années 80.
00:16:31– Vous avez vu du monde passer en tout cas.
00:16:32– J'ai vu tout le monde passer depuis 1980, même si j'étais qu'un bébé à ce moment-là.
00:16:37J'ai 44 ans aujourd'hui, je vis sur le 19ème, je continue à être actif sur le 19ème.
00:16:43Donc je suis un tout petit peu légitime pour dire qu'il y a des parachutés qui ont un peu servi.
00:16:51Et en général, ils ont été une véritable problématique sur le développement politique des quartiers populaires.
00:16:59– C'est quelque chose que vous avez peut-être observé aussi à Bagneux.
00:17:03Vous êtes de Bagneux, vous avez créé votre association.
00:17:05Est-ce que c'est quelque chose que vous avez bénéfié du même soutien que Bacary
00:17:07au moment où vous avez voulu lancer votre association, dès le départ ?
00:17:09– Alors, moi j'ai créé une association à Bagneux,
00:17:13et il y a une voix pour tous qui a une vocation plus nationale.
00:17:18Sur l'association qu'on a à Bagneux, non.
00:17:22Parce que je suis dans une ville qui historiquement est tenue par un ancien parti depuis des années.
00:17:28Et donc il y a des enjeux de maintenir un pouvoir et un contrôle local.
00:17:34Et quand on ne montre pas patte blanche, effectivement ça peut rendre les choses compliquées.
00:17:37Après le parachutage sur les initiatives, c'est effectivement quelque chose qu'on connaît.
00:17:41Et qui est une preuve de mépris, qu'il y a encore plus quand ça vient de partis
00:17:46qui, aux yeux du monde entier, sont censés en tout cas déclarer,
00:17:50défendre les causes qui peuvent être les nôtres.
00:17:54Parce que ça dit, on vous tient la main, mais notre rôle c'est de vous tenir la main jusqu'au bout.
00:17:58Et on ne vous laissera jamais marcher tout seul.
00:18:01Et c'est d'autant plus méprisant que c'est un enjeu qu'on retrouve que dans ces territoires-là.
00:18:06Parce qu'en fait, on ne va pas mettre un habitant de quartier dans le Loir-et-Cher, par exemple.
00:18:10On peut faire l'inverse.
00:18:12Parce que ces partis, en tout cas, considèrent que soit il y a une souplesse,
00:18:15soit il y a un silence arrangeant pour eux,
00:18:20qui leur permet de mettre les habitants au second rang.
00:18:24En tout cas, dans des fonctions sublétives.
00:18:29D'accord, il y a une sorte de paternalisme.
00:18:30Est-ce que ça crée justement une sorte de...
00:18:35Vous parliez de ressentiment dans votre livre.
00:18:38Mais est-ce que ça peut créer ça aussi, un désintérêt au-delà d'un désintérêt vis-à-vis du monde politique ?
00:18:44Oui, parce que c'est la question de...
00:18:46En fait, dans ce qui a été dit aussi, c'est la question de ce qui est politique.
00:18:51En fait, la politique, c'est des choix, c'est des combats.
00:18:54Et c'est aussi des questions de transmission.
00:18:56Et en fait, ce que j'entends dans ce qui a été dit aussi, c'est que le temps de la transmission,
00:19:01par exemple, dans ce qu'a dit Bakary,
00:19:04en fait, j'ai appris à faire, à prendre la parole, etc.
00:19:10Et ce temps de la transmission, ce n'est pas le temps politique.
00:19:14Tout à l'heure aussi, tu parlais du long terme, du court terme.
00:19:19Et encore plus, en fait, quand on est des habitants et des habitantes de quartiers populaires,
00:19:23on n'a pas forcément les codes de la règle médiatique.
00:19:26Enfin, ça, c'est très connu en sociologie.
00:19:29C'est-à-dire qu'il y a des dispositions pour pouvoir accéder à la parole publique.
00:19:33Et ça, c'est social.
00:19:35Donc, en fait, s'il y a vraiment l'ambition de pouvoir donner accès à la parole publique
00:19:41à des gens qui n'ont pas appris à le faire de par leur enfance, leur adolescence, etc.
00:19:47En tout cas, avec les codes dominants, ça prend un petit peu du temps.
00:19:52Et ce temps-là, il ne peut se faire que s'il y a une réelle rencontre.
00:19:56Et en fait, tout ce qu'on entend dans la question du parachutage, c'est que ce n'est pas des rencontres.
00:20:01Au mieux, ça va être des alliances de circonstances sur un temps assez court.
00:20:05Ça peut produire des petites choses, mais à la fin, quand on reste et que les gens partent,
00:20:11bien sûr que ça produit du ressentiment parce qu'il y a une forme de colère dans le sentiment,
00:20:17au fond, d'avoir été utilisé puisque c'est ça.
00:20:20Et ça, ça dit beaucoup du rapport de prédation, en fait, qu'il y a dans les quartiers populaires.
00:20:27Et là, on parle de politique, mais c'est les quartiers populaires.
00:20:32C'est aussi les coulisses en grande partie du monde, du centre dominant.
00:20:39On l'a très bien vu pendant le Covid.
00:20:41Qu'est-ce qu'on a vu ? Qui continue à circuler ?
00:20:45Les femmes qui étaient dans le CAIR, les personnes qui travaillaient dans la logistique.
00:20:50En fait, les personnes qui ont continué à faire tourner le pays concrètement venaient des quartiers populaires
00:20:57et donc ont continué à avoir les flux.
00:20:59Donc, et d'une certaine manière, le rapport au politique, il est au-dessus de tout ça.
00:21:06Mais ça va bien, bien, bien plus loin.
00:21:07Donc, ce sentiment de prédation et au fond, un rapport un peu extractiviste au quartier,
00:21:15ça renvoie très, très loin.
00:21:16C'est très profond. Et oui, il y a une problématique structurelle.
00:21:22Vous avez vu, Aminata, vous avez envie de reprendre un peu le récit, justement.
00:21:28On parlait de codes.
00:21:29Est-ce que vous avez croisé des personnes qui vous ont, qui ont essayé de vous former justement sur ces codes-là ?
00:21:35Vous les avez prises toutes seules.
00:21:36Ça s'est fait un peu dans la douleur.
00:21:37Comment ça s'est fait ?
00:21:39Alors, pas du tout.
00:21:40Moi, j'ai eu beaucoup de chance du fait de ma formation, notamment avec Sciences Po.
00:21:44On a beaucoup d'exercices à l'oral.
00:21:46Enfin, quasiment tous nos exercices sont à l'oral.
00:21:49Peut-être les partiels.
00:21:50Enfin, voilà.
00:21:50J'ai eu de la chance de pouvoir peut-être maîtriser cela.
00:21:54Maîtriser cela aussi par rapport à mon cursus qui m'a permis de travailler auprès d'élus.
00:22:01Donc, oui, moi, je vais me sentir peut-être un peu plus à l'aise.
00:22:05Après, il y a des personnes qui, en travaillant sur le terrain, vont développer aussi ces capacités oratoires,
00:22:12même si elles ne le reconnaissent peut-être pas forcément par elles-mêmes,
00:22:15parce qu'elles ne sont pas confrontées à des politiques, enfin, des personnes de personnalité politique reconnues, etc.
00:22:21Mais non, ça, le réseau, on ne le donne pas.
00:22:24Ça, il faut le travailler, l'arracher.
00:22:26On ne nous explique pas comment il faut le travailler.
00:22:28On ne nous explique pas comment il faut se former à la politique.
00:22:30On ne nous forme pas à la politique.
00:22:32Et d'ailleurs, les personnes que l'on constate aujourd'hui à un niveau assez avancé en politique
00:22:37sont des personnes qu'on a souvent prises sous son aile,
00:22:41des grandes personnalités qui ont rencontré des personnes,
00:22:45parce que c'est le lot de beaucoup de rencontres aussi,
00:22:47qui vont les prendre en main et qui vont les former.
00:22:50Et ça, dans les quartiers, ce n'est pas systématique,
00:22:53du fait, je pense aussi, de cette volonté de la non-considération qu'il est possible,
00:23:00que les personnes issus des quartiers puissent prendre leur place, en fait,
00:23:04et puissent être leur propre porte-parole.
00:23:06Vous, vous estimez que vous n'avez pas fait cette rencontre qui,
00:23:09supposé, c'est quelqu'un qui va vous prendre sous son aile.
00:23:12Ça ne se fait pas tout seul, on ne peut pas se faire tout seul.
00:23:14Et j'ai même rencontré des personnes issues de quartiers populaires,
00:23:19parce qu'il y a cette superposition aussi de la question de la diversité.
00:23:28Et le croisement entre être une personne issue de la diversité,
00:23:33être une personne issue des quartiers populaires,
00:23:35qui fait qu'on n'a pas forcément les mêmes opportunités aussi.
00:23:38C'est un double poids, on va dire ça.
00:23:42Vous avez senti une sorte de plafond de verre,
00:23:43malgré votre intérêt à un moment donné.
00:23:45Ah oui, tout à fait.
00:23:46C'est là où les sciences sociales sont intéressantes aussi pour ça.
00:23:50Est-ce que c'est des choses que vous,
00:23:50vous avez observées scientifiquement aussi, ces plafonds de verre ?
00:23:55Oui, l'expression de plafond de verre, elle me gêne toujours un petit peu,
00:23:59parce qu'en fait, elle repose un peu la responsabilité
00:24:02sur les personnes qui regardent le plafond,
00:24:04qui n'oseraient pas toucher, etc.
00:24:05Alors que je pense que c'est un petit peu plus structurel
00:24:08et que le plafond, en fait, il est construit, il est nettoyé par des gens.
00:24:13Donc, c'est comme toute la thématique de l'autocensure.
00:24:18Je pense que c'est un vocabulaire qui est un peu problématique,
00:24:22parce que c'est comme si la responsabilité venait du bas,
00:24:27alors que je pense que tout ça, c'est très relationnel.
00:24:32Donc, mais on en revient aux mêmes questions qu'on avait,
00:24:35en fait, sur les questions de transmission, en fait,
00:24:37et de qu'est-ce que c'est qu'une vraie rencontre ?
00:24:41Et en fait, tant que les habitantes et les habitants des quartiers,
00:24:45et ça, ça remonte à très loin, en fait.
00:24:47En réalité, le divorce entre, en gros, les parties de gauche
00:24:52qui sont censées représenter les personnes qui sont dans le besoin
00:24:56et les habitants et les habitants des quartiers populaires,
00:24:57c'est les années 80, quoi.
00:25:00Il y a eu toute l'histoire de « Touche pas à mon pote », etc.
00:25:02Donc, il y a eu un grand moment d'espoir, en fait,
00:25:06au début des années 80, dans le fait que les habitants
00:25:10et les habitants des quartiers allaient être représentés.
00:25:14Et en fait, c'est à partir de ce moment-là qu'il y a eu une sorte de lent
00:25:20et long rendez-vous manqué, en réalité.
00:25:22C'est-à-dire que dans les années 80, il y avait beaucoup de militants
00:25:26et de militantes des quartiers populaires qui avaient une parole publique.
00:25:30On l'a un peu oubliée, en fait.
00:25:31C'est-à-dire qu'il y a notamment c'est le PS qui n'a pas su ou voulu,
00:25:39surtout, faire autre chose que capter cette parole,
00:25:44c'est-à-dire donner des responsabilités concrètes
00:25:47à toute une série de jeunes militants et militantes qui émergeaient.
00:25:51Et ça, ça a créé une forme de long ressentiment et de méfiance
00:25:56vis-à-vis des partis qui sont censés vous représenter.
00:25:58Et en fait, il y a une histoire longue de tout ça.
00:26:00Ce n'est pas juste aujourd'hui, ce n'est pas juste il y a dix ans.
00:26:05Et ça renvoie aussi à comment on fait de la politique dans ce pays-là.
00:26:12Et là, on voit bien avec les deux dissolutions,
00:26:14avec ces gouvernements dont on voit bien qu'ils ne représentent pas vraiment grand monde.
00:26:18On est à bout, en fait, d'un système un peu autoréférent.
00:26:24Justement, dire qu'on est à bout,
00:26:26est-ce qu'on ne peut pas imaginer que le sursaut vienne aussi des quartiers
00:26:29là où la sensibilité est vraiment encore plus forte qu'ailleurs ?
00:26:33Bah, Carrie, moi, je vous pose la question.
00:26:36Par ailleurs aussi, j'aimerais rappeler que vous avez un véritable engagement associatif dans votre quartier.
00:26:42Donc, on a parlé du sport tout à l'heure.
00:26:44Vous avez été longtemps gardien d'image.
00:26:45Vous étiez sur le pont vraiment pendant le Covid.
00:26:47Vous avez vu ça de très, très près.
00:26:50Est-ce que vous avez le sentiment de porter une action publique aussi aujourd'hui dans votre quartier ?
00:26:55J'espère, j'espère que l'action que nous menons, parce que je ne suis pas seul,
00:27:00qu'elle ait d'utilité publique.
00:27:02J'espère qu'elle a servi et qu'elle continuera à servir la population et surtout toute une jeunesse.
00:27:09C'est ça qui est le plus important.
00:27:12Depuis plus de 25 ans, 1996, que j'ai commencé à être un peu acteur sur le terrain auprès du droit au logement,
00:27:20à l'époque avec ma mère, on a eu des dates clés où l'on pouvait à chaque fois se structurer politiquement.
00:27:28Moi, ça a été 2005.
00:27:30L'histoire Zied et Bouna, c'est vraiment de l'innocence, c'est l'innocence pure là qu'on a perdu à ce moment-là.
00:27:35C'était un moment, pour ma génération, à moi en tout cas, un moment extrêmement important pour faire table rase
00:27:43et se structurer politiquement, même avoir des débats en interne,
00:27:48parce qu'on n'est pas tous d'accord au sein des quartiers populaires sur la politique qu'il faut mener,
00:27:53les priorités, les sujets prioritaires et ainsi de suite.
00:27:55On n'a même pas ces débats-là entre nous, comment on peut se structurer politiquement.
00:27:58Je vous coupe deux secondes, mais c'est aussi un peu le drame,
00:28:00on a tendance à penser les quartiers comme s'ils pensaient comme un seul homme.
00:28:03C'est aussi une vision tout à fait étrange, finalement.
00:28:07Mais c'est ce qui fait que ça devient un désert, parce qu'il n'y a pas l'idée...
00:28:11Alors, je ne suis pas du tout un étudiant, je n'ai jamais m'impliqué dans une université,
00:28:16mais c'est aussi la philosophie politique que l'on veut mener ensemble.
00:28:20C'est de prendre le temps de lire un territoire ou de lire une situation, de lui trouver des solutions.
00:28:27Mais pourquoi est-ce qu'on fait ça ?
00:28:28C'est pour améliorer la condition de vie des gens.
00:28:30Donc les débats que l'on peut avoir, où le soit-il, la fin, la finalité, l'objectif,
00:28:37c'est d'améliorer les conditions de vie des gens.
00:28:39Et c'est ça que j'ai subi, je dis subi au mois de juin 2024,
00:28:43c'est que j'ai vu toute une génération de jeunes, entre 18 et 22 ans, s'exciter,
00:28:49apeurer, comme si ce qu'ils appellent eux aujourd'hui le RN, que nous on appelait hier le FN,
00:28:56comme si c'était le sujet du moment et qu'il fallait là mettre toute son énergie pendant 2-3 semaines
00:29:03pour essayer d'empêcher le méchant d'entrer.
00:29:06Jean-Marie Le Pen est décédé.
00:29:08On découvre à travers les médias qu'il était un sergent ou un lieutenant pendant la guerre d'Algérie.
00:29:16Mais c'était qu'un sergent ou un lieutenant, c'était qu'un soldat.
00:29:19Mais qui était son autorité ?
00:29:21On était dans la 4e ou la 5e République ?
00:29:24Qui était le président de la France, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères ou des armées ?
00:29:30C'était qu'un soldat.
00:29:32Mais il y avait bien un système autour de lui qui le soutenait,
00:29:34qui a autorisé Jean-Marie Le Pen à une époque à se venger au nom de la France, au nom de la raison d'État.
00:29:41Et bien c'est tout ça qu'on est censé, à un moment donné, poser autour de la table et de se dire qu'on n'est pas d'accord.
00:29:48Il peut y avoir dans les quartiers populaires des gens qui pensent plus à droite, d'autres plus à gauche.
00:29:53Mais ce qui compte, c'est comment on vient, en tant qu'autochtones, presque villageois de nos propres villages,
00:30:01et bien travailler le monde de demain, préparer la génération de demain.
00:30:07Quand on en est encore aujourd'hui, en 2024, en 2025 aujourd'hui,
00:30:11mais à se poser la question que notre premier combat, c'est de pousser notre jeunesse à prendre une carte électorale,
00:30:16on est très en retard en réalité.
00:30:18Et la politique, ce n'est pas les méchants et les gentils.
00:30:21C'est prendre ses responsabilités sur un territoire donné.
00:30:25Pourquoi ? Parce que les premières conséquences, et nous qui les subirons, c'est un peu...
00:30:29Je m'écarte un tout petit peu, mais c'est un peu...
00:30:32Les premières victimes aujourd'hui du terrorisme, ce sont les musulmans eux-mêmes, à travers le monde.
00:30:38C'est ça que les chiffres disent.
00:30:39Les premières victimes d'une mauvaise politique au niveau local, ce sont les habitants eux-mêmes.
00:30:45Et c'est à ce moment-là qu'il faut se dire qu'un parachutage, on le choisit,
00:30:49parce qu'on va chercher un super talent venu d'ailleurs, qui a fait un super boulot dans une ville,
00:30:54et lui, on veut le récupérer, ou elle, dans notre ville, dans notre arrondissement,
00:30:58parce que ce qu'il a fait comme boulot de l'autre côté, on veut le même chez nous.
00:31:01Ça, c'est un parachutage qui est intéressant.
00:31:03Pour le reste, c'est aux habitants d'administrer leur ville,
00:31:07de porter haut et fort leurs problématiques et de décider quelles sont les priorités pour elles-mêmes.
00:31:14Donc on voit que vous êtes... On est plutôt sur des profils engagés.
00:31:17Pour autant, la réalité est bien celle d'une abstention massive encore dans les urnes.
00:31:21Exemple à Grigny, où sur 28 000 habitants, les élections municipales,
00:31:24c'est ce que vous dites, se jouent entre environ 3 000 et 3 000 votants.
00:31:29Donc c'est des chiffres qui parlent.
00:31:30Fabien, le désintérêt pour vous, c'est aussi le résultat de grands rendez-vous manqués.
00:31:34On en parlait tout à l'heure, des rendez-vous par le passé.
00:31:36Vous parlez au début de votre enquête de la sidération des habitants de Grigny
00:31:39après les attentats de janvier 2015,
00:31:41renforcée par le fait qu'Amedi, Koulibaly, le terroriste de l'Hypercacher, vient de cette même ville.
00:31:46Alors cette sidération, elle n'a pas été entendue ou même acceptée ?
00:31:49Oui, parce que ce qu'on a beaucoup entendu en janvier 2015,
00:31:53c'est en gros que les quartiers populaires sont absents de l'émotion nationale,
00:31:58avec une sorte de suspicion comme ça, généralisée.
00:32:03Mais en fait, absents d'où ?
00:32:05C'est-à-dire que dans ce genre de débat, on a aussi oublié que la participation,
00:32:10dont on parle depuis le début, à la vie collective, elle est toujours socialement située.
00:32:16Et donc, par exemple, manifester son émotion à travers un tweet,
00:32:20donc le langage écrit, ou à travers une présence dans une manifestation publique à Paris,
00:32:26par exemple, tout ça, c'est socialement situé.
00:32:28Donc c'était des gens d'une certaine classe sociale
00:32:31qui regardaient une certaine forme de participation à l'émotion qui elle-même est socialement située.
00:32:36Vous voyez, il faut déconstruire tout ça.
00:32:38Parce que, par exemple, dans le livre qu'on a écrit avec Jérôme,
00:32:41nous, on arrive à Grigny dans ce moment d'émotion,
00:32:45on arrive à Grigny, comment, le 13 novembre 2015,
00:32:49à travers une association locale grignoise
00:32:53qui s'est montée juste après les attentats,
00:32:58et en fait, dont l'émotion qui était très forte dans la ville, c'était une émotion carrée,
00:33:02parce qu'en fait, il y avait cette sidération que tout le monde a ressentie,
00:33:06parce que c'est des actes terribles,
00:33:08et puis le fait que beaucoup de gens connaissaient Amedi Koulibaly,
00:33:12alors de manière très, très différente d'ailleurs.
00:33:14Et donc, il y avait besoin de faire sortir cette émotion,
00:33:17et cette association, enfin c'est un collectif, ce n'était pas une association au départ,
00:33:21elle a recueilli des messages de parole dans la ville,
00:33:25parce que les gens avaient besoin de s'exprimer.
00:33:27Ces messages, c'était parfois même des dessins,
00:33:30parce qu'il y avait des gens qui ne savent pas écrire,
00:33:32ou il y avait des messages qui étaient écrits avec des fautes d'orthographe,
00:33:35mais qui étaient recueillis en fait par des animaux.
00:33:37Un vrai moment collectif en fait.
00:33:39Oui, et ça, c'est du politique, ça c'est de la vie publique,
00:33:44il y avait plus de 300 messages qu'on a observés, qu'on a analysés,
00:33:49et ça a été le point de démarrage de l'enquête.
00:33:52Donc en fait, le point de démarrage, il est politique,
00:33:55il est lié à cette émotion, mais là, il n'y avait pas un média,
00:33:58toute cette vie effervescente et sociale, elle n'a pas été rendue publique.
00:34:05Je ne dis pas d'ailleurs qu'il faut qu'elle le soit,
00:34:07mais en tout cas, ça dit des choses.
00:34:09Et une chose qui nous a frappés dans ces messages de sidération,
00:34:13et là, on parle vraiment de politique,
00:34:16c'est-à-dire qu'il y avait beaucoup de choses très communes,
00:34:18la paix, l'émotion, la solidarité, etc.
00:34:22Ça, c'est très classique dans tous les endroits de l'espace sociaux,
00:34:26mais dans les mêmes messages,
00:34:28on avait beaucoup de messages sur la stigmatisation.
00:34:31« Grignez-ce n'est pas ci, grignez-ce n'est pas ça, respectez-nous », etc.
00:34:34Donc là, on voit très bien ce que c'est que la politique,
00:34:36la question du stigmate, elle est politique,
00:34:39et les habitants ont associé la réaction des attentats aux attentats en même,
00:34:46enfin la réaction politique,
00:34:47et puis beaucoup de messages dans les mêmes dessins,
00:34:49dans les mêmes messages, sur les problèmes du quotidien,
00:34:53parce que les problèmes du quotidien sont aussi politiques.
00:34:57Mais là, il faut être, je dirais, sur le terrain pour pouvoir le voir,
00:35:01pour pouvoir le capter.
00:35:03Il faut avoir envie, peut-être aussi, de le capter.
00:35:05Alors, ce n'est peut-être pas le meilleur moment lors des attentats de 2015,
00:35:07mais le reste du temps, est-ce que vous avez le sentiment
00:35:10qu'on a envie de comprendre, je vous pose cette question peut-être à vous Dylan,
00:35:15qu'on a envie de comprendre ce qui se passe dans les quartiers ?
00:35:17Est-ce que les politiques ont envie de comprendre ?
00:35:19Je pense qu'un des biais qui a causé pour moi le fait que les problématiques se répètent,
00:35:25c'est que la notion de quartier, en fait, elle a été galvaudée.
00:35:29Donc, ça peut tout et vouloir rien dire.
00:35:30Par exemple, sur les questions éducatives, l'éducation prioritaire,
00:35:34c'est autant une cité de logements sociaux que la résidence pavillonnaire qui est en face.
00:35:41Et donc, le fait d'avoir ce mix de personnes, de structures familiales
00:35:46qui peuvent s'en revendiquer, ça crée aussi, au sein de ces mêmes structures,
00:35:50des dynamiques de prise de pouvoir et de prise de parole.
00:35:53Pour moi, ça, c'est la première chose.
00:35:54Ensuite, il y a un enjeu qu'on retrouve, qui est très criant dans les sujets éducatifs,
00:35:59mais qu'il est dans les sujets sociaux.
00:36:02C'est la question de la prise en compte des sujets liés à la précarité.
00:36:07Et en fait, c'est des sujets qu'on retrouve autant dans les quartiers populaires
00:36:09que dans d'autres territoires, face auxquels, quand on s'intéresse,
00:36:12quand on regarde les solutions politiques qui sont portées,
00:36:14il n'y a rien qui est mis en face.
00:36:16Je pense que la particularité politique de ce qui est appelé quartier populaire,
00:36:20c'est que, comme ça a été dit tout à l'heure,
00:36:22c'est un peu une pierre angulaire de la façon dont on se positionne
00:36:25par rapport au reste de la société.
00:36:27Ça veut dire que les questions éducatives,
00:36:30aujourd'hui, elles sont au cœur des enjeux politiques
00:36:32par le biais de ce qui peut se rapprocher des quartiers populaires.
00:36:35La place de la religion, quand on regarde les enjeux de sécurité,
00:36:41on parle peu de gendarmerie, on parle peu de ce qui se passe,
00:36:43on parle de ce qui se passe en quartier populaire
00:36:46pour pouvoir ensuite se trouver une position sur la scène politique nationale.
00:36:51D'accord, c'est une erreur pour vous, ça ?
00:36:52Ce que ça révèle, c'est juste qu'il y a un manque de travail de fond
00:36:56et qu'il n'y a plus de vision sur le long terme.
00:36:58Il y a peu de politiques, finalement, qui peuvent dire
00:37:00que la vision pour le pays, la vision pour la population,
00:37:03dans dix ans, ça doit ressembler à ça, sur tous les sujets, d'ailleurs.
00:37:06Ce qui ressort de vos témoignages et aussi de vos ouvrages à tous les deux,
00:37:10c'est qu'il y a un socle commun très fort quand même aux habitants des quartiers.
00:37:14Comment transformer ça en mouvement politique ?
00:37:16Parce qu'il y a quand même un point de départ qui est quand même assez marqué,
00:37:19qu'on ne trouve pas forcément ailleurs dans la société.
00:37:22Déjà, il va falloir considérer que les quartiers,
00:37:26les habitants des quartiers n'ont pas une pensée monolithique.
00:37:29Il va falloir considérer les gens, pas comme un tout,
00:37:32mais aussi dans leur individualité.
00:37:33Il va falloir considérer que...
00:37:34Mais ça peut aussi être votre force, d'avoir un destin commun,
00:37:37de vivre les mêmes choses, c'est-à-dire la stigmatisation, la précarité.
00:37:41C'est aussi votre destin commun.
00:37:42Exactement.
00:37:43Et je pense, justement, c'est là où je voulais en venir,
00:37:46c'est que je pense qu'il va falloir, et Bakary le disait tout à l'heure,
00:37:49qu'on commence à discuter ensemble et à débattre
00:37:52parce qu'on n'a pas les mêmes pensées.
00:37:54Il va falloir aussi se départir des partis politiques classiques
00:37:57qui nous considèrent comme un électorat acquis.
00:38:00Ce chose qui n'est pas le cas.
00:38:02Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle,
00:38:05souvent, on nous arrache les portes parola,
00:38:07la représentation politique et que les parachutages s'organisent.
00:38:11Cette logique de parachutage, ce qui, comme le disait Dylan tout à l'heure,
00:38:15est quand même la preuve d'un certain mépris.
00:38:20Moi, je pense que pour y arriver,
00:38:22il va falloir peut-être s'organiser un mouvement politique.
00:38:24Mais le mouvement politique ne peut pas juste s'occuper des quartiers
00:38:28si on veut avoir une ambition nationale.
00:38:30Parce que la France, la majorité de la France du territoire national,
00:38:33ce n'est pas les quartiers populaires.
00:38:35Et ça, on le voit en termes d'électorat.
00:38:37Et c'est vrai que nous, en tant que personnes engagées sur le terrain,
00:38:41on a l'impression que, parce qu'on est dans une bulle aussi de pensée
00:38:45et qu'on est dans notre bulle, tout simplement,
00:38:47comme tout le monde peut être dans sa bulle, naturellement,
00:38:50on a l'impression que c'est toute la France qui peut se saisir de certains sujets
00:38:57ou qu'en créant un mouvement politique qui représente uniquement les quartiers,
00:39:02on va peser au niveau national.
00:39:04Ce n'est pas forcément le cas.
00:39:05Moi, je pense que la meilleure des stratégies,
00:39:08je suis peut-être naïve ou alors même optimiste là-dessus,
00:39:13et je pense que je suis trop optimiste,
00:39:15c'est peut-être que chacun,
00:39:17chaque personne engagée sur le terrain dans les quartiers populaires
00:39:20qui veut s'engager sur ce politique,
00:39:21s'engage dans le parti qui lui convient peut-être le mieux
00:39:24et à travers ces partis-là,
00:39:27fasse émerger une véritable réflexion
00:39:30sur comment on peut proposer des politiques publiques sur le long terme
00:39:34pour régler tous ces problèmes-là.
00:39:36Et cela n'empêche pas que chacun, étant dans son propre parti politique,
00:39:40continue à discuter avec son semblable des quartiers populaires
00:39:45pour discuter ensemble des forces à mettre en commun
00:39:48pour mettre en œuvre ces politiques publiques.
00:39:51C'est ce que vous avez essayé de faire.
00:39:52C'est ce que j'essaye de faire toujours.
00:39:54C'est ce que vous essayez de faire.
00:39:54Parce que même en ayant quitté Les Jeunes avec Macron,
00:39:57c'est l'objet de mes week-ends.
00:40:01Mais alors, quelle difficulté, concrètement,
00:40:03quelle difficulté vous avez rencontrée en tant que jeune femme politique ultra motivée
00:40:08venant de la Cité des Cosmonautes
00:40:09et voulant vous engager au niveau local et national ?
00:40:12Ça fait beaucoup.
00:40:13Ah oui, oui.
00:40:14Alors, moi, je pense que la principale difficulté,
00:40:20ça va être le réseau.
00:40:21Et ça, le réseau, le capital, le capital social,
00:40:26ça, on ne l'a pas forcément.
00:40:27Et le capital social revient,
00:40:29est très rattaché au capital économique, culturel, etc.
00:40:34Ça, c'est quelque chose qui m'a fortement manqué.
00:40:35Je pense que c'est le cas de pas mal de personnes.
00:40:37Et être issue du 93,
00:40:39c'est pas être issue de la Corrèze ou de la Creuse.
00:40:43Même si on peut être confronté à quelques mêmes problématiques,
00:40:48on ne représente pas la même chose.
00:40:50Et vous n'avez pas le droit à la médiocrité,
00:40:53bien que pas mal de personnes s'arrangent le droit de l'avoir.
00:40:57Ça, c'est des choses qui, en cumulé, font comprendre qu'il y a comme un petit système
00:41:03qui est mis en place pour empêcher des personnes
00:41:06qui sont issues de certains quartiers d'émerger politiquement parlant.
00:41:10Donc ça, vous parlez pour votre génération.
00:41:14Bakary, vous avez un tout petit peu plus âgé que Aminata.
00:41:19Vous, vous avez fait le constat, vous en parlez dans votre livre,
00:41:21il s'est repassé dix ans depuis,
00:41:23d'un échec de votre génération à capitaliser sur des moments forts.
00:41:26Et vous faites finalement aux figures des quartiers de votre génération
00:41:29la même critique qui est souvent faite aux hommes politiques,
00:41:31c'est-à-dire une vision à court terme pour servir des intérêts individuels.
00:41:34Comment on fait pour éviter ces écueils-là ?
00:41:37Qu'est-ce qu'il s'agit d'amorcer aujourd'hui pour ne pas retomber dans ces travers-là ?
00:41:43Il faut accepter, je pense, et c'est mon discours auprès des plus jeunes,
00:41:47il faut accepter qu'on ne sait pas,
00:41:49qu'on ne comprend pas tout le mécanisme politique.
00:41:52De ce fait, il faut prendre le temps d'apprendre.
00:41:58L'apprentissage passe par l'écoute.
00:42:00L'observation.
00:42:02Accepter que ceux qui ont échoué hier,
00:42:03leur expérience nous est nécessaire aujourd'hui.
00:42:07Ceux qui ont à moitié réussi hier,
00:42:10idem, ils sont mieux à même d'accompagner la toute nouvelle génération aujourd'hui.
00:42:16Et on a un problème de leadership.
00:42:18On a un problème aujourd'hui qu'on a des hommes et des femmes ultra volontaires,
00:42:23très intelligents, déterminés dans nos quartiers.
00:42:27Mais on ne prend pas le temps de les structurer,
00:42:32de les accompagner, de les soutenir pour qu'à un moment donné,
00:42:37tous ces débats, toute cette énergie,
00:42:39toute cette réflexion puissent devenir destin commun,
00:42:42un parti en commun qui vient défendre des intérêts communs du sud de la France
00:42:48jusque dans le nord, de l'est à l'ouest.
00:42:50Tous territoires qui relèvent les mêmes types de problématiques
00:42:54portées par un mouvement avec du leadership à l'intérieur
00:42:59et des gens aussi en qui on fait absolument confiance.
00:43:03C'est aussi ça la politique.
00:43:05C'est aussi d'arrêter d'avoir des discussions de café, de comptoir,
00:43:11en disant les politiques sont tous décorrompues.
00:43:12À un moment donné, chez nous,
00:43:14nous devons élire des gens qu'on a confiance, que l'on accompagne.
00:43:19On aura un peu de déception,
00:43:21mais au moins les objectifs, on les atteindra au fur et à mesure.
00:43:24Et de génération en génération, jusqu'à ce que,
00:43:26Frantz Fanon le dit très bien, c'est chercher sa mission.
00:43:32Et après, il y a deux solutions.
00:43:33Ou on l'accomplit, on vient l'honorer ou on la trahit, tout simplement.
00:43:37Mais au moins, on fait les causes pour faire et accompagner
00:43:42l'émergence de nouveaux leaders,
00:43:45des hommes et des jeunes femmes ultra talentueux et talentueuses.
00:43:49Et on vient les soutenir.
00:43:50Moi, ça y est, mon temps, entre guillemets, est un peu passé.
00:43:53À 25 ans, ça aurait été cohérent
00:43:56que je sois dans une liste de leaders de quartier populaire.
00:44:00Aujourd'hui, je ne peux que l'accompagner, que la soutenir,
00:44:02partager mon expérience,
00:44:04parce que mon expérience est faite de 80-10% d'échecs.
00:44:08Mais c'est ça aussi qui fait l'homme que je suis aujourd'hui
00:44:11et qui arrive à administrer les projets que je porte aujourd'hui.
00:44:14Mais on n'a pas de leaders dans nos territoires,
00:44:16dans le sens de, on n'en a pas parce qu'on ne les a pas encore mis en lumière.
00:44:20Mais ils existent, ils sont là.
00:44:22Et des fois, c'est le plus timide qu'on ne va pas chercher,
00:44:26parce qu'on laisse peut-être des fois trop la parole,
00:44:29au sein des quartiers populaires aussi, à des gens pour qui on n'a pas voté,
00:44:34à qui on n'a pas demandé de venir nous représenter.
00:44:36C'est parce qu'ils se surmédiatisent déjà eux-mêmes sur les réseaux sociaux.
00:44:40Mais on en a plein d'autres qui font un travail juste incroyable sur le territoire.
00:44:44Mais c'est aux gens autour de ces personnalités-là,
00:44:48de les porter en leur disant, c'est toi qui vas nous représenter
00:44:51et on est avec toi.
00:44:52Et en cas de difficulté, on te soutient.
00:44:54Et si ça ne fonctionne pas, on leur a tenté le coup.
00:44:57C'est ça aussi l'histoire du monde.
00:44:59Il n'y a pas d'échec, on tente les choses.
00:45:01Et juste, on y met du cœur et on va jusqu'au bout de ses objectifs.
00:45:05Dylan, vous êtes parti dans une autre direction,
00:45:09c'est un peu la politique autrement.
00:45:10C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous travaillez sur le plaidoyer.
00:45:13C'est-à-dire que vous avez des sujets que vous voulez défendre
00:45:16et vous les défendez auprès des députés, auprès des décideurs,
00:45:20en leur expliquant les termes, etc.
00:45:22Comment vous vous êtes formé déjà ?
00:45:24Parce que ce n'était pas du tout votre...
00:45:25On parle de connaissances, de formations.
00:45:27Comment vous vous êtes formé à ces rouages politiques
00:45:30et comment vous l'utilisez aujourd'hui ?
00:45:33Alors, si je peux rapidement revenir sur ce que disait Bakary,
00:45:39moi ça me...
00:45:41On est à Sciences Po, qui est une école qui avait lancé
00:45:44une politique d'ouverture sociale, convention d'éducation prioritaire.
00:45:47En 2016, il y a un rapport qui sort qui raconte
00:45:50comment 40% des bénéficiaires de ces dispositifs-là
00:45:53sont issus de CSP+.
00:45:55C'est-à-dire qu'un des premiers travails,
00:45:56c'est aussi de se regarder en face et dire,
00:46:00dans la masse des gens qui se revendiquent
00:46:02de milieux défavorisés aux autres quartiers populaires,
00:46:04qui dit vrai, qui dit faux.
00:46:06Parce qu'on a aussi des gens issus d'immigration
00:46:07qui sont des CSP+, très clairement.
00:46:09Et de façon...
00:46:13Par réflexe, c'est aussi des personnes qui vont prendre de l'espace.
00:46:16Et donc, nous, on a eu cet enjeu
00:46:19dans la façon dont on a structuré notre association,
00:46:22qu'on a pensé uniquement avec l'ambition
00:46:26de la transformation politique publique.
00:46:28Moi, j'ai pas un parcours scolaire
00:46:32qui m'a permis de me développer à ce niveau-là.
00:46:36Donc, en fait, j'ai rattrapé plein de lacunes
00:46:39en mangeant plein de vidéos d'émissions anciennes.
00:46:42Et je pense que sur la forme, c'est ça qui a énormément compté,
00:46:44c'est de voir des personnes s'exprimer.
00:46:46Et donc, de prendre exemple sur elles.
00:46:50L'association, on l'a créée parce que, nous,
00:46:52on est issus de ces trajectoires-là,
00:46:54qui sont des trajectoires qui sont soit celles d'échecs scolaires,
00:46:57soit celles de décrochages scolaires,
00:46:59mais qui sont des trajectoires de jeunes
00:47:01qui sont passées par des voies qu'ils n'avaient pas choisies.
00:47:05Et en même temps, on s'est dit,
00:47:07comment est-ce qu'on arrive à ne pas se limiter à la colère ?
00:47:11Comment est-ce qu'on arrive à ne pas se limiter à la colère ?
00:47:13Et comment est-ce que notre action...
00:47:14C'est tout l'enjeu, là, j'ai l'impression, en fait,
00:47:16de comment la colère, le constat d'une situation peut se transformer.
00:47:19Absolument. Et en fait, pour moi, ça se règle en termes de politique publique.
00:47:23Ça veut dire que, soit on décide de se cantonner à l'émotion.
00:47:27Donc, comme tu le disais,
00:47:29il y a des gens qui pensent qu'il y a les gentils et les méchants.
00:47:32Soit on se décide de dire, il y a des structures,
00:47:36des organisations, des entreprises
00:47:37dont le rôle est de pouvoir pénétrer les politiques publiques
00:47:40sur des objectifs très précis, très chiffrés, très détaillés.
00:47:43Eh bien, faisons la même chose.
00:47:44Et donc, soyons capables de dire,
00:47:46demain, dans le Val d'Oise, il y a une réforme du Conseil départemental
00:47:51qui va toucher à cette subvention.
00:47:52Comment est-ce qu'on se mobilise pour pouvoir la toucher ?
00:47:54Et on fait des tableaux d'élus et on va les voir.
00:47:56Et nous, ça a été le premier enjeu de se départir de l'émotion
00:48:00qui était la nôtre, en tant qu'ancien élève de lycée professionnel,
00:48:03de dire, quand on va aller voir un interlocuteur,
00:48:04on ne va pas le voir que en tant qu'ancien élève de lycée pro,
00:48:08mais on va le voir en tant que personne qui a objectivé sa propre histoire
00:48:12pour avoir une analyse objective de la situation globale et en disant,
00:48:17nous, on peut aller parler à des élus de droite, de gauche, du centre,
00:48:20tant qu'on sait que ça peut être efficace en termes de transformation publique.
00:48:23Vous êtes dépolitisé, en fait, d'une certaine manière
00:48:25pour pouvoir faire avancer vos points de vue politiques.
00:48:28C'est comme ça que je l'entends.
00:48:29C'est ça. Si on regarde l'histoire du lobbying récent,
00:48:32il y a des entreprises, nous, on ne le fera pas,
00:48:33mais il y a des entreprises qui n'hésitent pas à aller voir
00:48:35des élus du Rassemblement national parce qu'elles savent que,
00:48:38en fait, on peut dire ce qu'on veut,
00:48:39leur voix, elle va les protéger par un amendement.
00:48:42Et que ça, ça va les protéger de pertes de millions d'euros.
00:48:46Nous, il faut qu'on arrive à se dire comment est-ce qu'on arrive
00:48:47à transformer les politiques publiques sur des sujets techniques
00:48:50et sur des sujets précisément sur lesquels on ne nous attend pas.
00:48:52Nous, on parle d'éducation, on parle de voie professionnelle,
00:48:55mais en fait, ça peut se faire sur plein d'autres choses.
00:48:56Il y a tellement de sujets qui sont débattus dans la bataille politique
00:49:00sur lesquels on pourrait se positionner.
00:49:03En fait, vous avez des nouveaux modèles d'action, c'est ce que j'entends.
00:49:06C'est que vous sortez aussi peut-être des logiques des anciens
00:49:09qui étaient très politisés, qui étaient rattachées
00:49:11à des partis politiques très installés dans les quartiers.
00:49:13Vous créez des nouveaux modèles d'action.
00:49:14La réflexion, elle est simple.
00:49:16En 40 ans, est-ce que ça va mieux ?
00:49:19Malgré les milliards qui ont été mis sur la table,
00:49:21malgré les tas de discours qui ont été portés, est-ce que ça va mieux ?
00:49:24Et pourquoi est-ce que ça ne va pas mieux ?
00:49:25Parce qu'à chaque fois, les politiques, elles sont pensées dans l'urgence.
00:49:27Parce que les responsables ne se disent pas forcément
00:49:30qu'il y a des personnes qui vont pouvoir venir derrière eux
00:49:32et leur dire qu'il y a telle réforme qu'il faut faire passer,
00:49:34qu'il y a tel amendement qu'il faut faire passer,
00:49:35que dans le projet de loi de budget,
00:49:37il y a tel texte sur lequel il faut se positionner.
00:49:39Ça, c'est le constat.
00:49:41Je regardais un petit reportage sur la marche de 4x3.
00:49:44En fait, c'est terrible de voir que, malgré tout,
00:49:48l'histoire se répète, année après année, l'histoire se répète.
00:49:53Une des choses sur laquelle on s'est trop peu aventuré,
00:49:58c'est l'enjeu de la transformation de la politique publique.
00:50:01Et donc, se dire qu'on est des apprentis lobbyistes,
00:50:04on a des outils qui nous permettent de faire de la veille parlementaire,
00:50:07de faire un travail de fond quand on est sérieux sur le sujet
00:50:12et en même temps, un travail de forme.
00:50:14Et on va aller gagner, on va aller obtenir des victoires,
00:50:16on va aller obtenir des gains parce que c'est ce qu'il y a de plus concret.
00:50:19Nous, nos actions, elles peuvent être éphémères.
00:50:23Comme nous, on est éphémères sur le plan humain,
00:50:26on est éphémères.
00:50:27En revanche, ce qui reste, en tout cas, ce qui peut rester,
00:50:29c'est les actes et c'est les transformations durables.
00:50:31Et la meilleure des transformations durables, c'est la politique publique.
00:50:34Ça demande un certain niveau de technicité quand même,
00:50:36qui n'est pas forcément donné à tout le monde.
00:50:38Justement, c'est un travail, mais en fait, c'est un truc qui est tellement accessible.
00:50:42Moi, du coup, vous me posiez la question de comment est-ce que je me suis formé.
00:50:46Il se trouve que quand j'étais en lycée pro,
00:50:49j'ai fait une rencontre qui m'a permis de faire un stage dans une agence de lobbying.
00:50:54Et en fait, ce dont je me rends compte, c'est que pour caricaturer,
00:50:58c'est un travail qui consiste à déjeuner et à dîner
00:51:01et à faire passer des idées.
00:51:03Et en fait, ça, c'est à la portée de tout le monde.
00:51:04Ça veut dire que tous les problèmes qu'on rencontre au quotidien,
00:51:07c'est des sujets de politique publique.
00:51:08Une proposition de loi aujourd'hui, c'est une idée, chaque GPT.
00:51:12C'est comme ça que ça se passe.
00:51:13Une idée, chaque GPT.
00:51:14Ensuite, ça se coordonne avec la législation
00:51:17et ce qui existe sur le plan des textes et des codes.
00:51:20Et c'est déposé à l'Assemblée nationale.
00:51:21Une question écrite au gouvernement,
00:51:23il y a des députés qui ne regardent même pas ce qu'on leur envoie et qui les déposent.
00:51:26En fait, ça, on peut tous le faire parce qu'on a tous des problèmes
00:51:28et tous des solutions qu'on imagine face à ces problèmes-là.
00:51:31Nous, on a été orienté dans des filières sans l'avoir choisi.
00:51:34Et pourquoi est-ce qu'aujourd'hui,
00:51:36on ne pourrait pas dire le dernier mot aux élèves et aux familles
00:51:37pour l'orientation enfant de troisième ?
00:51:39Et ça, ça caractérise une question écrite au gouvernement.
00:51:42Ça pourrait caractériser une proposition de loi.
00:51:44Et en fait, ça, c'est à la portée de tout le monde.
00:51:48C'est ça, Bakary, l'action discrète, efficace que vous imaginez.
00:51:50Ça illustre bien.
00:51:53Absolument.
00:51:54Et même le terme de dépolitiser, c'est un peu la pensée René Descartes.
00:51:58C'est de revenir aux principes de base,
00:52:01d'accepter que c'est comme ça que ça fonctionne,
00:52:03que le jeu politique français, il est particulier.
00:52:05C'est comme ça qu'il fonctionne.
00:52:07Et effectivement, on utilise les cartes qui nous sont mis à disposition
00:52:12et on joue avec celles-là.
00:52:14Mais il faut maîtriser le jeu et le comprendre.
00:52:16C'est ça qui est vraiment extrêmement important.
00:52:18Et c'est là que va émerger naturellement les leaders de demain
00:52:23qui seront capables de porter le message.
00:52:25Travailler sur, non pas, il faut un système de pompiers,
00:52:29donc d'urgence, mais surtout, et c'est là que ça devient intéressant,
00:52:3390% de nos temps, il est consacré au monde de demain.
00:52:36Parce que les politiques aujourd'hui qui sont menées,
00:52:38si elles nous maîtrisent aujourd'hui et méprisent pour le coup,
00:52:43c'est parce qu'elles pensent le monde de demain.
00:52:45Le FN n'est pas devenu le RN.
00:52:47Son fondateur n'est pas mort et la pensée ne continue pas.
00:52:50S'ils étaient que dans l'urgence,
00:52:52ils ont pensé leur mouvement.
00:52:55Ils ont réussi même à se dépouiller d'antisémitisme,
00:52:59de xénophobie, de racisme pour devenir des patriotes.
00:53:03Ça, c'est vraiment la cerise sur le gâteau que d'avoir réussi à faire ça.
00:53:07Mais ils ont pensé leur projet, faire émerger des leaders
00:53:12et qu'on l'apprécie ou pas.
00:53:14Moi, je ne sais pas du tout qui est ce jeune homme,
00:53:16mais j'ai beaucoup entendu son nom l'année dernière, le jeune Bardella.
00:53:20Je ne sais pas du tout qui il est, ce qu'il fait, d'où est-ce qu'il vient.
00:53:23On commence à savoir un peu ce qu'il fait, mais oui.
00:53:24Moi, je ne suis pas, vraiment, je ne suis pas la preuve.
00:53:27J'ai même découvert la participation de Jean-Marie Le Pen sur la guerre d'Algérie.
00:53:30J'ai découvert, là, au mois de janvier 2025.
00:53:32Je n'en savais absolument rien parce que l'homme ne m'intéresse pas.
00:53:35C'est-à-dire que si je dois donner du temps à des personnages,
00:53:38ce n'est pas Jean-Marie Le Pen.
00:53:38Croyez-moi, il y a d'autres personnes dans ce monde.
00:53:42Plutôt Frantz Fanon.
00:53:43Vraiment, il faut que je félicite tous ces écrits
00:53:46que d'aller donner ne serait-ce que quelques secondes à Jean-Marie Le Pen.
00:53:49Mais je découvre ce nom et je me dis, ce parti fait émerger
00:53:53ses talents de demain, ses leaders de demain.
00:53:56Et c'est OK pour eux.
00:53:58C'est OK pour eux.
00:53:59Eh bien, comment est-ce qu'on fait pour que, dans les différents programmes,
00:54:03on arrive à sortir des talents de ce que dit Lanphée ?
00:54:07Minatta a une expérience de la Genèse qui accompagne l'élection du président de la République.
00:54:14Elle en tire une expérience.
00:54:15C'est cette expérience dont on a besoin aujourd'hui pour créer les leaders de demain.
00:54:20C'est ça la réalité.
00:54:22Il faut se dépouiller de la passion pour être plus dans la raison.
00:54:26Et c'est par la raison qu'on arrivera à débloquer notre situation.
00:54:30Toute dernière question.
00:54:31Demain, politique.
00:54:32Le premier sujet que vous mettez sur la table, Minatta ?
00:54:35Le premier sujet, peut-être la précarité.
00:54:38Parce qu'il y a quand même un accroissement des inégalités.
00:54:41Et je pense que par l'accroissement des inégalités,
00:54:45il y a une demande plus forte de services publics, peut-être,
00:54:48de l'intervention de l'État aussi.
00:54:51Et l'accroissement des inégalités favorise aussi la division
00:54:57de la part de certains partis qui vont justement en profiter pour dire
00:55:01nous avons tel, tel, tel bouc émissaire,
00:55:03plutôt que de vraiment questionner peut-être la redistribution des richesses,
00:55:07qui est le fondement crucial.
00:55:10Et peut-être accompagner aussi, et c'est quelque chose que j'avais porté,
00:55:15peut-être de la sanctuarisation de l'éducation civique.
00:55:18Parce que l'école, c'est quand même le creuset de la République de la Nation.
00:55:22Et je pense que par l'éducation civique, on pourrait peut-être,
00:55:27si elle était sanctuarisée, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui,
00:55:30permettre d'avoir une certaine unité après toute cette division.
00:55:34Mais ça encore, c'est parce que je suis optimiste.
00:55:37Là encore, Fabien ?
00:55:39Vous n'êtes pas politique, je suis désolée, mais je vous amène sur notre terrain.
00:55:43Pour les quartiers populaires, l'accès aux droits communs, tout simplement.
00:55:46On parle très souvent, médiatiquement, pour les quartiers populaires,
00:55:50de zone de non-droit, comme si le droit n'était pas respecté, bafoué, etc.
00:55:54Alors que la réalité des quartiers populaires, c'est qu'il n'y a pas un accès
00:55:58aux droits communs de base, en fait, mais vraiment de base.
00:56:01Il y a un désengagement très fort de l'État que vous avez observé sur les dix dernières années.
00:56:05Et puis, comme les quartiers populaires sont des lieux qui se vident de leurs ressources,
00:56:11c'est-à-dire que dès que des habitantes et des habitantes sont un peu en situation de réussite,
00:56:14ils quittent, ils déménagent et sont remplacés par des personnes qui sont en plus grande précarité.
00:56:18En fait, la réalité des quartiers populaires, c'est des lieux ultra dynamiques,
00:56:22qui se régénèrent tout le temps, mais dans la régénération,
00:56:26avec des populations qui arrivent plus précarisées, avec plus de difficultés.
00:56:30Et donc, quand on regarde très concrètement, en fait, tu parlais de politique publique, etc.,
00:56:35c'est la problématique des quartiers populaires, c'est l'accès aux droits communs.
00:56:37Je vous donne juste un exemple sur Grigny.
00:56:40Par exemple, Grigny, plus de 30 000 habitants, un seul pédiatre.
00:56:43C'est impensable.
00:56:46Ça, c'est pas de lycée.
00:56:49Le commissariat ouvert que le vendredi après-midi.
00:56:52En même temps, beaucoup de raids policiers dans l'espace public.
00:56:56Ça, c'est pas du droit commun normal.
00:56:59C'est pas le droit commun tel qu'il a été établi au niveau national
00:57:03et tel qu'il se déploie dans d'autres espaces sociaux.
00:57:07Donc, revenir peut-être à la base, en fait.
00:57:11Dylan, une idée ?
00:57:13Ça serait l'école.
00:57:15Ça serait repenser l'école de fond en comble,
00:57:17parce qu'on n'a plus forcément de vision de ce à quoi elle sert et à qui est-ce qu'elle sert.
00:57:23Je pense qu'il y a, comme Aminata le disait, c'est le fondement de tout.
00:57:29Et quand on a une école qui est inégale partout sur le territoire,
00:57:31on en a les fruits un peu pourris.
00:57:32On l'a vu sur les dernières années.
00:57:34Nous, on travaille sur un sujet d'enclave sociale dans l'école.
00:57:38Mais en fait, ça raconte toute l'histoire sociale française.
00:57:41L'égalité des chances, c'est pas un concept qui est encore...
00:57:44C'est pas un concept qui est réel.
00:57:47Et puis, ça l'est pour personne.
00:57:49Et je pense que c'est aussi des ponts qu'il y a à faire.
00:57:53Les habitants des quartiers populaires
00:57:56ou en tout cas, les habitants de milieux populaires en territoire urbain,
00:57:59je pense qu'une des solutions, c'est aussi de trouver des...
00:58:04Enfin, de raconter les points communs qu'il y a avec les autres populations
00:58:07qui sont pauvres sur le territoire et qui, parfois, sont opposées à nous.
00:58:12Bakary, le mot de la fin, c'est pour vous.
00:58:14Moi, le même sujet depuis toujours, c'est l'accès...
00:58:20C'est les sciences, c'est la connaissance.
00:58:23C'est pour moi presque la...
00:58:26Encore une fois, j'ai jamais mis mes pieds dans une université.
00:58:28J'ai pas passé de bac ni rien.
00:58:30C'est pas la philosophie de la linguistique.
00:58:33C'est la philosophie des concepts, du conceptuel.
00:58:36C'est pas se prendre la tête, surjongler avec plein de mots compliqués
00:58:42que personne ne comprend.
00:58:43Mais c'est donner l'accès à des concepts que l'on peut pratiquer.
00:58:47C'est se procurer une canne à pêche, apprendre à pêcher
00:58:51et s'alimenter, alimenter sa famille.
00:58:55Et là, si on reste dans notre sujet, c'est...
00:58:57Est-ce que celui qui sait, celui qui a de la connaissance,
00:59:01est semblable à celui qui ne sait pas ?
00:59:02Enfin, le monde se divise en deux à ce niveau-là.
00:59:06Donc, c'est les sciences.
00:59:07Ça passe par l'éducation et les écoles.
00:59:09Ça passe par le bien commun.
00:59:10Mais qu'est-ce que ça veut dire ? De quoi est-ce qu'on parle ?
00:59:12Et comment on arrive à cartographier un territoire
00:59:14et se dire qu'en fait, Grigny, c'est comme un petit village.
00:59:18C'est un désert médical.
00:59:20Il y a un seul pédiatre pour 30 000 habitants.
00:59:22Donc, qu'est-ce qu'on demande aux gens exactement de ne plus faire d'enfants ?
00:59:25C'est ça, les sujets aujourd'hui de fond.
00:59:28C'est vraiment les sciences.
00:59:29Il faut absolument...
00:59:30Et je ne dis pas que nous n'avons pas de connaissances.
00:59:32C'est absolument pas ça.
00:59:34Mais c'est comment on structure notre connaissance,
00:59:37comment on devient des Marvel et des Avengers de la connaissance,
00:59:42comment on réunit des gens qui savent.
00:59:44Et de là, on construit vraiment le monde de demain.
00:59:48Les Avengers de la politique.
00:59:50Un nouveau nom de partie, peut-être, pour la suite.
00:59:54On espère que ce sera entendu.
00:59:55Merci à vous tous de votre présence.
00:59:57Merci à Sciences Po pour l'accueil dans ce lieu.
01:00:00C'était Au micro, une émission télé et podcast
01:00:03à retrouver sur toutes les plateformes.
01:00:05À très bientôt.