00:00Transformation digitale, transition numérique ou même quatrième révolution industrielle,
00:10derrière ces termes se cache une réalité pour l'ensemble de nos entreprises, de nos
00:15administrations et pour chacun d'entre nous. Le numérique dans tous ses états, c'est une
00:20série de podcasts que je vous propose pour mieux appréhender la transformation numérique
00:24publique à travers des histoires et des témoignages concrets des agents publics qui
00:28la vivent au quotidien. Je suis Awad Daniel, suivez-moi et entrons dans le monde numérique.
00:33Le ministère de la justice s'est engagé dans une ambitieuse restructuration de ses modes de
00:39fonctionnement et le programme procédure pénale numérique s'inscrit donc dans cette révolution.
00:43Comment s'est-elle déployée au sein des administrations et quelles sont les
00:48perspectives d'avenir ? Afid Boulakras, ancien directeur du programme procédure pénale numérique
00:53et Charlène Vanpouille, ancienne chargée de mission du déploiement de la PPN,
00:57viendront répondre à ces questions. Le numérique dans tous ses états.
01:01Afid Boulakras, vous êtes l'ancien directeur du programme procédure pénale numérique. Pour
01:08commencer cet épisode, quelle a été la jeunesse de ce programme ?
01:11Ça a commencé surtout en janvier 2018 par une promesse ou en tout cas par une
01:17déclaration présidentielle. Le président de la République se rend notamment à l'occasion de
01:24l'audience de rentrée solennelle de la cour de cassation et notamment annonce qu'en quatre ans,
01:29la procédure pénale sur le territoire national devra connaître une transformation qui est une
01:35transformation numérique. On n'a pu commencer les expérimentations et commencer le projet que
01:39parce que nous avions un sponsoring qui était un sponsoring de ce niveau-là, c'est-à-dire un
01:43sponsoring présidentiel avec une promesse politique qui était forte. Vous voyez que ça
01:47a pris du temps de partir de la promesse présidentielle pour arriver à 2019 des
01:52expérimentations parce que nous devions nous assurer que nous avions des préalables qui étaient
01:56respectés. Charlène Van Pouy, vous étiez chargée du déploiement du programme procédure pénale
02:06numérique. Pourquoi les choix d'Amiens et de Blois pour lancer les premières expérimentations en
02:132019 ? Le choix des juridictions expérimentales d'Amiens et de Blois a été fait à la fois parce
02:21qu'on savait qu'on avait un appui quand même au moins des chefs de juridiction sur ces ressorts,
02:26également parce que c'était des juridictions qui a priori n'étaient pas en souffrance au niveau des
02:32ressources humaines ou au niveau des stocks et donc qui allaient pouvoir accueillir de manière
02:37peut-être plus favorable que d'autres l'arrivée d'un projet de transformation numérique. Nous
02:42avons procédé en plusieurs étapes puisque dans un premier temps nous nous sommes rendus dans
02:46chacun des deux tribunaux pour rencontrer l'ensemble des services de la chaîne pénale où nous avons
02:52fait des réunions pour essayer de comprendre comment ils fonctionnaient dans un monde de
02:55papier et comment ils allaient pouvoir fonctionner dans un monde numérique donc en essayant de voir
03:01ce qu'il fallait absolument sauvegarder qui était indispensable à la fois pour la fluidité dans
03:06l'organisation des services mais aussi pour être en accord avec le code de procédure pénale et
03:11également voir ce qui pouvait être gommé et qui était des irritants dans un monde papier et
03:15comment le numérique allait pouvoir éventuellement répondre aux attentes des agents de pouvoir se
03:20recentrer sur leur cœur de métier. À Fidboulakras, qu'est-ce qu'on veut dire exactement par
03:25expérimentation ? Une expérimentation c'est je prends les outils, je les mets sur le terrain,
03:30si empiriquement ça ne fonctionne pas, en fait j'arrête et je prends la responsabilité d'arrêter
03:36le projet. À l'inverse, si je vois des leviers qu'il faut simplement modifier pour aller vers un
03:41résultat qui est un résultat probant, dans ce cas-là, je peux continuer et je crois que
03:47cette maturité a justifié qu'on ait un alignement et des réunions très importantes au sein du
03:52ministère pendant quasiment une année. Charlène, vous aviez un rôle véritablement opérationnel sur
03:59le terrain auprès des acteurs de ces expérimentations, comment se sont passés ces premiers contacts ?
04:06La majorité des personnes qui au quotidien avaient à gérer la procédure pénale numérique était de
04:11prime abord relativement réticent parce que nous arrivions dans un écosystème technologique et
04:17numérique qui était très délicent, qui était très dysfonctionnant et donc les réactions étaient
04:23plutôt essayer déjà de faire en sorte que ce que vous nous donnez fonctionne au lieu d'essayer de
04:28nous envoyer sur une autre aire pour laquelle nous ne sommes pas prêts. Heureusement, parmi quand même
04:34les agents, il y avait des personnes qui étaient en attente de ces évolutions et donc qui ont pu
04:38être des relais sur le terrain. Lorsque l'on déploie, il y a les attentistes, ceux qui se disent
04:44je suis ni pour ni contre et j'attends de voir comment ça se passe, les réticents qui, avant
04:49même que l'on arrive, nous disent ça ne va pas marcher et je ne veux pas de ce que vous me donnez,
04:53et ceux qui sont plutôt optimistes et qui attendaient ça avec impatience. Dans ce type de contexte,
05:00comment est-ce qu'on arrive à gérer des profils d'agents aussi différents ? Il fallait à chaque
05:05fois individualiser et prendre en compte les différentes attentes des agents et je pense que
05:12la manière que nous avons eu de les accompagner a été dans un premier temps d'être extrêmement
05:16présents sur le terrain. Nous avions des équipes dédiées au déploiement qui n'étaient pas 7 jours
05:23sur 7 en juridiction, mais toutes les semaines étaient là, deux à trois fois par semaine pour
05:29être auprès des agents, pour présenter les dispositifs, pour faire des démonstrations au
05:34niveau des outils, pour les former et pour les accompagner le jour où on ouvrait le service,
05:40afin de les rassurer, de leur montrer comment cela fonctionnait et d'assurer une présence.
05:45Afid, en lumière de ce qu'on vient d'entendre, la formation semble donc être une des clés
05:55derrière la réussite du programme. Si je dois pouvoir faciliter le dialogue,
05:59en fait je dois pouvoir former les gens et je trouve que c'est jusqu'à présent ce qui faisait
06:04défaut. L'Ecole nationale de la magistrature est très engagée dans cette action avec la
06:10direction des services judiciaires et avec le secrétariat général du ministère. Nous allons,
06:14notamment à partir du mois de janvier, lancer un cycle de spécialisation pour avoir des magistrats
06:21chargés de projets et de transformation numérique. Le gros avantage du programme procédure pénale,
06:26notamment, c'est d'avoir fait en sorte que tous les acteurs d'administration centrale soient dédiés
06:32à la réussite de ce programme. Ce qui fait que quand dans un monde numérique les choses ne sont
06:36pas conformes à ce qui est écrit dans le code de procédure pénale, nous avons la capacité d'aller
06:41vers la direction des affaires criminelles et lui dire en fait le texte ne correspond pas à la
06:46réalité. Est-ce qu'il est possible de changer le texte ? Est-ce que ça correspond aux équilibres
06:50du procès ou de la procédure pénale ? Et si la direction des affaires criminelles trouve que ça
06:54correspond aux équilibres du droit et des garanties offertes par la procédure pénale,
07:00eh bien la transformation du texte peut se faire à l'aune de ce que le numérique est capable d'offrir.
07:04Charlène, concrètement, quel a été l'apport de la procédure pénale numérique ? Est-ce que
07:10vous considérez d'ores et déjà que le programme est une réussite jusqu'à présent ?
07:14Nous avons, grâce à la procédure pénale numérique, permis que depuis le dépôt d'une
07:19plainte jusqu'à l'exécution d'une peine, il n'y ait plus de papier dans le traitement de la chaîne
07:24judiciaire. Et donc notamment vous pouvez arriver à l'audience avec des juges qui n'ont plus ces
07:29gros dossiers sur leur bureau mais qui vont par leur ordinateur projeter les PV, pouvoir faire une
07:37audience en activement numérique et donc c'est l'abandon du papier. Ce qui est génial c'est que
07:41le numérique est en train de changer le droit alors que avant, notamment avant le programme
07:46procédure pénale numérique, c'était vraiment l'inverse. On a réussi à faire en sorte qu'à
07:51chaque fois que l'automatisation du traitement de la procédure était possible, ce soit fait
07:56réalisé dans un monde numérique qui n'était pas non plus d'une grande maturité, techniquement
08:01parlant. Donc je trouve que ce que l'on a réussi à faire à ce titre-là est quand même assez
08:06fantastique. C'est quoi la suite alors ? J'imagine qu'il y a encore matière à améliorer cette
08:11procédure non ? On a encore de grandes perspectives d'évolution puisque la procédure pénale est
08:16extrêmement complexe. Elle a des natures et des réalités très diverses en fonction des juridictions,
08:23en fonction de la nature de la procédure, des services qui peuvent la traiter et donc aujourd'hui
08:30nous avons fait un grand pas dans la transformation numérique de la chaîne pénale mais il nous reste
08:35encore de longues étapes à franchir. Le grand soir, c'est la grande révolution. Celle qui permet
08:42d'avoir en un point unique une procédure qui est sous un format qu'on pourrait appeler entre nous
08:46un format wiki. Ça on n'y est pas encore parce que ça demande des transformations qui sont notamment
08:50des transformations d'infrastructures dans les deux ministères qui sont des transformations d'ampleur.
08:59Pour conclure cet épisode, de par votre expérience, de par votre expertise sur le
09:03terrain, quels conseils vous donneriez à des porteurs de projets de transfo numérique public ?
09:08En réalité, ce qui compte, c'est de se poser la question de l'utilité de ce que l'on offre et de
09:13faire en sorte que cet objet n'évolue qu'à la condition d'être en dialogue constant avec les
09:19utilisateurs. Plutôt que de parler de lieu d'expérimentation, il faudrait même parler de
09:23lab parce qu'à chaque fois qu'il y a une bonne idée, il faut la mettre dans un univers qui est
09:27un univers réel, voir si elle fonctionne et surtout avoir suffisamment de sponsoring pour
09:32avoir la force de dire, ce qui n'est pas évident dans l'administration publique, avoir la force de
09:36dire ça ne marche pas, j'ai dépensé de l'argent, j'ai dépensé de l'OTP mais c'est pas grave, si ça
09:41ne marche pas, j'arrête cette idée.
09:50Ce podcast est produit par l'Académie du numérique de la Défense en collaboration avec la Direction interministérielle du numérique.
09:57Si vous aussi vous voulez devenir acteur de la transformation numérique dans la sphère publique,
10:01consultez nos sites civils de la Défense et Campus du numérique public.