• il y a 2 mois
Ancien trafiquant international de cocaïne, Bakhaw raconte à StreetPress sa vie dans le business, son addiction à l’argent et les meurtres d’amis proches. Il sort aujourd'hui "Libéré !", un livre sur son parcours.

Category

🗞
News
Transcription
00:00J'aurais pu aller au Brésil, j'aurais pu me faire tuer 50 fois, 60 fois.
00:03Il y a plein de gens qui ont été assassinés, mes potes avec qui j'étais comme ça.
00:05J'ai perdu peut-être dans ce truc-là au moins 5, 6 têtes.
00:08C'est des balles dans la tête, des criblés de balles.
00:10Non, je me suis dit la paix est mieux que l'argent.
00:19Moi je suis né à Marseille, je suis né dans les années 80.
00:22J'ai quitté Marseille à l'âge de 7, 8 ans pour m'installer à Paris.
00:26Tout d'abord dans le 13e, pendant une année au foyer pour femmes.
00:30Et on a déménagé l'année suivante au Thiel, au Blanc-Ménil,
00:34la plus grande cité du Blanc-Ménil.
00:37Je pense que première barrette, on vendait ça, on a commencé peut-être en troisième.
00:40Mais vraiment c'était même pas en vendant, on vendait entre nous.
00:42Pour prendre un 50 francs, il fallait mettre 10 francs chacun.
00:44On fumait une taffe chacun à l'indienne.
00:46C'était vraiment les choses de l'époque, c'était de la petite bi-crave.
00:49Le B2 c'est venu après plus, quand on a commencé c'est au lycée.
00:52Parce qu'au lycée après t'as d'autres besoins.
00:54La dernière paire de Nike, tu vas aller au cinéma avec ta petite copine.
00:58Voilà, passer le permis, moi je me rappelle, il fallait passer le permis tout ça.
01:01Y'en avait pas de projet en vendant, c'était vraiment pour consommer.
01:10Juste après le lycée, je croise Dolginéko.
01:11Il me dit tu connais mes textes.
01:14Je lui dis bien sûr je connais tous tes textes frérot, de A à Z frère, c'est dans le cœur.
01:17Il me dit je fais une tournée, je vais te prendre toi, tu vas être mon backeur.
01:20Je vois marquer Saint-Etienne, Tahiti, Nouvelle-Calédonie.
01:22Ma tête elle pète.
01:25En 2007, Bruno il a pris une petite pause.
01:28J'ai ouvert mon restaurant en Thaïlande.
01:29Je faisais trois mois en Thaïlande, trois mois en France avec mon associé.
01:32Et nous on avait un terrain ici, comme on appelle ça un terrain,
01:35on avait un truc où on vendait du Bédo.
01:37De 2007 à 2009, pendant que je vendais mon Bédo,
01:39c'est là qu'on a commencé aussi à vendre la Baha'u.
01:41La Baha'u c'est la blanche.
01:42Cocaïne blanche égale Baha'u.
01:44Par rapport à un client de Bédo qui s'appelait Rémi,
01:46qui était un grand patron dans une grande compagnie que je peux pas citer.
01:49Et qui venait au début, qui me prenait que du Bédo.
01:51Et un jour il m'a dit, Baha'u, tu sais pas, je pourrais trouver de la blanche et tout.
01:54Je dis non, moi je vends pas ça, mais je connais les têtes.
01:56Dans le quartier, on sait tout ce que tout le monde fait.
01:58Et de là est parti un engrenage que Rémi, à chaque fois qu'il venait, il m'appelait.
02:02Il m'a dit ton truc, il est trop bon.
02:04Et ça veut dire, moi dans ma tête, je voyais qu'avec le Bédo, je faisais un peu de sous.
02:06Je voyais beaucoup de clients pour faire ça.
02:08Avec un seul Rémi, je faisais l'argent de tous les clients que j'avais en Bédo.
02:12Parce que Bédo c'est 10 euros, 10 euros.
02:14Non, lui c'est 80, 80, 80, 80.
02:17Je dis, si j'ai dit Rémi, frérot, je vais être fortuné dans ça.
02:20Dans mon quartier, comme on m'appelait Baha'u,
02:22et il fut un temps, malheureusement, si tu voulais de la blanche, tu fallait passer par moi.
02:26C'est de là que les gens, dans mon quartier, après ils ont dit, c'est de la Baha'u ton truc.
02:30Et c'est parti de là, hé ramène-moi un gramme de Baha'u.
02:32Hé ramène-moi un 10 de Baha'u.
02:34Mais après ça a été comme les schtroumpfs, hé viens on se boit un Baha'u.
02:36Fais-en un lourd de Baha'u, si tu veux fumer.
02:38Un peu comme si ça disait, hé viens on se boit un 10 de Baha'u,
02:40hé ramène-moi un 10 de Baha'u.
02:42Mais après ça a été comme les schtroumpfs, hé viens on se boit un Baha'u.
02:44Fais-en un lourd de Baha'u, si tu veux fumer.
02:46Un peu comme Pichadso comme dit dans son truc, dans ses textes.
02:48En 200 Baha'u, on va tous les Baha'u.
02:50Je vais te sortir le Baha'u.
02:54C'est de la Baha'u Hassoul.
02:56Franchement, quand je vendais de la cocaïne, pour moi,
02:58je ne savais pas c'était quoi, c'était...
03:00Je ne savais pas les risques et les dangers qu'il y avait derrière ça.
03:02Moi, je ne pouvais pas savoir que quelqu'un faisait du crack avec ça.
03:04Les gens qu'on voyait à la chapelle et tout, par terre et tout,
03:06c'était par rapport à ça.
03:08Parce que moi, les gens, quand je leur donnais, ils venaient, c'était festif.
03:10Baha'u, ça va ?
03:12Un mec qui boit, il est foncedé, un mec qui prend son trait, il est content.
03:14Moi, j'étais dans mon euphorie, que ça rentre, ça rentre.
03:16Jusqu'à ce que j'ai dit, bon, on va passer à une étape supérieure.
03:24Là, je vais à mon restaurant en 2009 de Thaïlande.
03:26Je rentre en France.
03:28Et c'est là que mon gars avec qui je prenais
03:30la Baha'u pour Rémi,
03:32que je viens le voir, il me dit, t'as un peu de souhait tout de côté.
03:34Moi, en ce moment, je suis au Sénégal.
03:36Dans notre pays, là-bas, le kilo, il est à 12 000 €.
03:38Il me dit, à 12 000 €, ici, on vend à 35 000 €.
03:40T'inquiète pas, la technique, moi, je l'ai.
03:42Le contact, je l'ai. T'as juste à ramener, payer ton kilo.
03:44Par contre, ramène une tête avec toi.
03:48Dans les chaussures. C'était tout simple, ça veut dire.
03:50La personne là-bas qui fait le boulot, comme on dit,
03:52elle te mettait 500 grammes dans chaque semaine.
03:54C'est pas dans les films, t'es là dans un appart, t'es cloîtré.
03:56Y'a des mecs, ils arrivent avec des gros sacs.
03:58Le mec, il dit, c'est quoi ta pointure ?
04:0045. Moi, je fais du 45.
04:02L'autre, 43.
04:04Au revoir, bonne vacances à vous. Tu le vois plus, le mec.
04:06Le dernier jour, il vient, il nous ramène les baskets.
04:08Je mets ma petite paire de chaussures.
04:10Je dis, putain, c'est pas grave.
04:12Je sens que c'est un peu lourd, mais vite fait.
04:14On est arrivé à Roissy, tout s'est bien passé.
04:16Aucun contrôle de la douane et c'est là qu'a commencé l'engrenage.
04:18Au deuxième voyage, mon pote, mon gars avec qui je bossais,
04:20il m'a dit, Baha'u,
04:22il est monté à 15 000 € le kilo.
04:24Viens, on dégage d'ici, on va au Brésil.
04:26Et la banque touche à 5 et on le vend à 35.
04:28Donc ma tête, ça y est, ça va être mon plan.
04:40J'avais quelqu'un qui recrutait,
04:42des gens qui étaient en galère d'oseille.
04:44C'était simple, c'était, hé, tu veux aller au Brésil,
04:46tu restes deux semaines là-bas,
04:48tu manges, tu dors, tout frais payé.
04:50Tu prends un kilo sur toi dans tes baskets,
04:52t'arrives en France, on te donne 5 000 €.
04:54C'était ça le contrat. Tu veux, tu veux pas.
04:56Y'a pas de oui, t'es obligé.
04:58Au début, c'était deux, trois jeunes de mon quartier
05:00que je connaissais, pardon.
05:02Après, c'est devenu une intérim. Y'avait trop de gens qui voulaient venir.
05:04Après, j'avais trop de demandes par rapport à l'offre.
05:06Tu mets ta paire de pompes, tu prends ton sac,
05:08tu vas à l'aéroport et tu rentres. Après, c'est toi
05:10et le boulot est terminé si t'arrives ici.
05:12Le rythme qu'on faisait,
05:14allez, c'était minimum 4 personnes
05:16tous les deux mois. Des fois, j'avais 4 personnes
05:18à Natal et j'avais 4 personnes à Salvador de Bahia.
05:20Ça veut dire après, eux, ils arrivaient le mardi
05:22à Roissy et les autres, ils arrivaient le mercredi à Orly.
05:28Franchement, je tournais à 60 000 €
05:30par mois, on va dire minimum. On dirait que c'est
05:32un truc, tu dis, ça va jamais s'arrêter. Donc ça veut dire, moi,
05:34claquer 10 000 €, c'était rien. Voyager, m'amuser,
05:36rencontrer les plus belles femmes du monde,
05:38moi, c'était ça. J'avais pas de limite.
05:40Je venais dans un endroit, c'est tout pour moi. Je veux tout
05:42payer. J'arrive dans le café, je te connais pas, tu me dis
05:44bonjour, je dis au mec, hé, mets un verre à tout le monde.
05:46Le monde est à moi, chico. T'as compris ?
05:48Je restais à Pouquet, à Pataya,
05:50j'allais partout.
05:52Je me pardonne, des fois, je faisais des pluies
05:54d'argent. J'échangeais du genre.
05:56Tous les videurs et les mecs de la boîte, ils savaient
05:58quand j'allais aux toilettes, ils me suivaient tous. Et je laissais la porte
06:00fermée et il y a un petit espace en haut. Et ils
06:02attendaient tous derrière. Et je faisais ça.
06:04Que des pluies d'argent. Je faisais ça tout
06:06bêtement, dans des fonds SD pour rien du tout.
06:08La plus grosse dinguerie que j'ai faite, j'ai inventé
06:10un faux anniversaire.
06:12Puis je voulais claquer des sous, mais je me suis dit, il faut que je dise que c'est un anniversaire.
06:14C'était avec mon pote, c'était à Pataya.
06:18On a acheté 30 ou
06:2040 bouteilles. J'ai dit à tout le monde, hé, ma birthday !
06:22Et tous les gens qui venaient, les meufs rentraient dans la boîte, des
06:24russes, avec les trucs, les fumigènes,
06:26je sais pas quoi, les Thaïlandais, tous autour
06:28de moi déjà. En fait, moi, je venais de découvrir l'argent,
06:30les liasses. Si j'avais été à côté des gens qui avaient
06:32de l'argent, ils m'auraient dit, j'ai jamais fait ça. Dans deux
06:34ans, t'as plus rien.
06:36Je me suis fait balancer,
06:38en fait, nous, c'est Lettre Anonyme.
06:40Ils ont fouillé les baskets et ils ont trouvé, ce jour-là,
06:42ben, ils étaient 5, 5 kilos,
06:445 kilos de cocaïne dans leurs
06:46chaussures. Moi, à ce moment-là, je me dis quoi ?
06:48Je me dis, la France s'est cramée,
06:50je vais continuer mon business, mais je vais continuer
06:52par la Belgique. On a fait un passage qui s'est bien passé.
06:54Deuxième passage, moi, je suis là,
06:56dans l'euphorie, je dis à mon petit frère, va là-bas, récupère-les
06:58avec ton pote et tout, ramène-les-moi ici.
07:00On était en CR, comme on appelle ça, en commission
07:02regatoire. Après, j'ai vu, je me suis dit,
07:04j'ai plus de nouvelles de mon frère. En fait, il les avait attrapés au dernier péage
07:06à Paris. Tiens, c'est les baskets, les baskets !
07:08Le matin, quand je les ai vus venir arriver avec eux,
07:10et que moi, ils m'ont pas calculé, ils m'ont dit, calmez-vous,
07:12on est juste là pour lui.
07:14J'ai dit, putain, ils savent même pas que c'est moi encore.
07:16Je suis encore passé entre les mailles du filet.
07:18Je peux rien faire, je peux pas les libérer de prison.
07:20Donc, ça sert à rien que je reste dans le coin. J'ai dit, on sait jamais.
07:22Il y a des erreurs de parcours, j'ai laissé des traces.
07:24Je prends mon billet d'avion,
07:26je laisse un billet pour tout le monde, l'avocat.
07:28Je suis parti en Thaïlande. Et là, je suis mal.
07:30Non, je suis mal. Je vais en Thaïlande, j'ai pas peur de faire la fête.
07:32Je fais un mois et demi en Thaïlande. Les gens qui m'ont croisé à cette époque-là,
07:34je suis même pas sorti.
07:36J'étais là-bas juste vraiment pour être au recul.
07:38J'étais là et tous les jours, je pensais à mon frère,
07:40aux frérots, à cette équipe-là.
07:42J'ai dit, putain, c'est ça.
07:44Tu fais le clochard, en fait. Tu envoies ton petit frère,
07:46tu le mets dans ça, déjà, il est pas dedans.
07:48Et même toi, t'en as pas marre de...
07:50Téma, les petits, là, ils sont encore en prison.
07:52Là, t'avais dit t'arrêtais, mais tu renvoies les frérots par la Belgique
07:54parce que vous vous êtes dit...
07:56Non, non, non, arrête, frérot.
07:58Arrête d'envoyer... J'étais pas dans... Arrête là-bas,
08:00toujours pas, mais arrête de travailler avec tes proches.
08:02Et mon frère, il a été acquitté, au final.
08:04Son premier mandat de dépôt, ils l'ont laissé sortir.
08:06Aucune preuve. Vraiment, ils ont vu qu'il avait rien à voir.
08:08Donc, voilà. Mais comme moi, ils me connaissaient pas,
08:10s'ils m'auraient connu, ils m'auraient dit,
08:12c'est ton grand frère, en fait.
08:14Je vois qu'il n'y a plus trop de sous,
08:16et quand t'es habitué à ce rang de vie,
08:18t'as pas envie de le changer automatiquement.
08:20Si tu claques 10 euros par jour,
08:22tu te retrouves à caca un euro,
08:24tu claques 100, tu claques 10, c'est pareil.
08:26Je suis là dans ma tête, je dis, il faut que je fasse un truc,
08:28mais j'arrête d'envoyer les gens proches de moi.
08:30Et moi, j'avais mes potes de Martinique.
08:32Est-ce qu'il y a une petite technique, là-bas ?
08:34Ils me disent, ouais, il y a une technique, c'est dans les cubits,
08:36les cubits de Rome et tout.
08:38Je me dis, mais prends... Évite les renois, rebeux.
08:40Prends des gens un peu plus européens,
08:42qui passent bien,
08:44et âgés, plus de 50 ans minimum.
08:46Le premier vieux que je ramène là-bas,
08:48il a peut-être 56 ans,
08:50c'est un prof de sport,
08:52mais il est tenté par le truc.
08:54Et le vieux, il me ramène 6 kilos de blanche cocaïne,
08:56ça se passe bien pour lui.
08:58Et lui, je me dis quoi ? Avec lui, c'est non-stop.
09:00Les Antilles, c'est la France, c'est pas comme le Brésil.
09:02Quelqu'un qui va tous les mois aux Antilles, c'est normal.
09:04Les 6, puis après 12,
09:0618.
09:08Juste avec le vieux, je devrais amener au moins
09:1023 kilos, lui tout seul.
09:12Tu fais à 30, 600 000,
09:14700 000 euros, on va dire.
09:16Je me suis retrouvé avec une somme phénoménale,
09:18que je n'avais même pas fait, en allant 3 ans au Brésil.
09:20Juste en 18 mois en Martinique.
09:24Il se fait attraper au mois d'avril.
09:26J'ai dit, j'arrête tout.
09:28Je suis parti en Thaïlande, je faisais mes allers-retours,
09:30et je commençais la tournée avec Doc Gineco.
09:32La police, ils ouvrent une commission rogatoire,
09:34et de cette commission, c'est là qu'on est venus à Bahaou.
09:36La commission, le matin, ils me disent direct,
09:38ils ont été francs avec moi, mon gars, tu vas à Martinique.
09:40On t'expliquera, mais prépare tes affaires,
09:42tu vas être dans l'environnement dans pas longtemps.
09:48Moi, quand j'arrive à Martinique, à la prison de Ducos,
09:50directement, je vois l'atmosphère,
09:52c'est mort.
09:54Le matin, on a ouvert la première porte,
09:56j'ai senti l'odeur de la bœuf, j'ai écouté de la musique,
09:58il y avait des musiques dans toutes les cellules.
10:00J'entends que des gens crier,
10:02des petites lames comme ça, ils mettent ça sur la grille
10:04de leur cellule, ils font arrivant, arrivant,
10:06ils font ra, ra.
10:08Dès qu'ils ouvrent la cellule, je vois 4 mecs qui sortent,
10:104 mecs tatoués,
10:12des têtes de malades, déjà énervé,
10:14prats, mangés crus, déjà.
10:16Et je vois qu'ils sont déjà 5 dans la cellule.
10:18Je dis, chef, excusez-moi, les gars, je parle pas avec vous.
10:20Déjà, faut s'excuser.
10:22Ils sont chez eux, excusez-moi, je vais pas parler avec vous,
10:24je parle avec lui. Chef, je ne vais pas dormir ici.
10:26Il me dit, si, tu vas dormir là, ça va aller,
10:28pour une soirée. Je dis, frère.
10:30Il me dit, tu dors pas ? Je dis, frère,
10:32J'ai pas d'armaire par terre.
10:33Et ils me poussent en même temps, ils ferment le truc.
10:37Là, c'était le 9m2 de 2, de la France.
10:39On était 6 dedans.
10:401, 2, 3.
10:421, 2, superposé, 1 en bas.
10:49Et après, je ne te parle même pas de la violence.
10:50Là-bas, les règlements de compte, c'est avec quelque chose dans la main.
10:53Une lame de l'huile chaude.
10:55Des dingueries, frère.
10:56Ça veut dire vraiment des dingueries.
10:58Moi, c'était dur.
10:58Quand je pensais à ma famille, déjà ce que j'ai fait.
11:00Déjà, j'avais le regret de tout ce que j'ai fait.
11:01Là, je me disais que ça allait trop loin.
11:04J'avais le souvenir de mes filles quand je suis parti, elles pleuraient.
11:07Je n'ai pas de parloir, je ne suis pas d'ici.
11:09Donc d'habitude, quand tu vas en prison,
11:10après tu as ta parloir au bout d'une semaine.
11:12Tu vois la famille, tu vois ta femme, tu vois ta sœur ou ton frère.
11:14Ça te fait du bien moralement.
11:15Tes habits, tu les changes, on te les lave.
11:18Ça sort de dehors.
11:19Quand tu es en prison loin de chez toi, malheureusement,
11:21tu n'as pas de famille dans l'endroit où tu es.
11:23Frère, tu vas te débrouiller tout seul.
11:25Moi, j'ai fait la guerre à la juge juste pour venir en France.
11:27J'ai dit, madame, je ne veux même pas sortir.
11:29J'ai dit, madame, moi, je vous le dis, je suis là pour de la cocaïne.
11:31Je vais tuer quelqu'un.
11:32Au final, je vais être là pour meurtre ou tentative de meurtre
11:36ou peut-être au mort à tuer moi.
11:37Mes enfants sont en France.
11:38Ma femme est en France.
11:39J'ai besoin de ces conditions-là.
11:41Tu as vu ?
11:41Et voilà, au bout d'huit mois,
11:42on m'a ramené à Villepinte et j'ai fini ma peine là-bas.
11:45Donc j'ai fait les huit mois à Martigny.
11:46Arrivant à Villepinte, je n'ai même pas fait deux mois.
11:49Moi, je demandais des demandes de remise en liberté
11:53pour finir la tournée avec Doc Gynéco
11:55jusqu'à ce que le juge, un soir, me dise que j'étais libéré.
12:03Le moment où j'ai dit j'arrête, c'est sur cette peine de Martigny.
12:06En voyant la misère là-bas, c'est comme si j'ai dit...
12:09T'as vu, chacun a son étoile ou si t'es croyant ou pas.
12:12Je me suis dit, c'est comme si là...
12:14Il m'a dit, frère, regarde, t'as vu, c'est ça que tu veux vivre encore.
12:17Tu veux continuer.
12:18C'est ça que tu veux.
12:19C'est ça que t'aimes.
12:20Là encore, je t'ai sauvé.
12:21T'as fait que huit mois.
12:22Ça, tu veux prendre des huit ans, neuf ans, dix ans,
12:23rester dans les geôles comme ça, pour ça ?
12:26Non, je me suis dit, la paix est mieux que l'argent.
12:28Au même moment au short, je fais la tournée.
12:29Fianso m'appelle, il me dit, Bachao,
12:31j'ai cru que je n'allais pas te voir pendant trois, quatre ans.
12:33Le jeu a fait que t'es là.
12:34Mon album, il se finit, je suis en mastering.
12:36T'es le dernier son avec qui je vais faire.
12:38Là, il est fini l'album, il me dit, juste pour toi, l'avion va au studio.
12:40On fait le son, Bachao.
12:41Et de là, je dis, en fait, Bachao,
12:43c'est ce que tu voulais faire depuis le gamin.
12:44En fait, t'aurais dû le faire tout le temps.
12:53J'ai fait beaucoup de mal, beaucoup de tort.
12:56C'est pour ça que je dis, l'argent dans la salle ne fait pas le bonheur.
12:58Parce qu'il fait ton bonheur à toi.
12:59Parce que toi, tu vas en voyage.
13:01Toi, tu fais, mais quand la merde, elle vient.
13:02Et là, je te parle encore, je suis un miraculé.
13:04Moi, je ne te parle que de prison.
13:05Il y a plein de gens qui ont été assassinés.
13:06Mes potes avec qui j'étais comme ça.
13:09J'ai perdu peut-être dans ce truc-là,
13:10en comptant le hache, le poteau, l'autre, au moins cinq, six têtes.
13:15Des proches, je ne te parle pas de mecs, des proches à moi
13:18qui ont été morts, et ce n'est pas mort comme ça.
13:19C'est des balles dans la tête, des criblés de balles.
13:22J'aurais pu aller au Brésil, j'aurais pu me faire tuer 50 fois, 60 fois.
13:25Moi, j'ai des amis, ils se sont fait péter une fois, là, aujourd'hui.
13:27Des 12, 13 ans.
13:29Ils ont des enfants, leur enfance, ils ne l'ont même pas vu grandir.
13:31Après, ceux qui ont claqué, qui n'ont plus rien.
13:33Peut-être qu'ils se sentent bien avec eux-mêmes.
13:35Il y en a, je les croise, ils se sentent bien.
13:36Parce que je préfère, je travaille, aujourd'hui, je gagne 1 600.
13:38Mais c'est des mecs qui se sont plâtrés plus que moi, 100 fois.
13:41J'ai toujours un pied dedans.
13:42Je leur dois 18 mois à la justice encore.
13:45Peut-être en bracelet ou peut-être en ferme.
13:47C'est à eux de décider.
13:48Il faut bien que je finisse ma peine jusqu'au bout
13:51et que je me sente libre, même nettoyé de moi-même, lavé.
13:54Quand je vois les gens, c'est ça.
13:56Tout le monde a fait des erreurs.
13:57Tu as été jugé quand la justice t'a jugé.
13:59Tu as été condamné, tu as été jugé, tu as effectué ta peine.
14:01On ne peut plus te parler de ça.
14:02Ça, c'est ton passé.
14:03L'homme change.
14:04Je suis trop bien avec moi-même.
14:06Je ne vends rien, je suis chez moi avec ma famille.
14:08Je bosse, je fais 4-5 trucs en même temps.
14:10Je fais les tournées avec Doc, je fais mon livre, je fais mon album.
14:14Je peux acheter des trucs à ma fille, je peux les emmener en vacances.
14:16C'est ma joie du cœur.
14:22Je vais les asseoir à leur table, je vais leur raconter l'histoire de leur père.
14:25Sinon, je ne leur raconte pas, ils vont lire le livre,
14:27mais après, je leur ferai un détail en mangeant.
14:29« Papa, pourquoi tu as fait ça ? »
14:30Je leur dirai « Lisez et après, venez me poser des questions. »
14:32Et je n'aurai pas de problème avec ça.
14:34Je n'ai pas de problème avec ça.

Recommandations