Liv Sansoz : «Je peux comprendre l'addiction à la haute altitude» - Alpinisme - K2

  • le mois dernier
L'alpiniste Liv Sansoz et le parapentiste Zeb Roche ont réussi fin juillet dans l'Himalaya l'ascension du K2 avant de descendre le 2e plus haut du monde (8 611 m) en parapente biplace. Ils nous racontent leur exploit en vidéo.

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Transcription
00:00Les premiers jours quand on arrive au pied du K2 c'est une grosse montagne, elle est super belle,
00:09ça va pas être impossible mais ça va être ça va être dur.
00:13Ouais pour moi c'est pareil, il y a cette impression de cette pyramide qui est toute
00:20seule qui sort vraiment du massif, elle est vraiment imposante quoi.
00:24On arrive au camp de base, on est au pied de cette face et en fait on ne se rend même pas
00:28compte de la hauteur tellement on est proche mais au fur et à mesure qu'on monte en fait on se rend
00:33compte que ça s'arrête jamais quoi.
00:39On a passé 42 jours au camp de base avant d'avoir le créneau météo pour pouvoir tenter le sommet
00:47mais quand on part sur un 8000 mètres il y a forcément une période de trois semaines
00:52d'acclimatation donc on a eu une bonne semaine pour arriver au camp de base de marche de trekking
00:58ensuite on est rentré dans la phase d'acclimatation où on fait des allers-retours, des rotations,
01:02on monte notre matériel au camp 1, on fait une nuit, on redescend, on remonte notre matériel au
01:07camp 2, on fait une autre nuit, on redescend et ainsi de suite et cette période d'acclimatation
01:11peut durer trois à quatre semaines et nous à l'intérieur de cette période d'acclimatation
01:16on a eu énormément de mauvais temps donc ça nous a ralenti dans notre acclimatation et finalement
01:22on est parti pour le sommet en n'étant pas si bien acclimaté que ça parce qu'on n'a jamais
01:26pu monter très haut à cause de la météo et des chutes de neige et quand on est parti du camp de
01:31base pour le sommet de Pouche comme on dit dans nos jargons, on est parti en se disant bon on monte
01:36le plus haut possible et il faut que ça reste fun. Alors, elle n'est pas belle la vie ? Parfaite. Les pieds gelés.
01:48On est au camp 2, 6 minutes, dans notre magnifique tente.
01:54Donc on part pour le sommet de Pouche, c'est à dire que c'est un peu l'essai où on va essayer d'aller vraiment le plus haut possible
02:03et là on est plutôt bien parce qu'on a attendu tellement de temps que c'est un peu une libération aussi
02:09donc on se dit c'est le moment, on va tout donner et il va falloir faire ça bien, c'est à dire pas se cramer
02:15ça va être long, ça va être dur. Donc on a commencé l'ascension en étant à un rythme vraiment cool,
02:21on est arrivé au camp 2, on était super bien, on a bien dormi. Le lendemain il fallait qu'on monte tout notre matos
02:27jusqu'au bout, notre matériel donc tente, duvet, de quoi faire construire le camp 3 puisqu'on n'a jamais réussi à monter
02:35avant au camp 3 vu qu'il y avait tout le temps du mauvais temps et donc là on était beaucoup plus chargé
02:41mais on se sentait bien, on doublait les gars qui montaient avec de l'oxygène quoi, donc on était vraiment bien,
02:47on était en canne et arrivé au camp 3 on a pris le temps de bien préparer le camp parce que c'est pareil, on est tout seul
02:55on doit faire la plateforme pour installer la tente, on doit se faire à manger, donc tout ça c'est nous qui le portons,
03:03qui le faisons par rapport aux expéditions commerciales qui elles arrivent, les gens ils ont juste à se mettre dans la tente
03:08et à manger, c'est toute une autre organisation et du coup la nuit on a paqué tout notre matériel et on est parti pour la dernière journée d'ascension
03:20et là c'est parti, il faisait froid, on est en pleine nuit, on monte vers l'espace.
03:28Qu'est-ce qu'il se passe ?
03:31Petite pause, c'est dur l'altitude, nos corps ils sont destruits, alors de temps en temps on fait des petites pauses.
03:44Au-dessus du 8300m ça devient vraiment très très dur, très dur physiquement, on avance extrêmement doucement,
03:50les 150 derniers mètres pour donner un ordre d'idée on a mis 3 heures pour les faire, ça veut dire qu'on fait du 50 mètres heure de dénivelé positive.
03:59Et ça c'est vraiment un rythme très très lent, chaque pas il faut lever la jambe, la neige est sans fond dur,
04:07donc on se ré-enfonce dessous, on redescend, mentalement c'est un combat mental parce qu'on a la notion qu'on est très lent,
04:15on voit le sommet qui n'est pas si loin que ça, on est desséché, on est à 8300m, ça fait 12h, 13h qu'on est dans les forts,
04:23qu'on n'a pas vraiment mangé parce qu'on n'a plus d'appétit, alors on prend des gels, c'est la seule chose qu'on puisse avaler,
04:29on n'a plus d'eau, et ce jour-là il fait extrêmement chaud, il n'y a pas de vent, on est sur un sommet de plus de 8000m,
04:37avec des tout petits gants, une combinaison 8000 qui est ouverte parce qu'on a trop chaud, et on est en état de déshydratation.
04:44Et on progresse très doucement, avec Zébulon on se vérifie, on se check tout le temps, comment tu te sens,
04:51on vérifie que la lucidité est là, que le physique est là, que la motivation est là aussi.
04:55Zeb avait quand même la responsabilité de nous faire décoller au sommet, c'était lui le pilote du bi-place,
05:00et c'était vraiment important pour moi que je sois sûre qu'il était concentré, qu'il était lucide, qu'il arrivait au sommet dans les meilleures dispositions possibles.
05:10C'est un combat mental, on a l'habitude dans le massif du Mont Blanc, ici, de faire des courses parfois de 26h, de faire des choses longues,
05:19on a l'habitude du dépassement de soi, mais là c'est encore une autre forme de dépassement de soi que moi je ne connaissais pas,
05:24que Zeb connaissait un peu plus parce qu'il était déjà allé plusieurs fois à 8000m,
05:28et on a aussi toute cette beauté parce qu'on est au-dessus de toutes les autres montagnes,
05:33on voit que c'est presque stratosphérique en fait, on est au-dessus de tout, il y a toutes les autres montagnes qui paraissent toutes petites,
05:41et les paysages et les émotions et ce qu'on ressent c'est assez incroyable, c'est fort, c'est incroyable,
05:47on est dans cet état d'épuisement complet, mais en même temps on a toutes ces émotions,
05:53je pense que quand il y en a qui parlent d'addiction à la haute altitude, je peux comprendre ça,
05:58parce que c'est tellement fort qu'on se dit, mais moi je veux revivre ça.
06:03On est là, au sommet du cas de 8611m, sans ox.
06:11Bravo !
06:16Waouh, dur !
06:19Tellement beau, et tellement...
06:22On arrive au sommet, donc on a déjà la satisfaction d'être arrivé au sommet sans oxygène,
06:29qui était déjà un premier gros challenge, et on arrive au sommet, et moi je regarde Zeb,
06:34et je vois que tout de suite il a basculé dans le terrain, le vent, l'horaire,
06:41tout de suite ça y est il a repris un peu du peps, et là il est sur l'analyse,
06:46où est-ce qu'on va se placer, et il me dit assez rapidement,
06:50on va étaler la voile là, je vais la gonfler, et on se jette dans le trou.
06:54On arrive là-haut, j'étais vraiment hyper fatigué,
06:58à tel point qu'à 8300m c'est Liv qui a pris le sac avec le biplas,
07:05donc quand on est arrivé là-haut, moi j'étais vraiment bien fatigué, mais encore lucide,
07:11donc je me suis tout de suite dit, là-haut, on se focus sur le décollage,
07:16et par rapport à ça j'avais vraiment que ça en tête,
07:20c'est à dire que moi le projet, l'ascension, j'ai pas explosé de joie en haut,
07:25parce que pour moi c'était pas fini en fait, il fallait vraiment qu'on fasse tout ce qu'il faut
07:30pour effectuer un décollage qui soit safe, parce qu'on est deux,
07:34et que là-dessus on n'ait pas le droit à l'erreur.
07:38J'ai analysé le vent, j'ai vu qu'on pouvait faire comme ci, comme ça,
07:41et que ça allait être impeccable.
07:45Le temps de se mettre, d'enfiler les sellettes, de bien tout vérifier,
07:49parce qu'on sait que notre mental fonctionne à 30%,
07:53donc faut pas faire d'erreur quand on met le harnais,
07:57faut pas faire d'erreur quand on s'arnache au biplas,
08:00donc étaler le biplas, on a quand même fait un premier essai
08:06où on n'a pas pu décoller, donc il a fallu remonter la pente en portant le biplas.
08:10Tout ça, ça a pris du temps, et ça fait qu'on est resté un peu plus d'une heure au sommet.
08:15Malgré tout, on observe ce qu'il y a autour de nous,
08:18et on est fasciné par ça, parce que c'est vrai qu'on est au sommet du K2,
08:23la vue elle est incroyable, et ça on le vit en permanence,
08:27mais on n'est pas là à se poser, à s'extasier,
08:31parce qu'on a ce décollage à préparer.
08:35Quand on est sur un sommet comme ça, si on doit commencer à réfléchir à quelque chose,
08:39ça ne marche pas.
08:41Il y a juste l'analyse du décollage pour dire,
08:44OK, le vent il vient là, on va faire comme ça,
08:46et la pente qui est comme ça, comme ça,
08:48donc si je me mets là, ça marche, si je me mets là, ça ne marche pas.
08:52Il y a un minimum de réflexion.
08:55Mais pour le reste, les mouvements, tout ça, ça va se faire automatiquement,
08:59donc je n'ai aucun stress par rapport à ça.
09:01Une fois que les pieds quittent le sol, là pour moi, ça y est.
09:04Il n'y a plus d'éléments techniques.
09:07Là, les conditions étaient telles que je savais que le vol allait être vraiment tout en douceur,
09:14et ça a été le cas.
09:18On a fait un vol magique.
09:20C'est vrai qu'en l'air, on ne s'est pas dit, on n'a pas crié de joie,
09:23peut-être aussi parce qu'on était fatigué,
09:25mais on s'est dit, on y est, c'est bon.
09:27Mais moi, personnellement, j'ai vraiment lâché le mental
09:31en bas, une fois qu'on a eu posé.
09:33Tant qu'on n'avait pas posé, pour moi, la mission n'était pas accomplie.
09:37Et moi, j'ai vraiment pu se lâcher le mental une fois qu'on a posé.
09:40Et là, je me suis dit, mais on vient de le faire.
09:43On vient vraiment de monter cette montagne là, juste derrière nous,
09:47et de décoller de cette montagne, ce qui n'avait jamais été fait auparavant.
09:52Et là, vraiment, moi, j'ai vraiment réalisé qu'on l'avait fait
09:58une fois qu'on a eu les pieds sur la terre ferme.
10:01On l'a fait, on l'a fait ensemble.
10:07Dingue !
10:08Mais par contre, le vol en lui-même, on en a pris plein les yeux.
10:11On était très haut dans le ciel, ça portait, il y avait des thermiques.
10:14On descendait vraiment doucement.
10:16On s'attendait à faire, à cette altitude-là,
10:19la densité de l'air est beaucoup plus faible,
10:21et on s'attendait un peu à tomber,
10:23à mettre peut-être 17, 20 minutes pour descendre.
10:26Et en fait, on est resté un peu plus d'une demi-heure.
10:29Le vol a duré longtemps.
10:30On était incroyablement haut dans le ciel.
10:33Il faut imaginer le glacier du Baltoro.
10:35C'est un glacier de plus de 100 kilomètres.
10:37On voit toutes ces lents glacières qui partent,
10:39toutes les montagnes, le Brodpik, la Chine.
10:42On aurait presque pu tourner autour du K2 tellement,
10:46et passer côté chinois, tellement on était haut et porté par l'air.
10:51Là, le temps s'arrête complètement.
10:52Là, on est complètement à ce qu'on fait.
10:55Et puis, c'était juste phénoménal.
10:58La vue de ce sommet, elle est tellement esthétique.
11:02Et puis, c'est ça, cette pyramide qui sort au milieu d'une mer de nuages.
11:07C'était extraordinaire.
11:24Sous-titrage Société Radio-Canada

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