Dans cette vidéo, Patrick Montel, le commentateur emblématique, nous plonge dans l’un des moments les plus marquants de sa vie. Le 15 mars 1982, alors qu'il était enseignant à Créteil, un événement tragique bouleverse son existence. Son meilleur ami, Dominique Dubochel, journaliste sportif, est victime d’un accident mortel. Ce jour-là, Patrick ressent un pressentiment si fort qu'il abandonne sa classe en plein cours pour se rendre à l'hôpital, où il apprend la terrible nouvelle.
Ce moment de douleur et de perte a transformé sa vie à jamais. Dans un élan de détermination et de résilience, Patrick décide de poursuivre le rêve qu'il partageait avec son ami : devenir journaliste sportif. Après des années de persévérance et d’efforts acharnés, il intègre le service des sports d’Antenne 2, où il débute une carrière qui marquera l’histoire du commentaire sportif en France.
Cette vidéo est bien plus qu’un simple récit de carrière. C’est une histoire de passion, de rêve, et de ce fameux "alors peut-être" qui pousse à ne jamais abandonner, même dans les moments les plus sombres.
Regardez la vidéo pour découvrir comment Patrick Montel a transformé une tragédie en une mission de vie qui l'a conduit au sommet du journalisme sportif.
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Ce moment de douleur et de perte a transformé sa vie à jamais. Dans un élan de détermination et de résilience, Patrick décide de poursuivre le rêve qu'il partageait avec son ami : devenir journaliste sportif. Après des années de persévérance et d’efforts acharnés, il intègre le service des sports d’Antenne 2, où il débute une carrière qui marquera l’histoire du commentaire sportif en France.
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00:00Le 15 mars 1982, il était 11h du matin, j'étais enseignant au lycée du Lac à Créteil,
00:05j'étais dans ma classe, on m'a dit qu'il y avait un coup de fil pour moi, donc je suis
00:08sorti de ma classe, j'ai appris que mon meilleur ami a eu un accident de la route, il a été
00:14transporté à l'hôpital, mes séjours ne sont pas en danger, et donc je suis retourné
00:18dans ma classe, ça a duré 5 ou 10 minutes, et au bout de 5 ou 10 minutes, j'ai eu ce
00:25pressentiment incroyable en me disant, il faut que j'y aille, et donc je n'avais jamais
00:29planté mes élèves, et là je les ai plantés en plein cours, et je leur ai dit, excusez-moi
00:33mais je m'en vais, et donc j'ai pris ma voiture, je suis allé à l'hôpital, et là quand je
00:37suis arrivé, l'infirmière m'a dit, c'est fini.
00:41Ce mot là, il est imprimé dans ma vie, dans ma mémoire pour l'éternité, ce sont des
00:49mots qui sont terribles, et puis je me rappelle, il y avait le brancard avec le drap qui était
00:55recouvré le corps de mon ami, et j'ai voulu aller le voir, et elle m'a dit, je ne vous le conseille
01:01pas, parce qu'il avait été manifestement défiguré, donc je n'y suis pas allé, je suis parti en courant
01:07dans les couloirs de l'hôpital, il faisait très beau, le soleil frappait vraiment très fort,
01:11je suis tombé nez à nez avec, je ne sais pas pourquoi, avec une prof de maths du lycée,
01:18je ne sais pas ce qu'elle foutait à l'hôpital ce jour là, mais je l'ai serré dans mes bras,
01:21je ne savais pas pourquoi, je lui ai dit, j'étais évidemment en larmes, et à partir de ce moment là,
01:28je me suis dit, non, ce n'est pas fini, je l'ai regardé, je lui ai dit, ça commence,
01:32et je lui ai dit, désormais, Dominique va vivre avec moi, et c'est ce qui s'est passé.
01:37Il était journaliste à Antenne 2 et au service des sports, et donc je me suis aperçu que c'était
01:41une nécessité pour moi d'endosser ce qu'il avait fait, et donc je suis resté trois ans à la porte
01:48du service des sports d'Antenne 2, je travaillais en stagiaire l'été, et le reste du temps,
01:53j'étais prof, et puis au bout de trois ans, on m'a proposé de m'intégrer, et à ce moment là,
01:58j'ai démissionné de l'éducation nationale, j'ai pris mon pote avec moi, et depuis, il est toujours avec moi.
02:04Lorsque j'arrive à Antenne 2 la première fois, j'ouvre la porte du service des sports,
02:09et qu'est-ce que je vois derrière la porte ? Thierry Roland et Roger Coudert.
02:13J'étais tout de suite dans le bain en quelque sorte, et Roger Coudert m'a appelé,
02:16et il m'a dit « petit, apporte-moi un café », et je n'ai jamais, jamais ressenti un tel bonheur
02:23que d'apporter un café à Roger Coudert. Je crois que s'il devait me rester un souvenir dans ma vie,
02:28c'est ce café que j'ai apporté à Roger Coudert. Pendant trois semaines, je suis le cul sur ma chaise,
02:33et j'attends que ça se passe, à chaque fois que je vais proposer un sujet, « non non, ça a déjà
02:38été fait », ou alors « non ». Enfin bref, je sens qu'il y a quand même un blocage. Ça se passe très
02:43mal, parce qu'en réalité, je n'ai pas de carte de presse, puisque je suis enseignant, donc tu ne peux
02:48pas avoir de carte de presse, donc je ne suis pas crédible, donc on ne me donne rien à faire.
02:51Par chance, un été, il y a un papy, à la courneuve ou dans le coin, qui, exaspéré par le bruit que
03:01font les enfants dehors, sort sa carabine, et alors il ne le descend pas, mais il blesse un gamin,
03:08et comme il n'y a pas d'actualité ce jour-là, ça fait la une du 20h, le papy qui a blessé le gamin.
03:14Là, il y a un déclic qui se fait dans ma tête. J'étais prof à Créteil, je connais bien Créteil,
03:18je sais qu'il y a des immeubles, et là, je vais voir mon rédacteur en chef, je me dis « putain,
03:21j'ai un super sujet, un contre-sujet, au lieu d'en faire des tonnes avec le papy irascible,
03:28il y a des gens qui sont formidables, qui sont des éducateurs, qui s'occupent des gamins l'été,
03:33il n'y a pas de délinquance ou très peu de délinquance, enfin bref, je fais mon numéro. »
03:36Et là, je sens que le mec, il est un peu exaspéré, parce que je répète toujours,
03:39je vais toujours le faire chier avec des sujets, et il en a marre, donc il me dit « écoute,
03:44va le vendre aux 20h directement, moi, je ne m'en occupe pas. » Et là, je ne sais pas pourquoi,
03:48j'y vais, et je tombe sur Poivre d'Arvore, qui à l'époque présentait le 20h d'Antenne 2,
03:53et le mec, il est en train de préparer son truc, moi, je rentre sur la pointe des pieds,
03:56parce que c'est quand même un monument PPDA, et il me dit « banco », mais je ne l'entends pas,
04:02et je reste comme un con devant, et il continue à gratter et tout, et il me regarde,
04:06il me fait « mais t'es encore là, t'es con ou quoi ? » Je t'ai dit « banco », tu sais ce que
04:09ça veut dire « banco » ? Putain, je redescends, je vais dans le service, je vais voir mon patron,
04:14mon rédacteur en chef, il m'a dit « banco ». Il était emmerdé, et je dis « qu'est-ce que je dois
04:18faire ? » Je ne savais pas du tout ce que je devais faire. Je me retrouve en bas au sous-sol,
04:21à prendre une bagnole avec un caméraman blasé et un assistant qui n'en avait rien à foutre,
04:26le caméraman il fait « ouais, c'est quoi ton truc là ? » Alors je dis « ouais, ça va être
04:30génial les mecs, vous avez vu le papy, moi, c'est Créteil ». Il me fait « bon d'accord,
04:35je comprends, on va faire de la merde, c'est ça que tu veux me dire ? » On part à Créteil,
04:39le mec il n'avait pas envie de bosser, et puis ça se passe super bien, parce que tous mes potes
04:44étaient là, j'avais les interlocuteurs, j'avais tout, finalement on fait un beau sujet, le problème
04:49c'est qu'on rentre à la télé, et moi monter un sujet, je ne savais pas ce que ça voulait dire en
04:53fait. Donc on m'amène dans une salle de montage, il y avait un monteur qui était très sympa,
04:57et il voit que j'étais dans la panade complet, et il me dit « écoute, ne te fais pas de soucis,
05:02je vais t'aider ». Il me propose une version qui était très bien, et il se trouve que le
05:07rédacteur en chef du 20h, évidemment c'est un jeunot qui fait un sujet, il passe pour vérifier
05:12le sujet que j'avais fait. C'est un peu comme dans un hosteau, tu as le rédacteur en chef et toute
05:16sa cour derrière, ils arrivent, le mec il s'assoit un peu dans le fauteuil là, moi j'étais debout
05:20derrière, il me dit « vas-y, montre, montre », alors il s'adresse au monteur à côté, « vas-y,
05:24montre », il regarde le sujet, il ne dit rien, il se retourne vers moi, il me dit « c'est toi
05:29qui as fait ça ? », je dis « ouais », il me dit « tu vois, ça c'est de la merde ». Le monteur
05:34il fait « Paul, ça va quoi, arrête, ne nous la joue pas comme ça, bon, laisse tomber, je te dis,
05:39c'est de la merde ce qu'il a fait ». Alors le monteur fait « écoute Paul, ok, on va le remonter,
05:44on a le temps, le 20h c'est pas tout de suite, on va le remonter ». Il fait « vous n'allez rien
05:48remonter du tout, parce que c'est de la merde ». Et là je commence à chialer, et il y avait la cour
05:53qui me regardait, et je me sens putain, je me sens mal, etc., je me barre. Je redescends même pas par
05:59le service, je prends mes clics et mes claques, je rentre chez moi, je dis à ma femme « la télé,
06:04c'est terminé ». Je prends des cachetons, je me mets au lit, et le lendemain, je me réveille,
06:09il est 10h du mat', je suis en pige, et à ce moment-là, il y a le téléphone qui sonne,
06:13et j'ai une copine qui m'appelle, qui me dit « oh putain, comment ça va ? », je dis « ouais,
06:17ça va, ça va, ça va ». Elle me dit « bah écoute, là je fais un sujet, là, j'ai fait un super sujet,
06:22je dis je m'en fous ». Elle me dit « non, non, fais-moi plaisir, putain, regarde-le, tu vas voir,
06:26il passe dans le 13h, je me suis fait chier, tout c'est génial ». Je dis « bon, je me mets à 13h,
06:31je mets le journal, c'est Bilalian qui présente, à la fin du journal, dernier sujet, il fait « et
06:37puis à Créteil, vous vous rappelez de l'histoire du mec avec sa pétoire et tout, eh bien, il y a
06:43des éducateurs, etc., etc. ». Il fait un lancement comme ça, reportage Patrick Montel. Et là, le ciel
06:48me tombe sur la tête, et je vois mon sujet inextinct, c'est-à-dire il n'y avait pas une
06:54image qui manquait. J'appelle ma copine, je lui dis « c'est quoi ce truc ? ». Elle me fait « je suis
06:58allé en conférence ce matin, il leur manquait un sujet, je leur ai dit « vous savez, il y a un
07:01petit gars, là, chez nous, il a fait un truc super, le rédacteur en chef du 13h, qui n'est pas le même
07:06que le rédacteur en chef du 20h, évidemment, a vu le sujet, il a dit « putain, mais c'est génial ça,
07:10on va se le mettre à la fin du journal, c'est génial ». Oh là là, putain, j'ai même pas pris
07:15ma douche, j'ai mis mes fringues directs, je suis reparti à la télé, j'arrive dans le service,
07:20les mecs étaient là, bravo, je dis « non les gars, non, c'est rien, ah si si, franchement,
07:25c'est bien, t'as fait un tabac en conférence, ils ont dit que c'était génial et tout ». Oh putain,
07:28j'étais remonté à bloc, je vais dans les couloirs, je me balade un peu pour faire le beau, et à un
07:33moment, au bout du couloir, qu'est-ce que je vois ? Le rédacteur en chef du 20h. Et là, je me dis
07:38« putain, qu'est-ce que je fais ? Je fais demi-tour, je me casse ou je l'affronte ? ». Je dis « allez,
07:42sois un peu courageux, mec », et je vais vers lui, je le croise, le mec il me regarde, il me fait
07:47« n'importe quoi ». Après, je suis devenu copain avec lui au fur et à mesure des années, et à
07:53chaque fois qu'on se rencontre, le mec il me dit « n'importe quoi ». C'est cette histoire-là qui
07:58montre quoi ? Qui montre que la vérité des sujets, qu'il y a autant de vérités qu'il y a de sujets,
08:03qu'il y en a un qui va trouver que la couleur bleue elle est magnifique, l'autre il va trouver
08:07que c'est à chier, et que finalement, tout est une question de chance dans la vie, et qu'il faut
08:11jamais renoncer à ses rêves. Je veux dire, quand vous êtes petit, que vous avez une passion,
08:16quand vous êtes jeune, vous ne pouvez pas imaginer que vous allez gagner votre vie avec ça. Il y
08:19avait eu en… je ne sais plus, je devais avoir 11 ans ou 12 ans, il y avait eu un concours qui était
08:26organisé pour Noël, et on avait demandé aux enfants d'écrire leur rêve de Noël, et les rêves les
08:33plus accomplis seraient réalisés. Et moi, je me souviens, j'avais regardé la télé ce jour-là,
08:40et j'avais envoyé ma lettre, et j'avais dit « moi, mon rêve, c'est de serrer la main de Roger
08:45Coudert et de tirer Roland ». J'ai toujours aimé, non pas le sport, mais le commentaire sportif.
08:49C'est-à-dire que moi, je suis capable aujourd'hui, et depuis l'âge de 3 ans, de commenter tout et
08:53n'importe quoi, y compris des scènes immobiles. Donc, ce n'est pas forcément du sport.
08:57Il se trouve que le commentaire aujourd'hui est très collé à l'événement sportif,
09:05donc j'en profite largement, mais à la base, je suis un sportif très médiocre. Mes parents,
09:11qui se sont aperçus que j'avais cette tare très jeune, me fermaient le poste de télévision dès
09:18qu'il y avait un match, et je commentais à la place des gens qui commentaient. Et puis,
09:22comme j'étais souvent très seul l'été, j'avais un jeu de cartes de 52 cartes. Chaque carte avait
09:28un nom, soit de quelqu'un connu, soit carrément des noms que j'inventais. Et je faisais le tour
09:35de France avec mon jeu de cartes. Je balançais les cartes sur le tapis, et après, je faisais
09:38le résultat de l'étape, je faisais le classement général, etc., et je hurlais, je commentais
09:42l'étape, ce qui fait que le temps passait d'une manière incroyable. Et lorsque mes parents me
09:46rentraient de travailler, je n'avais pas vu le temps passer, je m'étais immergé dans mon tour
09:50de France imaginaire. Donc, c'est toujours considéré que le commentaire sportif, c'était
09:55pour moi ma passion, c'était mes vacances. Donc, je travaillais, j'ai été prof, j'ai fait des
10:00études de sciences économiques, j'ai eu un DEA de la répartition, j'ai enseigné pendant 8 ans. Ça
10:07ne m'a jamais traversé l'esprit de penser que je pourrais vivre de ma passion. Donc, il a fallu un
10:12accident de la vie pour que je tourne au Kazakh et que je me dirige vers ce métier-là qui, pour
10:18moi, n'est pas un métier. Pendant des années et des années, peut-être pendant 20 ans, je ne sais
10:22plus exactement, tous les ans, il y avait quelqu'un que je ne connais pas qui venait vers moi et qui
10:28me disait « j'aime beaucoup ce que vous faites, monsieur Duvauchel ». Mon pote s'appelle Dominique
10:31Duvauchel. Ils confondaient donc, et ils avaient l'impression de s'adresser à quelqu'un qui était
10:35parti en 82. C'était pour moi quelque chose d'extraordinaire parce que je me disais « j'ai bien
10:43fait de le prendre avec moi ». Et aujourd'hui, je me dis que sans lui, vraisemblablement, je n'aurais
10:47jamais fait ce que j'ai fait. On n'était pas trop de deux à affronter un métier qui est extrêmement
10:52compliqué, extrêmement cruel, où les gens sont très méchants en général. Non pas parce qu'ils
10:57sont fondamentalement méchants, mais simplement parce que le gâteau a toujours la même taille
11:01et ceux qui veulent manger une part du gâteau sont de plus en plus nombreux. J'ai tout fait
11:05parce que le journalisme, ce n'est pas seulement le sport, c'est tout. Et puis après, j'ai eu de
11:11la chance. Thierry Roland qui était le numéro un sur l'athlétisme est parti sur TF1. Et à partir
11:17de là, il se dégageait une place sur l'athlée. Bizarrement, je l'ai récupéré alors que je n'ai
11:21rien pour faire. Je n'ai pas de spécialisation en athlétisme. Et quand je suis rentré chez moi,
11:25j'ai compris pourquoi parce que mon pote Dominique Duvauchel faisait l'athlée. Donc,
11:28je me suis retrouvé naturellement exactement dans ce qu'il faisait. Et tout a déroulé
11:34normalement ensuite. Et pendant 30 ans, même plus, j'ai commenté l'athlétisme à France
11:39Télévisions. Moi, j'ai toujours été baigné dans le commentaire. Ça a toujours été ma vie. Donc,
11:43tu commentes pour la première fois un truc. Je me rappelle quand j'avais commenté des petits
11:48trucs dans le journal. À l'époque, il y avait une émission qui s'appelait « C'est la vie » qui
11:52était présentée par Noël Mamère. Donc, personne ne voulait le faire parce que ça passait à 16 heures
11:55ou 17 heures. Ça faisait chier tout le monde. Et moi, de temps en temps, je faisais un module.
11:58Et le premier module que j'ai commenté, le résumé d'une étape du tour, j'ai posé ma voix là-dessus
12:03en direct dans une cabine. Je suis sorti, j'ai couru, j'ai traversé le pont de l'Alma. Je
12:09volais. Je volais pas simplement parce que j'avais commenté un truc. Je dis et je le pense
12:14sincèrement, je n'ai jamais bossé. Les seuls moments où j'ai travaillé, c'est quand j'étais
12:18prof. C'était un métier magnifique. Mais à la télé, je n'ai jamais bossé puisque bosser,
12:22tu bosses pour gagner de l'argent. Moi, c'est différent. Je bossais, j'aurais payé pour faire
12:26ça. J'ai une façon de commenter qui fait que j'arrive à transmettre une émotion. Je n'ai pas
12:31de mérite pour ça. C'est un truc que j'ai. Je pense que les gens qui étaient autour de moi,
12:35les techniciens, tout ça, parce qu'il faut savoir que la télé sans la technique,
12:38il n'y en a pas. Pour un mec que tu vois à l'antenne, tu en as 50 qui sont derrière et
12:43s'ils ne bossent pas, tu es mort. Ils ont été impressionnés par mon débit. Ils ont été
12:46impressionnés par l'émotion que je transmettais. Ils ont compris que j'étais passionné et je
12:51pense que quelque part, ils étaient contents de bosser avec moi. C'est vrai que je ne suis pas
12:55un mec à faire les 3e mi-temps, à monter sur la table et à me bourrer la gueule. C'est sûr,
12:59ce n'est pas mon truc. Mais dans le boulot, je pense qu'ils m'ont respecté. Commentateur à la
13:04télé, tu commandes parce que ta boîte paye les droits. Si ta boîte ne paye pas les droits,
13:09tu ne commandes pas. J'ai couvert plusieurs Coupes du monde de foot parce que France Télé payait les
13:13droits. Le jour où France Télé n'a plus payé les droits de la Coupe du monde, évidemment,
13:17on a pu commenter la Coupe du monde. Donc, ton boulot est suspendu à un paquet de pognon que
13:22la télé va donner ou pas. Et l'athlétisme qui était un sport, on va dire que c'était le premier
13:27sport du 2e peloton, il n'intéressait pas TF1, il n'intéressait pas d'autres chaînes. Et donc,
13:33par conséquent, France Télévision avait acquis les droits et a conservé les droits pendant toute
13:38ma carrière. Et France Télé a encore les droits aujourd'hui. Ce qui fait que j'ai été en première
13:43ligne sur la télé pendant plus de 30 ans. Et comme la télé, c'est le feuilleton de l'été et
13:48forcément, j'avais des collègues qui étaient un peu jaloux. Alors après, personne ne te le dit en
13:52face, bien sûr. Mais par derrière, ça grenouille pas mal quand même. C'est le monde du pouvoir.
13:56C'est la même chose dans le politique. C'est dans tous ces métiers-là où la demande est supérieure
14:02à l'offre, tu as des tensions et ça, ça dénature les gens. C'est-à-dire que les gens qui rentrent,
14:07les journalistes qui rentrent dans le service sont des gens magnifiques. Mais au fur et à
14:11mesure du temps qui passe, ils deviennent aigris s'ils n'ont pas leur part de gâteau et ils
14:16deviennent killers, tueurs s'ils veulent protéger leur territoire. Dans le sport business en général,
14:21aujourd'hui, il y a une spectacularisation qui fait que l'athlète de haut niveau est utilisé à des
14:29fins commerciales et spectaculaires. Et que donc, il y a des dérives qui sont accrochées à ça,
14:34dont le dopage. De toute éternité, l'homme a toujours triché. Ça, c'est quelque chose qu'on
14:38a à l'intérieur de nous. Quand on peut carotter un truc, tout le monde le fait, tout le monde l'a
14:42fait. Celui qui dit qu'il n'a jamais triché, c'est juste un menteur. Et le mensonge est une triche
14:45aussi. Le dopage dans le sport business est évidemment une tentation qui est extrêmement
14:51forte, qui est utilisée par tous ceux qui sont autour. Parce que le sportif, quand il prend
14:56quelque chose, il met sa santé en danger et donc, il risque de payer très cher ça. Par contre,
15:00tous les mecs qui sont autour et qui profitent, alors eux, c'est open bar parce qu'ils ne prennent
15:05aucun risque et ils prennent la monnaie. C'est juste ça qui m'a révolté. Le fait d'avoir
15:09dénoncé le dopage m'a fait passer pour un horrible personnage alors que tout le monde le sait. Je n'ai
15:17jamais dit que tout le monde se dopait et je le redis aujourd'hui, mais je dis que le dopage est
15:21consubstantiel du sport de haut niveau. Moi, j'ai de la tendresse, même pour ceux qui se dopent. En
15:26revanche, je n'ai pas de tendresse pour ceux qui les manipulent et qui leur font prendre les
15:29saloperies. Et ceux-là, par contre, ils sont dans l'ombre. Ils n'ont pas de suspension. Personne
15:33ne va les emmerder, que ce soit les tout-bips, que ce soit les sponsors, tous ceux qui gravitent
15:37autour du sport de haut niveau et qui ont tout intérêt à ce que leur poulain fasse des
15:41performances. Un capitaine très célèbre dans le foot français qui avait refusé une piqûre de
15:46soi-disant de remontant, il avait dit « non, non doc, je n'y tiens pas », etc. Le mec, le soir,
15:51n'était pas sur la feuille de match. Je suis tombé vraiment raide dingue d'Antenne 2 et donc de
15:55France Télé. J'ai vécu une histoire d'amour incroyable. Et puis, comme dans toutes les
15:59histoires d'amour, un jour, ma compagne France Télé s'est lassée et a décidé, mais ça s'est fait
16:07de manière progressive bien sûr, de mettre de la distance entre elle et moi. J'avais fait ce
16:13dérapage qui n'en est pas un sur le dopage. Donc, ils ont essayé de me l'annoncer gentiment dans
16:17un premier temps en me disant « ouais, ça serait bien que tu prennes un peu de distance, machin.
16:23Mais pourquoi je prendrais de la distance ? J'ai une pêche d'enfer. Non, mais tu comprends,
16:28machin ». Non, je ne comprenais rien en fait. Je me suis accroché comme des amoureux transis
16:33s'accrochent à quelqu'un qui les aime de moins en moins. Et donc, la rupture est toujours douloureuse
16:39et brutale. Mais dans les histoires d'amour, il faut garder les bons moments. Et ces moments-là,
16:45je les dois à ma maîtresse magnifique parce que si je te fais le compte de tous les voyages que
16:51j'ai fait, de toutes les émotions que j'ai capitalisées au fur et à mesure des championnats
16:55du monde, des jeux olympiques, des coupes du monde de foot, des tours de France, j'en passe
16:59et les meilleurs, je suis le privilégié des privilégiés. Donc, comment je pourrais en vouloir
17:04à ma maîtresse de m'avoir congédié ? Ça a été douloureux. C'est-à-dire que tu plonges,
17:08bien sûr. Ce n'est pas de la tristesse, c'est un effondrement. Le monde s'arrête. Je ne suis pas
17:14parti en mauvais terme parce que je n'avais pas envie, mais je suis parti amère. D'autant qu'il
17:20n'y a pas eu de pot de départ. On ne m'a pas offert un ordinateur, un vélo, une machine à
17:25laver ou je ne sais pas quoi comme on fait. Non, je suis parti un vendredi soir, j'ai pris mon
17:29manteau et c'était fini. Mais heureusement, tu as ta famille, tu as tes enfants, tu as tes petits
17:34enfants, tu as ta femme. Et puis, tu as le rebond. Alors peut-être, c'est un mot que j'ai
17:41prononcé qui m'est sorti des tripes en 2014 à Zurich sur la finale du 4x4 féminin lorsque
17:46Floria Gueye a repris le témoin alors qu'elle avait énormément de retard. Et donc, à un moment,
17:52j'ai dit, là, non, non, là, on ne revient pas. Et si, et si. Et là, les mecs, ils se disent,
17:57là, il est complètement con. Évidemment, ils ont vu l'arrivée, mais au moment où je le dis,
18:01je pense sincèrement qu'elle ne reviendra pas. Et puis ensuite, elle grignote, elle grignote,
18:05elle grignote. Et à ce moment-là, je dois me rendre à l'évidence sans que j'aie maîtrisé
18:10quoi que ce soit. Il y a un truc qui me monte et qui dit alors peut-être. Ça revient fort,
18:17elle revient fort. La britannique est en train de craquer. Alors peut-être. Alors peut-être. Alors
18:26peut-être, Floria gagne la course. La France est championne d'Europe. Quand je prends un peu
18:34distance par rapport à ça, je me dis c'est quoi alors peut-être. Alors peut-être, c'est le résumé
18:39d'une vie. Il y a tout dans alors peut-être. La langue française est très riche, mais il n'y a
18:44jamais eu autant de richesse que dans son alors peut-être. Pourquoi ? Parce que alors peut-être,
18:50c'est que tout est possible. C'est que tu peux être au fond du sac, tu peux être à la rue,
18:55tu peux être mal, il y a quand même quelque chose de possible. Toujours quelque chose de
18:59possible. Si tu ne renonces pas à tes rêves, au bout du tunnel, il y aura peut-être une lumière,
19:03et cette lumière, c'est alors peut-être.