Coopératives laitières
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00:00Bonjour et bienvenue à tous sur la SPACE WEB TV.
00:07J'accueille sur ce plateau Michel Prug. Bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Vous êtes président de COP de France.
00:13Oui.
00:14On est sur le SPACE et évidemment on va parler de conjoncture laitière.
00:19La situation est assez compliquée depuis de nombreux mois maintenant.
00:26Le conflit Lactalis a été très médiatisé, très suivi.
00:31Certains éleveurs, assez nombreux, disent que Lactalis a été le bouc émissaire d'une situation.
00:40Les coopératives ont aussi leur rôle à jouer.
00:45Certains éleveurs estiment que les coopératives ne jouent pas assez leur rôle de soutien auprès de leurs adhérents.
00:52Michel Prug, est-ce que vous pouvez m'expliquer en quoi les coopératives, il y a des grands groupes laitiers, peuvent accompagner les éleveurs qui sont aujourd'hui en difficulté ?
01:05Dans votre question, il y a plusieurs aspects.
01:09Le début de votre question nous ramène sur ce qu'est le marché du lait, comment il évolue.
01:15La fin de votre question, c'est le soutien aux adhérents de coopératives.
01:19Sur la première partie, et sans commenter ce qu'il s'est passé envers l'entreprise Lactalis,
01:25clairement, si on est arrivé à cette situation, c'est qu'il y a une sorte de désespérance des producteurs laitiers
01:33qui ne trouvent pas dans le prix payé pour leur production les chiffres d'affaires nécessaires pour couvrir leurs charges et dégager un revenu.
01:42Alors, pourquoi on arrive à cette situation alors qu'il y a encore 18 mois, cela fonctionnait correctement ?
01:48Il y a ce que j'appelle les aléas.
01:52Alors, on est habitué à vivre avec des aléas climatiques en agriculture.
01:55Là, on a des aléas économiques et des aléas politiques.
01:59Aléas politiques, c'est les sanctions qu'a prises l'Europe vis-à-vis de la Russie et la rétorsion qu'a faite le président russe, M. Poutine,
02:07en interdisant les importations, en l'occurrence, de 250 000 tonnes de fromage qui arrivent de l'Europe.
02:12Cela fait quelques milliards de litres de lait qui n'ont plus de débouchés.
02:16Sur le niveau économique, c'est de même nature.
02:19C'est la Chine qui importait beaucoup de produits laitiers français et européens et qui, avec une régulation de sa consommation,
02:27ou plutôt certains qui ont voulu faire d'énormes stocks dans le pays pour ensuite pouvoir essayer de spéculer dessus,
02:35a fait qu'il y a eu un décrochage de ce marché brutalement.
02:38Et donc, quand vous mettez la conjonction des deux phénomènes, c'est des milliards de litres lait en trop.
02:44L'arrêt des quotas laitiers également, qui a redonné de la liberté de production,
02:47et l'Europe qui a augmenté sa production, pas en France, mais dans d'autres pays.
02:51Et donc, cela veut dire un excédent de production majeure sans de nouveaux débouchés pour les utiliser.
02:59Et donc, de fait, il y a une baisse des prix.
03:01Alors, effectivement, quand on regarde le marché lui-même, on pourrait penser que si on se contentait du marché intérieur français
03:07avec des productions à forte valeur ajoutée, comme les fromages ou autres, on pourrait tenir des prix du lait nettement supérieurs.
03:13Mais à ce moment-là, il faut accepter de réduire de 30 ou 40 % la production française.
03:18Je pense ce qui n'est pas tenable pour nos éleveurs.
03:20Donc, il faut accepter d'aller sur les marchés d'exportation.
03:23Et peut-être qu'une lueur d'espoir que l'on a, c'est de voir que les marchés mondiaux sont en train de remonter sur la poudre de lait, le beurre et autres.
03:31Et donc, il faut espérer que pendant cet automne, on ait des prix sur les exportations qui sont aussi élevés que le marché intérieur et qui puissent se rééquilibrer.
03:40Ce que je voudrais rajouter, c'est que les coopératives ont fait le choix depuis le début de l'année de tenir des prix de lait élevés par rapport au marché,
03:49au prix auquel elles peuvent le revendre sur les marchés, ce qui a engendré derrière toute cette conséquence de dire qu'il faut que les autres payent aussi plus cher.
03:58Mais la logique est sur un prix moyen annuel. Espérons que l'augmentation des prix mondiaux pourra faire remonter ce prix moyen annuel.
04:05Est-ce que les copes laitières mettent en place des mesures ponctuelles ? Est-ce qu'elles sont en mesure de... Parce qu'elles aussi, elles souffrent de ce marché difficile.
04:15Est-ce qu'elles sont en mesure d'accompagner ponctuellement leurs adhérents ?
04:20Oui. Alors nos coopératives, nos entreprises souffrent de la même façon, puisque quand on voit les rentabilités qu'il y a dans le secteur agroalimentaire,
04:27on est entre 0,5 et 1% de résultats nets sur chiffre d'affaires. Il n'y a pas de quoi financer le développement d'une entreprise.
04:34Elles souffrent parce que leurs marges sont très faibles, parce qu'elles font des pertes à un certain moment.
04:40Mais quand on est coopérative, nos actionnaires sont nos producteurs, sont les agriculteurs.
04:46Et donc, je sais qu'un certain nombre d'entre elles ont soit distribué des résultats des années passées pour soutenir, soit accompagne en termes de trésorerie leurs adhérents.
04:56Je dirais qu'on essaie de faire feu de tout bois pour ne pas perdre les producteurs, pour ne pas pénaliser l'avenir, puisque chaque producteur qui arrête,
05:05c'est autant de difficultés pour demain, quand les marchés vont être à nouveau présents, pour faire cette production laitière.
05:12Donc nous avons un intérêt partagé entre adhérents et coopératives pour tenir les exploitations laitières.
05:18Alors sur ce space, il y a beaucoup d'hommes politiques qui vont venir, des candidats à la primaire aussi, de droite.
05:24Vous, en tant que président de la COP de France, qu'est ce que vous auriez à leur dire?
05:29Vous y croyez encore à la force politique pour mettre en place des outils de gestion, promouvoir un nouveau modèle et puis avoir des choses plus efficaces que ce qu'on a aujourd'hui?
05:43Oui, bien sûr, je crois à la politique et la politique au sens littéral du terme, c'est à dire bâtir le projet de société dans lequel on veut vivre.
05:53Aujourd'hui, ce dont on a besoin, nos entreprises coopératives, c'est d'avoir un cadre qui permette aux entreprises de s'exprimer.
06:00Nous le disons depuis de nombreux mois, l'avenir des agriculteurs et nos entreprises coopératives passe par la capacité à satisfaire les marchés solvables que l'on peut identifier.
06:11Ces marchés peuvent être très lointains, on vient d'en parler, comme ils peuvent être très proches avec de l'agriculture de proximité, avec des circuits courts, avec du bio, du conventionnel.
06:21Nous refusons d'opposer les modes d'agriculture et d'opposer les circuits de distribution ou les lieux de consommation.
06:27Quand on a dit cela, il faut qu'on soit très lucide et que nos responsables politiques soient très lucides également sur la prochaine politique agricole commune.
06:35Que veut-on? Nous savons que les politiques publiques auront moins d'incidence sur le revenu des agriculteurs que par le passé.
06:41Donc c'est les marchés et nos entreprises qui vont construire ce revenu des agriculteurs.
06:46Nous devons avoir un cadre qui nous permette de la compétitivité. C'est un problème de charge, c'est un problème de réglementation.
06:53C'est dans certains cas un problème d'aide à l'investissement dans des moments très précis.
06:57Mais c'est surtout de créer un contexte dans lequel on puisse faire une gestion des risques, les aléas climatiques, les aléas économiques, politiques.
07:05Il faut que l'on ait des outils. Je ne pourrais pas vous dire lesquels à ce jour, puisque nous sommes en train d'y travailler, de faire des propositions, mais qui permettent de lisser.
07:14C'est cette forte volatilité, ces gros écarts qu'il peut y avoir en termes de chiffre d'affaires ou de revenus. Et c'est là-dessus qu'il faut se préoccuper.
07:24Deuxième sujet, c'est libérer les énergies. Il faut arrêter qu'un agriculteur, une entreprise soit obligé de demander, de lever le doigt 5 ou 6 fois pour demander des autorisations en tout genre
07:36et qui sont édictées pour d'autres choses que des règles de production et d'efficacité économique.
07:41Il y a trop de normes ?
07:43Oui, il y a trop de normes. Il y a plutôt trop d'empilement de normes et qu'on ne sait pas effacer un certain nombre.
07:49Quand on nous demande de respecter l'environnement, quand on nous demande de modifier nos modes de production, quand on nous demande d'être plus efficients sur le plan social,
07:58on est d'accord pour partager cela. Mais de grâce, arrêtons d'édicter des règles qui s'appliquent sur toute l'Europe ou sur toute la France sans tenir compte des situations locales.
08:06Je pense qu'il faut qu'on soit sur des politiques de résultats plutôt que sur des politiques de moyens.
08:11Aujourd'hui, laissons respirer les entrepreneurs. Je pense qu'on parle comme beaucoup d'autres chefs d'entreprise.
08:16Acceptons qu'il puisse y avoir quelques erreurs commises. Cela fait partie du risque.
08:21Le principe de précaution ne doit pas être appliqué en refusant de laisser faire à quoi que ce soit tant qu'on n'a pas 3 assemblées, 4 ingénieurs et 5 citoyens
08:31qui ont donné leur avis sur les sujets pour lesquels souvent ils ne sont pas compétents.
08:35Et à court terme, est-ce qu'il y a des possibilités sur le plan politique ? Les éleveurs restent en attente forte pour des mesures de soutien, d'accompagnement.
08:45Est-ce que vous avez des attentes par rapport à ça ?
08:48Oui, nous avons présenté aux ministres de l'Agriculture, comme d'autres de nos collègues, des demandes de mesures de soutien en trésorerie pour les exploitations.
08:57Pour les entreprises, justement, laisser cette liberté d'entreprendre.
09:01C'est à court terme. C'est le secteur céréalier qui est fortement touché, le secteur de l'élevage.
09:06On a vu sur la crise de porcine que quand les marchés se sont retournés, les producteurs n'ont pas comblé leur passif, mais retrouvent des prix qui leur permettent de rémunérer correctement leurs activités.
09:17De la même manière, il faut que l'on réagisse de la même façon pour être capable de supporter ces accidents.
09:29Excusez-moi, je reprends le fil de mon propos. Et puis, il y a une échéance avec la PAC en 2021. Nous ne pouvons pas attendre 2021.
09:37Il y a des analyses sur la première partie de la PAC qui doit se faire en 2017. Nous pensons qu'en 2018, sur des outils de gestion de risque, nous devons tenter des expérimentations sur le territoire européen.
09:48Dès 2017 ?
09:49Dès 2018, on va dire, puisqu'il y a 2017 pour préparer les textes. Mais dès 2018, il faut que l'on puisse expérimenter des outils que l'on pourra peut-être mettre en application en 2021.
10:00Et puis le dernier point, on a eu le Brexit. Je pense qu'il ne faut pas laisser croire aux agriculteurs que les pays peuvent se diviser.
10:07Vous savez, quand on regarde les analyses économiques sur la planète, ce sont, je dirais, les pays continents qui ont la puissance de feu.
10:14Il faut que les pays d'Europe restent unis pour avoir un projet stratégique agricole et alimentaire au niveau de notre Europe.
10:20Michel Brugge, merci beaucoup.
10:22Merci à vous.
10:23Et retrouvez d'autres informations sur ternet.fr et webagri.fr. Merci.