- il y a 1 an
« A Vos Marques » sur Sport en France c'est votre rendez-vous dédié aux disciplines parasport. Dans ce numéro, retour sur le parcours d'un influenceur hors du commun mais également conférencier et auteur du livre « Et pourtant... ça roule ! » aux éditions du Rocher : Romain GUERINEAU, alias « roro le costaud ». Pompier professionnel victime d'un accident de ski en 2012 qui l'a laissé tétraplégique, il a su trouver la force de rebondir et va nous expliquer son histoire. Dans une seconde partie, il sera question de la place du handicap dans la société, notamment à travers le sport mais aussi grâce aux messages que diffuse Romain sur ses réseaux sociaux.« Si tu crois qu'être handicapé c'est la fin du monde... ne suis pas mon compte tu vas être déçu »
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SportTranscription
00:00Bonjour à toutes, bonjour à tous, ravi de vous retrouver pour ce nouveau numéro d'Avomar,
00:17votre rendez-vous 100% par Asport, c'est à retrouver tous les mardis à 19h sur Sport
00:22en France.
00:23Une fois n'est pas coutume, nous allons mettre à l'honneur aujourd'hui une personnalité,
00:27Romain Guérinot est avec nous.
00:29Bonjour Romain.
00:30Bonjour et merci pour l'invitation.
00:32Les téléspectateurs, les internautes vous connaissent peut-être davantage sous le
00:36pseudo Roro le costaud, vous êtes influenceur, vous êtes conférencier, vous êtes aussi
00:43pompier professionnel.
00:44Dans la première partie de cette émission Romain, si vous le voulez bien, nous allons
00:47revenir sur votre parcours, sur votre destin hors du commun et dans la seconde partie nous
00:52évoquerons la place du handicap et vous savez que le sujet est large.
00:58On commence tout de suite avec votre parcours, votre histoire Romain Guérinot alias Roro
01:05le costaud.
01:06Vous êtes né en 1985 à Tours, dans le centre Val-de-Loire.
01:12Votre situation professionnelle, vous êtes pompier, vous êtes pompier professionnel.
01:16Aujourd'hui vous êtes au centre d'appels où sont réceptionnés les appels du 18,
01:21vous êtes papa d'une fille de 11 ans et vous êtes auteur du livre « Et pourtant,
01:28ça roule ». J'aimerais qu'on comprenne un petit peu
01:30votre histoire, qui était Roro le costaud, Romain Guérinot avant cet accident qui intervient
01:36le 13 janvier 2012 sur une piste de ski, racontez-moi qui vous êtes.
01:41Pas de souci, merci déjà pour cette belle présentation.
01:44Tout simplement, un jeune homme qui était très sportif depuis qu'il était tout jeune.
01:53Puis à l'âge de 12 ans, j'ai découvert le monde des sapeurs-pompiers.
01:58Je suis rentré jeune sapeur-pompier, personne dans ma famille était dans ce monde-là.
02:03C'est tôt 12 ans pour être sapeur-pompier ?
02:04C'est tôt, à la fois c'est tôt et à la fois à l'époque, ce n'était pas tard,
02:10mais on pouvait même rentrer chez les jeunes sapeurs-pompiers dès l'âge de 8-9 ans.
02:14C'était quoi ? C'était une passion ?
02:16Vous vous étiez dit quand vous étiez gamin, je veux absolument devenir pompier,
02:19c'était votre rêve ?
02:21Pas du tout, j'étais vraiment dans mon idée de devenir sportif professionnel.
02:27Je faisais du hockey sur glace, j'étais en sport études à Tours.
02:31J'étais plus là-dedans, plus dans le hockey sur glace.
02:35Je ne sais pas pourquoi, j'ai été attiré, je me suis dit, tiens, allez, je vais essayer.
02:39J'ai passé les tests et puis j'ai été pris, donc je suis rentré jeune sapeur-pompier
02:44à l'âge de 12 ans.
02:45Et puis après, petit à petit, j'ai gravi les échelons dans ma formation et à 17 ans,
02:52à l'époque, même mineur, on pouvait rentrer pompier volontaire, donc ça a été le cas.
02:57J'ai commencé à aller faire des interventions et je savais déjà que je voulais faire ça.
03:04C'était clair et net, je ne me voyais pas faire autre chose dans la vie que pompier.
03:08Donc, j'ai continué les études, mais je savais très bien que…
03:11Ça ne servait pas à grand-chose ?
03:14Ça allait me servir, mais dans tous les cas, ça serait pour être pompier et rien d'autre.
03:18Alors, si je comprends bien, pompier professionnel, le hockey sur glace, sport-études,
03:25le sport faisait partie intégrante de votre vie ?
03:30Oui, c'était viscéral en fait.
03:34J'avais besoin, déjà quand j'étais jeune, de faire du sport.
03:38Avec le sport-études, ça représentait plus l'école à peu près entre 20 et 24 heures par semaine.
03:45Et puis, quand j'étais adulte, même si effectivement on a un petit peu moins de temps que quand on est étudiant,
03:51mais j'avais besoin.
03:53Tous les jours, c'était quotidien, il fallait que je fasse du sport.
03:56Peu importe lequel, mais il fallait que je fasse du sport.
03:59C'était important pour moi.
04:00Votre métier vous amène d'une région à l'autre, vous partez en Haute-Savoie.
04:06Et là, le 13 janvier 2012, vous avez un accident de ski.
04:11Racontez-moi cette journée.
04:13C'est une journée qui commence un lendemain de garde, c'est-à-dire que je travaillais 24 heures.
04:18Je finis de travailler à 7h30 le matin.
04:22Et puis avec des amis, on se dit qu'il fait super beau, on va aller skier.
04:25On est hors période scolaire, c'est génial, il n'y a personne.
04:28Toutes les conditions sont remplies pour passer une belle journée de ski.
04:32Du coup, nous voilà partis sur la station des G en Haute-Savoie.
04:36La journée commence.
04:38C'est marrant à l'époque, j'ai un souvenir de croiser quelqu'un qui est handicapé,
04:44qui fait du ski handicapé.
04:46C'est la première fois de ma vie que je croise quelqu'un qui fait du ski dans un uniski.
04:51En plus, c'est avec un ami à nous qui est pompier aussi.
04:55C'est drôle, c'est vraiment le petit clin d'œil avant de partir.
04:58On commence la journée et quelques instants plus tard,
05:03alors que je descends une piste, je ne vois pas quelqu'un qui s'insère sur la piste.
05:07Il ne me voit pas non plus.
05:09On se rend dedans et moi, ça m'envoie en avant.
05:12Je ratterris sur la tête et je me fais une fracture au niveau des cervicales.
05:17Voilà ce qui s'est passé.
05:19C'est ce qu'on vous raconte ou c'est ce dont vous vous souvenez ?
05:23Parce que vous n'avez pas beaucoup de souvenirs de l'accident, c'est bien ça ?
05:26Oui, c'est ça. En fait, je n'ai aucun souvenir de l'accident.
05:28C'est ce qu'on me raconte.
05:29Le dernier souvenir que j'ai, c'est qu'on nous appelle dans un télésiège qui passe au-dessus de nous.
05:36C'est mon ami qu'on a croisé plus tôt avec la fameuse personne handicapée qui fait du ski.
05:42C'est mon dernier souvenir.
05:43Ce n'est pas juste avant, c'est quelques minutes avant l'accident, mais c'est mon dernier souvenir.
05:48Après, j'ai un trou noir, le trou noir de l'accident.
05:51Vous vous réveillez à l'hôpital, on vous annonce que vous êtes tétraplégique.
05:56Comment est-ce que vous réagissez à ce moment-là ?
05:58J'ai un sentiment, c'est assez étrange parce que je me rends compte forcément qu'il y a quelque chose de grave.
06:03Je suis à l'hôpital.
06:04La dernière fois que j'ai ouvert les yeux, j'étais sur les pistes de ski.
06:08Qu'est-ce que je fous là ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
06:10Je sens déjà qu'il y a des choses qui ne vont pas.
06:13Je n'arrive pas trop à bouger mes bras.
06:15Je ne sens pas mes jambes, je ne sens plus rien.
06:17Je me dis, mince, qu'est-ce qui se passe ?
06:19Assez rapidement, on vient m'expliquer ce qui m'est arrivé.
06:23Et c'est à ce moment-là où j'ai une réaction un peu bizarre.
06:27C'est de me dire, écoute, c'est comme ça, tu ne peux rien y faire.
06:31Tout de suite ?
06:32Il n'y a même pas une petite période tampon où certains tombent dans la dépression, se demandent ce qu'ils vont faire.
06:42Vous, c'était un réflexe presque reptilien ?
06:47Je ne l'ai pas tout de suite.
06:50Cette phase de dépression, on la connaît tous.
06:52Je ne l'ai pas eue tout de suite.
06:54Tout de suite, je me suis dit, écoute, tu es comme ça, bats-toi pour essayer de te remettre debout.
06:59Peut-être, je ne sais pas encore ce qui va arriver.
07:02On m'a bien dit que ce n'était peut-être pas définitif, personne ne sait.
07:05Je me dis, je ne vais pas tout de suite m'apitoyer sur mon sort.
07:09Peut-être que ça va revenir, peut-être que je vais récupérer.
07:12Fais ce qu'il faut pour récupérer le plus vite possible.
07:15Voilà ce que je me dis à ce moment-là.
07:16Votre femme, votre ex-compagne, vous avez annoncé quelques mois avant votre accident, sa grossesse.
07:22J'imagine que l'arrivée de votre fille vous a beaucoup aidé, justement,
07:26et puis a transformé cet état d'esprit vers un état d'esprit de, de toute façon, il va falloir que je me batte.
07:33C'est ça.
07:34Moi, à ce moment-là, je le prends comme un défi salvateur.
07:39Pour moi, c'est d'être là.
07:40Je me dis, voilà, j'ai une fille qui va naître.
07:42Elle a besoin de son papa, handicapée ou pas.
07:45Elle s'en fout.
07:46Elle a besoin d'avoir des parents.
07:48Et donc, à moi d'être là, à moi d'être là pour elle.
07:51Et c'est pour ça que je me bats dès le début, en fait, pour être le plus vite possible sur pied ou dans un fauteuil.
07:58Je ne sais pas encore à l'époque, mais en tout cas, je sais qu'elle va avoir besoin de moi et que je veux être là pour elle.
08:03Quand on est sportif, on l'est toute sa vie, tétraplégique ou pas.
08:07Racontez-moi aujourd'hui votre relation au sport.
08:11Quels sont les sports que vous pouvez pratiquer ?
08:15Alors effectivement, c'est vrai que là, déjà, j'aimais beaucoup le sport avant.
08:19Là, c'est devenu plus qu'une drogue.
08:21Je ne peux pas m'en passer.
08:23Je ne peux très clairement pas m'en passer.
08:25Moi, les sports que je pratique, c'est l'athlétisme, le handbike, donc le vélo, le vélo couché, vélo à bras.
08:33Et je fais aussi de la musculation.
08:35Maintenant, c'est les sports que j'ai choisis moi.
08:38Mais c'est vrai que j'ai envie de dire que dans le handisport, on peut quand même faire encore beaucoup de sports.
08:44On arrive à adapter beaucoup de disciplines.
08:46Il y a même des disciplines qui n'existent pas et qui sont dans le monde du handisport.
08:52Vous avez une discipline que vous préférez en particulier ?
08:58Je m'étais lancé au départ dans un projet de paralympisme en athlétisme.
09:04Maintenant, je n'ai plus de club et je suis plus dans le loisir.
09:10J'ai envie de dire qu'actuellement, je prends plus de plaisir sur le handbike où je peux faire des plus longues sorties.
09:16Encore cette semaine, on a fait 100 kilomètres.
09:19On s'est mis un petit défi de faire 100 kilomètres.
09:22Mais c'est là où j'apprécie le plus, c'est le vélo.
09:27Cette envie de faire un jour les Jeux paralympiques, vous l'avez complètement abandonné ou ça reste quand même dans un coin de votre tête ?
09:36Je vais être honnête, je l'ai abandonné pour la simple et bonne raison.
09:39Aujourd'hui, être athlète handisport de haut niveau, c'est un métier à plein temps.
09:45Je pense qu'on ne peut pas le conjuguer avec un autre travail ou alors c'est très compliqué.
09:51Même si j'ai quelqu'un dans ma vie, j'ai quand même ma fille à la maison.
09:58Ma fille plus mon travail, je ne peux pas tout faire.
10:01Vous avez trois boulots.
10:02Vous êtes au centre d'appel des pompiers et vous êtes également rôle costaud sur les réseaux sociaux.
10:10Vu la fréquence avec laquelle vous postez vos vidéos, j'imagine qu'il y a quand même beaucoup de travail derrière cela.
10:16Ça prend beaucoup de temps, mais je le fais par passion.
10:21Je le fais parce que j'aime ça et j'ai toujours fait tout comme ça.
10:25C'est pour ça que le sport de haut niveau, je l'ai fait pendant deux ans.
10:29J'ai adoré, mais c'est vrai que je sais très bien qu'au bout d'un moment, il faut être pragmatique.
10:36J'avais très peu de chance dans ma catégorie de handicap de performer à haut niveau.
10:44Finalement, je ne prenais pas plaisir dans la compétition.
10:47Là où actuellement, je m'éclate en loisir.
10:51Je fais autant de sport qu'avant, sauf que je ne fais plus de compétition.
10:54Comment est venue cette idée de vous créer un personnage rôle costaud et de raconter votre vie sur les réseaux sociaux ?
11:04Quand est-ce que ça a commencé et comment vous est venue l'idée ?
11:08Ça a commencé avec le sport.
11:10Ça a commencé en 2018 lorsqu'il a fallu que je me fasse connaître un petit peu pour essayer de médiatiser mon projet de paralympisme
11:20et pour payer mon matériel de sport surtout.
11:23À ce moment-là, je me suis lancé sur les réseaux.
11:26Les gens m'ont rapidement dit que c'était super le sport.
11:30Il y a plein de monde qui a commencé à arriver.
11:32C'est génial ce que tu nous montres.
11:34Mais quand tu vas faire sport, tu vas en voiture.
11:36Ta fille, comment tu t'en occupes ?
11:39Toutes ces petites questions, ça m'a rappelé que quand j'étais en rééducation, je me les posais.
11:44Comment on fait pour se transférer ?
11:46Comment on fait pour faire ceci, pour faire cela ?
11:48Je me suis dit que c'est peut-être une bonne idée.
11:51Pourquoi toi, tu ne montrerais pas en vidéo, tu ne montrerais pas en photo comment on fait ?
11:57C'était aussi l'occasion à l'époque de me dire qu'il y a quand même beaucoup de personnes qui sont valides aussi
12:03et qui viennent vers moi pour que je leur parle du handicap.
12:07Pourquoi pas sensibiliser le monde entier au handicap ?
12:12Parce qu'à l'époque, je voyais qu'on n'en parlait pas beaucoup.
12:16Je me suis dit, lance-toi.
12:18Les réactions que vous avez des internautes, elles sont plutôt bienveillantes
12:23ou parfois, vous avez quand même des réactions qui sont malveillantes sur ce que vous faites ?
12:28C'est plutôt toujours bienveillant.
12:30Il ne faut pas se plaindre.
12:32J'ai envie de dire qu'à partir du moment où on s'expose sur les réseaux,
12:35il faut bien sûr s'attendre à ce qu'il y ait des détracteurs, des gens qui n'aiment pas ce qu'on fait.
12:39C'est normal. Il faut se l'inculquer.
12:42Au début, on ne comprend peut-être pas toujours, puis après, on se l'inculque.
12:44C'est normal. On ne fait pas d'unanimité.
12:46On ne peut pas plaire à tout le monde.
12:48Une fois qu'on a compris ça, on se rend compte que ces personnes-là qui ne nous aiment pas
12:53en fonction de ce qu'on fait, moi par exemple, je ne sais pas, ça va représenter 2-3%
12:58et que le reste, c'est 98-97% de gens qui aiment ce que je fais
13:03et qui me font des retours plutôt agréables.
13:05Donc, j'essaye de me focaliser plutôt sur cette partie positive pour oublier les autres.
13:10Vous parlez d'absolument tout dans vos vidéos.
13:12Vous parlez de votre aspect physique.
13:14Vous parlez de la relation avec votre fille.
13:17Vous parlez même de sexualité.
13:19Alors justement, sur votre physique, vous qui faisiez,
13:22parce que vous ne l'avez pas mentionné, mais je me suis renseigné,
13:25vous faisiez pas mal de muscu.
13:27Est-ce que vous avez eu du mal à accepter votre nouveau corps après l'accident ?
13:33Effectivement, ça a été compliqué.
13:35Ça a été très compliqué d'accepter ce nouveau corps que je ne reconnaissais pas,
13:40parce que je n'avais plus de pectoraux, les bras avaient fondu,
13:43puisqu'il me manque des muscles, je ne pouvais plus l'air musclé.
13:46Je me suis dit, mais pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?
13:49Et puis, j'avais beaucoup de mal à me montrer en photo ou en vidéo au départ.
13:53Au début, on voyait juste ma tête.
13:55Juste l'encadrement.
13:57Et puis, petit à petit, je me suis mis à reculer.
14:00Reculer, reculer l'objectif, reculer l'objectif.
14:03Et après, j'ai appris à apprécier la beauté différemment.
14:07Et vraiment la beauté dans son ensemble et non pas par des détails
14:11comme un muscle saillant ou autre.
14:14Et c'est comme ça en fait.
14:16C'est en faisant beaucoup de photos que j'ai appris à accepter mon corps
14:20et à me dire, regarde en plus, tu postes une photo
14:23que toi, tu ne trouves peut-être pas spécialement belle à la base
14:26et regarde tous les commentaires.
14:27Les gens sont plutôt positifs.
14:29Et voilà.
14:30Voilà comment j'ai appris à l'accepter.
14:32Mais ça, par contre, c'est vrai que ça a pris du temps.
14:34Il y a un autre aspect très important de votre vie,
14:36c'est la relation avec votre fille.
14:39Qu'est-ce qu'elle en pense, votre fille, aujourd'hui,
14:41d'avoir un père qui est en fauteuil roulant ?
14:43J'imagine qu'à l'école, peut-être que vous êtes le seul.
14:47Non, c'est effectivement ça.
14:49Pour l'instant, toutes les écoles où elle a été, je suis le seul.
14:52Je suis le seul parent en fauteuil roulant.
14:55Alors non, pas dans cette nouvelle école.
14:57Il y a une autre maman qui est en fauteuil électrique, d'ailleurs.
14:59Ça serait mentir.
15:00Écoutez, elle le vit.
15:01Elle a fait comme moi, en fait.
15:03On a appris à grandir ensemble.
15:05Donc, elle m'a toujours connu en fauteuil.
15:07Et puis moi, dès le plus jeune âge,
15:09j'ai voulu qu'elle ait une enfance, entre guillemets,
15:13dite normale, malgré le fait qu'elle ait un papa en fauteuil.
15:16Donc, j'essaye au quotidien qu'il n'y ait pas de différence
15:21entre elle et les autres enfants.
15:23Et j'ai même envie de dire, plus jeune, j'avais envie de faire plus
15:26pour que le handicap ne soit pas un poids pour elle,
15:28qui n'avait rien demandé non plus.
15:30Mais c'était important pour moi.
15:32Et voilà.
15:33Mais c'est vrai que l'école, c'est important.
15:36C'est pareil que je puisse avoir les mêmes droits que les autres parents,
15:41c'est-à-dire pouvoir aller chercher ma fille à l'école comme tout le monde,
15:43pouvoir aller dans la classe.
15:44Donc, je me bats un petit peu pour ça aussi,
15:46parce que ce n'est pas toujours le cas.
15:48Dans toutes les écoles, ce n'est pas accessible partout.
15:51Romain, dans vos vidéos, vous parlez de votre vie amoureuse.
15:55Est-ce qu'à un moment donné, ça a été une inquiétude pour vous
15:57après votre accident, entre guillemets,
16:00de ne plus être aimé parce que vous étiez en situation de handicap ?
16:04En fait, au tout début, pas spécialement quand j'ai mon accident,
16:08parce que j'étais avec quelqu'un et qu'on avait une relation très particulière.
16:12Mais c'est vrai que quand on s'est séparés trois ans plus tard,
16:15je me suis dit « mince, est-ce que je vais arriver à plaire avec ce fauteuil ?
16:18Est-ce que je vais arriver à séduire ?
16:21Est-ce que je vais arriver encore à donner du plaisir ? »
16:23Et alors ?
16:24Et alors, ça va, j'étais plutôt rassuré rapidement,
16:28dans le sens où je me suis aperçu que dans un groupe de 100 personnes,
16:32s'il y a 100 hommes devant nous,
16:35quels sont ceux qui vont sauter aux yeux ?
16:39Le plus grand, le plus petit.
16:41Il y a celui en fauteuil.
16:43Et je me suis dit à ce moment-là, ça, il faut l'utiliser, il faut le mettre en avant.
16:47Et j'ai remarqué que le fauteuil n'était pas spécialement un frein aux discussions, aux rencontres.
16:55Et après, j'ai rencontré quelqu'un assez rapidement,
17:00lorsque j'étais en Haute-Savoie,
17:02et quelqu'un qui avait déjà connu quelqu'un en fauteuil.
17:04Donc, ça a été très bien pour me mettre le pied à l'étrier
17:08parce qu'en fait, elle connaissait les difficultés,
17:10elle savait ce que ça voulait dire, ce que ça représentait.
17:12Et puis voilà.
17:13Et après, par la suite, j'ai connu des femmes qui, non,
17:16n'avaient jamais été avec quelqu'un qui était en situation de handicap.
17:19Mais voilà, ça s'est toujours très bien passé.
17:22Relativement bien, en tout cas.
17:24Ça fait partie de votre message ?
17:27Les seules limites, c'est celles qu'on s'impose à nous-mêmes ?
17:31C'est exactement ça.
17:32Et c'est valable dans tous les domaines et pour tout le monde.
17:34Ce n'est pas que pour les personnes handicapées,
17:38c'est vraiment pour tout le monde.
17:39C'est qu'aujourd'hui, je pense que dans la vie, on se met trop de barrières.
17:44On se dit toujours, je ne suis pas capable, je ne peux pas le faire,
17:47je n'ai pas ta force, je n'ai pas tout ça.
17:49Et en fait, tout ça, c'est n'importe quoi.
17:51On a tout ça, on est tous capables de le faire.
17:53C'est juste que parfois, il faut arriver à avoir ce petit déclic de se dire,
17:59si en fait, il faut au moins que j'essaye.
18:01Au moins, il faut que j'essaye.
18:02J'imagine que c'est un message qui porte un peu plus loin
18:05que seulement les personnes en situation de handicap.
18:08Vous devez le ressentir sur les réseaux sociaux.
18:10Je ne pourrais pas quantifier le nombre de personnes qui me suivent,
18:14mais j'ai envie de dire que je pense qu'il y a beaucoup plus de personnes
18:17qui n'ont pas de handicap que l'inverse qui me suivent.
18:20Parce qu'effectivement, je pense que ce message-là,
18:24ce message que je fais passer à travers mon handicap,
18:26il est valable pour tout le monde.
18:28Il est vraiment valable pour tout le monde
18:29et je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui se retrouvent dans ce message.
18:32Romain, nous allons passer à la seconde partie de cette émission.
18:35J'aimerais évoquer avec vous la place du handicap en France
18:38A tout de suite !
18:43De retour pour la seconde partie de votre émission A vos marques
18:46avec mon invité Romain Guérino alias Roro le Costaud.
18:50Romain, merci de rester avec nous.
18:52Nous allons évoquer ensemble la place du handicap dans notre pays.
18:56Vous êtes porteur d'un message fort.
18:59Travaillons ensemble pour rendre le monde accessible
19:01aux personnes en situation de handicap.
19:04J'imagine que si vous portez ce message,
19:06c'est que vous avez identifié certaines carences dans ce monde et notamment en France.
19:12Très clairement, oui.
19:13On est encore malheureusement en retard.
19:16Je n'aime pas me comparer à d'autres pays
19:18parce qu'il y a toujours pire, il y a toujours mieux.
19:21Maintenant, une chose est sûre, ça fait 11 ans que je suis dans un fauteuil roulant
19:25et aujourd'hui, il y a plus d'accessibilité qu'il y a 10 ans,
19:28mais il y a encore des grosses lacunes.
19:30J'espère que dans 10 ans, on se dira 10 ans en arrière
19:34On était très loin de l'inclusion pour tous
19:38et notamment pour les personnes handicapées.
19:40Effectivement, il y a encore beaucoup de travail
19:43et j'essaye de faire ça à mon humble échelle.
19:46J'essaye de faire bouger un petit peu les choses à ma manière,
19:49avec ma façon de faire.
19:51Comment est-ce que vous faites pour faire bouger les choses
19:53au-delà de faire des vidéos sur les réseaux sociaux ?
19:56Je crois que vous êtes engagé dans une association,
19:59APF France Handicap.
20:01Est-ce que vous avez des relations avec les politiques
20:04pour porter votre message ?
20:06Et bien évidemment, en ligne de mire, Paris 2024,
20:09qui peut être une belle vitrine pour le sport paralympique.
20:12C'est vrai que j'utilise beaucoup les réseaux sociaux malgré tout,
20:15les vidéos et autres, pour dénoncer quand il y a un problème,
20:18pour dénoncer quand il y a des situations qui me paraissent
20:21complètement saugrenues ou des accessibilités qui sont manquantes,
20:25alors que c'est dans des endroits où c'est juste improbable.
20:29Mais au-delà de ces vidéos, les réseaux sociaux
20:32et la « notoriété » que j'ai réussi à acquérir
20:36me permettent de toucher des politiques.
20:39Même si je n'aime pas trop,
20:42parce que je ne souhaite pas être politisé,
20:45je n'ai pas de parti politique et je n'ai pas envie d'en avoir.
20:48Néanmoins, c'est ce que je dis aux gens en France,
20:51c'est encore les politiciens qui votent les lois.
20:54Jusqu'à présent, ce n'est pas grâce à une vidéo sur Internet
20:57qu'on pourra faire vraiment modifier une loi ou quelque chose.
21:01Donc, ça me permet effectivement de toucher des ministres,
21:05des députés, des politiciens pour faire avancer ce genre de choses
21:09ou pour modifier de l'accessibilité.
21:12C'est l'opportunité que je peux avoir.
21:15Si vous aviez un politique en face de vous aujourd'hui,
21:18qu'est-ce que vous lui diriez ?
21:20Quelle serait pour vous la priorité pour avoir davantage d'inclusion
21:24des personnes en situation de handicap ?
21:27Ma priorité à moi, c'est l'accessibilité mais au sens large.
21:30C'est-à-dire que quand je dis accessibilité au sens large,
21:33pour moi, il y a trois volets.
21:35Le premier, c'est le volet accessibilité physique.
21:38C'est-à-dire que j'estime qu'aujourd'hui, il y a encore beaucoup trop d'endroits
21:42où rentrer dans un lieu quand on est en fauteuil roulant,
21:45et je dis fauteuil roulant volontairement parce qu'à partir du moment
21:48où on peut faire rentrer un fauteuil roulant, on pourra faire rentrer tout le monde,
21:51c'est-à-dire qu'il y a des endroits où c'est encore inaccessible,
21:54où c'est encore la croix et la bannière,
21:56ou alors où la personne handicapée a vraiment l'impression de déranger
22:02pour rentrer dans ce lieu.
22:04La deuxième accessibilité pour moi, c'est l'accessibilité administrative.
22:08En France, aujourd'hui, c'est un parcours du combattant
22:12pour une personne pour se faire reconnaître handicapée,
22:15pour faire reconnaître ses droits.
22:17Il y a une paperasse qui est incroyable, qui est redondante,
22:21au fil des années, et qui influe beaucoup sur la charge mentale
22:25de beaucoup de personnes handicapées.
22:27La dernière accessibilité qui est très importante pour moi,
22:30c'est l'accessibilité financière.
22:32Aujourd'hui, il y a encore beaucoup trop de restants à charge
22:35pour les personnes handicapées.
22:37Il y a même très souvent un non-remboursement pour certains matériels.
22:41Aujourd'hui, beaucoup de personnes handicapées achètent ce qu'elles peuvent
22:46et non pas ce qu'elles ont besoin.
22:48Du coup, elles vivent dans, pour moi, ce que j'appelle
22:51une misérabilité du handicap.
22:54Par exemple, un fauteuil.
22:55Aujourd'hui, qu'on comprenne bien, un fauteuil, une prothèse,
22:58c'est remboursé par la Sécurité sociale ou pas du tout ?
23:01Aujourd'hui, un fauteuil roulant est remboursé à hauteur de 558 euros
23:05pour un fauteuil manuel par la Sécurité sociale.
23:08Là où un modèle...
23:10J'ai envie de dire, sur mon fauteuil, par exemple,
23:12ce n'est même pas 10 % du prix.
23:15Vous, vous avez un fauteuil qui vaut plus de 5 000 euros ?
23:19Oui, j'ai un fauteuil à 6 800 euros.
23:23On n'est pas dans des entrées de gamme,
23:25mais je ne suis pas non plus encore au haut de gamme.
23:27Je suis vraiment en milieu de gamme et on voit déjà le prix que ça coûte.
23:31Après, il faut trouver les financements.
23:33Vous avez écrit un livre qui s'appelle « Et pourtant, ça roule ».
23:39Quand est-ce que vous l'avez écrit et de quoi ça parle ?
23:42Lorsque j'ai eu mon accident, je me suis retrouvé chez moi.
23:46J'ai eu envie d'écrire.
23:47J'ai commencé à écrire au départ,
23:49à écrire mon histoire, ce qui m'était arrivé.
23:51Et j'ai tout perdu parce que c'était sur un ordinateur.
23:54J'ai tout perdu quand l'ordinateur a planté.
23:56Plusieurs années plus tard,
23:58une éditrice est venue me voir et m'a dit
24:00« Romain, tout ce que tu écris sur Instagram, c'est très joli.
24:02Moi, j'adore.
24:03Tu as déjà pensé à écrire un livre ? »
24:05Je lui ai dit « Bien sûr, j'y ai déjà pensé. »
24:07Elle me dit « Est-ce que ça te dit ?
24:09On tente l'aventure ensemble. »
24:11À ce moment-là, je me suis dit
24:13« Cette porte ouverte, cette opportunité qu'on m'offre,
24:16je ne peux pas passer à côté. »
24:17J'ai dit « Je trouve le temps de le faire. »
24:19J'ai pris le temps de le faire.
24:21Ça a duré 8-9 mois.
24:23J'ai co-écrit avec Anne Leblay.
24:25On a co-écrit ensemble.
24:27Dès le départ, on a eu cette connexion, cette alchimie.
24:31Une des choses qui me faisaient peur,
24:34c'était le temps que ça allait me prendre d'écrire.
24:37C'est vrai qu'elle m'a aidé.
24:40Je tape une lettre par une lettre.
24:42La reconnaissance vocale de l'ordinateur,
24:45il y a encore beaucoup de fautes.
24:47Ça m'a beaucoup aidé.
24:51J'écris mon histoire.
24:53J'écris ce qui m'est arrivé
24:55avec tous mes ressentis,
24:57tout ce que j'ai traversé.
24:59Ça m'a aussi permis de parler du handicap.
25:03Un peu exactement ce que je fais sur les réseaux sociaux,
25:06mais cette fois-ci dans un livre
25:08avec beaucoup plus de place pour écrire,
25:10pouvoir mettre beaucoup plus de choses
25:13et rentrer plus dans les détails de ce que je voulais.
25:16Et être un petit peu un message porteur d'espoir
25:19pour les personnes handicapées.
25:21Votre ouvrage s'appelle « Et pourtant, ça roule ».
25:24Il a été édité aux éditions du Rocher.
25:26Peut-être un projet de film sur votre vie ?
25:29Les droits sont libres.
25:31S'il y a un film qui veut acheter les droits,
25:34c'est vrai que je ne me cache pas.
25:37Je n'ai pas de limite, comme je l'ai dit tout à l'heure.
25:40Demain, si on vient me proposer de tourner dans un film,
25:43j'irai parce que c'est quelque chose qui me plaît.
25:47La caméra me plaît.
25:49Je n'ai pas de formation de comédien, d'acteur.
25:54J'ai l'impression que vous n'avez pas vraiment besoin
25:57de formation dans votre vie
25:59et que vous y allez et advienne ce que pourra.
26:04C'est exactement ça.
26:06J'aime bien laisser les choses venir à moi.
26:09Je n'aime pas trop aller chercher.
26:11Je n'aime pas réclamer.
26:13J'aime que les choses viennent à moi.
26:15Comme ça, les choses qui arrivent par surprise dans la vie
26:18ont encore plus de saveur.
26:20Pour terminer cette émission,
26:22j'aimerais que vous nous parliez du prochain défi
26:25que vous allez essayer de relever.
26:27À quoi va ressembler la vie de Romain Guérinot
26:30dans les deux ans qui arrivent ou jusqu'à Paris 2024 ?
26:33C'est une bonne question.
26:35Dans les deux ans qui arrivent, je n'en ai aucune idée
26:38parce que très clairement, je n'ai pas de projet à long terme.
26:41Il y a un projet de deuxième livre.
26:43Il y a encore des petites aventures pour YouTube
26:46puisque ça fait une bonne année que je développe bien ma chaîne
26:49parce que c'est pareil, c'est des formats plus longs.
26:52Ça me permet vraiment de faire des vidéos plus construites
26:55et d'avoir ce genre de défi.
26:57Il devrait y en avoir un dans pas longtemps.
27:00Et puis, Paris 2024, j'espère une belle fête.
27:04Merci Romain Guérinot d'avoir été mon invité dans Avomark aujourd'hui.
27:08Avec plaisir.
27:09Nos téléspectateurs peuvent vous suivre sur votre chaîne YouTube
27:12et autres réseaux sociaux avec votre pseudo Roro Le Costaud.
27:17Merci à vous de nous avoir suivis.
27:19Merci aux équipes en régie de m'avoir aidé à préparer cette émission.
27:23On se retrouve la semaine prochaine
27:25pour un nouveau numéro d'Avomark avec un nouvel invité,
27:28une nouvelle thématique.
27:29Salut à tous.
27:34Sous-titrage ST' 501
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